Numéro de requête 2009/AR/3023

Date
Instance
REC BE (concl. A-G)
Marque
CARBON GREEN
Numéro de dépôt
Déposant
LA SOCIETE DE DROIT AMERICAIN CBP CARBON INDUSTRIES INC LA SOCIETE DE DROIT SLOV
Texte

COUR D’APPEL DE BRUXELLES
RG n° 2009/A.R/3023

EN CAUSE DE :

LA SOCIETE DE DROIT AMERICAIN CBP CARBON INDUSTRIES INC
LA SOCIETE DE DROIT SLOVAQUE CBP EUROPE LTD

Parties appelantes, ayant pour conseils Me Y. VAN COUTER et Me S. KINART

CONTRE :

L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
Partie intimée, ayant pour conseils Me L. DE GRYSE
et Me B. DAUWE

I. FAITS ET PROCEDURE

Le 5 mai 2008, la société CBP EUROPE LTD fit une demande d’enregistrement international de la marque verbale CARBON GREEN auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) pour les produits de la classe 17 soit « caoutchouc régénéré » : matières carbonées recyclées, en l’occurrence matières remplies de caoutchouc, matières plastiques ou élastomères provenant de résidus carbonés issus de la pyrolyse et mélanges de caoutchouc, élastomères ou matières plastiques composés de ces matières de remplissage ».

Le 5 février 2009, l’OBPI, compétent en la matière conformément à l’article 5 de l’Arrangement de Madrid, a informé l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) de son refus provisoire de l’enregistrement au Benelux du signe CARBON GREEN pour les produits visés.
Selon l’OBPI, le signe CARBON GREEN est descriptif. Il est, en effet, composé de la dénomination générique CARBON (anglais pour carbone) et de la qualité GREEN (anglais pour vert, écologique).
Ces éléments peuvent servir à désigner l’espèce, la qualité ou la destination des produits mentionnés en classe 17. Le syntagme est aussi descriptif.
Le signe est dépourvu de tout caractère distinctif.

Le 25 septembre 2009, l’OBPI a signifié sa décision de refus définitif.

Le 1er octobre 2009, la marque connaît un transfert de titulaire. La société de droit slovaque CBP EUROPE LTD a transféré la marque à la société de droit américain CBP CARBON INDUSTRIES INC.

Le 13 novembre 2009, les deux sociétés font appel de la décision de refus définitif d’enregistrement à titre de marque verbale du signe CARBON GREEN pour les produits de la classe 17.


II. ARGUMENTS DES PARTIES APPELANTES

(1) Absence de CARACTERE DESCRIPTIF

(A) Les mots CARBON et GREEN ne sont pas descriptifs pour les produits en cause.

1°) Le mot CARBON

Les différents sens du mot CARBONE ne renseignement pas directement le public sur les produits couverts (caoutchouc, matières plastiques ou élastomères recyclées).
S’il existe un lien éventuel entre le mot CARBONE et les produits visés, il est trop vague et indéterminé pour être considéré comme purement descriptif.
L’Office a déjà accepté des marques contenant le mot CARBON pour la même catégorie de produit (ex : l’enregistrement BENELUX n° 0578560 CARBONEX).


2°) Le mot GREEN

En présence du mot GREEN, le public doit d’abord le traduire. Une fois traduit, le premier sens qui lui vient à l’esprit est la couleur verte et non le sens écologiste comme prétendu par l’OBPI.
Le mot vert a plusieurs significations.
Le public va songer à la couleur verte car c’est la première signification connue du dictionnaire.
En l’espèce, les produits concernés ne sont pas de couleur verte. Le mot GREEN ne peut donner des informations directes au public sur les produits visés (caoutchouc, matières plastiques ou élastomères recyclées).

Le vocable GREEN, dans un sens « écologiste » ne peut servir à désigner une qualité objective et concrète des produits visés.
Il s’agit d’un mot qui ne fournit aucune information précise sur la nature ou la destination du produit en cause.
Les produits visés ne sont pas des produits écologiques. Ce sont des matières recyclées qui pourraient contenir des matières toxiques.

