Numéro de requête 2009/AR/2697

Date
Instance
REC BE
Marque
HIPROTEC
Numéro de dépôt
Déposant
HEIN GERICKE DEUTSCHLAND GMBH
Texte

LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES
18ième chambre
siégant en matière civile,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :

R.G. No. : 2009/AR/2697

EN CAUSE DE :

1. La société à responsabilité limitée HEIN GERICKE DEUTSCHLAND GmbH, société de droit allemand, ayant son siège social à 40589 DUSSELDORF, Reisholze Werftstrasse 19, Allemagne ; partie requérante,

représentée par Maître Marius SCHNEIDER et Me. T. EEMAN, avocats à 1000 BRUXELLES, Boulevard de la Cambre 33 bte 8 ;

CONTRE:

1. L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, (marques et dessins ou modèles), Service Commun aux pays du Benelux, institué par la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (marques et dessins ou modèles), ayant la personnalité juridique de droit international en vertu de l’article 1.4 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle, représentée par le Directeur général de l’Office, dont le siège est établi aux Pays-Bas à 2591 XR LA HAYE, Bordewijklaan 15 ;
partie défenderesse ;

représentée par Maître C. EYERS loco Me. Brigitte DAUWE, avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25 ;

I. La procédure devant la cour.

1. Le recours est dirigé contre la décision de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI) du 7 août 2009 qui refuse définitivement l’enregistrement d’une marque « HiProtec ».

La requête introductive a été déposée le 6 octobre 2009 au greffe de la cour en application de l’article 2.12 de la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (CBPI) du 25 février 2005 dans le délai prévu par ladite disposition.

Les parties ont été entendues à l’audience publique du 1 avril 2010.

Le ministère public a déposé son avis le 27 avril 2010. L’affaire a été prise en délibéré le 6 mai 2010.

II. L’origine du litige, la demande et la défense.

2. Le 9 novembre 2007, la demanderesse sollicite sur la base d’un premier dépôt allemand, l’enregistrement international de la marque verbale « HiProtec » pour les produits de la classe 09 :

dispositifs de sécurité à usage personnel pour la protection contre les accidents ; vêtements de sécurité pour la protection contre les accidents, les irradiations et le feu, en cuir, en nylon, en matières textiles et tous tissus respirant et fibres synthétiques hautement résistantes à l’usure.

L’enregistrement international est connu sous le numéro 949334. La demande désigne notamment le Benelux. Conformément à l’article 5 de l’Arrangement de Madrid, l’OBPI devait, comme les autorités des marques des autres pays désignés, se prononcer sur la protection de cette marque sur le territoire du Benelux.

3. Par lettre du 22 janvier 2009 l’OBPI a notifié à l’OMPI sa décision de refus provisoire d’enregistrement aux motifs suivants :

« Le signe HIPROTEC (anglais pour : ‘haute protection’)  est descriptif. Il est composé de l’indication qualificative  HI (pour HIGH) et du nom en abrégé PROTEC (pour ‘protection’). Ces éléments peuvent servir à désigner l’espèce, la qualité et/ou la destination des produits mentionnés en classe 9. Le syntagme formé est également descriptif. Le signe est en outre dépourvu de tout caractère distinctif. Le refus est basé sur l’article 2.11, alinéa 1er, sous b. et c., de la CBPI. La contraction en un seul mot et la graphie choisie n’ont pas pour effet de rendre le signe distinctif ».

Ledit article 2.11. 1 concerne les cas où la marque est dépourvue de caractère distinctif (article 2.11.1 b.) et où elle est composée exclusivement de signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autre caractéristiques de ceux-ci (article 2.11.1. c.).

4. En réponse à cette communication, le conseil de la demanderesse a introduit le 22 avril 2009 une note contestant le refus et a avancé les éléments suivants.

La demanderesse conteste le caractère descriptif des composantes « Hi » et « Protec » et estime que ce sont des abréviations qui ne sont pas utilisées dans le langage courant et que leur combinaison résulte dans un néologisme, un ensemble inhabituel. Selon la demanderesse le signe ne présente aucun lien direct et concret avec des protections contre des accidents.

