Numéro de requête 2008/AR/1456

Date
Instance
REC BE
Marque
LA MAISON DU CHOCOLAT
Numéro de dépôt
Déposant
LA MAISON DU (Société par Actions Simplifiée)
Texte

après délibéré, prononce l’arrêt suivant:

R.G. N°. 2008/AR/1456

EN CAUSE DE:

La SA de droit français LA MAISON DU CHOCOLAT, dont le siège social est établi à 92000 Nanterre (France), rue Paul Lescop 41/43 ;
partie demanderesse,

représentée par Maître Thierry VAN INNIS, avocat à 1150 BRUXELLES, avenue de Tervueren 268 A ;

CONTRE :

L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, représentée par de Directeur général de l’Office, dont le siège est établi aux Pays-Bas à 2591 XR La Haye, Bordewijklaan 15 ;
partie défenderesse,

représentée par Maître C. EYERS loco Me. Brigitte DAUWE, avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25 ;

                                                                

                                                             ****

I. La procédure devant la cour.

01.La requérante a déposé la 28 mai 2008 au greffe de la cour une requête en application de l’article 2.12 de la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (CBPI) du 25 février 2005 dans le délai prévu par ladite disposition.

Le recours est dirigé contre la décision de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI) du 28 mars 2008 qui refuse l’enregistrement d’une marque « La Maison du Chocolat ».

02.Les parties ont été entendues à l’audience publique du 23 juin 2009 où l’affaire a été prise en délibéré.

II. Les antécédents et la décision attaquée.

03. La requérante a procédé le 31 octobre 2003 au dépôt près de l’OHMI (Office pour l’Harmonisation dans le Marché Intérieur) d’une marque verbale ‘LA MAISON DU CHOCOLAT’ pour des produits de la classe 29, 30 et 33 ainsi que pour un service de la classe 43 (classification de Nice).

Le dépôt ne réclame aucune couleur, ni représentation spécifique quelconque des signes verbaux.

Les produits en services pour lesquels la protection est réclamée par ledit dépôt comprennent tous les produits mentionnés aux classes 29, 30, 33 et un des deux services mentionnés à la classe 43 comme suit :

- 29 : viande, poisson, volaille et gibier, extraits de viande, fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits, gelées, confitures, compotes, œufs, lait et produits laitiers, huiles et graisses comestibles;

- 30 : café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanes du café, farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, poudre pour faire lever, sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), épices, glace à rafraîchir.

- 33 : boissons alcooliques ;

- 43 : services de restauration.

04. La procédure de demande d’enregistrement ayant abouti le 27 janvier 2007 à un refus, la requérante a introduit le 15 juin 2007 auprès de l’OHMI une demande de transformation en application de l’article 108 du Règlement 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (actuellement article 112 du Règlement 207/2009 du Conseil du 26 février 2009  sur la marque communautaire).

Cette transformation en demande de marque nationale portait uniquement sur ledit service de la classe 43 et quatre produits de la classe 30 : cacao, pâtisserie et confiserie, sauces (condiments), glaces comestibles.
La demande fut acceptée, mais aux termes de la décision y relative uniquement pour les Pays-Bas.

C’est ainsi que l’OBPI fut saisi le 09 juillet 2007 de la demande d’enregistrement par le biais de l’OHMI qui lui a transmis la demande de transformation.

05. Par lettre du 03 août 2007, l’OBPI a notifié au conseil de la requérante une décision de refus provisoire d’enregistrement aux mofifs suivants :

‘Le signe LA MAISON DU CHOCOLAT est descritpif. Il est composé des dénominations génériques maison et chocolat. Ces éléments peuvent servir à désigner l’espèce, la qualité ou la provenance des produits et services mentionnés en classes 30 et 43. Le signe est en outre dépourvu de tout caractère distinctif. Le refus est basé sur l’article 2.11 alinéa 1, sous b. et c. de la CBPI.’

Ledit article 2.11. 1 concerne les cas où la marque est dépourvue de caractère distinctif (article 2.11.1. b.) et où elle est composée exclusivement de signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci (article 2.11.1.c.).

06. En réponse à cette communication, le conseil de la requérante a introduit le 03 février 2008 une réclamation en avançant les éléments suivants.

Le signe est distinctif en soi et si tel n’était pas le cas, il a acquis un caractère distinctif par l’usage, car il est utilisé en France depuis 1977. La Maison du Chocolat est spécialisée dans la fabrication de produits de chocolat haut de gamme. Il est fait mention de cette maison de grand renom dans la presse internationale qui est également distribuée en Belgique et au Grand-Duché du Luxembourg. Il existe en outre une boutique en ligne qui permet de commander des produits depuis les pays Benelux sous la marque ‘La Maison du Chocolat’.

