Numéro de requête 2008/AR/1946

Date
Instance
REC BE
Marque
Hotels.be
Numéro de dépôt
Déposant
BVBA NIGHTLINK
Texte
)

Comme un code de pays internet considéré en soi n’est pas un indicateur de provenance (si ce n’est géographique éventuellement) à l’égard des produits ou services, un nom de domaine qui fonctionne aussi comme marque sera identifié en règle générale encore comme marque même sans le TDL ou avec un TDL modifié. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Les deux éléments sont donc purement descriptifs et leur juxtaposition l’est également. La combinaison des deux éléments est en effet descriptive entre autres des services qui sont fournis par internet pour que les consommateurs trouvent et réservent une chambre d’hôtel en particulier via un site web qui utilise ce nom de domaine comme URL.

La juxtaposition des deux éléments, séparés par un point, n’offre rien d’inhabituel qui procurerait à la combinaison un aspect qui peut être considéré comme un surplus perceptible au regard des deux éléments constitutifs du signe (comme par exemple dans certaines circonstances un TLD (sic traducteur) inhabituel ou fictif).

L’OBPI soutient encore que les consommateurs vont surtout taper le signe sur leur moteur de recherche pour trouver via internet des informations générales sur les hôtels en Belgique.

Il est cependant peu plausible que les consommateurs vont taper le signe complet « Hotels.be » spontanément comme URL (www.hotels.be) ou comme mot à chercher dans leur navigateur (au lieu p.ex. de la combinaison « Belgique » et « hôtels ») s’ils sont uniquement à la recherche d’informations générales sur les hôtels en Belgique et pas à la recherche du site de la demanderesse.

Le caractère distinctif du signe comme nom de domaine aisément identifiable se situe en premier lieu à l’égard du site web de la demanderesse.

32. Les produits et services concernés.

Dès lors que le signe « Hotels.be » a été déposé entre autres en classe 35 pour des « services de banques de données contenant de l'information commerciale et publicitaire, y compris celle concernant des restaurants et l’horeca et celle à consulter par le biais d'Internet » et qu’il est composé exclusivement de mots qui peuvent servir dans le langage courant dans le commerce pour indiquer la nature ou des caractéristiques des services cités, il est descriptif au sens de l’article 2.11.2 c de la CBPI.

Le motif de refus absolu en question s’oppose dès lors en principe à ce que le signe soit enregistré comme marque, étant donné que le déposant n’a pas demandé d’accorder éventuellement la demande pour une partie seulement des produits ou services concernés.

33. Consécration par l’usage.

La demanderesse soutient enfin que l’usage du signe antérieur au dépôt porte préjudice au motif prémentionné d’exclusion de la marque, dont elle déduit qu’il doit néanmoins être admis à l’enregistrement. La consécration par l’usage du signe ressort selon elle des données qui portent sur la période de mars 2005 à mars 2008 selon l’inventaire de ses pièces justificatives.

Qu’un usage déterminé d’un nom de domaine doive être considéré comme un usage aux fins de distinction de produits ou de services (comme marque) dépend de la perception du public à ce sujet, laquelle perception peut être influencée par le mode d’utilisation par le titulaire du nom de domaine ( 5 )


15. Deuxième grief

La demanderesse soutient que le signe est perçu par les hôteliers (comme plafond d’annonce) et par le public général (comme système de réservation en ligne) comme une indication de l’origine d’un service/produit et est distinctif par conséquent à l’égard des produits et services d’autres entreprises. Elle avance entre autres comme preuve à cette fin une étude comparative de Test-Achats dont le rapport est mentionné sur Nieuwsblad.be du 24 février 2008 (« Reserveren via internet loont ») dans lequel « hotels.be » est mentionné et toute une série de factures qui doivent établir les réservations de chambres d’hôtels via ce système.

La demanderesse estime que l’ajout de l’extension « .be » est de nature à conférer un caractère distinctif à la marque verbale « hotels » qui est un signe unique à cause de son enregistrement comme nom de domaine qui ne peut pas être utilisé par une autre entreprise.

La demanderesse met aussi l’accent sur le fait que le signe n’a pas été déposé pour des services horeca au sens strict mais pour des imprimés, des messages publicitaires, des publications et des organisations d’événements, des publications et éditions (repris dans les classes 16, 35 et 41) pour lesquels le signe aurait bien un caractère distinctif.

L’OBPI conteste d’abord la thèse que le signe, à cause de son enregistrement comme nom de domaine, tire en tant que tel un caractère distinctif de son caractère unique et affirme ensuite que le terme « hotels.be » généralise au lieu d’individualiser. Le consommateur à la recherche d’informations sur des hôtels en Belgique utilisera le nom de domaine « hotels.be » en premier lieu sur internet en raison de son caractère générique et non parce qu’il est spécifiquement à la recherche des services de la demanderesse.


16. Troisième grief

La demanderesse estime qu’une marque peut uniquement être refusée comme descriptive si elle est composé exclusivement de signes que l’on utilise dans le langage courant pour indiquer un produit ou service pour lequel le signe est déposé ou une des caractéristiques essentielles de celui-ci. Ce ne serait pas le cas pour le signe de la demanderesse.


17. Quatrième grief.

La demanderesse estime enfin que même si le signe « Hotels.be » ne possèderait pas de caractère distinctif par lui-même pour les produits et services pour lesquels la marque a été déposée, il a acquis ce caractère distinctif à la date de la décision de refus à cause de la consécration par l’usage.

Ce serait en premier lieu le cas en particulier à l’égard des hôteliers qui percevraient le signe comme une marque pour la plateforme de publicité et de réservation de la demanderesse et pas tellement comme une référence du site web de la demanderesse. Le public de consommateurs ne serait économiquement qu’un dérivé de ce public professionnel primaire.

Le fait que « Hotels.be » serait descriptif comme nom de domaine n’empêche pas, selon la demanderesse, que l’on puisse établir le caractère distinctif. Au contraire, le caractère unique du nom de domaine le facilite d’autant mieux que cette opération peut se faire « sans encombres » selon la demanderesse. La demanderesse se réfère aux efforts qu’elle a déployés depuis 1997 pour donner une large renommée à son site web auprès du public de consommateurs et donc pour accroître la valeur de son produit pour les hôteliers.