L’Office a précédemment accepté plusieurs marques contenant le mot GREEN pour la même catégorie de produits (ex : GREENFIELDS en classe 17 pour caoutchouc).

L’existence des marques acceptées pour enregistrement au Benelux (ex : GREEN GLOBE, GREENFINGERS, GREEN – PP) permet d’affirmer que le signe GREEN pour des produits en classe 17 n’est pas descriptif.

L’OBPI ne peut considérer que le public percevra les mots CARBON et GREEN comme descriptifs des caractéristiques des produits en cause.
Le public n’établira pas immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre les produits concernés et le signe verbal.
Le signe CARBON GREEN n’est pas une simple combinaison d’éléments dont chacun est descriptif de l’espèce ou des caractéristiques des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Subsidiairement, les parties appelantes estiment que l’expression CARBON GREEN n’est pas descriptive.

L’examen du caractère distinctif ou descriptif ne peut s’arrêter à celui des composantes. Il doit porter sur l’ensemble.
En l’espèce, la formulation CARBON GREEN est fantaisiste. Elle n’a en elle-même aucun sens. L’expression CARBON GREEN n’existe pas.
Elle n’a aucune signification déterminée dans le langage courant. Le public ne pourra pas percevoir le signe CARBON GREEN comme une expression ayant un lien direct avec les produits visés.
La marque concernée n’est pas RECYCLED CARBON BLACK, ni même GREEN CARBON BLACK mais seulement CARBON GREEN sans le mot BLACK.

Face à la marque CARBON GREEN, le public concerné (Benelux), après l’avoir traduit, le comprendra non comme « noir de carbone recyclé » mais bien comme un néologisme original associant une substance très répandue dans la nature sous différentes formes (CARBON) avec un mot évoquant la couleur verte (GREEN).

Tous les mots composés reprenant le terme GREEN à la fin désignent des couleurs (ex : aqua green).
Aucun des exemples des mots composés cités par l’OBPI pour soutenir le sens « écologique » du mot GREEN ne contient le mot GREEN à la fin comme c’est le cas en l’espèce : CARBON GREEN.

Le mot composé CARBON GREEN est utilisé non pas pour désigner une couleur mais pour désigner un produit qui en soi est original et dénué de sens logique.

Par ailleurs, l’association du mot pouvant évoquer une substance de couleur noire (CARBON) avec le mot évoquant la couleur verte (GREEN) renforce le caractère inhabituel du néologisme CARBON GREEN.

Compte tenu du caractère inhabituel de la combinaison CARBON GREEN par rapport aux produits visés, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent.

La combinaison du mot GREEN avec le mot CARBON demeure insolite.
Le mot CARBONE n’est pas reconnu comme lié à l’écologie.
Le caractère insolite de l’association entre le mot GREEN et le mot CARBONE prouve le caractère distinctif de la marque CARBON GREEN.

La formule anglaise CARBON GREEN est inhabituelle dans la mesure où sa structure ne correspond pas aux règles grammaticales anglaises.
La structure inhabituelle des mots a été consacrée par la Cour de Justice des Communautés européennes dans l’affaire BABY DRY.
Tout comme dans l’affaire BABY DRY, CARBON GREEN est une combinaison inhabituelle et incorrecte de deux termes (inversion nom – adjectif) qui ne forme pas une expression normale du langage.

En l’espèce, il s’agit d’une invention grammaticale qui renforce son pouvoir distinctif.
CARBON GREEN est une composition de deux mots anglais affectée d’une variation syntaxique inhabituelle comme CLEAR’INVOICE.

Le néologisme CARBON GREEN n’est pas en soi descriptif en raison du caractère inhabituel et fantaisiste de la combinaison CARBON GREEN.

