Numéro de requête 9089(R97/154HR)

Date
Instance
CASS NL (concl. A-G)
Marque
CHICKEN TONIGHT
Numéro de dépôt
Déposant
UNILEVER N.V.
Texte
4 ):
 
“Diese Ersichtlichtkeit ist nur dann gegeben, wenn im Hinblick auf die konkreten Waren und Diensleistungen des Verzeichnisses sowie auf den Anmelder kleine Benutzungsform denkbar ist, in der das Zeichen ohne Täuschung verwendet werden könnte.
 
Jusqu’ici, le passage cité semble encore en ligne avec le point de vue défendu par la branche (étant entendu que le passage cité, comme il est dit, concerne la question de savoir si l’on peut parler d’une marque absolument inadmissible). Mais une concrétisation relativisante suit immédiatement:
 
Diese zentrale Regel ist in mehrfacher Hinsicht zu konkretisieren. Zunächst ist klarzustellen, dass das Zeichen als solches, nicht eine bestimmte Art der Verwendung (zB im Zusammenhang mit weiteren Elementen usw.) irreführend sein müss (…). Sodann ist der konkrete Bedeutungsinhalt des Zeichens nach dem massgebenden Verständnis des Verkehrs (…) zu bestimmen und in die Beziehung zu den Waren und Dienstleistungen des Verzeichnisses zu setzen.
Sind im Verzeichnis Waren oder Dienstleistungen enthalten, für die der Begriff nicht irreführen würde, kann dem Zeichen die Eintragung nicht versagt werden”. (curs. toegevoegd)
 
2.11      Ingerl et Rohnke écrivent plus loin dans leur ouvrage( ), le Hoge Raad a considéré au point 4.4
 
“l’on aurait de la peine à admettre que les gouvernements n’auraient pas considéré que les dispositions nationales relatives à la procédure par requête devant le juge civil fussent applicables à la procédure visée à l’article 6ter : s’ils avaient estimé que ces dispositions ne trouvaient pas à s’appliquer, ils auraient en effet réglé la procédure plus en détail ”.

Cette considération concernait la recevabilité du pourvoi en cassation de Campina, mais elle s'applique évidemment aussi à la présente question.
Dans ses conclusions avant l'arrêt, l'AG suppléant Strikwerda faisait observer à ce propos:
 
“L'argument décisif est à mon sens que les termes de la loi et du Commentaire commun partent implicitement du principe qu'il s'agit d'une procédure ordinaire par requête devant le juge civil, sa seule particularité étant qu'il est passé outre au premier degré de juridiction”.
 
 
            La Cour Benelux a répondu ensuite comme cité sous le n° 1.9 des présentes conclusions.
            Dans ce contexte, il me paraît défendable de répondre par l'affirmative à la question de savoir si une condamnation aux dépens peut être prononcée dans une procédure telle que la présente, cette réponse étant renfermée dans l'ordonnance de renvoi du Hoge Raad en liaison avec la décision de la Cour Benelux, considérée dans le contexte des conclusions de son AG. Dans ses conclusions du 10 novembre 2000 dans l'affaire Libertel (n° 2.35), l'AG Langemeijer relevait cependant que la cour de La Haye a déjà posé une question préjudicielle sur ce sujet à la Cour de Justice Benelux dans l'affaire Postkantoor. C'est pourquoi il me semble préférable d'attendre la décision dans cette affaire avant de statuer sur la branche 3.
 
3.                   Conclusion
 
Je conclus au rejet du pourvoi tout en réservant à statuer sur les dépens.
 
