Numéro de requête 2005/AR/1187

Date
Instance
REC BE
Marque
MY SPOON
Numéro de dépôt
Déposant
SECOM KABUSHIKI KAISHA (SECOM Co., Ltd.)
Texte

La COUR D'APPEL DE BRUXELLES, CHAMBRE 18,

après délibéré, prononce l’arrêt suivant:

R.G. N°. 2005/AR/1187

EN CAUSE DE:

SECOM KABUSHIKI KAISHA (SECOM Co., Ltd.), société de droit japonais, dont le siège social est sis à 5-1, Jingumae 1-chome, Shibuya-ku, Tokyo 150-0001 (Japon), faisant élection de domicile au cabinet de ses conseils sis à 1000 BRUXELLES, avenue du Port 86C, B414,

partie appelante,

représentée par Maître CLAREMBEAUX Nicolas (BRUXELLES) loco MAEYAERT Paul, avocat à 1000 BRUXELLES, avenue du Port 86C, B414, et par Maître CLAREMBEAUX Nicolas en nom propre, avocat à 1000 BRUXELLES, avenue du Port 86C, B414

CONTRE:

L’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle, (marques et dessins ou modèles), Service Commun aux pays du Benelux, institué par la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (marques et dessins ou modèles), ayant la personnalité juridique de droit international en vertu de l’article 1.4 de la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (ci-après dénommé l’OBPI), représentée par le Directeur général de l’Office, dont le siège est établi aux Pays-Bas à 2591 XR La Haye, Bordewijklaan 15,

partie intimée,

représentée par Maître EYERS Céline (BRUXELLES) loco DE GRYSE Ludovic, avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25,

La procédure devant la cour.

01. Par requête déposée le 02 mai 2005 la cour est saisie d’un recours contre une décision du Bureau Benelux des marques en date du 02 mars 2005 sur la base de l’article 6 ter de la Loi Uniforme Benelux sur les Marques (LBM), actuellement abrogée.

La décision attaquée porte sur un refus d’enregistrement d’une marque verbale.

02. La compétence pour connaître du litige est actuellement attribuée à la cour par l’article 2.12 de la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (CBPI) du 25 février 2005, entrée en vigueur le 01 septembre 2006.

L’Organisation de la Propriété Intellectuelle est l’ayant cause de Bureau Benelux des Marques (BBM) et a succédé à toutes les obligations de celui-ci. Elle est représentée par le directeur de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI).

Le recours a été introduit dans le délai de deux mois prescrit par l’article 6 ter 1. de la LBM et est dès lors recevable.

03. Les avocats des parties ont été entendus en leurs moyens à l’audience publique du 08 février 2008.

II. L’origine du litige et la demande.

04. La requérante a déposé le 27 février 2004 auprès du Bureau Benelux des Marques une marque verbale ‘MY SPOON’ pour les produits de la classe administrative 10.

Le dépôt porte le numéro 1050731.

Les produits concernés par le dépôt sont les suivants: appareils médicaux permettant d’aider à nourrir les personnes ayant un dysfonctionnement aux bras; appareils et instruments médicaux pour soins médicaux.

05. Par lettre du 05 mai 2004 le BBM a notifié au Bureau Gevers, mandataire de la requérante, une décision provisoire de refus d’enregistrement au motif suivant:

Le signe MY SPOON se compose uniquement de l’adjectif possessif my (anglais pour mon) et la dénomination générique spoon (anglais pour cuillère) et est dépourvu du tout caractère distinctif pour les produits mentionnés en classe 10 (article 6 bis, par. 1er, sous b. et c. de la Loi Uniforme Benelux sur les marques, en annexe)’.

Les dispositions de l’article 6 bis, premier alinéa sous b. et c. auxquelles renvoie le Bureau correspondent aux dispositions de l’article 2.11.1.b. et c. de la CBPI.

Il s’agit des cas où la marque est dépourvue de caractère distinctif (article 2.11.1. b.) et où elle est composée exclusivement de signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autre caractéristiques de ceux-ci (article 2.11.1. c.).

06. En réponse à cette communication, le Bureau Gevers, a dans une lettre circonstanciée du 04 novembre 2004 contesté le bien fondé de ce refus et formulé les observations critiques suivantes.