En outre la demanderesse tire l’attention sur le fait que notamment l’autorité compétente du Royaume-Uni a accepté l’enregistrement de HiProtec et a donc (implicitement) jugé que le signe n’est pas descriptif, même en Anglais.

A titre subsidiaire la demanderesse soumet une série de documents (site web, catalogue et factures) dans l’intention de démontrer que le signe aurait acquis un pouvoir distinctif au Benelux par l’usage.

5. Par lettre du 11 juin 2009 le Bureau a davantage étayé sa position en expliquant que les éléments « Hi » (pour high) et « Protec » (protection) sont utilisés de manière étendue et seront immédiatement compris par le public pertinent. Il maintient qu’ils décrivent clairement les caractéristiques des produits revendiqués en classe 9 : notamment pour les motards, cette protection élevée serait une caractéristique essentielle de ces produits.

L’OBPI estime en outre que le signe n’est pas de nature à permettre au consommateur d’individualiser l’origine commerciale des produits en cause.

L’OBPI rappelle encore que chaque demande est examinée selon ses propres mérites et que l’OBPI n’est pas liée par les décisions d’autorités d’autres pays ayant accepté le signe.

Finalement, l’OBPI rejette la démonstration par la demanderesse que le signe aurait acquis un pouvoir distinctif par l’usage. Les documents soumis ne suffissent pas pour démontrer un tel usage.

Le Bureau estima qu’il y avait lieu de maintenir sa décision de refus.

6. Par un courrier du 20 juillet 2007, le conseil de la demanderesse attire encore l’attention sur l’existence de plusieurs marques enregistrées par l’OPBI contenant l’abréviation « Hi » ou « Protec » pour démontrer qu’elles ne peuvent être considérées comme étant en soi descriptifs. Concernant l’acquisition d’un pouvoir distinctif par l’usage, la demanderesse ajoute des factures complémentaires à propos des ventes datant d’avant la date du dépôt.

7. Ensuite, estimant que ses objections contre l’enregistrement n’avaient pas été levées, l’OBPI a notifié une décision de refus formelle le 7 août 2009. A ce refus est joint un courrier qui répond aux derniers arguments de la demanderesse en précisant qu’un néologisme n’a pas automatiquement pour conséquence que le signe ne serait plus descriptif. Il faut en outre un écart perceptible entre le néologisme et la somme des éléments qui le composent. En ce qui concerne la consécration par l’usage, l’OBPI estime que les factures additionnelles soumises par la demanderesse ne démontrent pas un usage suffisant (vente de seulement 89 pièces en 2006 et 2007 au magasin à Breda). Il en conclut qu’il n’est pas établi que le public pertinent perçoit le signe comme une marque suite à cet usage limité.

La requête introductive devant la cour ne fait référence qu’au courrier du 7 août 2009 par lequel l’OBPI a informé la demanderesse de son refus définitif d’enregistrer le signe litigieux. Il y a cependant lieu de considérer que la demanderesse vise aussi le contenu du courrier de l’OBPI qui précède et qui forme un tout avec la lettre du 7 août 2009 de notification du refus définitif.

En substance la demanderesse fait grief au Bureau de n’avoir pas tenu compte (i) du caractère inhabituel des deux composantes du signe (« Hi » et « Protec ») et du caractère distinctif du néologisme qui résulte de leur juxtaposition et qui crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion de ces éléments ; (ii) de la jurisprudence de la cour de céans ; (iii) de l’enregistrement de la marque par d’autres autorités et (iv) de l’acquisition d’un pouvoir distinctif par l’usage du signe.

La demanderesse demande de réformer la décision de refus de l’OBPI et l’acte d’appel vise à entendre ordonner à l’OBPI de procéder à l’enregistrement dans le registre des marques du Benelux du dépôt international n° 949334 de la marque « HIProtec » pour les produits de la classe 9.

La demanderesse postule également la condamnation de l OBPI au paiement des frais de l’instance, en ce compris l’indemnité de procédure évaluée à 1.200 euros.