(2) CARACTERE DISTINCTIF

Le pouvoir distinctif de la marque CARBON GREEN concerne le pouvoir de cette marque d’identifier les produits de la classe 17 comme provenant de l’entreprise des parties appelantes et donc de distinguer ces produits de ceux d’une autre entreprise.

L’OBPI ne prouve pas que le signe contesté CARBON GREEN est régulièrement utilisé dans le Benelux pour désigner les produits de la classe 17.

Le terme CARBON GREEN en tant que tel n’existe pas.

Le terme CARBON GREEN est bien trop vague et indéterminé pour être considéré comme une indication purement descriptive.

La formule anglaise CARBON GREEN est inhabituelle en ce que sa structure (nom et adjectif) ne correspond pas aux règles grammaticales anglaises.
Le public qui sera confronté à la marque CARBON GREEN va la considérer naturellement comme inhabituelle.

III. ARGUMENTS DE L’OBPI

1. Irrecevabilité de la demande de CBP EUROPE LTD – Absence d’intérêt dans son chef.

La première appelante est devenue seule propriétaire de la demande de dépôt du signe litigieux. Elle est la seule pourvue d’un intérêt à introduire le recours contre le refus d’enregistrement.
La seconde appelante (CBP EUROPE LTD) n’a pas d’intérêt pour diligenter la procédure.
L’action doit être déclarée irrecevable conformément à l’article 17 du Code judiciaire.

2. La Cour d’appel doit examiner si l’OBPI a, à juste titre, refusé l’enregistrement du signe « CARBON GREEN » conformément à sa mission de contrôle de contenu des signes.

Le contrôle n’est ni marginal ni minimal.
Il est strict, approfondi et complet.

Les motifs de refus d’enregistrement prévu à l’article 2.11 par. 1 sous c) CBPI trouve à s’appliquer dès que le signe ou l’indication peut servir à désigner des caractéristiques des produits concernés.

Il suffit que le signe ou l’indication, en au moins une des ses significations potentielles, désigne une caractéristique des produits concernés pour que l’autorité compétente soit obligée de refuser l’enregistrement.

L’existence de l’éventuel caractère distinctif d’une marque doit être appréciée par rapport aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.
Ce public est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

L’OBPI fonde aussi le refus d’enregistrement sur l’absence de tout caractère distinctif (article 2.11, par.1, sous b de la CBPI).
Une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques de produits ou de services au sens de l’article 3, par.1, sous c de la Directive d’harmonisation, est nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de la même disposition, sous b (Bruxelles, 18 mai 2006, MILJOEN EUROCONSUMENTEN).

3. Application des Principes au cas d’espèce

L’OBPI base son refus conformément à l’article 2. 11 par. 1er, sous b et c de la CBPI.

A) CARACTERE DESCRIPTIF : article 2.11, al 1 c de la CBPI

1°) Application du caractère descriptif par rapport aux produits concernés et au public pertinent

Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits pour lesquels son enregistrement a été demandé et par rapport à la perception des milieux intéressés.

En l’espèce, il s’agit de produits s’adressant à un public très ciblé et spécialisé, à savoir celui des constructeurs de pneus et de caoutchouc (rigides).
Les matières carbonées recyclées sont utilisées pour la fabrication ou la production de ces deux matériaux.
Ce public connaît fort bien le noir de carbone qui est un composant essentiel des pneus et du caoutchouc rigide.
Le noir de carbone permet de rigidifier le caoutchouc et de le rendre plus résistant.
En anglais, on parle de ‘carbon black’ pour désigner le noir de carbone.

L’élément CARBON

Le terme « carbon » se réfère incontestablement au carbone. Le mot existe tant en anglais qu’en néerlandais. Il s’écrit avec un « e » final en français.
Le terme « CARBON » peut servir à désigner des matières carbonées (à base de carbone).