Comme preuve de cette renommée auprès de l’ensemble du public Benelux, elle présente principalement des statistiques du nombre de visites, des listes d’hôtels qui font appel à la plateforme d’annonce et de réservation de la demanderesse et des factures en rapport avec les réservations effectives qui sont enregistrées par le biais de son site. Elle produit encore la preuve d’un certain nombre d’annonces dans des ‘newsletters’ et des guides de villes, un contrat d’annonce avec Google, un article dans le Nieuwsblad du 24 février 2008 et une déclaration d’une collaboratrice de Toerisme Vlaanderen.

La demanderesse estime que ces éléments suffisent de sorte qu’une étude de marché et des informations sur les parts de marché ne sont plus nécessaires et en tout cas pas obligatoires comme preuve de consécration par l’usage.


18. L’OBPI soutient que la demanderesse n’apporte pas la preuve d’un usage intense et de longue durée du signe sur tout le territoire du Benelux de sorte que le public pertinent des « internautes » dans tout le Benelux percevrait le signe comme marque, autrement dit comme indicateur que les produits et services concernés proviennent de l’entreprise de la demanderesse. Certaines preuves datent d’après la date de dépôt du 17 juillet 2007 (l’article Nieuwsblad et la déclaration Toerisme Vlaanderen datent de 2008) et les autres moyens de preuve ne suffisent pas selon l’OBPI pour accepter le signe comme marque sur la base de la consécration par l’usage.

Selon l’OBPI, l’usage du signe en combinaison avec la marque verbale Benelux reproduite au § 4 sur le site web et la publicité de la demanderesse démontre qu’il ne peut y avoir consécration par l’usage.

L’OBPI relève en particulier le fait que seuls des hôtels belges collaborent visiblement avec la demanderesse et que seule une partie limitée des visiteurs du site sont originaires des Pays-Bas et du Luxembourg. De plus, on ne dispose pas de données en rapport avec la part de marché que ces chiffres de visiteurs représentent.


V. Appréciation

19. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice CE (arrêt en cause Koninklijke PTT Nederland ‘Postkantoor’ du 12 février 2004, C-363/99, points 31, 35, 36 et 73, et arrêt en cause MT & C ‘The Kitchen Company’ du 15 février 2007, C-239/05, points 31 à 36), les principes suivants sont applicables en résumé, lorsque les autorités de marques nationales procèdent à l’examen de l’enregistrement d’une marque :

- l’examen du caractère distinctif doit être effectué in concreto, en prenant en considération tous les faits et circonstances pertinents de la demande d’enregistrement et l’appréciation de ces faits et circonstances pertinents doit s’effectuer au moment où une décision définitive est prise sur la demande ;

- la vérification doit se faire pour chacun des produits ou services et l’autorité compétente peut, le cas échéant, aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services considérés ;

- la conclusion doit être mentionnée pour chacun des produits et services indiqués, mais lorsque le même motif de refus est utilisé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, une motivation globale peut suffire.

20. S’agissant de la mission des juridictions saisies d’un recours contre une décision prise par l’OBPI portant refus d’un enregistrement, la Cour de Justice Benelux a décidé que seuls peuvent être pris en considération les éléments sur lesquels l’OBPI a fondé ou aurait dû fonder sa décision en sorte que ces juridictions ne peuvent donc pas statuer sur des prétentions qui sortent du cadre de la décision de l’OBPI ou qui ne lui ont pas été soumises (CJB, arrêt du 15 décembre 2003, BMB/Vlaamse Toeristenbond, www.courbeneluxhof.be).

21. Dans le cadre des prétentions soumises à l’OBPI, la cour doit tenir compte de tous les faits et circonstances que le déposant allègue pour démontrer que le signe répond bien aux conditions d’enregistrement. Pour l’exercice du contrôle de fond, il est indifférent que les faits et circonstances concernant un fondement présenté dans la procédure d’enregistrement ont été ou non invoqués dans cette procédure d’enregistrement (CJB, 29 juin 2006, en cause Bovemij Verzekeringen / Bureau Benelux des Marques, A 2005/9, www.courbeneluxhof.info).

22. L’examen du caractère distinctif du signe pour lequel la protection de la marque est demandée doit prendre en considération le signe tel qu’il est déposé et en fonction des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Ceci implique qu’il doit être apprécié en tant que tel dans son ensemble, ce qui ne veut pas dire que les éléments constitutifs éventuels qui peuvent y être identifiés ne peuvent pas constituer en soi un élément d’appréciation (CJCE 30 juin 2005 en cause Eurocermex, C-286/04, points 22 et 23 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, point 82).

La perception globale de la marque par le public pertinent est déterminante et il n’y a pas de présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère (CJCE 08 mai 2008, en cause Eurohypo, C-304/06 P, point 41).

S’il s’agit d’un signe descriptif au sens de l’article 3, 1. C) de la directive, l’examen du signe ou de ses éléments constitutifs doit s’effectuer en outre à la lumière de leur signification dans le langage courant dans l’optique de la désignation même des produits et services ou de leurs caractéristiques (essentielles). Voyez sur ce point le § 23.

23. Selon la jurisprudence constante de la cour, la notion de ‘caractère distinctif’ doit être comprise en ce sens qu’une marque doit être apte à identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d’autres entreprises (CJCE 04 mai 1999 en cause de Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49 ; CJCE 20 juin 1999 en cause Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, point 22 ; CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 35 ; CJCE 08 avril 2003 en cause Linde & Winward, C-53/01 & C-55/01, point 40 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, C-238/06, point 79 ; CJCE 08 mai 2008, en cause Eurohypo, C-304/06 P, point 54).

En d’autres termes, lorsqu’un signe, par défaut de fonction d’identification, ne permet pas au public concerné de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors de l’acquisition ultérieure des produits ou services, il ne possède aucun caractère distinctif (TPI CE, 12 mars 2008, affaire Compagnie SAS, T-341/06, point 29).