Le Procureur général près le
Hoge Raad der Nederlanden,
 
* * * * *


(1) Pour l'énumération des produits désignés dans ces classes, je renvoie au point 2 de l'ordonnance attaquée.
(2) Publié dans IER 1997, 57.
(3) HR 19 juin 1998, NJ 1999, 68 (Campina).
(4) CJBen 26 juin 2000, NJ 2000, 551.
(5) PbEG1989, L40.
(6) On aura visé l’art. 14A début et sous 1c.
(7) L’arrêt Campina décide entre autres que le juge doit examiner ‘in concreto’ la validité d’un signe déposé comme marque en appréciant si le signe déposé est dépourvu de caractère distinctif ou est exclusivement descriptif -.
(8) Publié dans IER 1996, p. 217 et BIE 1996, p. 393.
(9) BpatG GRUR 1989, 593 (Molina).
(10) N° 89/104/CEE.
(11) Citation empruntée à Markengesetz, Ingerl et Rohnke, 1998, p. 193.
12) O.c. p. 901-902.
(13) O.c. p. 903.
(14) Avec ce qui précède, je reformule le texte de cette disposition à la lumière de l’arrêt largement commenté CJCE 11 novembre 1997, NJ 1998, 523 (Puma/Sabel). Pour sa motivation, je renvoie à R. Raas, Overeenstemming over verwarring, diss. Leiden 2000, p. 79 et suiv., 237-238, 401 et suiv. et 419 et suiv.
(15) Gielen/Wichers Hoeth, Merkenrecht, 1992, n°. 919, estime qu’à part l’art. 13A LBM “il n’y a pas ou guère de latitude pour une protection complémentaire basée sur l’art. 6:162 code civil”. Cette conception est cependant basée de toute évidence sur le critère Union qui était encore applicable à l’époque de l’interprétation de l’art. 13A LBM. Depuis l’arrêt Puma/Sabel de la Cour européenne évoqué dans la note précédente, la protection offerte par le droit de marque est cependant rétrécie. Dans la mesure où c’est le cas, croît la latitude et le besoin de protection complémentaire de l’art. 6:162 Code civil
(16) Voyez le commentaire du Protocole du 2 décembre 1992, S&J 47-I, p.47.
(17) Comparez Verkade dans son annotation HR 14 juin 1991, NJ 1992, 393. Voyez aussi CJBen 20 décembre 1996, NJ 1997, 312.
(18) HR 19 juin 1998, NJ 1999, 68.
5 ) Elle énonce ce qui suit à l'égard du critère visé à l'art. 4 sous 2:
 
“Le critère de “tromperie” s'applique de façon restrictive aux marques au sujet desquelles il y a contradiction entre d'une part les éléments de la marque et d'autre part les produits ou services indiqués lors du dépôt et par conséquent la marque est de nature à induire le public en erreur. Ce critère ne s'applique pas aux marques au sujet desquelles cette contradiction revêt le caractère d'une fantaisie évidente.”
 
Pour clarifier cette directive, le commentaire donne quelques exemples, entre autres concernant le signe LARRY, une marque figuratiive avec la mention bière et un taux d’alcool qui est déposée pour de la bière, du vin et de la limonade. Ce signe sera refusé – selon le commentaire – pour du vin et de la limonade et enregistré pour de la bière. Un autre exemple est le signe APPLE, une marque figurative d’une pomme qui est déposée pour des T-shirts. Ce signe n’est pas refusé en raison du fait que la marque (une représentation d’une pomme) renferme un élément de fantaisie vu le produit pour lequel elle est déposée.
Dans ces exemples, le signe déposé est chaque fois apprécié en relation avec les produits ou services auxquels il est destiné sur le point de savoir s’il est de nature à induire le public en erreur.
 
2.8        Dans la mesure où le moyen tend à dire que le signe déposé doit certes être apprécié à l’aide de la liste des produits annexée, mais qu’une signification décisive revient à l’usage concret qui en sera fait, raisonnablement prévisible ou réellement constatable, même dans la mesure où cet usage futur est contraire à la liste des produits, il est en porte-à-faux avec deux arguments à tirer du système légale.
Premièrement, s’y oppose l’argument cité à l’instant que la question de savoir si l’enregistrement du signe peut être de nature à tromper le public doit être appréciée en relation avec les produits ou services pour lesquels il est déposé.
Deuxièmement, l’intérêt de la liste annexée des produits et services est en fait réduit à néant, bien que l’ajout de cette liste soit une condition légale essentielle.
 
 
2.9        En droit allemand, le Bundespatentgericht a rendu un jugement sur la question de la marque absolument inadmissible( 16 ) sur la recevabilité du pourvoi en cassation dans des affaires telles que la présente.
 
1.8               Par ordonnance avant dire droit du 6 novembre 1998, le Hoge Raad a statué de manière conforme en suspendant la cause.
 
1.9               La CJBen a rendu un arrêt entre-temps dans l'affaire Campina.( 10 7 )
(b)                Le Bureau Benelux des Marques – dénommé ci-après le BBM ou le Bureau des Marques – a fait savoir par lettre du 4 juin 1996 à Unilever qu'il refusait provisoirement (partiellement) l'enregistrement du dépôt. Le BBM a communiqué les motifs suivants à cette fin::
 
«Etant donné que la reproduction du signe UNOX CHICKEN TONIGHT (fig.) porte manifestement sur une sauce à l’étuvée pour poulet, le signe est de nature à tromper le public pour tous les produits autres que la sauce à l’étuvée mentionnés dans les classes 29 et 30 (article 6bis, alinéa premier sous b de la loi uniforme Benelux sur les marques (...)); veuillez adapter la liste des produits. »“.
 