L’élément GREEN

Le terme « green » se réfère à la couleur green.
Quand le mot se réfère à un produit, il peut revêtir aussi le sens « écologique ».
Le mot « green » est régulièrement utilisé au sein du Benelux pour se référer à l’écologie.
Le mot green est souvent employé pour désigner des produits ou services en rapport avec l’écologie.
Le public pertinent comprend le mot « green » comme étant une référence à un produit écologique et non comme un produit de couleur verte.
L’article 2.11, par. 1 c de la CBPI vise une quelconque caractéristique, peu importe qu’elle soit essentielle ou accessoire (arrêt POSTKANTOOR n°87).

Il n’est pas exigé que le signe litigieux existe dans une des langues officielles ou parlées au Benelux pour qu’il soit compris du public en question.

Il n’est pas douteux que le public spécialisé comprenne le mot « green » dans le sens écologique.
Le terme « green » peut servir à désigner des produits régénérés ou recyclés (soit des produits « écologiques » ou « verts »).
Les biens visés dans l’enregistrement sont écologiques car ils sont recyclés.

2°) Le caractère descriptif du signe « CARBON GREEN » considéré dans son ensemble

L’expression « CARBON GREEN » prise dans son ensemble est aussi descriptive des produits visés dans la demande d’enregistrement du signe.

La validité d’un signe s’apprécie de manière synthétique
Les termes descriptifs « CARBON » et « GREEN » ont été réunis en une expression courante, sans ajouter, à la simple somme de ses composantes un quelconque élément qui donnerait à l’ensemble une tournure inhabituelle, notamment d’ordre syntaxique ou sémantique.
L’ensemble n’a aucune signification propre qu’en ferait un signe autonome non descriptif.

En d’autres termes, le public pertinent considérera que la combinaison « CARBON GREEN » est un signe pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité et la destination des produits qui lui sont offerts.
Le mot « CARBON GREEN » peut servir à décrire l’espèce, la qualité et la destination des matières à base de carbone qu’elle recycle.

La partie appelante utilise le signe « CARBON GREEN » pour désigner du caoutchouc régénéré ou des matières carbonées recyclées.
La partie appelante est spécialisée dans le recyclage de pneus et de déchets de caoutchouc. Les deux produits ont en commun une composante hautement polluante : le noir de carbone ou « CARBON BLACK ».
La partie appelante a mis au point un procédé breveté permettant de recycler à 100% les pneus et les déchets de caoutchouc. Elle obtient divers composants dont le « CARBON GREEN »
Cette dénomination est naturelle pour le public concerné. Le public est composé de professionnels dans le domaine des caoutchoucs ou des pneus. Le noir de carbone, recyclé, devient « un carbone vert ».
En refusant l’enregistrement du signe litigieux parce qu’il peut servir à désigner une caractéristique des produits, l’OBPI a appliqué l’article 2.11 par. 1er sub c CPBI conformément à la Directive d’harmonisation.

B) L’ABSENCE DE POUVOIR DISTINCTIF : article 2.11, al.1, b de la CBPI.

Etant donné que la combinaison « CARBON GREEN » est composée exclusivement de signes qui peuvent désigner dans le commerce l’espèce, la qualité des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé, le signe est aussi dépourvu de tout caractère distinctif pour ces mêmes produits

Si on examine le refus d’enregistrement du signe basé sur l’article 2.11 par.1 b de la CBPI indépendamment de l’article 2.11 par 1 c, le signe CARBON GREEN est également dépourvu du caractère distinctif.

On est en présence d’un signe descriptif, il décrit l’espèce, la qualité des produits mentionnés en classe 17.

En l’espèce, le public perçoit l’expression « CARBON GREEN » comme une information sur la nature des produits enregistrés, soit les matières carbonées recyclées. Elle ne permet pas au public de distinguer les produits de l’appelante de ceux qui ont une autre origine commerciale.
Le signe litigieux ne dispose pas d’un caractère inhabituel qui permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée (C.J.U.E), 8 mai 2008, c-304/06, EUROHYPO, points 66-69).