Relativement aux appareils médicaux permettant d’assister les personnes ayant un dysfonctionnement aux bras lorsqu’ils se nourrissent, il y est exposé que le signe MY SPOON est un signe évocateur, qui ‘per se possède le caractère distinctif minimal pour être accepté à l’enregistrement’. En ce qui concerne les appareils médicaux il observe l’absence de tout caractère évocateur.

Ensuite il y est indiqué que le signe ‘MY SPOON’, qui signifie en langue française ‘MA CUILLERE’, est une expression tout à fait inhabituelle dans le langage courant au Benelux pour désigner des appareils d’assistance aux personnes handicapées pour la prise des repas.

En évoquant les arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes, il soutient que le caractère distinctif du signe doit être déterminé sur la base de l’ensemble du syntagme formé, et ajoute que si la combinaison MY SPOON n’est pas une expression d’une très grande originalité, le défaut de pouvoir distinctif ne saurait résulter de la seule constatation d’une absence d’imagination.

En outre il fait observer que le robot complexe comprend plus qu’un ustensile final permettant de mettre la nourriture à la bouche de la personne handicapée. Ceci rendrait le rapport entre le mot SPOON et le robot suffisamment lointain.

Enfin il attire l’attention sur le fait que nombre de marques verbales évocatrices similaires ont été acceptées à l’enregistrement pas le BBM, tels que Bluespoon (C 9 et 10), Spoon (C 42), Spicy Spoon (C 21, 30 et 42), Silver spoon (C 29, 30 et 32), My Video Mail (C 9 et 38), My Web phone (C 9 et 38), My Rouge (C 3), My Talk (C 9 et 38), My Handyman (C 7 et 37), Mon Bouillon (C 29), My Garden (C 29 et 31), My Secretary (C 9, 35 et 42), My Weigh (C 9), My Nature (C 31), My Travel (C 39) et My Payway (C 36).

07. Dans une lettre du 21 décembre 2004 le BBM a répondu en substance que le signe peut servir à désigner dans le commerce l’espèce ou la qualité des produits, étant donné qu’une personne ayant un dysfonctionnement aux bras peut utiliser l’appareil spécialisé comme sa propre cuillère.

Répondant à la critique que le robot ne remplit pas dans tous les cas la fonction de cuillère, il souligne qu’il importe et qu’il suffit que le produit peut avoir la fonction d’une cuillère.

Enfin il explique qu’il n’est pas souhaitable que des désignations courantes dans le langage usuel fassent l’objet de monopoles par le biais du droit des marques et renvoie quant à ce la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE).

Estimant que ses objections contre l’enregistrement n’avaient pas été levées, le BBM a annoncé qu’il les maintenait.

08. La décision de refus formel d’enregistrement a été notifiée le 02 mars 2005.
Dans cette lettre le Bureau déclare se référer à sa lettre du 04 mai 2004 et au courrier subséquent et constate que objections n’ont pas été levées dans le délai imparti.

La requête introductive devant la cour fait référence à ‘la décision de refus définitif (…) confirmée le 2 mars 2005’, mais il se comprend qu’en indiquant cette décision, la requérante vise aussi le contenu des courriers du 04 mai 2004 et du 21 décembre 2004, qui forment un tout avec la lettre du 02 mars 2005.

09. La requérante demande d’ordonner à l’OBPI de « procéder à l’enregistrement du dépôt n° 01050731 tant pour les appareils médicaux permettant d’aider à nourrir les personnes ayant un dysfonctionnement aux bras que pour des appareils et instruments médicaux pour soins médicaux ».

III. La position des parties.

10. La requérante fait grief à la décision attaquée d’avoir omis d’apprécier le signe dans son ensemble et d’avoir fait abstraction de la perception de celui-ci par le public pertinent en rapport avec les appareils visés.
Elle prétend que le signe ‘My Spoon’ forme une expression inhabituelle qui n’est pas employée dans le langage courant et qui est pourvue du pouvoir distinctif requis.

Ensuite elle fait valoir que la marque ne présente pas avec les produits un rapport suffisamment direct et concret pour que le public y perçoive immédiatement et sans autre réflexion une description spécifique, non vague et objective de ces produits ou une de leurs caractéristiques essentielles. Ceci justifierait la conclusion que le signe, qui suggérerait tout au plus l’image d’une cuillère personnelle, n’est pas descriptif dans le sens de l’article 2.11.1.c. de la CBPI.