24. Pour déterminer si un signe est susceptible d’être enregistré comme marque, il convient de prendre en considération les produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé et de se baser sur la perception de ce signe par le public pertinent (CJCE 08 mai 2008, en cause Eurohypo, C-304/06 P, points 41 et 67).

Si les produits ou services sont destinés à tous les consommateurs, il faut admettre que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE 06 mai 2003 en cause Libertel, C-104/01, point 46 ; CJCE 16 septembre 2004, en cause SAT1 SatellitenFernsehen, C329/02 P, point 24).

25. Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, de la Première Directive sur les marques (2008/95/CE – auparavant 89/104/CEE), le caractère distinctif peut s’acquérir aussi par l’usage qui précède le dépôt de la marque, ce que l’on désigne par ‘consécration par l’usage’.

Pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l'usage qui en a été fait, l'autorité compétente doit apprécier tous les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à distinguer les produits de ceux d'autres entreprises. Peuvent être prises en considération la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de l'usage de cette marque, l'importance des investissements faits par l'entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d'une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d'industrie ou d'autres associations professionnelles (CJCE 04 mai 1999 en cause Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, points 49 et 51 ; CJCE 18 juin 2002 en cause Koninklijke Philips Electronics, C-299/99, point 60 ; CJCE 22 juin 2006 en cause August Storck AG, C-25/05 P, points 75-77).

La Cour de justice CE a encore décidé que l’enregistrement d’une marque ne saurait être admis sur le fondement de l’article 3, paragraphe 3, de la directive que s’il est démontré que cette marque a acquis par l’usage un caractère distinctif dans toute la partie du territoire de l’État membre ou, dans le cas du Benelux, dans toute la partie du territoire de celui-ci dans laquelle il existe un motif de refus (7 septembre 2006, Europolis, C-108/05, point 23).

La Cour a également décidé que le caractère distinctif doit avoir été acquis par l’usage à la date de l’enregistrement de la marque (CJCE, 11 juin 2009 en cause Imagination Technologies Ltd, C-542/07 P, points 44, 48 et 49).

26. Les signes ou indications pouvant servir habituellement, dans le commerce, à désigner les caractéristiques des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé ne peuvent pas être enregistrés en raison de l’intérêt général. Celui-ci requiert que ces signes ou indications puissent être librement utilisés par tous (CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley (Doublemint), C-191/01 P, point 31 ; CJCE 12 janvier 2006 en cause Deutsche SiSi-Werke, C-173/04, point 62 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-276/05, point 75).

Ainsi, ne sont pas admis à l’enregistrement comme marque les signes ou indications visés à l’article 3.1 c) de la directive marques qui peuvent servir dans l’usage normal, du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l'enregistrement est demandé (CJCE, 20 septembre 2001, en cause Procter & Gamble, C-383/99, point 39). Ce dernier arrêt (marque ‘baby-dry’) fait bien état de ‘caractéristiques essentielles’, mais l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE ne fait pas de distinction selon les caractéristiques (TPI CE, 17 juin 2009, en cause Korsch AG, T-464/07, point 48).

L’évolution future prévisible de l’usage normal est également pertinente à ce niveau (CJCE 4 mai 1999 en cause Windsurfing Chiemsee, points 31 et 37), si ce n’est que l’évolution prévisible sur ce point ne saurait être purement hypothétique mais doit se référer à une expérience de marché concrète et actuelle ou, à tout le moins, très probable et suffisamment rapprochée dans le temps (TPI CE, 12 mars 2008, affaire Compagnie SAS, T-341/06, point 43).

27. Les signes ou indications peuvent toutefois dépasser le caractère descriptif ainsi compris s’ils sont présentés ou agencés de manière telle que l’ensemble s’écarte de manière perceptible des modes habituels de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques
essentielles ou lorsque leur présentation apporte un élément additionnel à l’ensemble au regard des éléments constitutifs.

Si la présentation d’un signe composé s’écarte de manière perceptible du mode courant de désignation des produits ou services et que l’écart concerne un aspect significatif du signe déposé, cet écart apporte un élément additionnel qui permet à l’ensemble de se distinguer de ce qui est courant. Il en va de même lorsque la combinaison a acquis une signification propre qui est indépendante de ses éléments constitutifs (CJCE 19 septembre 2002 en cause Companyline, C-104/00 P, points 21 et 23 ; CJCE 12 février 2004 en cause Campina Melkunie, C-265/00, point 41).

28. Lorsqu’une marque est constituée d’une combinaison d’éléments, il ne suffit pas que chacun des éléments soit descriptif, mais il faut constater ce caractère pour l’ensemble avant de pouvoir la qualifier comme telle.

Si chacun des éléments est en soi descriptif, la combinaison de ceux-ci l’est aussi en règle générale, mais il n’est pas à exclure que l’impression produite par la combinaison s’écarte de l’impression qui se dégage de la simple réunion des éléments qui la composent. Dans ce cas, la combinaison n’est pas descriptive au sens de l’article 3.1 c) de la directive. Si la marque est composée de différents mots ou d’un mot recomposé, l’examen du caractère descriptif ne peut pas rester limité à celui des éléments constitutifs, mais l’ensemble doit être pris en considération (CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, points 77, 78 et 79 ; TPI CE 17 juin 2009 en cause Korsch AG, T-464/07, point 35).

B. L’examen de la marque « Hotels.be »

29. Le signe.

La demanderesse a déposé le signe « Hotels.be » reproduit au par. 4 pour les produits et services des classes 16, 35 et 41 dont les « services de banques de données contenant de l'information commerciale et publicitaire, y compris celle concernant des restaurants et l’horeca et celle à consulter par le biais d'Internet; traitement de données pour banques de données à consulter par le biais d'Internet »,

Le signe est constitué par la juxtaposition du mot « hotels » qui signifie de manière univoque dans plusieurs langues dont le néerlandais, l’anglais et le français le pluriel de hotel avec l’extension géographique « be » qui renvoie au code de pays internet de la Belgique. Les deux mots sont séparés par un point et sont immédiatement identifiables dans cette représentation pour les utilisateurs d’internet comme le nom de domaine ( ).