(c) Unilever a déposé réclamation contre ce refus provisoire partiel. Le BBM n'y a vu aucun motif de revoir sa décision provisoire. Par lettre du 27 janvier 1997, le BBM a notifié à Unilever sa décision de la même date, portant refus définitif du dépôt pour les produits des classes 29 et 30 avec la communication que la marque sera enregistrée pour la classe 30: sauce à l'étuvée pour poulet.
(d)Le 4 avril 1996, Unilever a déposé, sous le numéro 868.723 une marque figurative, constituée de la reproduction d'un bocal, rempli d'une substance rougeâtre et revêtu d'une étiquette portant les mots « UNOX », « CHICKEN TONIGHT » et « HAWAIÏ », ainsi que les mots « sauce à l'étuvée pour poulet », pour les mêmes classes 29 et 30.
(e) Par lettre du 11 septembre 1996, le BBM a fait savoir qu'il refusait provisoirement (partiellement) l'enregistrement du dépôt pour le même motif que celui énoncé sous (b).
(f) Unilever a également déposé réclamation contre ce refus provisoire, mais de nouveau en vain: par lettre du 18 mars 1997, le BBM a avisé Unilever qu'il refusait définitivement l'enregistrement du dépôt pour tous les produits dans les classes 29 et 30 à l'exception de la sauce à l'étuvée pour poulet.
 
1.3        En vertu de l'art. 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM), Unilever a introduit le 24 mars 1997 un recours auprès de la cour d'appel de La Haye contre ces décisions du BBM. Elle a demandé d'ordonner au BBM de procéder à l'enregistrement des dépôts 866.369 et 868.723 pour les produits refusés. Toutefois, elle n'a pas maintenu sa requête pour les produits viande, poisson, gibier et extraits de viande en classe 29.
 
1.4        Le Bureau des Marques a demandé à la cour de rejeter la requête d'Unilever. Le Bureau a formé en outre une demande reconventionnelle afin de limiter l'étendue du dépôt dans la mesure où il serait enregistré. La cour a déclaré cette demande du BBM irrecevable parce que la LBM ne crée pas de base à cette fin. Cette décision n'est pas contestée en cassation.
 
1.5        Par ordonnance du 4 septembre 1997( ) Concédons néanmoins que pour le dépôt du même signe pour des barbelés ou de la pommade, on aura à peser la question ”.
 
La directive dont le Bureau des Marques se sert pour l'application des critères de refus visés à l'art. 6bis alinéa 1er de la LBM se base également sur cette relativisation de la notion “trompeur”.( ) , dans lequel on trouve des éléments qui se retrouvent (sans doute fortuitement) dans le moyen. Comme les raisons pour lesquelles cette ressemblance est l’examen pure apparence sont illustratives pour le présent litige, il est utile de s’arrêter à ce jugement et à ce qui a été écrit à son sujet en doctrine. Le jugement donnait une interprétation du § 37 Abs. 3 Markengesetz, qui est libellé comme suit: 
 
“Eine Amneldung wird nach § 8 Abs. 2 Nr. 4 nur zurückgewiesen, wenn die Eignung zur Täuschung ersichtlich ist”.
 
Cette disposition peut être considérée comme l’équivalent de notre art. 4 début et sous 2 LBM, étant entendu qu’il porte uniquement sur des signes qui sont, en tant que tels, inaptes à servir de marque. L’article est déclaré applicable, dans l’Abs. 5 examiné ci-après, aux signes qui peuvent induire le public en erreur uniquement à l’égard de certains produits ou services et dont l’enregistrement est donc refusé uniquement dans cette mesure.
La disposition allemande et l’article Benelux ont une origine commune. Tous deux dérivent de l’art. 3 § 1, début et sous (g) de la première directive CE ( 9 ) C’est pourquoi l’interprétation donnée en Allemagne au § 37 Abs. 3 Markengesetz, a de l’intrêt – sinon une signification décisive – pour l’interprétation de notre art. 4 début et sous 2 LBM.
 
