Numéro de requête 2006/4263

Date
Instance
REC BE
Marque
GLOBAL FINANCIAL INTELLICENCE
Numéro de dépôt
Déposant
ZÜIRCH VERSICHERUNGS-GESELLSCHAFT
Texte

après en avoir délibéré, prononce l’arrêt suivant:

EN CAUSE DE:

ZURICH VERSICHERUNGS-GESELLSCHAFT, société dont le siège social est établi à 8002 Zürich (Suisse), Mythenquai, 2,

Requérante,

représentée par Maître Jean-Christophe Troussel, avocat à 1000 Bruxelles, rue Brederode, 13,

plaideurs : Maîtres J.-Ch. Troussel et Fl. Danis,

CONTRE :

LE BUREAU BENELUX DES MARQUES (en abrégé BBM), service commun aux pays du Benelux dont le siège est établi à 2591 XR La Haye (Pays-Bas), Bordewijklaan, 15,

Partie adverse,

représentée par Maître Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation et Maître Brigitte Dauwe, avocat, dont le cabinet est établi à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts, 47-51.

                                                                                                ****

I.-DECISION ATTAQUEE

Le recours est dirigé contre la décision du Bureau Benelux des marques (en abrégé BBM) du 3 février 2003 refusant l’enregistrement de la marque verbale GLOBAL FINANCIAL INTELLIGENCE.

II.-PROCEDURE DEVANT LA COUR

Le recours est formé par requête, déposée par Zürich au greffe de la cour, le 2 avril 2003.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire.

III.-FAITS ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE

1. Le 24 juillet 2001, Zürich dépose à l’enregistrement international la marque verbale GLOBAL FINANCIAL INTELLIGENCE pour désigner des produits et des services des classes suivantes (dépôt n° 764260) :

- classe 16 : papier, carton et produits en ces matières compris dans cette classe, produits de l’imprimerie, articles pour reliures,     papeterie ;
- classe 35 : gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau ;
- classe 36 : assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières ;
- classe 38 : télécommunications ;
- classe 42 : restauration (alimentation), hébergement temporaire, services juridiques, recherche scientifique et industrielle, programmation pour ordinateurs.


Le 1er mars 2002, le BBM notifie à Zürich un avis de refus provisoire motivé comme suit :

Le signe Global Financial Intelligence (anglais pour renseignements financiers mondiaux) est composé exclusivement des indications génériques et est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits et services mentionnés en classes 16, 35, 36, 38 et 42 pour autant qu’ils aient trait à des renseignements financiers mondiaux (voir article 6 bis, par, 1er, sous a, de la LUBM sur les marques).

Le 30 août 2002, le bureau d’avocats Linklaters Oppenhoff & Rädler de Cologne écrit au BBM, en sa qualité de conseil de Zürich (pièce 1.2 du dossier du BBM), pour signaler que sa cliente entend faire élection de domicile au bureau Linklaters De Bandt, rue Brederode 13 à 1000 Bruxelles et conteste l’analyse du BBM. Il soutient que pris dans son ensemble, le signe a un caractère distinctif. Il ajoute :

Même dans le cas où il serait établi que la marque résulte dans une association directe avec certains des services ou produits pour lesquels elle a été déposée – ce que nous contestons – cela n’amènerait pas à la conclusion que l’enregistrement doit être refusé pour tous les services ou produits pour lesquels la marque a été enregistrée.
Dans cette hypothèse, il convient d’opérer une distinction entre les services ou produits pour lesquels la marque puisse être considérée comme descriptive. Dans cette hypothèse, mon client serait disposé à limiter son application pour la classe 36 aux catégories de services suivants ; <<assurances et affaires immobilières>>, ainsi supprimant la référence générale aux <<affaires financières>> et <<affaires monétaires>>.

Le 17 septembre 2002, le BBM lui répond qu’il ne peut prendre sa réclamation en considération aux motifs que Linklaters Oppenhoff & Rädler n’a pas son siège sur le territoire du Benelux et qu’il ne produit pas ses pouvoirs en qualité de mandataire.