De plus, on identifie parfois dans la partie SLD d’un nom de domaine la personne ou l’entreprise qui publie une page internet apparentée. Dans le cas présent, on identifie dans le SLD uniquement le thème du site web de la demanderesse.

La demanderesse souligne encore qu’elle emploie aussi « Hotels.be » comme nom commercial de son entreprise (pièces 3, 6 et 7 de la demanderesse).

Le signe pour lequel la demanderesse sollicite la protection comme marque concerne donc un signe composé dont le caractère distinctif intrinsèque doit être apprécié sur base de l’impression globale qu’il laisse pour les services indiqués.

La thèse de la demanderesse qu’un signe qui est enregistré comme nom de domaine est par sa nature unique et peut être utilisé uniquement par le titulaire de l’enregistrement n’implique toutefois pas que ce signe possède nécessairement un caractère distinctif au sens de l’article 2,11 alinéa 1er b).

Un signe enregistré et utilisé comme nom de domaine n’est rien de plus ou de moins qu’un signe servant à distinguer un domaine internet déterminé au regard d’un autre domaine et un domaine internet n’est pas un produit, ni un service. Un signe qui est enregistré comme nom de domaine peut évidemment être utilisé dans certains cas d’une manière telle que le public le percevra comme un usage comme marque et c’est ce que recherchent sans doute de nombreux titulaires de noms de domaine. Mais la perception du public n’est pas créée par la simple existence d’un nom de domaine, bien par un usage déterminé du signe qui est aussi enregistré comme nom de domaine. ( 1 )

34. Dans la mesure où la demanderesse allègue à l’appui de sa thèse de consécration par l’usage des faits qui sont postérieurs au dépôt le 17 juillet 2007, ils ne doivent pas être pris en considération.

En effet, ils ne peuvent pas apporter la preuve que le signe était déjà utilisé comme marque à la date à laquelle il a été présenté à l’enregistrement, ce qui doit pourtant être démontré. Ceci vaut en particulier aussi pour les pièces justificatives dont la date exacte n’est pas mentionnée ou ne peut pas être retrouvée.

35. Par contre, les pièces probantes qui n’ont pas été introduites pendant la période d’enregistrement devant l’OBPI mais concernent la période antérieure au dépôt peuvent être prises en considération.

36. Pour faire admettre l’usage comme marque, la demanderesse avance un certain nombre de faits qui datent d’avant le 17 juillet 2007 (pièces 3 et 6). Outre une liste d’hôtels participants et de factures de réservations, il s’agit de statistiques de visites de son site web.

Les pièces contiennent encore des exemples de publicité pour les services de la demanderesse dans :
· Happy Days Newsletter des années 2005-2007 (concernant une réduction pour les titulaires d’une carte Happy Days) ;
· Air France newsletter e-Voyage (janvier 2007 en quatre langues) ;
· Ekivita newsletter (mars 2006)

La demanderesse produit en outre des pièces concernant :
· une coopération avec Google Maps ;
· une campagne publicitaire sur Google ;
· des annonces dans des guides de villes.

On peut déduire de tous ces faits que « Hotels.be » jouit certes déjà d’une notoriété comme nom de domaine et comme partie de l’URL du site web de la demanderesse auprès du public pertinent, mais ils n’établissent pas encore à suffisance que le signe était aussi en mesure de fonctionner comme indicateur de provenance pour les produits et services de la demanderesse.

Cet élément est encore renforcé par le fait que la marque verbale litigieuse est constamment représentée, dans la publicité de la demanderesse, en même temps que la marque figurative de la demanderesse dont question au par. 4. L’identification éventuelle des produits et services de la demanderesse pouvait donc tout aussi bien passer par cette marque figurative dans l’esprit du public.

D’autre part, il ressort de la publicité que la demanderesse soumet qu’elle utilise le signe « Hotels.be » comme titre d’une annonce et donc pas exclusivement comme URL de son site web (ex. annonce HappyNews de novembre 2005, pièce 3, annexe II-2). L’intention de la demanderesse d’utiliser le signe comme marque est certes démontrée clairement de ce fait mais pas encore le degré d’intensité de cet usage et l’impact réel sur la perception du public moyen pertinent (consommateurs).

37. La demanderesse utilise en outre ce même signe comme nom d’entreprise comme elle le déclare elle-même. Il est donc possible que le signe soit distinctif de l’entreprise ou du site web de la demanderesse à l’égard d’autres entreprises et sites web, sans qu’il ait eu un effet distinctif pour les services qu’elle offrait au regard de services concurrents.

38. Il convient encore de considérer qu’il ne se déduit pas des éléments présentés qu’à la date du dépôt, la consécration par l’usage était acquise pour une fraction substantielle du public concerné sur tout le territoire du Benelux, où le motif d’exclusion légal de l’enregistrement de la marque est en vigueur. Seuls quelques établissements belges se trouvent sur la liste des hôteliers qui coopèrent avec la demanderesse et les statistiques de visites montrent que le site web est surtout visité par le consommateur belge et dans une mesure beaucoup moins importante par les consommateurs néerlandais et luxembourgeois.

Un nombre important et croissant de visiteurs sur le site de la demanderesse indique en premier lieu uniquement le degré de consultation du site web de la demanderesse et ne constitue pas en soi une preuve suffisante de l’usage du signe comme marque. Même le nombre de réservations n’est en soi pas encore une indication suffisante du fait que le nom de domaine « Hotels.be » de la demanderesse fonctionne dans la perception des consommateurs comme une marque qui distingue les services de la demanderesse de ceux de ses concurrents.

Le pourcentage de visiteurs qui réservent une chambre d’hôtel une ou plusieurs fois via le site web de la demanderesse et le nombre de réservations auprès de la demanderesse par d’autres canaux (téléphone/fax) donnent une indication plus pertinente dans le sens d’une consécration par l’usage.