2.10      Ingerl et Rohnke attirent l’attention sur le fait que le Bundespatentgerichta jugé dans l’affaire Molina que l’on peut seulement parler de “capacité manifeste à tromper le public” au sens de cette disposition si le signe, en relation avec les produits ou services pour lesquels il est déposé, ne peut être utilisé en aucune façon sans qu’il faille craindre une tromperie. Ils font remarquer à ce propos ( 17 1 14 ) D’autre part, Unilever pourrait baser une action en interdiction ou réparation du dommage sur un acte illicite commis par ce concurrent, consistant en une imitation servile ou approchante. En effet, l’espace de protection complémentaire de l’art. 6:162 code civil s’étend à mesure que la protection du droit des marques se rétrécit.( 15 11 ), la cour a rejeté la requête d'Unilever. A cette fin, elle a émis – en résumé – les considérations suivantes.
(a)                Le Bureau a basé ses décisions de refus sur l’article 6bis, sous b, juncto art. 4 sous 2 de la LBM (tromperie du public). Dans l'appréciation de ce refus, le juge se base sur la marque telle qu'elle a été déposée. Les modifications qui ont été ou seront apportées par la suite dans l'usage de la marque déposée n'ont pas à être prises en considération (points 3 et 4).
(b)                Unilever invoque vainement l'art. 5C § 2 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (Convention de Paris). Cet article concerne exclusivement les effets de l’usage d’une marque sous une forme légèrement différente de la marque enregistrée. Cette disposition ne se prête pas à une application analogique pour se prononcer sur la présente question (point 5).
(c)                Le public peut percevoir l'indication “sauce à l'étuvée pour poulet”. Il est sans intérêt que cette indication soit moins voyante que les mots “CHICKEN TONIGHT”. Du fait que la mention des mots précités est combinée aux mots « sauce à l’étuvée pour poulet », le public s’attendra à ce que les marques se rapportent à une sauce à l’étuvée pour poulet. C'est pourquoi l'usage de ces marques pour d'autres produits que la sauce à l'étuvée pour poulet pourra toutefois être de nature à tromper le public. Dès lors que les dépôts ont été effectués pour de tels autres produits, il y a dans cette mesure tromperie éventuelle au sens de l'art. 4 sous 2 LBM (point 6).
(d)                Les dispositions du code de procédure civile concernant la procédure par requête s'appliquent par analogie. La LBM ne s’y opposant pas, une condamnation aux dépens par application de l’article 429k du Code de procédure civile sera prononcée (point 9).
 
1.6               Unilever a formé un pourvoi en cassation contre l'ordonnance de la cour. Le BBM a demandé de rejeter le pourvoi. Les deux parties ont fait exposer leurs points de vue par écrit.
 
1.7               Dans mes conclusions intermédiaires du 4 septembre 1998, je conclus à ce que la cause soit suspendue jusqu'à ce que la Cour de Justice Benelux (CJBen) se soit exprimée dans l'affaire Campina ( ):
 
“Ersichtlich sur Täuschung geeignet ist ein Zeichen nur dann, wenn sich aus den Anmeldeunterlagen selbst ergibt, das die Marke täuschend wäre. Die konkrete angemeldete Zeichen muss also für mindestens einzelne (Abs. 5) Waren oder Dienstleitungen des Verzeichnisses in jedem Fall irreführend sein, es darf also keine Waren oder Dienstleistungen dieser Gattung geben, die ohne irreführungsgefahr mit dem angemeldeten Kennzeichen versehen werden könnten”.
 
2.12      Le passage cité et les critères qu’il renferme qui reviennent aussi dans la branche portent donc uniquement sur des signes qui, en tant que tels, sont inaptes à servir de marque. Il en va autrement des signes qui sont inaptes en ce sens à l’égard de certains produits ou services, mais aptes à l’égard d’autres. Ainsi qu’il ressort du passage cité, ceci s’exprime en droit allemand dans la loi du fait que le § 37 Abs. 3 Markengesetz doit être interprété en liaison avec le cinquième alinéa de cette disposition, qui est libellé comme suit :
 
“Die absätze 1 bis 4 sind entspechend anzuwenden, wenn die Marke nur für einen Teil der Waren oder Dienstleitungen, für die sie angemeldet worden ist, von der Eintragung ausgeschlossen ist”.
 