8. L’OBPI maintient que les deux motifs de refus indiqués dans sa décision s’opposent à l’enregistrement de la marque et que l’OBPI a, conformément à sa mission légale, refusé à juste titre cet enregistrement. Il demande que l’appel soit déclaré non fondé et que sa décision de refus d’enregistrement du signe HiProtec n° 949334 soit confirmée. Il s’oppose à ce qu’une question préjudicielle soit posée à la CJUE telle que proposée par la demanderesse à titre infiniment subsidiaire.

III. Discussion.

9. L’OBPI se fonde sur les motifs de refus indiqués à l’article 2.11 par. 1er , sous c) et b) de la CPBI, c’est-à-dire le caractère descriptif et l’absence de pouvoir distinctif.

10. Suivant l’article 2.11.1.c. de la CBPI un signe qui est exclusivement composé de signes ou indications pouvant servir dans le commerce pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou toute autre caractéristique de celui-ci doit être refusé à l’enregistrement.

11. Le signe verbal est composé des éléments « Hi » et « Protec ».

12. Selon l’OBPI le public pertinent est un public spécialisé de personnes conduisant des motos ou pour lesquelles des vêtements et autres dispositifs de sécurité sont nécessaires (policiers, pompiers). La demanderesse de sa part estime que le public pertinent est le motard moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

13. En soi, le mot « Hi » n’a pas de signification précise dans les langues des pays du Benelux.

L’OBPI se réfère en conclusions à l’utilisation fréquente dans les langues courantes des pays du Benelux du mot anglais « Hi » dans des mots composés tels que « Hi-fi », « Hi-Tech » ou « Hi-Definition ». Selon l’OPBI, le public pertinent reconnaîtra l’élément « Hi » comme l’abréviation du mot anglais « high » qui fait partie du vocabulaire de base et dont la signification de « élevé » sera immédiatement compris. La demanderesse par contre estime que « Hi » peut se référer à une multitude de sens (par exemple la salutation « hello »).

Il importe ici de rappeler que selon une jurisprudence constante, confirmée très récemment par le TUE, un signe ne sera descriptif que s’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion,une description d’une des caractéristiques des produits et des services en cause (TUE 19 novembre 2009, affaire T-234/06, obs. 25). La
référence de l’OBPI à l’arrêt de la CJUE du 25 février 2010 dans l’affaire Lancôme C-408/08 ne permet pas d’invalider l’enseignement de l’arrêt cité du TUE. En effet, l’approche soutenue par le TUE à propos de l’examen du caractère descriptif de la marque litigieuse (voir obs. 20) n’a pas été écartée par la CJUE.

Par rapport aux produits en question le mot « Hi » en tant que tel ne sert pas à désigner l’espèce, la qualité et/ou la destination des produits pour lesquels la demanderesse a demandé l’enregistrement, à savoir les produits (vêtements et autres dispositifs) de protection de certains usagers faibles, comme les motards et les policiers ou pompiers par exemple.
Dans la mesure où les lettres ‘Hi’ sont considérées comme un mot il n’a d’autre signification que ‘salut’ (dans le sens ‘hé’), en n’a dès lors aucun rapport descriptif avec les produits concernés. Dans la mesure où ces lettres sont comprises dans le sens (comme abréviation) du mot anglais ‘high’, elles ne constituent pas un mot, mais représentent uniquement un signe purement ‘phonétique’ , c’est-à-dire l’expression verbale de sons. Dans cette hypothèse ce signe ne représente pas un contenu cognitif, mais la représentation d’un son. Dès lors il ne pourrait lui être conféré un caractère descriptif des biens concernés.

Un terme n’est pas descriptif dans la perception du public pertinent s’il n’a pas le pouvoir de décrire les produits ou une caractéristique précise des produits en cause. En l’absence d’un tel rapport matériel (concret et direct) entre signification et une caractéristique déterminable et précise, il y A absence de pouvoir descriptif. Il ne suffit pas que le signe en appellerait prétendument à une caractéristique si le public auquel le signe s’adresse ne pourrait décrire celle-ci où lui conférer le contenu de sa propre fantaisie.