Par ailleurs elle fait état de l’incohérence dans la pratique décisionnelle de l’Office, qui a enregistré différentes marques présentant de grandes similitudes avec MY SPOON, au regard des classes administratives de produits pour lesquels ces marques furent déposées.

11. L’Office défend l’ensemble des motifs qu’il a exposés dans la décision attaquée.

Il soutient que chacun des deux termes qui composent le signe litigieux manque de pouvoir distinctif, vu leur incapacité de remplir la fonction d’identification d’une entreprise, et que leur juxtaposition n’ajoute rien qui puisse leur conférer de pouvoir.

En ce qui concerne le motif tiré de l’absence de pouvoir distinctif, l’Office observe que les critères qui sont à la base du pouvoir distinctif d’un côté et du caractère descriptif de l’autre, se chevauchent. La présence d’un caractère descriptif entraîne selon lui l’absence de pouvoir distinctif.

Il rejette notamment aussi comme dépourvu de pertinence l’argument tiré de l’absence de caractère descriptif du signe, en ce que un lien ‘direct, immédiat, objectif avec les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé ou avec une quelconque qualité de ces produits’’ fait défaut, et souligne qu’il suffit que le signe puisse être utilisé à des fins descriptives.
Le public concerné, formé par les personnes présentant un dysfonctionnement aux bras et le public médical, comprendra le signe uniquement comme visant une cuillère permettant de les aider à se nourrir.

IV. Discussion.

12. En application de la jurisprudence de Cour de Justice CE (CJCE arrêt Koninklijke KPN Nederland (Postkantoor) du 12 février 2004, C-363/99, points 31, 35, 36 en 73, et arrêt MT & C (The Kitchen Company) du 15 février 2007, C-239/05, points 31 à 36) l’autorité des marques doit observer les principes suivants lorsqu’elle effectue son examen en vue de l’enregistrement d’une marque.

L’examen du pouvoir distinctif ne peut se faire in abstracto, mais doit prendre en considération tous les faits et circonstances concrets et pertinents de la demande d’enregistrement. L’appréciation de ces éléments doit se faire au moment de l’adoption de la décision définitive.

L’examen doit se faire pour chaque produit ou service indiqué dans la demande, indépendamment de la manière dont la demande a été formulée, et le cas échéant l’autorité peut aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services visés dans la demande d’enregistrement.
La décision doit être motivée pour chacun des produits ou services, mais une motivation globale peut suffire lorsque qu’un groupe de produits ou de services relève d’un même motif de refus.

13. La juridiction qui est saisie d’un recours contre une décision émanant d’une autorité de marques doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents, dans les limites de l’exercice de ses compétence telles que définies par sa loi nationale.
La Cour de Justice Benelux a interprété les articles 6bis et 6ter de la LBM (actuellement les articles 2.11 et 2.12 de la CBPI) en ce sens que lorsque le juge saisi d’un recours contre la décision de refus du BBM (actuellement l’OBPI) désapprouve les motifs de refus retenus par le Bureau, il est tenu d’examiner, le cas échéant d’office, si un autre motif de refus absolu ne s’oppose pas à l’enregistrement, les parties devant être entendues à ce sujet (CJB, arrêt du 29 juin 2006, affaire d’leteren).

D’autre part cette Cour a également décidé que lorsque la demande d’enregistrement porte sur plusieurs produits ou de services énumérés dans une classe administrative, les cours d’appel peuvent donner un ordre d’enregistrement qui ne porte que sur un ou plusieurs de ces produits ou services, uniquement dans la mesure où le BMB a statué également sur ces produits ou services et qu’il ne s’est pas borné à rendre une décision sur l’ensemble de cette classe (CJB, arrêt du 15 décembre 2003, BMB/Vlaamse Toeristenbond).

14. L’autorité des marques doit effectuer son examen à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend sa tâche et chacun des motifs de refus (CJCE arrêt du 18 juni 2002, affaire Philips C-299/99, point 77 ; CJCE arrêt du 06 mai 2001, affaire Libertel C- 104/01, point 51 ; CJCE arrêt du 16 septembre 2004, affaire SAT. 1, point 25 ; CJCE arrêt du 19 avril 2007, affaire Celltech, C 273/05, point 74).