Cette disposition est commentée comme suit par Ingerl et Rohnke( 12 ):
 
“Das DPA kann die Marke hinsichtlich einzelner Waren oder Dienstleitungen des Verzeichnisses beanstanden. Absolute Schutzhindernisse bestehen in der Regel im Hinblick auf die konkrete Verwendug eines bestimmten Zeichen für bestimmte Waren oder Dienstleitungen. Das gleiche Zeichen kann z.B. für bestimmte Waren unterscheidungskräftig sein, für andere nicht. In diesen Fallen weist das DPA im Bestandungsbescheid auf die konkret betroffenen Waren oder Dienstleistungen hin. Es obliegt dann zunächst dem Anmelder, ob er durch eine Beschränkung des Verzeichnisses die Bedenken ausräumen will, eine Änderung des Verzeichnisses durch das PDA von Amts wegen ist nicht zulässig.” (italiques ajoutés)
 
2.13      On peut conclure que le droit allemand des marques plaide contre la conception défendue par le moyen. Comme aux Pays-Bas, certains signes en Allemagne sont inaptes à servir de marque et la réponse à la question de l’aptitude pour d’autres signes dépend de la nature des produits ou services qu’il sert à distinguer. On doit donc apprécier en liaison avec la liste annexée des produits si le signe déposé peut induire le public en erreur. Cette appréciation peut conduire à un refus partiel de l’enregistrement, en droit allemand suivant le § 37 Abs. 5 Markengesetz, en droit néerlandais suivant l’art. 6bis alinéa 2 LBM.
Non seulement la provenance commune de ces deux dispositions mais aussi parce qu’il importe – indépendamment de cela – de parvenir à une interprétation uniforme dans une matière qui touche de si près le commerce entre les deux états membres, cette conception allemande est importante pour l’interprétation du droit Benelux.
 
2.14      Ces arguments tirés du système de la LBM et des résultats de droit comparé au détriment de l’interprétation défendue par Unilever de l’art. 4 début et sous 2 LBM, ne sont pas minés en affirmant – comme la branche le fait – que le titulaire d’une marque qui effectue un dépôt axé sur la liste jointe des produits (dans notre cas donc un dépôt dans lequel les mots “sauce à l’étuvée pour poulet” et “curry” sont écartés), serait dépourvu de voies de recours contre les concurrents qui veulent profiter des limitations de ce dépôt. En effet, on serait vite en présence de la situation visée à l’art. 13A alinéa 1er et sous (b) de la LBM, où l’on fait usage, dans la vie des affaires, d’un signe ressemblant pour des produits similaires pour lesquels la marque est enregistrée, tandis qu’un risque de confusion, comprenant le risque d’association existe dès lors dans l’esprit du public.( 8 2 3 ); la jurisprudence publiée n’apporte pas d’élément pour répondre à la question qui nous préoccupe.
 
2.16      D’autre part, Unilever a avancé d’autres arguments auxquels je n’attache pas une grande valeur pour les raisons suivantes. Contrairement à ce que laisse entendre le commentaire du moyen sous les n° 2 et 3, le critère contenu à l’art. 4 sous 2 LBM ne peut pas être compris en ce sens qu’il renvoie à la notion de ressemblance à l’art. 13 LBM. Cet article concerne en effet la question de savoir si un signe déposé comme marque ressemble à une marque existante. Aucune autre marque ne doit intervenir pour déterminer si l’usage d’une marque peut induire le public en erreur au sens de l’art. 4 sous 2 LBM.
 
2.17      Il est en outre compréhensible en soi que des grandes entreprises comme Unilever veuillent enregistrer leurs marques de préférence pour un maximum de produits, mais on ne voit pas pourquoi ce souhait devrait peser plus lourdement que le fait que la compétence de refus du BBM vise à accroître la fiabilité du registre des marques dans l’intérêt de ceux qui consultent ce registre. Cet objectif est contrecarré en offrant la possibilité d’enregistrer une marque pour (beaucoup) plus de produits qu’elle ne le suggère (ou pour lesquels elle sera réellement utilisée).
 
2.18      Avec ce qui précède, les griefs et arguments soulevés dans la branche I(a)-(d) ont été pesés et jugés (pour l’heure) trop légers. C’est pourquoi j’en viens à la sous-branche (e).
Sous (i) il est dit que les présentes marques peuvent être utilisées régulièrement en omettant les mots non distinctifs “sauce à l’étuvée pour poulet”.
La sous-branche se heurte au fait que la cour aurait accepté la justesse de cette affirmation selon Unilever ou se serait abstenue. Ce n’est pas vrai. La cour a écarté expressément l’argument d’Unilever tiré de l’applicabilité de l’article 5C de la LBM. La branche échoue donc à défaut de fondement en fait.
Ajoutons surabondamment que la marque dépose contient une fois pour toutes ces mots. Comme on l’a vu, pour apprécier la question de savoir si le signe déposé comme marqueest de nature à induire le public en erreur, l’examen porte exclusivement sur ce signe en relation avec la liste annexée des produits et services et non ce signe sous une forme différente qui s’en écarte.