Les exemples donnés en conclusions par l’OPBI démontrent plutôt que les lettres « Hi » peuvent être ajouté comme adjectif à une gamme presque infinie de substantifs (noms commerciaux, dénominations sociales, produits ou services). Il ne suffit par ailleurs pas de constater que les lettres « Hi » sont utilisées comme signe verbal dans les langues courantes au Benelux pour désigner des concepts innovants ou de nouvelles technologies pour en déduire un caractère descriptif par rapport aux produits en question. Il est indifférent qu’une marque soit descriptive pour certains produits aux fins de l’appréciation du caractère descriptif d’autres produits.

14. Le mot « protec » n’existe pas en tant que tel et est dépourvu de signification dans les langues des pays du Benelux.

Il faut cependant admettre que le public pertinent pourra dans certaines circonstances percevoir l’élément « Protec » comme l’abréviation en anglais ou en français du substantif « protection » en relation avec les produits en question (vêtements et autres dispositifs de protection contre accidents). Même un public néerlandophone pourra percevoir « Protec » comme l’abréviation du mot anglais « protection ».
La demanderesse conteste cependant que le public pertinent au Benelux comprend et utilise le terme « Protec » comme expression usuelle pour les produits en question, notamment des vêtements de protection contre les accidents.

L’OBPI cite de multiples exemples qui démontrent que le public au Benelux est effectivement exposé de façon intensive à des dénominations commerciales et sociales utlisant le vocable « Protec » dans un contexte de services de sécurité et protection. L’association entre « Protec » et « protection » est ainsi facilitée par cet usage.

L’élément « Protec » peut donc effectivement, comme l’OBPI le soutient, être compris par le public pertinent comme étant l’abréviation du vocable « protection ».

L’OBPI se réfère encore à l’utilisation du vocable « protection » dans la publicité de la demanderesse et soutient que « protection » est un vocable usuel pour désigner des dispositifs et vêtements de protection. La demanderesse admet que les mots « protection » et « protector » (protecteur) sont usuels pour les accessoires de moto en français et anglais.

Cependant, tous les exemples de l’utilisation de « protec » auxquels l’OBPI se réfère en conclusions concernent des produits ou services autres que les produits concernés. Il n’est  donc pas démontré que le terme « Protec » est actuellement utilisé par le public pertinent pour décrire des caractéristiques des vêtements ou autres dispositfs de protection ou de sécurité.

La cour ne peut cependant pas exclure que le signe verbal « Protec » dans la mesure ou le public pertinent l’identifie facilement comme abréviation de « protection » pourra à l’avenir servir à désigner une caractéristique précise des produits pour lesquels la demanderesse a demandé l’enregistrement, à savoir les produits (vêtements et autres dispositifs) de protection de certains usagers faibles, comme les motards et les policiers, ou pompiers par exemple.

15. L’OBPI estime en outre que l’expression « HiProtec »  prise dans son ensemble est également descriptive. C’est à juste titre que l’OBPI rappelle qu’une combinaison de deux éléments descriptifs forme un ensemble descriptif, sauf s s’il existe un écart perceptible entre la combinaison et la simple juxtaposition des éléments qui le composent.

Selon la jurisprudence de la CJUE (Postkantoor et Biomild), une marque constituée d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques de produits pertinents est elle-même descriptive, sauf s’il existe un écart perceptible entre le mot composé et la simple somme des éléments qui le composent. Ceci suppose notamment qu’en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport aux dits produits, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments.

L’OBPI estime en conclusions que les deux termes forment ensemble une expression courante, sans ajouter à la simple somme de ses composantes un quelconque élément qui donnerait à l’ensemble une tournure inhabituelle, notamment d’ordre syntaxique ou sémantique.

16. La cour constate d’abord qu’en l’occurrence il ne s’agit pas d’une combinaison de deux éléments descriptifs. Le signe phonétique « Hi » ne pourrait revêtir un caractère descriptif que par sa combinaison avec un substantif susceptible de lui rendre la fonction d’un adjectif avec la signification de ‘high’.

L’OBPI ne démontre pas non plus qu’ensemble les éléments « Hi » et « Protec »  forme une expression courante.