Le 4 octobre 2002, Linklaters Oppenhoff & Rädler adresse au BBM un document signé, le 2 octobre 2002, par les représentants de Zürich confirmant avoir constitué pour mandataire le cabinet d’avocats Linklaters dont les bureaux pour l’Allemagne (LinklatersOppenhoff & Rädler) sont établis à Cologne et les bureaux pour le Benelux (Linklaters De Bandt) à Bruxelles. Il ressort de ce document que Zürich a donné tous pouvoirs à ce cabinet afin d’effectuer, en son nom et pour son compte, toutes démarches nécessaires ou utiles en vue de, ou relatives à, l’enregistrement Benelux de la marque Global Financial Intelligence, précisant que Linklaters est autorisé à exercer les pouvoirs qu’elle énumère, sous la signature de chacun de ses associés.

Par courrier du 11 décembre 2002, le BBM confirme sa position antérieure, considérant que Zürich n’a pas valablement constitué de mandataire dans le délai prévu par l’article 13 du Règlement d’exécution de la LUBM pour répondre à l’avis de refus provisoire.

Le 3 février 2003, le BBM notifie à Zürich sa décision de refus définitif, dès lors que ses objections contre l’enregistrement n’ont pas été levées dans le délai imparti.

2. Zürich introduit un recours contre cette décision. Elle demande à la cour d’ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement de la marque Global Financial Intelligence déposée sous le n° 764.260 pour tous les produits et services des classes 16, 35, 36, 38 et 42 et subsidiairement pour les produits et/ou services pour lesquels la cour estime que les motifs absolus de refus n’existent pas.

IV.-DISCUSSION

1.- Sur le refus du BBM de prendre en considération les observations du bureau Linklaters

3. L’article 13 § 1er Règlement d’exécution de la LUBM, tel qu’il était d’application au moment des faits, dispose que le délai pour répondre à l’avis de refus provisoire est de trois mois ; ce délai peut être prolongé sur demande ou d’office, sans excéder six mois à compter de la date de l’envoi de la première communication.

Si le déposant réfute l’avis de refus provisoire, il doit, dans le délai fixé au paragraphe premier, constituer un mandataire ou indiquer une adresse postale dans le territoire du Benelux.

En l’espèce, ce délai expirait au plus tard le 1er septembre 2002.

Par ailleurs, l’article 16 de ce même règlement prévoit que celui qui agit comme mandataire doit produire un pouvoir.

4. Il se déduit de la combinaison des articles 13 et 16 du Règlement que les pouvoirs du mandataire doivent être produits au plus tard avant l’expiration du délai prévu à l’article 13.

Il convient en effet que le BBM puisse prendre sa décision définitive dès l’expiration de ce délai et donc s’assurer, dès ce moment-là, que l’obligation contenue au paragraphe 2 de l’article 13 a bien été exécutée correctement. Tant que le mandataire n’a pas produit ses pouvoirs, le BBM ne peut avoir la certitude qu’il a agi au nom et pour compte du déposant et que ses observations doivent être prises en considération. Sans pouvoir, le mandataire ne remplit pas les conditions légales pour pouvoir agir auprès du BBM.

Sous peine d’empêcher le BBM de clôturer la phase administrative qui suit le refus provisoire, il ne peut être admis que le délai prévu par l’article 13 ne vise que la constitution du mandataire dont la preuve pourrait être librement rapportée au gré du déposant après l’expiration de ce délai.

C’est en vain que Zürich invoque l’article 6 A 2 de la LUBM qui prévoit qu’à l’occasion du dépôt de la demande d’enregistrement un délai complémentaire peut être donné au déposant pour satisfaire à toutes les conditions qui lui sont imposées. Cette disposition est relative à un autre stade de la procédure et ne concerne pas l’introduction des réclamations contre un refus provisoire. A contrario, à défaut de dispositions expresses permettant au déposant de produire les pouvoirs de son mandataire ultérieurement, il y a lieu d’en déduire que ceux-ci doivent bien être déposés au plus tard dans le délai fixé par l’article 13.

Dès lors que les pouvoirs du bureau Linklaters Oppenhoff & Rädler n’ont été transmis que le 2 octobre 2002, c’est à bon droit que le BBM a considéré que ses objections contre l’enregistrement n’ont pas été régulièrement levées dans le délai imparti.

Aucun reproche ne peut être formulé à l’égard du BBM pour n’avoir pas averti à temps le déposant de l’existence d’une irrégularité administrative l’empêchant de prendre en considération ses observations. En effet, celles-ci ont été envoyées le dernier jour ouvrable avant l’expiration du délai, ce qui ne permettait plus au BBM d’encore intervenir.