 
2.19      La sous-branche avance sous (ii) qu’il est permis d’admettre qu’Unilever utilisera toujours les marques en cause dans le respect de ce qui est dit sous (i).
Ce grief développe le précédent et doit donc partager son sort.
 
2.20      Enfin, la sous-branche expose sous (iii) qu’il est possible d’utiliser les marques en cause en relaton avec d’autres produits que la sauce à l’étuvée pour poulet dans un contexte tel qu’aucune tromperie n’est prévisible.
Quand bien même il en serait ainsi, ce grief qui développe l principe défendu sous (i), jugé non valable, ne peut pas non plus atteindre son objectif.
 
2.21      La branche II s'oppose à la décision de la cour au point 4 suivant laquelle seule la marque telle qu'elle a été déposée peut être à la base de l'appréciation d'un refus tel que visé à l'art. 6bis de la LBM et que les modifications qui ont été ou seront apportées à son usage n'ont pas à être prises en considération. Sous a, la branche objecte que pour l'appréciation d'un refus, il faut tenir compte de l'usage qui sera fait réellement de la marque selon des attentes raisonnables. Si l'on est en droit d'admettre que la marque peut être utilisée légitimement et d'une manière pertinente sans qu'il y ait à craindre une tromperie du public, une marque ne peut pas être refusée en vertu de l'art. 6bis LBM, aux dires d'Unilever.
 
2.22      Cet argument se heurte à ce que j'ai avancé lors de l'examen de la branche I. Il ne contient pas d'éléments nouveaux. Il en va de même pour les sous-branches (b) et (c). Cette dernière sous-branche échoue du reste parce qu'elle développe la branche I sous (e) (iii).

2.23      Il reste à répondre à la question de savoir si, en considérant tous les arguments, la réponse aux questions soumises au Hoge Raad par les branches I et II est tellement évidente que le Hoge Raad peut statuer lui-même. La réponse à cette question demande une mise en balance entre, d'une part, la loyauté conventionnelle à observer envers les autres pays du Benelux et, d'autre part, le fait que la Cour Benelux n'est pas en train d'attendre du travail superflu.
Il ne m'appartient guère de faire cette mise en balance, dès lors que j'ai passé en revue les arguments qui devraient être examinés et pesés à mon sens pour répondre à ces questions de droit. On se met aisément à croire aux réponses auxquelles on est parvenu et on les juge ensuite évidentes. Mais comme je dois quand même faire cette mise en balance, c'est précisément la conclusion à laquelle j'arrive. A mon avis, il ne fait pas le moindre doute que les branches sont sans objet et qu'il n'est pas nécessaire que le Hoge Raad soumette cette question à la Cour Benelux (ou à la CJCE).
 
2.24      La branche III conteste la condamnation aux dépens que la cour de La Haye a prononcée. Du point de vue d'Unilever, il n'est pas admissible que la LBM ait voulu ouvrir cette possibilité dans le contexte de ses articles 6bis et 6ter, dès lors qu'elle aurait ainsi créé une “entrave sérieuse” pour les titulaires/déposants dans la réalisation de leurs droits en phase de dépôt et d'enregistremetn d'une marque.
 
2.25      Dans son ordonnance Campina ( ) ainsi que de l’art. 3 début et sous (g) de première directive CE citée sous 1.9 – directive que la LBM entend mettre en œuvre – doivent être interprétées en ce sens que l’enregistrement d’une marque doit être refusé (uniquement) (ou être déclaré nul) si
(i)                  on peut constater effectivement que la marque est ou sera utilisée par ou au nom du titulaire de la marque d’une manière qui entraîne la tromperie du public ou fait craindre raisonnablement la tromperie du public ou bien
(ii)                la marque est de nature à tromper ou fait craindre raisonnablement une tromperie lors de toute forme d’usage légitime à prendre raisonnablement en considération.
A titre de développement de la branche, Unilever avance trois arguments, à savoir (1) que les besoins légitimes de l’industrie et du commerce exigent cette large protection dans la pratique (des marques) ; (2) que l’interprétation de la cour de La Haye porte atteinte de manière injustifiée à la protection que la LBM entend accorder aux marques et (3) que la portée (restreinte) des règles de la LBM concernant les marques déceptives a été méconnue par la cour.
 