A l’appui de cette thèse furent joints des copies de listes de commandes, de factures et de coupures de presse qui permettraient de confirmer qui le signe est perçu comme une marque.

07. Le Bureau ne s’est pas rallié à cette position et il s’en est expliqué dans sa lettre du 17 mars 2008.

Il constate d’une part que la thèse sur le caractère distinctif n’est pas étayée et que les documents fournis ne contiennent pas la preuve de l’acquisition de ce caractère par l’usage sur le territoire du Benelux d’autre part.

A cet égard il indique notamment que lesdits documents ne prouvent pas que le public pertinent a été exposé à une utlisation étendue du signe, ni que ce public aurait perçu ce signe comme une marque.

08. Ensuite, estimant que ses objections contre l’enregistrement n’avaient pas été
levées, l’OPBI a notifié une décision de refus formelle le 28 mars 2008.

09. La requête introductive devant la cour ne fait référence qu’à ‘la communication faite le 28 mars 2008’ relatif au ‘refus définitif et total de procéder à l’enregistrement’. Néanmoins il ressort des motifs dudit acte que la requérante vise également le contenu des courriers du 3 août 2007 et 17 mars 2008 qui forment un tout avec la lettre du 28 mars 2008 de notification du refus définitif.

10. La requérante fait grief à la décision querellée qu’elle omet de considérer le signe dans son ensemble lorsqu’elle estime qu’eu égard aux produits et service pour lesquels l’enregistrement est demandé, le syntagme est descriptif de l’espèce. leur qualité ou provenance et que partant il est dépourvu de caractère distinctif.

Elle demande d’ordonner à l’OBPI de procéder à l’enregistement du dépôt n° 0200777 de la marque verbale « LA MAISON DU CHOCOLAT ».
Elle postule également sa condamnation au paiement des frais de l’instance, en ce compris l’indemnité de procédure évaluée à 5.000 euros.

11. L’OBPI maintient que les deux motifs de refus indiqués dans sa décision s’opposent à l’enregistrement de la marque.

Il indique que le vocable ‘maison’ désigne notamment une entreprise commerciale et qu’à l’évidence ‘chocolat’ désigne la substance qui peut être utilisée pour fabriquer des confiseries ou des glaces comestibles.
Dans son ensemble ‘la maison du chocolat’ est descriptif d’un commerce spécialisé dans le domaine du chocolat. A cet égard le Bureau évoque que plusieurs commerces exploités en Belgique, n’appartenant  pas à un réseau de distributeurs de produits fabriqués par la requérante, portent la dénomination ‘la maision du chocolat’.

III. Discussion.

12. Le pouvoir distinctif de la marque querellée a trait au pouvoir que revêt ce signe d’identifier les produits et le service appartenant aux classes 30 et 43 comme provenant de l’entreprise de la requérante et donc de les distinguer, de ceux provenant d’une autre entreprise (CJCE arrêt du 04 mai 1999, affaires Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/7, point 49 ; CJCE arrêt du 25 octobre 2007, affaire Develey, C-238/06, point 79).

L’examen de ce pouvoir doit se faire au départ du signe tel qu’il est déposé, en prenant soin de considérer tous les éléments et circonstances pertinents concrets en rapport avec les services pour lesquels l’enregistrement est demandé.
Ainsi il peut être recherché si le public visé pourra, sur la base de la marque et selon ses expériences positives ou négatives qu’il aura eues avec les services , établir  ses choix, soit pour réitérer l’achat, soit pour l’éviter (TPI, arrêt du 12 mars 2008, affaire Compagnie SAS, T-341/06, point 29).

13. Le pouvoir distinctif doit être apprécié à la lumière de la perception du signe par le public pertinent.

En l’occurrence, les produits et le service concernés par le dépôt s’adressant à chacun, le public pertinent est formé par le consommateur moyen, considéré comme étant normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

14. Le caractère distinctif du signe querellé doit être apprécié en fonction de l’impression d’ensemble concrète que cette marque est susceptible de laisser dans la perception du public pertinent.

Cette approche ne s’oppose toutefois pas à ce que dans un premier temps les éléments composant la marque soient successivement pris en considération (CJCE arrêt du 30 juin 2005, affaire Eurocermex, C-286/04, points 22 et 23 ; CJCE arrêt du 25 octobre 2007, affaire develey, point 82).

S’agissant d’une marque formée par plusieurs mots pouvant être qualifiés de descriptifs, l’examen du caractère descriptif ne peut s’arrêter à celui des composantes, mais doit porter sur l’ensemble (CJCE, arrêt du 19 avril 2007, affaire Celltech, C-273/05, points 77, 78 en 79).

15. Le signe est composé de plusieurs mots, dont seuls les mots ‘maison’ et ‘chocolat’ ont un contenu cognitif.

Le vocable ‘maison’ fait partie tant de la langue française que néerlandaise et signifie notamment un établissement commercial. Il n’y a pas de doute qu’eu égard à la fonction de la marque, le consommateur moyen comprendra ce mot dans cette signification-là.