En tout état de cause, cette contestation est sans utilité pour la solution du litige puisque la décision prise par la cour n’aurait pas été différente si elle avait reconnu les pouvoirs de mandataire du bureau Linklaters. En effet, en vertu de l’article 6 ter de la LUBM le déposant peut introduire un recours devant la cour d’appel de Bruxelles pour obtenir un ordre d’enregistrement de la marque et, ainsi que cela sera précisé plus loin, le débat est, en définitive, limité à des produits et services qui ne comportent pas les affaires financières et monétaires, services auxquels le conseil de Zürich avait subsidiairement renoncé dans sa lettre du 30 août 2002.

2.-Sur les motifs du refus

5. En vertu de l’article 6 bis, 1, de la LUBM, inséré par le Protocole du 2 décembre 1992 (approuvé par la loi du 11 mai 1995) :

<<le Bureau Benelux des marques refuse d’enregistrer un dépôt lorsqu’il considère que a) le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris ; (…)>> ;

Cette disposition doit être interprétée à la lumière des dispositions de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres de l’Union européenne sur les marques.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive :

<<sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés :
a) les signes qui ne peuvent constituer une marque ;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce.>>

Il suffit que l’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque.

En stipulant que le signe Global Financial Intelligence est composé exclusivement d’indications génériques et est dépourvu de tout caractère distinctif, le BBM fait appel aux notions reprises à la fois à l’article 3, par. 1, sous c) et à l’article 3. par. 1 sous b) de la directive.

Il convient donc de vérifier, d’une part, si le signe peut être considéré comme une marque au sens de l’article 1er de la loi uniforme Benelux sur les marques, c’est-à-dire s’il possède ou a acquis une individualité telle qu’il est propre à distinguer les produits et services de produits et services similaires et à les identifier à suffisance comme provenant d’une entreprise déterminée (C.J. Benelux, 16 décembre 1991, Burberrys II, n° 17, Jur. 1991, p. 22), et, d’autre part, s’il peut servir pour désigner l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production de ces produits et services ou d’autres caractéristiques de ceux-ci, c’est-à-dire s’il n’est pas descriptif.

a.-Sur le caractère distinctif

6. Lors de l’examen d’une demande d’enregistrement il appartient à l’autorité compétente de prendre en considération les caractéristiques propres de la marque et, s’il s’agit d’une marque verbale, sa signification. Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 3, par. 1, sous b) de la directive doit être apprécié, d’une part, par rapport aux dits produits ou services et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE, 12 février 2004, C-363/99, Postkantoor, points 32 et 34).

Les marques dépourvues de caractère distinctif sont, notamment, celles qui, du point de vue du public pertinent, sont communément utilisées, dans le commerce, pour la présentation des produits ou des services concernés ou à l’égard desquelles il existe, à tout le moins, des indices concrets permettant de conclure qu’elles sont susceptibles d’être utilisées de cette manière. Par ailleurs, de telles marques ne permettent pas au public pertinent de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors d’une acquisition ultérieure (TPI, 20 novembre 2002, T-79/01 et T-86/01, Kit Pro et Kit Super Pro, point 19).

7. En l’espèce, la marque Global Financial Intelligence est composée des termes génériques :

- Global qui se traduit par <<relatif au monde entier>> ;
- Financial qui signifie <<se rapportant à la finance>> ;
- Intelligence qui veut dire <<capacité intellectuelle>> ou <<informations>> (cf. pièces III, 1, 2 et 3 du dossier du BBM).

Elle peut donc être traduite par l’expression <<Renseignements financiers mondiaux>>.

Il s’agit donc de trois mots du langage courant qui, bien que tirés de la langue anglaise qui ne constitue pas une langue officielle d’un des pays du Benelux, sont directement compréhensibles par les entreprises désireuses d’obtenir des services dans le domaine des affaires commerciales, financières, immobilières et des assurances.

Ces entreprises doivent être considérées comme le public pertinent, consommateur desdits services. Il s’agit donc d’un public spécialisé, bien informé, attentif et avisé.

Contrairement à ce que soutient Zürich, les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé n’ont pas trait à du <<Risk Management>>. Ce dernier n’est pas mentionné dans la demande d’enregistrement qui concerne uniquement les produits et services inclus dans les classes 16, 35, 36, 38 et 42. C’est par rapport à ces produits et services qu’il y a lieu d’apprécier le caractère distinctif.