2.3            Inversement – ainsi poursuit l’exposé – lorsqu’une marque peut être utilisée légitimement de différentes manières, tandis seules certaines des formes d’usage raisonnablement admissibles font naître (craindre) la tromperie, l’enregistrement ne saurait être refusé. Dans ce cas, le titulaire de la marque, selon Unilever, a en effet un intérêt justifié à l’enregistrement de sa marque pour ces possibilités d’uage qui ne peuvent pas donner lieu à tromperie.
 
2.4        Le grief formulé dans ce contexte implique que la cour de La Haye a décidé non pas à partir de l’interprétation défendue par la branche, mais à partir d’une conception du droit plus limitée et donc incorrecte.
La question se pose aussitôt de savoir si le Hoge Raad peut statuer lui-même sur ce point ou doit soumettre cette question à la CJBen ou à la CJCE. Il n’est exempté de cette dernière obligation que si la réponse à cette question a déjà été donnée ou s’il ne peut pas y avoir de doute raisonnable sur ce point. La première situation n’est pas actuelle, on peut douter quant à savoir si la seconde situation se présente. Je vais examiner à présent ce moyen dans ce contexte et ferai à la fin le bilan quant à la question de savoir si cet examen, à mon avis, a produit un résultat qui ne laisse planer aucun doute raisonnable.
 
2.5        Dans la mesure où la branche I est basée sur l’hypothèse que la cour a jugé le signe trompeur en tant que tel, elle manque en fait. En effet, la cour – tout comme le BBM – a jugé le signe déposé trompeur pour d’autres produits que la sauce à l’étuvée pour poulet. La compétence pour refuser l’enregistrement d’un signe déposé à l’égard d’un ou plusieurs des produits auxquels la marque est destinée, est conférée expressément au BBM à l’art. 6 bis alinéa 2 LBM et mise en œuvre à l’art. 6 bis alinéa 5 LBM.
 
2.6        Dans la mesure où le moyen repose sur la conception juridique que le signe déposé doit être apprécié indépendamment de la liste des produits annexée en fonction d’un usage concret qui en sera fait, raisonnablement prévisible ou réellement constatable, il ne peut atteindre son but, parce que cette conception n’est pas correcte. En effet, la LBM est fondée sur le principe que tant le caractère distinctif de la marque que sa capacité à tromper le public reposent sur l’appréciation de la marque comme signe distinctif à l’égard des produits ou services pour lesquels ce dépôt est effectué. Une marque, en effet, peut très bien être distinctive et non source de confusion à l’égard d’un produit ou service donné, l’inverse étant vrai à l’égard des autres.
 
2.7        Ce thème a déjà été glorifié par beaucoup, récemment par Verkade dans sa note sous l’arrêt Campina précité de la Cour de Justice Benelux:
 
           “Si quelqu’un dépose le vocable “ortie” ou la reproduction d’une ortie pour, disons, des miroirs, on voit difficilement ce que l’on aurait à contrôler in concreto pour le caractère distinctif ou si on peut qualifier out cela d’examen ‘in concreto’.( 13 18 )
 
Les actions en nullité basées sur l’art. 4 sous 2 LBM (ancien) étaient cependant trop peu fréquentes(
Numéro de requête: 9089 (R97/154HR)
 
UNILEVER N.V. contre BBM
 
Parquet, le 22 décembre 2000
Numéro de requête: 9089 (R97/154HR)
 
Hoge Raad der Nederlanden
M. Bakels
 
Conclusions additionnelles en cause de
 
UNILEVER N.V.
 
contre
 
BUREAU BENELUX DES MARQUES
 
 
 
 
 
1.                   Faits et déroulement de la procédure
 
1.1               La présente affaire de marques porte en substance sur le refus de l'enregistrement du dépôt d'une marque figurative par le Bureau Benelux des Marques. Le moyen de cassation soulève pour l'essentiel deux questions, à savoir
(a)                si, pour déterminer si l'enregistrement d'un signe déposé comme marque pourrait tromper le public, le Bureau des Marques est autorisé ou même tenu de se borner à apprécier le signe tel qu'il a été déposé ou s'il doit prendre en compte les attentes qui peuvent ou doivent exister sur l'usage concret par la suite ou la question de savoir si le signe déposé peut être utilisé d'une manière qui n'est pas de nature à tromper le public;
(b)                si le juge qui rejette la requête visant à ordonner au Bureau des Marques l'enregistrement d'un dépôt refusé peut condamner le requérant aux dépens.
 