4. Répliques aux arguments des parties appelantes

Les critères à prendre en considération pour examiner le caractère descriptif d’une marque

Les parties appelantes se réfèrent à des critères utilisés dans des arrêts du Tribunal de Première Instance des Communautés européennes ainsi qu’à l’arrêt BABY - DRY de la Cour de Justice des Communautés européennes pour contester l’application faite par l’OBPI de l’article 2.11 par.1 c de la CBPI.
Les critères proposés par l’arrêt BABY - DRY n’ont JAMAIS été repris dans la jurisprudence ultérieure de la Cour de Justice (ex. arrêts DOUBLEMINT, POSTKANTOOR et BIOMILD).

Selon la Cour de cassation, des conditions supplémentaires ne peuvent être ajoutées à
l’article 2.11 par. 1 c de la CBPI.
Il n’est pas exigé qu’un lien de destination incontestable soit prouvé entre le signe demandé à l’enregistrement et les produits concernés (CASS., 17 avril 2008, MOVE TO CURE).

La Cour de Justice a adopté une approche plus stricte dans ses arrêts interprétatifs postérieurs à l’arrêt BABY - DRY. Ainsi, dans l’arrêt rendu le 25 février 2010 (LANCÔME) aucune référence n’est faite à l’arrêt BABY - DRY.
L’OBPI ne doit pas prouver que les critères indiqués dans l’arrêt BABY - DRY seraient réunis en l’espèce.
L’expression « CARBON GREEN » peut être perçue dans la signification de « carbone vert », synonyme de carbone écologique.
Le public concerné (un public, en l’espèce, spécialisé) comprend immédiatement que le mot « CARBON GREEN » désigne un produit remplaçant le carbon black (noir de carbone).
Il n’est pas nécessaire pour le public pertinent de signaler le terme BLACK pour établir que le mot « CARBONE GREEN » désigne un produit remplaçant le carbon black.
Il n’ignore pas que seul le noir de carbone est utilisé pour la fabrication de pneus ou de caoutchouc rigide.
L’adjonction du terme « GREEN » au mot « CARBON » ne peut que faire référence au caractère écologique, recyclé du produit.
Le mot « GREEN » est utilisé à la fin (ex ACID GREEN, BOWLING GREEN, JADE GREEN, etc)
Le mot green peut être utilisé à la fin du mot.

Le signe « CARBON GREEN » se réfère au noir de carbone qui est présent dans certains caoutchoucs (pneus, câbles rigides) et le mot green aux matières recyclées.

Dans la demande d’enregistrement, les parties appelantes ont recours aux termes « régénéré » et « recyclé » se référant au caractère écologique des produits.
Le mot « green » dans le sens écologique se réfère à une caractéristique objective et concrète des produits visés c’est à dire les matières carbonées recyclées.
Le lien entre les produits demandés à l’enregistrement et le signe est précis et déterminé.

Le prétendu caractère distinctif du signe dans son ensemble qui constituerait une combinaison inhabituelle et fantaisiste.

Selon l’OBPI, « CARBON GREEN » n’est pas une combinaison inhabituelle.
Elle est descriptive de produits demandés à l’enregistrement.
Le fait que le signe soit composé du mot « carbon » et ensuite du mot « green » n’est pas inhabituel et incorrect grammaticalement.
L’association des signes « CARBON » et « GREEN » n’est pas insolite pour le public concerné.

L’enregistrement de signes contenant les mots CARBON et GREEN.

L’enregistrement de SIGNES DIFFERENTS DU SIGNE LITIGIEUX contenant les mots « CARBON » et « GREEN » ne peut être invoqué par les parties appelantes pour obliger l’OBPI à procéder à l’enregistrement du signe litigieux.

La consécration par l’usage
Le moyen n’est plus invoqué dans le cadre de la procédure d’appel.

En conclusion : L’OBPI estime avoir refusé, à juste titre, l’enregistrement du signe « CARBON GREEN » pour les produits de la classe 17.