8. Il résulte des pièces déposées par le BBM que des renseignements financiers mondiaux ou, en anglais, global financial intelligence, sont proposés par de nombreuses entreprises et notamment par :

- la revue The Banker, publiée par le Financial Times, qui propose du global financial intelligence à la communauté bancaire et financière internationale (pièce III, 7) ;
- M. Mark Nestman qui a écrit un ouvrage dans lequel il rend publiques des groupes de global financial intelligence (pièce III, 8) ;
- la société Disclosure Inc. qui se présente comme fournissant une source on-line de global financial intelligence pour les investisseurs institutionnels (pièce III, 9) ;
- la société FRS qui offre des solutions permettant de rencontrer entre autres les besoins d’institutions financières en global financial intelligence (pièce III, 10) ;
- la société Hottrend qui se présente comme une société de global financial intelligence fournissant des données sur des actions en capital (pièce III, 13) ;
- la société belge Coda qui fournit une assistance en global financial intelligence (pièce III, 4) ;

sans oublier Zürich elle-même, qui a lancé en 2001 un programme sur Internet, dénommé Global Financial Intelligence, destiné à un public spécialisé, composé d’entreprises qui souhaitent avoir accès à une base de données, leur permettant de gérer les risques et les sinistres auxquels elles s’exposent (cf. pièce III, 4 du BBM et les conclusions de Zürich, page 16, 1er alinéa et page 17, 2e alinéa).

Il est ainsi établi que le signe Global Financial Intelligence est communément utilisé dans le commerce, et notamment au Benelux par la société Coda, pour désigner des services de renseignements financiers mondiaux au sens large.

9. Il convient cependant d’observer que l’enregistrement n’a pas été demandé pour des services de renseignements financiers mondiaux mais pour les produits et services des classes 16, 35, 36, 38 et 42.

Certes dans sa décision de refus, le BBM a précisé que le signe Global Financial Intelligence était dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits et services revendiqués pour autant qu’ils aient trait à des renseignements financiers mondiaux,

Il faut rappeler que <<lorsque l’enregistrement est demandé pour des produits donnés, le BBM ne peut enregistrer la marque que pour autant que lesdits produits ou services ne présentent pas une caractéristique déterminée>> (arrêt Postkantoor, point 114). Pour la même raison, il ne peut être admis que le BBM puisse procéder à un enregistrement partiel d’une marque en formulant, par rapport aux produits et services visés dans l’acte de dépôt, des réserves par simple référence aux motifs de refus pris en compte pour justifier un enregistrement partiel, c’est-à-dire sans indiquer, de manière directe, les produits pour lesquels la marque est enregistrée (Bruxelles, 25 février 2005, R.G. 2002/AR/168, en cause de Construction Diffusion Vente Internationale/Bureau Benelux des Marques). Dans sa communication de septembre 2004 <<Directives refus>> (page 25, point 13), le BBM rappelle, à juste titre, que l’ajout d’une restriction du type <<dans la mesure où ils ne concernent pas tels ou tels produits>> ne peut jamais conduire le BBM à lever ses objections.

Il s’en déduit que la précision apportée par le BBM est sans conséquence juridique et n’implique pas que sa décision était limitée à des renseignements financiers mondiaux. Comme le refus est total, il vise tous les produits et services indiqués dans la demande.

Or le BBM ne démontre pas que le signe Global Financial Intelligence est communément utilisé dans le commerce pour désigner du papier, du carton et des produits en ces matières, des produits de l’imprimerie, des articles pour reliures, de la papeterie, de la gestion des affaires commerciales, de l’administration commerciale, des travaux de bureau, des assurances, des affaires financières, des affaires monétaires, des affaires immobilières, des services de télécommunication, de la restauration (alimentation), de l’hébergement temporaire, des services juridiques, de la recherche scientifique et industrielle ou de la programmation pour ordinateurs, c’est-à-dire les produits et services pour lesquels l’enregistrement était demandé.

Tout au plus, le signe pourrait-il être susceptible de faire référence à certaines caractéristiques de ces produits et services. Ce fait ne suffit cependant pas à justifier l’application du motif absolu de refus pour défaut de caractère distinctif (TPI 27 février 2002, T-34/00 Eurocool, point 43).

10. Zürich ne prétend pas que le signe qu’elle a déposé aurait acquis un caractère distinctif suite à l’usage qui en aurait été fait.

Il y a donc lieu de conclure que la décision du BBM, en ce qu’elle se fonde sur l’absence de caractère distinctif de la marque, tel que visé à l’article 3. par. 1 sous b) de la directive, n’est pas fondée.

b.-Sur le caractère descriptif.