39. Enfin, les pièces probantes soumises concernant les efforts publicitaires fournis pour favoriser la notoriété de la marque ne permettent pas de se faire une idée précise et vérifiable de l’étendue et de l’impact de ces efforts publicitaires en termes budgétaires. Seul le contrat d’annonce Google mentionne sans équivoque un montant de 4,500 EUR. Les factures dans ce contexte font défaut.

Toute donnée quantitative en rapport avec la part de marché de la demanderesse fait défaut. La demanderesse soutient à bon droit qu’elle ne peut être obligée de soumettre une étude de marché pour prouver la consécration par l’usage. Elle déclare que les éléments de preuve ordinaires concernant les chiffres des ventes, le matériel de publicité et de promotion, les investissements publicitaires doivent pouvoir suffire. Elle passe toutefois sous silence qu’elle ne produit pas de matériel chiffré vérifiable sur ce point, qui démontre sans ambiguïté que le signe litigieux fonctionne comme marque pour une fraction importante du public pertinent et pas tellement comme nom de domaine ou nom de l’entreprise de la demanderesse.

Vu le caractère fortement descriptif du signe composé et de ses éléments, l’OBPI est en droit d’attendre de la demanderesse qu’elle apporte une preuve suffisamment décisive et dénuée d’ambiguïté de la consécration par l’usage à cause d’un usage intensif et prolongé comme marque.

L’opinion des milieux commerciaux concernés qui permettrait d’estimer la notoriété de la marque dans le secteur concerné fait aussi défaut.

L’article dans Nieuwsblad.be sur l’étude comparative de Test-Achats date de mars 2008 et est donc postérieure à la date de dépôt. L’OBPI ne devait pas tenir compte de cet élément.

Le courriel (datant également d’après le dépôt) écrit au nom de Toerisme Vlaanderen permet d’ailleurs de conclure uniquement que la demanderesse jouit via son adresse internet d’une certaine notoriété dans le « paysage en ligne belge ».

40. Dans ces circonstances, l’OBPI a estimé à bon droit que les éléments présentés pour démontrer la consécration de la marque par l’usage à la date du dépôt étaient insuffisants pour énerver le motif d’exclusion basé sur le caractère descriptif du signe.

L’usage prolongé et intensif du signe comme marque sur le territoire du Benelux n’est pas démontré à suffisance.

41. A défaut de preuve suffisante de consécration par l’usage, l’enregistrement du signe a été refusé à bon droit.

Il convient, par conséquent, de rejeter la demande de la demanderesse.

42. L’indemnité de procédure qui revient à la défenderesse doit être fixée à 1.200 euros, dès lors que la demande n’est pas évaluable en argent.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement,

Eu égard à la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,

Reçoit la demande mais la rejette

Condamne la demanderesse au paiement des dépens qui sont fixés à 186 euros (droit de rôle) pour elle-même et à 1.200 euros d’indemnité de procédure pour la défenderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique civile de la dix-huitième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le 06 octobre 2009

Où étaient présents et siégeaient :

M. Paul BLONDEEL Président
Mme E. HERREGODTS Conseiller
M. E. BODSON Conseiller
Mme D. VAN IMPE Greffier


VAN IMPE

BODSON

HERREGODTS

BLONDEEL

* * * * *



(1) Première directive n° 89/104 CE du 21 décembre 1988 du Conseil des Communautés européennes rapprochant les législations des états membres sur les marques, désigné ci-après comme la directive d’harmonisation. Cette directive a été remplacée par la Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, entrée en vigueur le 28 novembre 2008.

(2) CJCE 12 février 2004, C-363/99.

(3) Chambre de recours OHMI 13 septembre 2006, R 631/2006 – 4 http://oami.europa.eu/.

(4) Un nom de domaine (ou en abrégé ‘domaine’) est un nom dans le Domain Name System (DNS), le système d’identification sur internet qui permet d’identifier les réseaux, les ordinateurs, les serveurs web, les serveurs de messagerie et d’autres applications. Voyez http://fr.wikipedia.org/wiki/Nom_de_domaine, dernièrement consulté le 19 septembre 2009. Un nom de domaine est un élément d’une URL (Uniform Resource Locator) qui constitue l’adresse d’un site ou d’une page internet et consiste en un top level domain name (TLD) comme un code de pays (be/eu/nl) ou un code générique (com/net/org) précédé par un second level domain name (SLD) ou un domaine d’organisation et séparé par un point.

(5) Les noms de domaine be sont délivrés par l’Association belge pour l’enregistrement de domaines Internet (DNS Belgium), qui est responsable du topleveldomain ‘be’. Voyez http://fr.wikipedia.org/wiki/Nom_de_domaine, dernièrement consulté le 19 septembre 2009,

(6) Kristof VERDUYCKT, « Interactie tussen domeinnamen en merkenrecht », Jura Falconis, 2004-2005, n° 4, p, 643-686.

(7) Chambre de recours OHMI 13 septembre 2006, R 631/2006-4, point 18 http://oami.europa.eu/

(8) Cour d’appel de La Haye, 22 novembre 2001, ID-NL v. idnl, point 9, à consulter sur http://www.iept.nl/files/2001/IEPT20011122_Hof_Den_Haag_ID-NL_v_idnl.pdf

(9) CJCE 18 juin 2002, dans l’affaire Philips/Remington, C-299/99, point 58,

4 2

Prononcé: 6 octobre 2009

No. de la requête: 2008/AR/1946

La COUR D’APPEL DE BRUXELLES, 18e CHAMBRE

Après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant/

R.G. N° 2008/AR/1946

DANS LA CAUSE DE :

La S.P.R.L. NIGHTLINK, dont le siège est à 7903 BLICKY, rue du Château 11, inscrite sous le numéro BCE 875.865.485 ;
Demanderesse,
Représentée par Me Joost VERBEEK, avocat à 1000 BRUXELLES, rue du Congrès 37-41,

CONTRE :

L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, dont le siège est établi aux PAYS-BAS, 2591 XR La Haye, Bordewijklaan 15, Boîte postale 90404.
Défenderesse,
Représentée par Me DAUWE Brigitte loco Me DE GRYSE Ludovic, avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25,


I. Quant à la procédure

1. Par l’acte introductif, la cour a été saisie en application de l’article 2.12 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (CBPI) du 25 février 2005.