AVIS

INTRODUCTION

Un signe ne peut constituer une marque que s’il revêt un caractère distinctif à l’égard des produits ou services qu’il a vocation à désigner et qui sont visés dans la demande d’enregistrement.
Cette exigence est doublement justifiée.
Il est impératif qu’aucune personne ne puisse se réserver l’usage de signes, en particulier de termes ou d’images, indispensables ou au moins utiles aux concurrents dans l’exercice de leur activité pour désigner leurs produits ou services ou leurs caractéristiques.
Un signe ne peut jouer le rôle d’une marque, c’est à dire associer des produits ou des services à l’entreprise dont ils proviennent en les distinguant des produits ou services du même type ayant une origine différente, que s’il est perçu par le public pertinent comme arbitraire à l’égard de ces derniers.
- Un signe dépourvu de caractère arbitraire n’est pas perçu par les consommateurs comme l’indicateur d’une origine ; il ne peut exercer la fonction de garantie d’identité d’origine attachée à la marque.
Inapte à exercer cette fonction, il ne peut constituer une marque valable.
La Cour de Justice souligne qu’ « au vu de l’article 2 de la Directive, une marque présente un caractère distinctif lorsqu’elle est propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises » (CJCE du 7 juillet 2005, NESTLE, Rec. p. I 6135).

Il suffit que le signe soit distinctif à l’égard des produits ou services concernés.
Il n’est pas nécessaire qu’il soit, en lui-même, nouveau ou original.
Le TPICE souligne de manière régulière que « pour établir le caractère distinctif d’un signe, il n’est pas nécessaire de constater que le signe est original ou fantaisiste » (TPICE, 9 octobre 2002, ULTRAPLUS, Rec. p. II- 3867 (point 45) ou encore que
« la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que pour qu’une marque tridimensionnelle puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisés dans le commerce ».
(TPICE, 31 mai 2006, Rec. p. II-1511).

Inversement, l’originalité n’implique pas la distinctivité. Selon le TPICE « la circonstance que des produits aient un design de qualité n’implique pas nécessairement qu’une marque constituée de la forme tridimensionnelle de ces produits permet AB INITIO de distinguer lesdits produits de ceux d’autres entreprises »
(TPICE, 12 septembre 2007, point 64).

- Incidence d’enregistrements antérieurs
A diverses reprises, la Cour de Justice a été amenée à se prononcer sur le point de savoir si l’existence d’enregistrement antérieur dans la Communauté, portant sur des signes identiques ou similaires pour des produits ou services identiques ou similaires, doit être prise en considération par l’autorité chargée d’apprécier le caractère distinctif d’un signe dont l’enregistrement est demandé. Elle a toujours répondu que l’autorité n’est pas liée par une décision antérieure (CJCE, 12 février 2004, KPN, Rec. p. I-1619, points 42 à 44).

Elle estime que « si l’autorité nationale compétente pour l’enregistrement doit, dans le cadre de l’instruction d’une telle demande et dans la mesure où elle dispose d’informations à cet égard, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir qu’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, elle ne saurait en aucun cas être liée par celles-ci »
(CJCE, ord., 12 février 2009, BILD DIGITAL, point 17).

- L’appréciation de la distinctivité de signe s’opère par référence au langage courant, voire, dans le cas où le signe s’applique à des produits ou services destinés aux professionnels, au langage professionnel. Ainsi, un terme peu connu du public peut être considéré comme dénué de caractère distinctif s’il est usuel dans le milieu professionnel auquel s’adressent les produits ou services en cause.
La solution est compréhensible dans la mesure où la marque constituée d’un tel signe a vocation à exercer sa fonction de désignation de produits ou de services et d’identification auprès de la clientèle, aussi spécialisée soit elle.