L’intérêt général peut s’opposer à ce que l’usage exclusif d’une signe soit attribué à un opérateur économique lorsque cette attribution risquerait de créer un avantage concurrentiel illégitime en faveur d’un seul opérateur économique, et au détriment des autres opérateurs économiques, notamment lorsqu’il s’agit de signes ou indications descriptives de produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé qui doivent pouvoir être librement utilisés par tous.
Dans cette mesure les impératifs d’une concurrence libre et correcte prévalent sur l’attribution à un titulaire de droits exclusifs sur une marque qui sont renouvelables sans limite dans le temps.

15. Le motif de refus absolu défini à l’article 2.11.1 b. de la CBPI, qui concerne l’absence de pouvoir distinctif, correspond à celui visé par l’article 3, 1.sous b) de la directive du Conseil CE du 21 décembre 1988 (89/104/CEE) relative à l’harmonisation du droit des marques des Etats-Membres.
Le motif absolu de refus mentionné à l’article 2.11.1 c. de la CBPI concernant les signes ou indications descriptifs correspond à celui énoncé à l’article 3, 1. sous c) de la même directive.

Ils doivent dès lors être interprétés conformément à la portée que leur a donnée la Cour de Justice européenne.

16. Afin d’apprécier le pouvoir distinctif d’une marque, le signe doit être examiné tel qu’il est déposé et en rapport avec les produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Ceci implique que l’impression d’ensemble que produit la marque doit être prise en considération, mais n’exclut pas que dans un premier temps les éléments composants la marque soient successivement examinés (CJCE arrêt du 30 juin 2005, affaire Eurocermex, C-286/04, points 22 et 23 ; CJCE arrêt du 25 octobre 2007, affaire Develey, point 82).

Dans le cas d’un signe descriptif dans le sens de l’article 3, 1. c) de la directive 89/104/CEE, le signe doit être examiné à la lumière de sa signification dans le langage habituel pour la désignation de produits ou services ou d’une de leurs caractéristiques.

17. La notion de ‘pouvoir distinctif’ doit être comprise en ce sens qu’une marque doit pouvoir identifier un produit ou un service comme provenant d’une entreprise déterminée et donc les distinguer de ceux d’une autre entreprise (CJCE arrêt du 04 mai 1999, affaires Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49 ; CJCE arrêt du 20 juin 1999, affaire Lloyd Shuhfabrik Meyer, C-342/97, point 22 ; CJCE arrêt du 18 juin 2002, affaire Philips, C-299/99, point 35 ; CJCE, arrêt du 08 avril 2003, affaire Linde & Winward, C-53/01 & C-55/01, point 40 ; CJCE arrêt du 25 octobre 2007, affaire Develey, C-238/06, point 79).

La perception par le public pertinent constitue l’élément décisif lorsqu’il s’agit d’apprécier si une marque est pourvue de pouvoir distinctif.
18. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous c) de la directive 89/104/CEE, des signes ou des indications qui peuvent habituellement servir dans le commerce pour désigner une caractéristique des produits ou services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandée, ne peuvent être enregistrés dès lors que l’intérêt dès lors que l’intérêt général que poursuit cette disposition exige que de tels signes ou indications puissent être utilisés librement par tous (CJCE arrêt du 23 octobre 2003, affaire Wrigley (Doublemint) C-191/01, points 31 et 32 ; CJCE arrêt du 12 février 2004, affaire Koninklijke KPN (Postkantoor) C-363/99, point 57 ; CJCE arrêt du 12 janvier 2006, affaire Deutsche SiSi-Werke, C-173/04, point 62 ; CJCE arrêt du 19 avril 2007, affaire Celltech, C-276/05, point 75).

A cet égard il suffit que le signe ou l’indication puisse désigner une caractéristique dans une de ses significations potentielles. Par ailleurs, si le signe n’est pas effectivement utilisé au moment de la demande d’enregistrement à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services, encore faut-il vérifier si le signe est susceptible d’être utilisé à de telles fins (CJCE arrêt du 4 mai 1999, affaire Windsurfsing Chiemsee, C-109/97, points 31 et 37 ; CJCE arrêt du 12 février 2004, affaire Campina Melkunie, (Biomild) point 38).

19. En règle générale, la simple combinaison d’éléments dont chacun est descriptif de caractèristiques des produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé reste elle-même descriptive des dites caractéristiques au sens de l’article 3, paragraphe 1 sous c) de la directive, quand bien même cette combinaison formerait un néologisme. Le simple fait d’accoler de tels éléments, sans y apporter de modification inhabituelle, notamment d’ordre syntaxique ou sémantique ne peut produire qu’une marque de nature descriptive.