Le recours est dirigé contre la décision référencée REG/BNL/CS/W3-1139597 portant refus définitif de l’enregistrement d’un dépôt de marque, qui a été notifié par lettre du 15 mai 2008 par l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI) à la requérante.

2. La requête ‘visant à former une action en justice relative à un ordre d’enregistrement d’une marque’ a été déposée le 15 juillet 2008 au greffe de la cour.


3. Les avocats des parties ont été entendus à l’audience publique du 22 février 2008.


II. Les faits et l’objet de la demande

4. La demanderesse exploite depuis 1997 une « plateforme d’annonce et de réservation en ligne basée sur un site » sous le nom « HOTELS.BE » qui a été enregistré comme nom de domaine en 1998.

La demanderesse est titulaire d’une marque Benelux pour des produits et services dans les classes 16, 35 et 41 (numéro d’enregistrement 0663472) telle que reproduite ci-dessous.

La demanderesse dépose ensuite le 17 juillet 2007 auprès de l’OBPI un signe verbal composé « Hotels.be » en vue de son enregistrement comme marque pour des produits et services dans les classes administratives 16, 35 et 41.

Les produits et services pour lesquels la marque est enregistrée sont décrits comme suit :

- classe 16 : Papier, carton et produits en ces matières non compris dans d'autres classes; produits de l'imprimerie, y compris livres, journaux, magazines et guides contenant de l'information concernant des restaurants et horeca; photos;

- classe 35: Conseils en matière de publicité et de promotion publicitaire par le biais de réseaux de télécommunication, y compris Internet; services de publicité et de promotion publicitaire, y compris mise à disposition d'espaces publicitaires sur Internet; diffusion de matériel et de messages publicitaires; agences d'informations commerciales; études, recherches et analyses de marché; services de conseils en organisation et direction des affaires; reproduction de documents à l'aide de techniques relatives aux réseaux de télécommunication; services de banques de données contenant de l'information commerciale et publicitaire, y compris celle concernant des restaurants et l’horeca et celle à consulter par le biais d'Internet; traitement de données pour banques de données à consulter par le biais d'Internet ;

- classe 41 : Organisation d'événements culturels; publication et édition de livres, journaux et revues, y compris ceux relatifs à l’horeca.

Le dépôt reçoit le numéro 1139597.

5. Le signe est une marque verbale composé d’une combinaison du mot « Hotels » et de l’ajout de l’abréviation « be », séparé par un point.


6. Par lettre du 5 septembre 2007, l’OBPI informe le mandataire en marques de la demanderesse que l’enregistrement du signe est refusé provisoirement pour le ou les motifs suivants :

« Le signe hotels.be est descriptif. En effet, il peut servir à désigner l’espèce, la qualité des produits et services mentionnés dans les classes 16, 35 et 41. Le signe est en outre dépourvu de tout caractère distinctif. Nous nous référons à l’article 2.11, alinéa 1er, sous b. et c. de la CBPI. L’ajout du code de pays Internet .be ne lève pas le défaut de caractère distinctif du signe. »’

Le renvoi à l’article article 2.11, b et c, de la CBPI concerne les cas de défaut de caractère distinctif (2.11.1.b) et de la circonstance que la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci (2.11.1.c).


7. Le mandataire de la demanderesse a, par lettre du 30 octobre 2007, présenté des objections contre le refus provisoire et conteste que le signe « hotels.be » serait descriptif et serait dépourvu de caractère distinctif.

Après réexamen, l’OBPI confirme dans une lettre du 22 novembre 2007 son opinion que le signe est descriptif, dépourvu de caractère distinctif et qu’il n’y a pas de consécration par l’usage.

Le mandataire en marques de la demanderesse fait parvenir le 5 mars 2008 des pièces complémentaires à l’OBPI pour démontrer la « consécration par l’usage » du signe.

Par lettre du 25 avril 2008, l’OBPI communique au mandataire de la demanderesse que même après prise en considération des pièces complémentaires déposées, il reste d’avis que le signe est descriptif et est dépourvu de tout caractère distinctif. L’OBPI indique aussi qu’il ne saurait être question de consécration par l’usage du signe.

L’OBPI précise dans cette lettre que pour prouver la consécration par l’usage, il doit être démontré que le signe, par suite de l’usage qui en est fait, est perçu comme une marque par le public concerné. Sont admissibles comme preuve éventuelle :
· la part de marché de la marque,
· l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage,
· l’étendue des frais publicitaires exposés,
· le pourcentage des milieux intéressés qui identifie les produits en fonction du signe comme provenant d’une entreprise déterminée,
· de même que des attestations de chambres de commerce ou d’industrie ou d’associations professionnelles.

L’OBPI précise encore dans ce contexte :

« Le matériel que vous avez déposé est à notre sens insuffisant pour accepter les signes demandés sur la base de la consécration par l’usage.

Bien que vous fassiez maintenant référence à des chiffres de visiteurs des deux sites web antérieurs à la date de dépôt, c’est en soi insuffisant pour constater la consécration par l’usage. En effet, il n’est fait aucune référence par exemple à la part de marché qu’ils représentent.

Le fait qu’un article de journal sur les sites web de réservation de chambres d’hôtel fasse référence au site web de votre cliente (hotels.be), que votre cliente a conclu un contrat publicitaire avec Google concernant le site web hotels.be et a fait de la publicité dans quelques guides (en combinaison avec l’élément figuratif, au surplus), ne démontre pas que le public concerné se met à considérer le signe comme une marque et pas uniquement comme une URL d’un site web sur lequel on peut retrouver des hôtels […] en Belgique. La déclaration de madame Dens que Hotels.be « est significatif dans le paysage belge en ligne » fait de nouveau uniquement référence au site web et ne démontre pas la consécration par l’usage et donc l’existence d’une marque ».