1.2        Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit en cassation.
(a)                Le 1er mars 1996, Unilever a déposé, sous le numéro 867.369 une marque figurative, constituée de la reproduction d'un bocal, rempli d'une substance jaune et revêtu d'une étiquette portant les mots « UNOX », « CHICKEN TONIGHT » et « KERRIE », ainsi que les mots « sauce à l'étuvée pour poulet », pour les classes 29 et 30.( ) 
Etant donné que le système de la LBM met donc bien des moyens à la disposition d’Unilever pour se défendre contre les formes de concurrence redoutées par elle, elle ne peut pas en tirer un bon argument pour porter atteinte à ce même système en acceptant un dépôt qui – en relation avec la liste jointe des produits – donne une présentation partiellement trompeuse des produits qui seront vendus sous la marque. L’argument d’Unilever emprunté aux “besoins légitimes de l’industrie et du commerce dans la pratique (des marques)” est donc sans valeur.
 
2.15      Voilà les arguments que je juge pertinents pour l’appréciation du point de vue défendu par la branche.
Pour répondre à la question soulevée, on ne trouve pas d’éléments dans la jurisprudence publiée à ce jour, dans la mesure où elle n’est pas déjà examinée. Dans la version de la LBM antérieure à 1996, l’art. 4 sous 2 contenait le même critère que l’actuel art. 4. A l’époque, cette disposition était cependant uniquement en liaison avec l’art. 14 LBM, en sorte de quoi la nullité d’un dépôt pouvait être invoquée. La règle en vigueur depuis le 1er janvier 1996 apporte un changement en ce sens que le critère de tromperie n’est pas seulement un motif de nullité mais aussi maintenant un motif de refus. L’art. 6 bis LBM donne en effet au BBM la compétence de refuser l’enregistrement d’un dépôt. Cette compétence tient au fait que le registre des marques est “encrassé” par des signes
 
dépourvus de caractère distinctif, des signes déposés pour des produits ou services pour lesquels l'usage de la marque serait manifestement susceptible d'induire le public en erreur ou des signes qui, pour d'autres raisons, ne peuvent et ne sauraient constituer une marque. ( ) Parmi les questions ayant reçu une réponse de la CJBen, il y a celle de la recevabilité du pourvoi en cassation dans des affaires telles que la présente. La Cour a dit pour droit:
 
“ La décision rendue en vertu de l'article 6ter de la L8M est susceptible d'un pourvoi en cassation si et dans la mesure où les règles nationales concernées de la procédure civile autorisent le pourvoi en cassation contre les décisions rendues sur requête par le juge civil ”.
 
1.10      Etant donné qu'il est ainsi acquis qu'un pourvoi en cassation est permis dans la présente affaire, je me suis saisi à nouveau de cette affaire. La date de mes conclusions additionnelles est fixée à ce jour.
 
2.                   Examen du moyen de cassation.
 
2.1               La LBM telle qu'elle est libellée au 1er janvier 1996 donne au Bureau des Marques la compétence de refuser l'enregistrement d'un dépôt. Les motifs de refus sont énumérés à l'art. 6bis alinéa 1er. Dans notre affaire, il s'agit du cas visé sous (b) de cet alinéa en liaison avec l'art. 4 début et sous 2, lorsque le BBM considère que le dépôt a été effectué pour des produits pour lesquels l'usage de la marque est de nature à tromper le public. Plus concrètement, il s'agit ici de la mention sur la marque déposée, qui doit également servir d'étiquette du produit, que ce produit serait de la sauce à l'étuvée pour poulet, alors qu'Unilever se propose d'utiliser la marque déposée pour un assortiment de produits alimentaires beaucoup plus large.
 
2.2        Le moyen de cassation est articulé en trois branches. La branche I comporte dans les sous-branches a-d en substance un grief, développé dans la sous-branche e. Ce grief énonce que les dispositions qui viennent d’être citées, à la lumière de l’art. 14A début et sous 1b de la LBM( ) Dans son dispositif, la Cour répond en partie aux questions posées par le Hoge Raad et demande par ailleurs à la CJCE de se prononcer sur trois questions formulées par la CJBen concernant l'interprétation de la première directive 89/104/CEE du Conseil rapprochant les législations des états membres sur les marques.( 6

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