De surcroît, la cour constate encore qu’il faut un double exercice mental avant que l’on puisse arriver au sens de « high protection » ou protection élevée telle qu’indiqué par l’OPBI. En premier lieu le public ciblé devrait décomposer le signe en abréviations pour ensuite reconstruire les mots abrégés (dont les abréviations sont dérivées).

En tous cas, quand bien même le syntagme pourrait être perçu et compris par le public pertinent comme l’abréviation de « High Protection », toujours est-il que cette expression n’est pas usuelle pour les produits en cause comme c’est par exemple le cas pour les crèmes solaires. L’OBPI n’en offre aucun exemple. Les seuls exemples avancés par l’OBPI pour démontrer le caractère habituel de la combinaison ne convainquent pas à cet égard dans la mesure où ils concernent les produits de la demanderesse.

La demanderesse soutient par contre à juste titre que « HiProtec » est un néologisme, issu d’une combinaison fantaisiste et inhabituelle d’ordre sémantique, qui n’a pas de relation directe et immédiate avec les produits concernés.

Cette caractérisation de néologisme est renforcée par le fait que les deux composantes sont simplement accolées (sans trait d’union). La présence d’un trait d’union aurait permis d’identifier et distinguer plus facilement les éléments composants de mots composés tels que hi-definition ou hi-tech.

A cet égard, l’OBPI soutient à juste titre que le fait que le second élément « Protec » commence avec une majuscule en soi ne permet pas au signe d’acquérir un pouvoir distinctif et peut même neutraliser entièrement l’effet de la juxtaposition sans espace. Voir la jurisprudence citée par l’OBPI du TUE notamment en ce qui concerne le signe « PharmaResearch » (Arrêt 17 juin 2009, T-464/07, obs. 42).

Cependant, la cour juge que sur la base de l’ensemble de ces considérations, il s’ensuit que le signe verbal « HiProtec » sera plutôt perçu et retenu par le consommateur pertinent moyen comme un ensemble nouveau, inhabituel et fantaisiste que comme une description des produits en cause ou de leurs caractéristiques.

17. Même si l’on devait considérer, avec l’OBPI, qu’il s’agit en l’occurrence de deux vocables descriptifs, il faudrait néanmoins constater la présence d’un écart perceptible entre le syntagme et la simple juxtaposition des éléments composants. Le fait (i) qu’il s’agit de deux abréviations dont la combinaison n’est pas usuelle pour les produits concernés et (ii) que la graphie du signe (aspect visuel) – sans espace ou trait d’union entre les composantes – invite le public pertinent en l’occurrence à percevoir, lire, comprendre et retenir l’ensemble comme une expression inattendue, nouvelle permet à la cour d’affirmer que l’ensemble crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par les indications apportées par les éléments composants pour les primer.

A cela s’ajoute le fait que la prononciation du signe (aspect auditif) n’est pas nécessairement univoque. Il s’agit en fait d’un mot de trois syllabes hi-pro-tec pouvant porter l’accent aux différentes syllabes (à différents endroits) et il n’est pas improbable que le consommateur pertinent moyen prononce la première voyelle comme (i) et non comme (hai).

En conclusion, le signe verbal « HiProtec » ne permet pas au public pertinent d’établir immédiatement un lien direct et concret entre le signe et les produits concernés ou leurs caractéristiques, comme le soutient l’OBPI, puisque l’effort mental nécessaire pour décomposer ce signe inhabituel en ses abréviations constitutives et d’en révéler la signification telle qu’avancée par l’OBPI est de nature à rompre ce lien. Le signe sera perçu et mémorisé comme un terme fantaisiste et original plutôt que dans la signification décomposée et complétée de l’expression « high protection » ou protection élevée qui n’est d’ailleurs pas habituel pour les produits en cause.

Le signe n’est donc pas descriptif pour les produits pour lesquels la marque est déposée et il n’y a pas de raisons d’envisager que dans l’avenir un tel lien direct et concret puisse être établi.

18. Le refus de l’OBPI est ensuite motivé par l’absence de pouvoir distinctif du signe sur la base de l’article 2.11, al. 1, b) de la CMPI.