- Le caractère descriptif s’apprécie du point de vue du public ciblé, qui peut être un public de professionnels, naturellement susceptible d’avoir une connaissance particulière de termes techniques couramment employés dans le secteur d’activité en cause, par exemple de symboles chimiques (ex TPICE du 12 janvier 2005, SN TEM, Rec. p.II-47).
Le signe tombe sous le coup de l’exclusion s’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou services ou d’une de leurs caractéristiques objectives (ex TPICE, 12 juin 2007, LOKTHREAD).

- Les critères d’appréciation de la distinctivité des marques verbales composées d’éléments eux-mêmes non distinctifs : BABY DRY et POST BABY DRY.

La Cour de Justice a apporté d’importantes précisions sur la méthode d’appréciation de la distinctivité des signes exclusivement composés d’éléments dépourvus, pris individuellement, de caractère distinctif.

Saisie d’un pourvoi contre un arrêt du TPICE, la Cour de Justice s’est prononcée dans un célèbre arrêt du 20 octobre 2001, à propos du signe BABY-DRY (Bébé-sec) déposé comme marque communautaire pour désigner des langes pour bébés (CJCE, 20 septembre 2001, BABY-DRY, Rec. p.I-6251).
La Cour admet que le signe est composé exclusivement de termes descriptifs, pour les consommateurs de langue anglaise, pour désigner des langes ayant précisément une fonction d’absorption pour maintenir les bébés au sec.
Mais elle indique qu’un signe qui comporte des éléments pouvant servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur concerné, pour désigner le produit ou service ou une des caractéristiques essentielles ne doit être refusé à l’enregistrement par application de l’article 7, §1er, c du règlement, excluant les signes descriptifs, « qu’à condition qu’il ne comporte pas d’autres signes ou d’autres indications et, au surplus, que les éléments exclusivement descriptifs qui le composent ne soient pas présentés ou disposés d’une façon qui distingue l’ensemble obtenu des modalités habituelles de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentielles » (point 39).

La Cour applique la solution aux signes composés de mots dont elle rappelle que le caractère distinctif peut être apprécié d’abord pour chacun des mots pris séparément mais doit, en tout état de cause, l’être ensuite pour l’ensemble qu’ils composent.
Elle en déduit que « tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l’enregistrement par rapport à la terminologie employé dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles, est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif » (point 40).

Comme le signe « BABY-DRY » ne peut en lui-même être compris, par un consommateur de langue anglaise, comme une manière normale de désigner des langes de bébé ou de présenter leurs caractéristiques essentielles dans le langage courant, mais seulement comme une juxtaposition des termes, inconnue en langue anglaise pour opérer une telle désignation, la Cour déclare qu’il peut être enregistré comme marque. Le signe est certes fort évocateur mais comporte, pris dans son ensemble, une part d’arbitraire résultant d’une inversion lexicale qui lui confère un caractère distinctif.
Selon l’arrêt, un écart quelconque avec le mode de désignation suffit à exclure le grief de caractère descriptif.
L’interprétation de la Cour a été critiquée en son sein (voir Av.gén. RUIZ – JARABO COLOMER, conclusions du 31 janvier 2002 dans l’affaire KPN).

Par la suite, la Cour aura l’occasion de préciser la portée de la solution consacrée dans l’arrêt BABY-DRY. Dans deux arrêts CAMPINA MELK UNIE BVC/ Bureau Benelux (aff. BIOMILD) et KPN, rendus en interprétation de l’article 3, §1er, c de la directive, elle a jugé que le simple fait d’accoler les termes descriptifs constituant le signe, pour en faire un néologisme, ne permet pas de faire échapper le signe au vice de descriptivité en l’absence de modification inhabituelle, notamment d’ordre syntaxique ou sémantique (CJCE, 12 février 2004, rec. p. I-1699).

La Cour a précisé le sens de la notion d’écart perceptible. Elle a jugé qu’un tel écart suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport aux produits et services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu’il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu’il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent.
Dans ce cas, il faut vérifier si le mot n’est pas lui-même descriptif (arrêt KPN du 12 février 2004, Rec. p.I- 1617, point 100).