11. L’article 3, par. 1 sous c) de la directive poursuit un but d’intérêt général qui exige que les marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir dans le commerce pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utlisées par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que lesdits signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (arrêt Postkantoor, point 54).

12. Les motifs absolus de refus à l’enregistrement d’une marque doivent être appréciés par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.

Zürich a sollicité l’enregistrement de la marque pour :

- certains produits de la classe 16 ;
- tous les services de la classe 35 ;
- tous les services de la classe 36 ;
- tous les services de la classe 38 ;
- certains services de la classe 42 ;
- la restauration (alimentation) et l’hébergement temporaire qui constituent des services de la classe 43 mais que Zürich a inclus dans la classe 42.

Dans sa requête introductive, Zürich expose que les services offerts sous le signe Global Financial Intelligence ont trait à une base de données qui permet aux clients-entreprises d’accéder et d’organiser via l’extranet les données relatives à la gestion des risques et des sinistres auxquels ils s’exposent.

13. Le terme Global est banal et définit la qualité mondiale des services offerts. Le terme Financial est tout aussi usuel pour désigner la nature financière de ceux-ci. Enfin, le terme Intelligence définit la nature du service offert, à savoir des renseignements.

Ces termes sont descriptifs puisqu’ils sont de nature à désigner une ou plusieurs caractéristiques des services de publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau, assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, services juridiques, programmation pour ordinateurs. En effet, le public pertinent sera amené à considérer le renseignement financier mondial comme une partie ou un auxiliaire de chacun de ces services, avec la conséquence que le signe ne lui permettra pas de distinguer ceux-ci comme provenant de Zürich, lorsqu’il sera appelé à arrêter son choix.

En tout état de cause, il importe peu que le signe ait, le cas échéant, plusieurs significations possibles. Un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si en au moins une de ses significations potentielles il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (CJCE 23 octobre 2003, C-191-01 P, Doublemint), ce qui est le cas en l’espèce.

La combinaison des termes Global, Financial et Intelligence ne crée pas d’écart perceptible entre les mots employés et la somme de ceux-ci. Bien au contraire, elle renforce leur caractère descriptif. Il ne peut donc être soutenu que le signe Global Financial Intelligence créerait une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent.

L’utilisation de ces vocables et du signe pris dans son ensemble permet donc au public concercné d’établir directement et immédiatement un lien avec les caractéristiques des services.

Il est indifférent que les caractéristiques des produits ou services qui sont susceptibles d’être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires. En effet, le libellé de l’article 3, par. 1, sous c) de la directive ne distingue pas selon les caractéristiques que les signes ou indications composant la marque peuvent désigner. De fait, à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend ladite disposition, toute entreprise doit pouvoir utiliser librement de tels signes ou indications pour décrire n’importe quelle caractéristique de ses propres produits, quelle que soit son importance sur le plan commercial (arrêt Postkantoor, point 102). Qui plus est, il a été établi (cf. point 9) que plusieurs entreprises utlisaient déjà l’expression Global Financial Intelligence pour désigner un service qu’elles offraient à leur clientèle.

14. En revanche, le caractère descriptif du signe Global Financial Intelligence n’est pas établi pour tous les produits de la classe 16 désignés par Zürich, à savoir les papier, carton et produits en ces matières compris dans cette classe, produits de l’imprimerie, articles pour reliures, papeterie, ceux de la classe 38, c’est-à-dire les télécommunications, ainsi que pour certains services que Zürich a inclus dans la classe 42, soit la restauration (alimentation), l’hébergement temporaire et la recherche scientifique et industrielle.

Il suffit en effet de constater que tant le terme Financial que le signe Global Financial Intelligence pris dans son ensemble ne sont pas de nature à décrire une caractéristique de ces produits et services, avec lesquels ils n’ont aucun rapport.

Mais, en raison du fait que Zürich n’a pas valablement constitué de mandataire pour faire valoir ses objections face au refus provisoire opposé par le BBM (cf. point 4), aucun débat ne s’est noué sur le caractère descriptif du signe par rapport à ces produits et services.

Il convient dès lors de vérifier si, dans ces conditions, la cour peut, comme Zürich le lui demande à titre subsidiaire, ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement de la marque Global Financial Intelligence pour les produits et services pour lesquels elle estime que les motifs absolus de refus n’existent pas, étant précisé que les parties ont été invitées par la cour à s’expliquer sur cette question à l’audience du 7 avril 2006.