19. Le pouvoir distinctif de la marque querellée a trait au pouvoir que revêt ce signe d’identifier les produits de la classe 9. comme provenant de l’entreprise de la demanderesse et donc de distinguer ces services de ceux d’une autre entreprise (CJUE arrêt du 04 mai 1999, affaires Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, obs. 49 ; CJUE arrêt du 25 octobre 2007, affaire Develey, C-238/06, obs ; 79).

L’examen de ce pouvoir doit se faire à partir du signe tel qu’il est déposé, tout en considérant tous les éléments et circonstances pertinents concrets, et en rapport avec les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Ainsi il peut être recherché si le public visé pourra, sur la base de la marque et selon ses expériences positives ou négatives qu’il aura eues avec les produits, établir ses choix, soit pour réitérer l’achat, soit’pour l’éviter (TUE, arrêt du 12 mars 2008, affaire Compagnie SAS, T-341/06, obs. 29).

Le pouvoir distinctif doit être apprécié à la lumière de la perception du signe par le public pertinent.

Dans le cas présent le public pertinent, considéré comme étant normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est formé par toutes personnes qui pourraient avoir recours à des vêtements et autres dispositifs protégeant contre les accidents, les irradiations ou le feu comme les motards, les agents de police, les pompiers.

L’OBPI estime que le public pertinent ne pourra pas considérer que le signe « HiProtec » puisse identifier les dispositifs et vêtements de protection contre les accidents comme provenant d’une entreprise déterminée. L’OBPI se base notamment sur le caractère descriptif du signe et estime que le signe ne dispose pas d’un caractère inhabituel permettant cette identification.

Vu les considérations énoncées ci-avant cette argumentation ne peut être suivie.

Le signe n’est pas descriptif et constitue un néologisme à caractère suffisamment distinctif pour permettre au public pertinent de distinguer les produits de la demanderesse de ceux d’autres entreprises.

Dans ces circonstances la décision de l’OBPI de refuser définitivement l’enregistrement d’une marque «HiProtec » pour des produits de la classe 9 n’est pas légalement justifiée.

Il n’y a dès lors plus lieu pour la cour de se prononcer sur les autres contestations notamment concernant l’impact de l’enregistrement (dépôt n°  008865446) à titre de marque communautaire par l’OHMI du signe « HiProtec » pour des produits similaires dans la classe 9 ou la position d’autres autorités nationales sur la position de l’OBPI ou à propos de la consécration par l’usage (‘inburgering’) qui ne peuvent plus modifier l’issue du litige.

VI. Les frais

20. En ce qui concerne la taxation des dépens, les parties n’ont pas fait état d’éléments qui justifierait d’une augmentation ni d’une réduction du montant de base fixé par l’arrêté royal du 26 octobre 2007.

S’agissant d’un litige dont le montant n’est pas évaluable en argent, il y a lieu de taxer à 1.200 euros l’indemnité de procédure qui revient à la demanderesse.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR,

Statuant contradictoirement,

Eu égard à la loi du 15 juin 1935 relative à l’emploi des langues en matière judiciaire,

Reçoit le recours et le déclare fondé.

Ordonne l’OBPI de procéder à l’enregistrement dans le registre des marques du Benelux du dépôt international n° 949334 « HiProtec » de la demanderesse en classe 9, notamment pour des dispositifs de sécurité à usage personnel pour la protection contre les accidents ; vêtements de sécurité pour la protection contre les accidents, les irradiations et le feu, en cuir, en nylon, en matières textiles et tous tissus respirant et fibres synthétiques hautement résistantes à l’usure.

Condamne la défenderesse aux dépens, liquidés à 1.386 euros pour la demanderesse, y compris 1.200 euros d’indemnité de procédure, et à zero euros pour elle-même.
 

                                                                                ***********

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique civile de la chambre 18 de la Cour d’appel de Bruxelles le 14-09-2010

Où étaient présents :

- Mr. P. BLONDEEL president de chambre,
- Mme. S. GADEYNE, conseiller,
- Mr. E. BODSON, conseiller,
- Mme D. VAN IMPE, greffier.
 

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