8. Le 15 mai 2008, l’OBPI fait savoir au mandataire en marques de la demanderesse que les objections contre l’enregistrement n’ont pas été levées dans le délai imparti et que l’enregistrement du signe comme marque est définitivement refusé.


9. L’acte introductif désigne uniquement la lettre du 15 mai 2008 comme acte attaqué.

Toutefois, la lettre du 15 mai 2008 ne contient aucune motivation substantielle pour le refus, mais renvoie à la correspondance susmentionnée concernant la décision provisoire de refus du 5 septembre 2007 qui développe le caractère non distinctif et le caractère descriptif du signe. Cette lettre est complétée par le courrier du 25 avril 2008 qui motive la non-acceptation de la consécration par l’usage. Toutes ces lettres forment dès lors un ensemble comme décision.
La requête a pour objet d’ordonner à l’OBPI de procéder à l’enregistrement de la marque verbale « Hotels.be » dans le registre des marques Benelux.


III. Les règles juridiques applicables et leur interprétation

10. L’article 2.11, alinéa 1er, de la CBPI détermine les motifs absolus sur la base desquels l’OBPI refuse une demande de marque :

« L'Office refuse d'enregistrer une marque lorsqu'il considère que:
a. […] ;
b. la marque est dépourvue de caractère distinctif ;
c. la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;
d. […] ;
e. […] ».



11. La CBPI ne contient pas de dispositions expresses en rapport avec l’acquisition du caractère distinctif. La pratique de l’OBPI en matière de consécration par l’usage se retrouve dans les Directives en matière de critères d’examen des marques pour motifs absolus (les « directives de refus ») :

10.1) Si un signe n’a pas en soi de caractère distinctif, il peut acquérir celui-ci par l’usage, c’est la consécration par l’usage. Pour prouver la consécration par l’usage, il faut démontrer que le signe, par suite de l’usage qui en a été fait, est perçu comme une marque par le public concerné. Il appartient au déposant ou à son mandataire de le démontrer et de produire à cette fin des pièces concernant la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de l'usage de cette marque, l'importance des investissements faits par l'entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d'une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d'industrie ou d'autres associations professionnelles. On peut éventuellement décider de recourir à un sondage d’opinion (CJCE, CHIEMSEE). La Cour de Justice Benelux (ci-après : CJBen) a décidé qu’un signe non distinctif à l’origine ne peut être enregistré que si la consécration par l’usage est démontrée avant la date du dépôt (CJBen, BIOMILD 1).

10.2) L’OBPI fait remarquer que la simple démonstration de l’usage d’un signe ne suffit pas pour faire admettre la consécration par l’usage. En effet, le critère est de savoir si le signe, par suite de l’usage qui en a été fait, est effectivement perçu comme une marque par le public concerné, c’est-à-dire comme un signe destiné à identifier les produits et services comme provenant d’une entreprise déterminée. Cet élément ne peut être apprécié qu’à l’aide de données relatives au marché des produits et services concernés dans son ensemble et à la position du signe déposé dans cet ensemble. Les circonstances dans lesquelles la condition liée à l'acquisition d'un caractère distinctif par l'usage peut être considérée comme satisfaite ne sauraient d’ailleurs être établies seulement sur la base de données générales et abstraites, telles que des pourcentages déterminés.

10.3) Le Benelux forme un territoire unique indivisible du point de vue du droit des marques. Il s’ensuit qu’un signe ne peut constituer une marque valable que s’il l’est dans l’ensemble du Benelux. La consécration par l’usage devra donc toujours être démontrée dans l’ensemble du Benelux ou en tout cas là où le signe était dépourvu ab initio de caractère distinctif (CJCE, EUROPOLIS). […] » (soulignage par la Cour).


12. Le droit national, y compris les règles contenues dans la CBPI, doit être interprété et appliqué conformément au texte et à la finalité des dispositions correspondantes du droit européen et à la jurisprudence pertinente de la Cour européenne de justice. Il s’agit en particulier de l’article 3 § 1er b) et c) de la directive d’harmonisation ( )

Il ne peut être protégé comme marque que si la présentation du signe a le pouvoir intrinsèque de distinguer la provenance des produits ou services de la demanderesse dans l’esprit du public pertinent des produits et services d’autres opérateurs.

Dans le cas d’un signe enregistré et utilisé comme nom de domaine, l’impression globale du signe devra être de nature telle qu’une fraction importante du public pertinent ne le considère pas simplement comme une indication d’une URL ou adresse où le site de la demanderesse peut être trouvé sur internet, mais comme un indicateur de la provenance spécifique des produits et services pour lesquels la marque a été déposée.

30. La perception du public pertinent.

Les produits et services pour lesquels la protection de la marque est demandée apparaissent, outre le public professionnel d’exploitants d’hôtels, destinés aussi au consommateur moyen qui, via internet, va à la recherche d’informations sur les hôtels en Belgique en vue de la réservation d’une chambre d’hôtel, éventuellement via internet.

La demanderesse soutient que le public primaire se compose d’hôteliers (professionnels) qui perçoivent le signe comme une indication de la provenance des produits et services de la demanderesse (pièce 3). En effet, il s’agit à son sens en premier lieu d’une plateforme d’annonces (produit) pour exploitants d’hôtels et subsidiairement d’une plateforme de réservation pour l’internaute-consommateur (service). L’argumentation de la demanderesse revient à dire que le signe est en tout cas dans la perception d’une fraction du public pertinent une marque qui fonctionne comme indication de la provenance des produits de la demanderesse.

L’OBPI estime au contraire que pour apprécier un signe, il faut tenir compte en premier lieu du consommateur qui, via internet, se met à la recherche d’informations sur des hôtels ou qui veut réserver une chambre d’hôtel via internet.

La présence d’un groupe du public spécialisé d’hôteliers n’empêche pas que le public pertinent à prendre alors en considération pour évaluer la perception de la marque se compose au sens le plus large de toutes les personnes qui peuvent entrer en contact avec les services offerts.