15. Dans son arrêt du 15 décembre 2003 (affaire BBM / Vlaamse Toeristenbond, n° A/2002/2), la Cour de Justice Benelux a dit pour droit que :

les articles 6bis et 6ter de la LUBM doivent être interprétés en ce sens que la cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la cour d’appel de Luxembourg sont autorisés à donner l’ordre d’enregistrer un dépôt pour les produits ou services déterminés d’une classe uniquement dans la mesure où le BBM, après l’examen visé à l’article 6bis, a statué également sur lesdits produits ou services et qu’il ne s’est pas borné à rendre une décision sur l’ensemble de cette classe.

Il est constant que le BBM n’a pas procédé à une vérification du caractère distinctif de la marque, produits par produits et services par services, et s’est contenté de refuser globalement l’enregistrement pour tous les produits et services demandés.

A suivre la jurisprudence de la Cour de Justice Benelux, la cour d’appel ne pourrait donc ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement de la marque Global Financial Intelligence pour les produits et services pour lesquels elle estime que les motifs absolus de refus n’existent pas.

16. Or, l’article 13 de la directive dispose que si un motif de refus d’enregistrement, de déchéance ou d’invalidation d’une marque n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels cette marque est déposée ou enregistrée, le refus de l’enregistrement, la déchéance ou la nullité ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés.

Ainsi, lorsque l’enregistrement d’une marque est demandé pour divers produits ou services, l’autorité compétente doit vérifier que la marque ne relève d’aucun des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 3 par. 1 de la directive à l’égard de chacun de ces produits ou services et peut aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services concernés (arrêt Postkantoor, n° 73). De même, lorsque l’enregistrement d’une marque est demandé au regard d’une classe entière de l’arrangement de Nice, l’autorité compétente peut, en application de l’article 13 de la directive n’enregistrer la marque que pour certains des produits ou des services appartenant à cette classe si, par exemple, la marque est dépourvue de caractère distinctif à l’égard des autres produits ou des autres services mentionnés dans la demande (arrêt Postkantoor, n° 113).

Enfin, dans ce même arrêt Postkantoor, la CJCE a dit pour droit que :

L’article 3 de la première directive 89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’une autorité compétente en matière d’enregistrement des marques doit prendre en considération, outre la marque telle qu’elle est déposée, tous les faits et circonstances pertinents.
(…)
S’agissant d’une juridiction saisie d’un recours contre une décision prise sur une demande d’enregistrement d’une marque, elle doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l’exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable.

La cour s’interroge sur la compatibilité avec la directive des articles 6 bis et 6 ter LUBM tels qu’interprétés par la Cour de Justice Benelux, dans la mesure où ces articles la dégageraient de l’obligation d’examiner le caractère distinctif de la marque pour chacun des produits et services, pris individuellement.

Il convient dès lors de poser une question préjudicielle en ce sens à la CJCE.

V.-CONCLUSION

Pour ces motifs, la cour,

1. Dit le recours non fondé, en ce qu’il porte sur le refus d’enregistrement de la marque Global Financial Intelligence pour les services de publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau, assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, services juridiques, programmation pour ordinateurs.

2. Avant de statuer plus avant, décide de poser à la Cour de Justice des Communautés européennes la question préjudicielle suivante :

Les articles 3 et 13 de la première directive 89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une réglementation nationale prévoie qu’une juridiction, saisie d’un recours contre une décision prise sur une demande d’enregistrement d’une marque, ne peut vérifier à l’égard de chacun des produits ou services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, si la marque ne relève pas d’un des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 3 par. 1 de la directive, et ainsi aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services concernés, lorsque l’autorité compétente en matière d’enregistrement des marques n’a opposé qu’un refus global portant sur l’ensemble des produits et services et que, en cours de procédure devant cette autorité, le déposant n’a pas sollicité, à titre subsidiaire, un enregistrement partiel pour certains produits et services.

Dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffier en chef de la cour d’appel de Bruxelles au greffe de la Cour de justice des Communautés européennes à Luxembourg.

3. Renvoie l’affaire au rôle particulier dans l’attente de la réponse à cette question préjudicielle.

4. Réserve les dépens
.

Ainsi jugé et prononcé en audience civile publique de la neuvième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le 01-06-2006

où étaient présents :

Martine REGOUT, Conseiller, ff. Président,
Henry MACKELBERT, Conseiller,
Els HERREGODTS, Conseiller,
Patricia DELGUSTE, Greffier.















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