La signification du mot ‘chocolat’  est claire.

16. En l’occurrence le mot ‘maison’ ne pourrait pas décrire autre chose que le fait que le produit a été fabriqué par une entreprise commerciale, ce qui ne constitue pas une indication de la provenance, ni de la qualité ou d’une caractéristique quelconque.
Dès lors ce vocable n’est pas descriptif pour les produits de la classe 30 au sens de l’article
2.11.1 c. de la CPBI.

En effet, aux termes de cet article seules les indications pouvant servir dans le commerce pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou toute autre caractéristique tombent sous le coup de la notion ‘descriptif’’.

17. Toutefois, en ce que ledit vocable  réfère à un endroit générique où les produits visés sont fabriqués ou vendus, il est dépourvu de tout caractère distinctif en rapport avec ces produits.

Il va de soi que l’indication qu’un produit provient d’un lieu de production indéterminé ne confère aucun caractère distinctif au signe.

18. En rapport avec le service ‘restauration’, l’appréciation du caractère descriptif du vocable ‘maison’ n’est guère différente.

Si ce vocable, dans sa dite signification, peut désigner un endroit où un service de restauration peut être proposé, toujours reste-t-il que cela ne caractérise en rien ce service du point de vue des critères énoncés à l’article 2.11.1.c. de la CBPI.

En revanche, la même considération s’impose quant au manque de pouvoir distinctif de ce vocable par rapport au dit service.

19. Quant au mot ‘chocolat’, nul doute qu’il sert à désigner le produit qui est fabriqué au départ de la matière cacao et qu’il peut désigner une qualité d’un produit de pâtisserie, de confiserie, ou de glaces comestibles.

Dès lors son caractère descriptif est établi par rapport aux produits de la classe 30 que la requérante a repris dans sa demande d’enregistrement.

Il n’en est pas de même en ce qui concerne le service ‘restauration’.
En effet, il ne suffit pas que le chocolat puisse faire l’objet d’un service de restauration, pour que ce vocable puisse être considéré comme descriptif de ce service, qui en soi est très général.
Par rapport au service de restauration le mot ‘chocolat’ n’a dès lors pas de caractère descriptif.

20. Quant à l’ensemble formé par les quatre signes verbaux qui forment la marque, la cour considère qu’il peut uniquement être compris dans sa signification d’un endroit où le chocolat est fabriqué, offert en vente ou en dégustation.

Cet ensemble, qui sert également de dénomination d’entreprises, a certes un caractère distinctif.
Il n’est pourtant pas apte à distinguer les produits et service visés dans leur provenance de l’entreprise de la requérante et dès lors de faire fonction de marque.

21. En effet, l’ensemble accentue la relation avec les produits visés de la classe 30 et de ce fait la prépondérance du vocable ‘chocolat’.

La jonction de ces quatre signes verbaux n’est pas de nature à créer un surplus par rapport à la somme de ces mots et son élément prépondérant.

Ce que le consommateur moyen retiendra comme seule impression globale de la perception de cette marque, c’est que les produits et le service pour lesquels il serait utlisé, ont trait au chocolat.

Dès lors la marque comme telle, considérée dans son ensemble, est exclusivement composée de signes qui peuvent servir à indiquer l’espèce, la qualité ou une des caractériques des produits et du service concernés.

22. Il découle de ce qui précède que l’OBPI a refusé à juste titre de procéder à l’enregistrement du signe déposé par la requérante.

23. En ce qui concerne la taxation des dépens, les parties n’ont pas fait état d’éléments qui justifierait d’une augmentation ni d’une réduction du montant de base fixé par l’arrêté royal du 26 octobre 2007.

S’agissant d’un litige dont le montant n’est pas évaluable en argent, il y a lieu de taxer à 1.200 euros l’indemnité de procédure qui revient à la défenderesse.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Eu égard à la loi du 15 juin 1935 relative à l’emploi des langues en matière judiciaire,

Statuant contradictoirement,

Reçoit le recours mais le rejette,

Condamne la requérante aux dépens, liquidés à 186 euros pour elle-même et à 1.200 euros d’indemnité de procédure pour la défenderesse.

                                                   ****

Cet arrêt a été rendu par la 18e chambre de la cour d’appel de Bruxelles, composée de P. Blondeel, président de la chambre, E. Herregodts, conseiller et E. Bodson, conseiller, qui ont assisté à toutes les audiences et ont délibéré à propos de l’affaire.

Il a été prononcé à l’audience publique civile par P. Blondeel, Président de la chambre, assisté de D. Van Impe, greffier, le 26-11-2009

D. VAN IMPE   

E.BODSON

E.HERREGODTS   

P.BLONDEEL

 

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