Toutefois, une telle combinaison peut ne pas être descriptive si elle crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui composent le néologisme, en sorte qu’elle prime la somme desdits éléments.

S’agissant d’une marque composée de mots ou d’un mot recomposé, l’examen du caractère distinctif ou descriptif ne peut s’arrêter à celui des composantes, mais doit porter sur l’ensemble (CJCE, arrêt du 19 avril 2007, affaire Celltech, C-273/05, points 77, 78 et 79.

20. Si la décision de refus provisoire du 05 mai 2004 fait mention de deux motifs de refus absolus, en renvoyant à l’article 6 bis, 1, sous b. et c., elle reste néanmoins particulièrement sommaire dans sa motivation.

Aux termes de cette lettre le BBM a refusé d’enregistrer le vocable « MY SPOON » au motif que ce signe, pris dans son ensemble, était dépourvu de pouvoir distinctif.
Cette thèse repose sur la constatation que le signe est composé uniquement d’un adjectif possessif (my) et un terme générique (spoons), sans modification inhabituelle.

La motivation, exposée dans la lettre du 21 décembre 2004 en réponse aux objections de la requérante et annonçant le refus définitf, est essentiellement basée sur le constant que ‘MY SPOON’ est composé exclusivement de mots qui, dans le commerce peuvent servir à désigner l’espèce ou la provenance des produits.
Elle précise que le signe est utilisé à des fins descriptives étant donné que My Spoon désigne l’espèce ou une qualité du robot qui peut servir de cuillère pour une personne avec un dysfonctionnement aux bras.

Le refus est ainsi basé sur les motifs indiqués à l’article 6 bis, 1, sous b. et c. de la LBM actuellement à l’article 2.11.1 b. et c. de la CBPI.

21. La requérante a déposé la marque ‘MY SPOON’ pour les produits repris sous la classe administrative 10 et notamment pour des appareils médicaux permettant d’aider à nourrir des personnes qui ont un dysfonctionnement aux bras et des appareils et des instruments pour soins médicaux.

Le signe comporte deux mots, sans aucun graphisme, ni couleur ou élément figuratif.

22. Le pouvoir distinctif de ce signe, c’est-à-dire son aptitude à distinguer les produits concernés dans leur provenance de l’entreprise de la requérante par rapport à des produits concurrents, doit être apprécié par rapport à l’impression globale que ce signe fait sur le public pertinent pour ces produits.

En l’occurrence le public ciblé est celui des personnes présentant un dysfonctionnement aux bras et des personnes appartenant au secteur médical.
S’agissant d’un public très spécifique, il faut considér qu’il est très informé, attentif et avisé.

23. Il échet tout d’abord d’observer que le signe litigieux n’est pas un signe qui s’impose pour définer les produits concernés ou leur caractéristique, dans les langues du Benelux.
En effet, il est composé de deux mots qui sont issus de la langue anglaise, ce qui en soi peut susciter auprès du public concerné la perception d’un signe utilisé comme signe distinctif.

Le fait que ces deux mots, dans leur signification usuelle, présentent un caractère banal par rapport aux produits en cause et qu’ils ne sont dès lors pas le résultat d’une recherche de fantaisie, ne prive pas en soi le signe de toute aptitude à distinguer les produits comme provenant d’une entreprise.

Hormis le cas où ce signe revêt un caractère, dit ‘descriptif’ de l’espèce, la qualité, la quantité ou toute autre caractéristique d’un objet, il pourrait remplir la fonction d’une marque.

24. Il y a donc lieu de rechercher si le signe litigieux est composé exclusivement d’éléments descriptifs, ce qui fonderait le refus de l’enregistrer.

25. Sur le territoire du Benelux, le signe sera compris principalement suivant sa signification dans la langue française ou néerlandaise.

La connaissance de la langue anglaise est en effet suffisamment répandue dans le public pertinent sur ce territoire pour conclure qu’il est raisonnable d’attendre qu’il reconnaisse l’origine anglaise de ces mots et en comprenne la signification exacte.
Ceci est d’autant plus plausible que les utilisateurs des instruments et appareils, et notamment les utilisateurs du robot, sont à la recherche d’un appareil qui puisse remplir la fonction de les aider à se nourrir.