Autrement dit, le signe n’est distinctif que s’il représente autre chose que la simple somme des éléments non distinctifs qui le composent.
Cette exigence d’une « impression suffisamment éloignée » va dans le sens préconisé par l’avocat général dans les affaires CAMPINA et KNP qui, contestant le libéralisme de l’arrêt BABY-DRY, avait souhaité un écart, non plus seulement quelconque, mais significatif entre la marque exclusivement composée d’éléments descriptifs et les modalités habituelles de désignation du produit ou service (DOUBLEMINT).
La Cour exclut l’enregistrement de la marque lorsque l’écart, bien que perceptible, est trop mince.
Le fait que le mot constituant le signe ne figure pas dans le dictionnaire, ou comporte une faute d’orthographe, n’est pas nécessairement la preuve de son absence de caractère descriptif (voir TPICE, 12 juin 2007, LOKTHREAD).

CONCRETEMENT

- Les éléments composant le signe demandé à l’enregistrement sont-ils descriptifs ?

Le mot CARBON fait inévitablement songer au mot carbone. Il peut être utilisé pour viser des matières carbonées.
Le mot GREEN fait penser à la couleur verte.
Mais lorsqu’il est associé à un produit, la tendance écologique du produit l’emporte dans un monde particulièrement sensible à l’effet de serre et à ses conséquences.
En présence de produits qui font l’objet de la demande d’enregistrement (soit du caoutchouc régénéré) le public avisé perçoit le mot GREEN comme se référant à un produit écologique.
Ce n’est pas la couleur verte du produit qu’il retiendra en premier lieu.
Le mot « GREEN » peut être utilisé pour viser des produits recyclés (donc des produits écologiques).

- Le signe « CARBON GREEN » dans son ensemble – l’expression est-elle descriptive ?

On constate en l’espèce que la réunion des deux termes descriptifs CARBON et GREEN (voir SUPRA) n’ajoute rien à la simple somme de ses composantes.
L’ensemble ne prend pas une tournure inhabituelle, que ce soit syntaxique ou sémantique.
L’ensemble ne présente aucune signification spécifique qui en ferait un signe autonome non descriptif.
Pour un public avisé, la combinaison « CARBON GREEN » est un signe, qui dans le commerce, peut servir à désigner l’espèce, la qualité et la destination des produits proposés (c’est à dire des matières à base de carbone que la société recycle).
Le carbon green est un substitut qui remplace le noir carbone dans la fabrication de pneus et de caoutchouc.
Le public concerné n’est nullement surpris par la dénomination utilisée par l’appelante dans la mesure où le noir de carbone devaient un « carbone vert ».

L’OBPI a, à juste titre, refusé l’enregistrement du signe contesté dans la mesure où il peut servir à désigner une caractéristique des produits concernés.

Le signe est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits dont l’enregistrement est demandé.
Le signe décrit l’espèce, la qualité des produits repris à la classe 17.
L’expression « CARBON GREEN » éclaire le public sur la nature des produits (c’est à dire les matières carbonées recyclées).
On ne perçoit pas un caractère inhabituel dans le chef de ce signe.
Le signe n’a pas de pouvoir distinctif. Il ne peut être accepté à l’enregistrement.
Enfin, l’enregistrement de signes différents du signe contesté contenant les mots « CARBON » et « GREEN » n’est pas de nature à forcer l’OBPI à procéder à l’enregistrement du signe litigieux.

*** 

CONCLUSION

• L’appel est irrecevable à l’égard de la société slovaque CBP EUROPE LTD (absence d’intérêt, article 17 du Code judiciaire).
• L’appel est recevable à l’égard de la société de droit américain CBP CARBON INDUSTRIES INC.
• L’appel est non fondé. La décision de l’OBPI de refus d’enregistrement du signe « CARBON GREEN » devrait être confirmée.


Bruxelles, le 15 juin 2010


M. PALUMBO
Avocat général

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