Selon une jurisprudence constante, il est admis par hypothèse que le public moyen concerné est normalement informé et se comporte de manière raisonnablement avisée et attentive.

31. Il faut considérer tout d’abord que l’impression globale du signe auprès du public pertinent suscite sans aucun doute en premier lieu la perception d’un nom de domaine belge qui est utilisé pour un site web sur le thème des informations et services concernant les hôtels en Belgique.

L’élément « hotels » sans l’ajout « be » est en lui-même un mot qui est très ordinaire dans le langage courant du consommateur moyen. Il n’a pas le pouvoir intrinsèque de distinguer les produits et services de la requérante de ceux d’autres entreprises.

En outre, il est purement descriptif à l’égard des produits et services concernés dont un service qui offre la possibilité de trouver et de réserver éventuellement une chambre d’hôtel.

L’élément « be » n’ajoute aucune possibilité supplémentaire d’identification de la provenance à l’élément purement descriptif « hotels ». Pas plus que l’ajout « SA » ou « SPRL » ou l’article « le », l’abréviation (TLD) « be » n’a une valeur distinctive intrinsèque pour la provenance des produits ou services. Il en est de même pour le point « . » qui sépare les deux éléments. L’élément « be » est généralement utilisé et immédiatement identifié par le consommateur moyen comme l’extension géographique ou TLD d’un nom de domaine belge comme élément d’une adresse internet et est donc également descriptif en lui-même. Il renforce et concrétise même cet élément distinctif. ( ) et de l’article 7.1 b) et c) du Règlement 40/94 sur la marque communautaire. Voyez sur ce point les paragraphes 19 à 28 ci-après.


IV. Les points de vue des parties

13. Devant la cour, la requérante présente au fond contre la décision de refus un certain nombre de griefs qui concernent (i) la compétence limitée d’examen de l’OBPI en vertu de l’article 2.11 alinéa 1er de la CBPI, (ii) le défaut de caractère distinctif du signe (iii) le caractère exclusivement descriptif du signe et (iv) le défaut de consécration par l’usage du signe perçu comme marque auprès du public concerné.


14. Premier grief.

Selon la demanderesse, l’article 2.11 alinéa 1er CBPI implique seulement une compétence d’examen limitée de sorte que l’OBPI doit se montrer circonspect et prudent dans le refus de demandes de marques. L’OBPI pourrait se limiter refuser uniquement les dépôts manifestement inadmissibles.

L’OBPI, par contre, estime qu’il a la mission légale d’être sévère et complet dans le contrôle préventif qu’il doit exercer. Ce contrôle ne saurait être marginal ou minimal pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration. L’OBPI veut éviter d’enregistrer des marques qui peuvent être attaquées avec succès devant les tribunaux. L’OBPI se réfère à la jurisprudence de la Cour européenne de justice dans l’affaire POSTKANTOOR ( ) et en particulier aux motifs suivants :

« 123. En outre, le système de la directive repose sur un contrôle précédant l'enregistrement, quand bien même celle-ci organise également un contrôle a posteriori. L'examen des motifs de refus énoncés notamment à l'article 3 de la directive, qui est effectué lors de la demande d'enregistrement, doit être approfondi et complet afin d'éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue (voir, en ce sens, arrêt Libertel, précité, point 59).

125. Or, l'article 3 de la directive n'opère aucune distinction entre les marques qui ne peuvent être enregistrées et celles qui ne peuvent «manifestement» pas être enregistrées. Par conséquent, une autorité compétente ne saurait procéder à l'enregistrement de marques qui relèvent de l'un des motifs de refus d'enregistrement énoncés à cet article sous prétexte que celles-ci ne seraient pas «manifestement inadmissibles».


126. Il convient donc de répondre à la septième question que l'article 3 de la directive s'oppose à la pratique d'une autorité compétente en matière d'enregistrement des marques qui vise uniquement à refuser l'enregistrement de marques «manifestement inadmissibles».

La requérante estime cependant pouvoir trouver une preuve d’une attitude moins stricte en matière de caractère distinctif dans certains noms de domaine qui ont été acceptés comme marques par l’OBPI (e.a. la marque Benelux 0668371 pour « Hotels.Nl ») malgré le défaut manifeste, à son sens, de caractère distinctif de la présentation graphique spécifique de ces marques verbales à l’origine comparables.

La demanderesse souligne encore que la combinaison « hotels.be » est unique comme nom de domaine. Le signe peut être uniquement utilisé par la demanderesse comme nom de domaine et, par conséquent, est par définition indisponible pour d’autres agents économiques. La requérante en déduit que dès lors que les autres agents économiques ne sont plus libres d’utiliser le signe à cause de l’enregistrement du signe comme nom de domaine et ne sont pas non plus entravés par l’indisponibilité d’un signe identique à cause du dépôt comme marque, le motif d’intérêt général qui veut que chacun puisse utiliser librement des indications descriptives ne peut être invoqué par conséquent pour refuser l’enregistrement de la combinaison verbale « hotels.be » sur la base du caractère descriptif du signe.

L’OBPI estime qu’aucune signification ne revient au fait de l’enregistrement d’autres noms de domaine analogues qui seraient prétendument dépourvus de caractère distinctif et que l’OBPI n’est pas tenu pour ce motif d’enregistrer le signe litigieux. Chaque dépôt doit être apprécié selon ses mérites propres. Enfin, l’OBPI se réfère à une décision récente de la chambre de recours de l’OHMI selon laquelle le signe quasi identique « hotel.de » est considéré comme descriptif pour les services liés aux hôtels.( 6 7 3 ) pour un site web qui a sa base en Belgique. Cette juxtaposition de deux éléments (en termes techniques un TLD précédé par un SLD) séparé par un point n’a pas d’autre signification dans le langage ordinaire que celle d’un nom de domaine belge ( ). Un usage sans plus ne suffit pas. Il doit s’agir d’un usage par lequel le signe a acquis un pouvoir distinctif pour les produits ou services concernés qu’il n’avait pas auparavant. ( 9 8

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