26. Un vocable dépourvu d’élément de fantaisie en appelle à un acte cognitif dans le chef du public.

Le mot ‘spoon’ ne peut être compris autrement que dans son sens habituel de cuillère, ce qui est nettement descriptif d’une des caractéristiques d’un produit visé dans la demande d’enregistrement, notamment le robot.
En effet, même si le robot peut être équipé d’un autre ustensile qu’une cuillère proprement dite, toujours est-il que cet ustensile remplira la même fonction qu’une cuillère, qui est d’aider la personne à se nourrir.

Le mot ‘my’ renforce cet aspect descriptif en ce qu’il accentue que spécifiquement pour le public ciblé l’appareil remplira cette fonction.

Ainsi le public pertinent établira immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre les produits concernés et le sens du signe verbal. Celui-ci fournit à ce public une information directe au sujet de l’espèce ou une de ces caractéristiques.

27. La présentation de la combinaison de ces deux signes descriptifs n’est guère de nature à générer une impression qui pour cet ensemble est différente de celle que laisse cette seule combinaison.

En effet, la présentation repose sur la simple juxtaposition des deux termes, sans ajout du moindre élément de modification inhabituelle.
Ce n’est que lorsque la présentation d’un signe composé diffère de la présentation habituelle des composantes pour désigner des produits ou services ou une de leurs caractéristiques, et que la différence concerne un aspect significatif de la marque déposée, que cet élément additionnnel peut conférer à l’ensemble un caractère distinctif (CJCE arrêt du 19 septembre 2002, affaire Deutsche krankenversicherung (Companyline), C-104/00 P, points 21 et 23 ; CJCE arrêt du 12 février 2004, affaire Campina Melkunie (Biomild), C-265/00, points 39 à 41).

Dès lors, la combinaison n’a pas pour effet de primer le caractère descriptif du vocable et de créer un signe autonome.

28. Par conséquent la marque litigieuse est exclusivement composée de signes descriptifs dans le sens de l’article 2.11. 1 c. de la CBPI pour ce qui concerne l’appareil, qualifié de ‘robot’, qui remplit la fonction d’aider à se nourrir.

Ce caractère descriptif fait défaut pour les autres produits mentionnés dans le dépôt, mais comme la requérante n’a pas offert à l’Office de limiter l’étendue de la marque aux autres produits que le robot, celui-ci n’a pu se prononcer que sur l’ensemble des produits visés par le dépôt.

Etant donné que la cour doit examiner le dépôt tel que l’Office l’a dû examiner elle ne pourrait en l’occurrence ordonner une inscription pour une partie des produits mentionnés dans le dépôt.

29. Par ailleurs, cette conclusion n’est pas en contradiction avec la pratique décisionnelle de l’Office dans les cas où une marque comprenant le mot ‘spoon’ a été déposée.

D’un côté la pratique décisionnelle des autorités des marques en matière de signes descriptifs a sans doute évolué en fonction de l’interprétation du droit des marques au niveau communautaire à cet égard.
D’autre part la requérante n’établit pas que dans les cas cités par elle, dans lesquels une marque comprenant le vocable ‘spoon’ a été enregistré, celle-là était composé uniquement de signes qui revêtent un caractère descriptif eu égard aux produits ou services mentionnés dans le dépôt.

Le grief de la requérante tiré du caractère arbitraire de la pratique de l’Office n’est pas fondé.

30. La demande doit dès lors être rejetée.

31. En ce qui concerne la taxation de l’indemnité de procédure, les parties ont déclaré à l’audience publique qu’il n’y a pas lieu d’augmenter ni de réduire le montant de base fixé par l’arrêté royal du 26 octobre 2007.

S’agissant d’un litige dont le montant n’et pas évaluable en argent, Il y a dès lors lieu de taxer les indemnités de procédure à 1.200 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Eu égard à l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,

Dit le recours recevable mais non fondé.

Déboute la requérante.

Condamne la requérante aux dépens, taxés à 1.386 (186 + 1.200) euros pour elle-même et à 1.200 euros pour l’OBPI.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique civile de la chambre 18 de la Cour d’appel de Bruxelles le 11 AVRIL 2008.

Où étaient présents ;

Paul BLONDEEL, président de chambre
Koenraad MOENS, conseiller
Philippe De Clippel, conseiller suppléant
Jan VAN DEN BOSSCHE, greffier-adjoint.







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