Numéro de requête 9090 (R97/155HR)

Date
Instance
CASS NL
Marque
BIOMILD
Numéro de dépôt
Déposant
Campina Melkunie B.V.
Texte
Requête n° R97155HR (9090)
 
Prononcé: 27 janvier 2006
Première chambre
Requête n° R97155HR (9090)
 
AU NOM DE LA REINE
 
Hoge Raad der Nederlanden
 
Ordonnance
 
dans la cause de :
CAMPINA MELKUNIE B.V.,
dont le siège est à Zaltbommel,
 
REQUERANTE en cassation,
avocat : Me R.S. Meijer,
 
contre
 
BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
 
DEFENDEUR en cassation,
avocats : précédemment Me C.J.J.C. van Nispen
et Me D. van Oostveen, présentement Me D. Rijpma.
 
1. La procédure jusqu’à présent
 
Pour le déroulement de la procédure entre la requérante en cassation – dénommée ci-après : Campina – et le défendeur en cassation – dénommé ci-après : le BBM – jusqu’à ce jour, le Hoge Raad renvoie à son arrêt interlocutoire du 19 juin 1998, NJ 1999, 68. Par cet arrêt, le Hoge Raad a demandé à la Cour de Justice Benelux de se prononcer sur les questions d’interprétation de la LBM énoncées sous le point 6 de cet arrêt, a sursis à statuer et a suspendu l’instance jusqu’à ce que la Cour de Justice Benelux se sera prononcée.
 
Par arrêt du 26 juin 2000, la Cour de Justice Benelux a dit pour droit sur les questions posées de I à V et IX :
 
38. La décision rendue en vertu de l'article 6ter de la LBM est susceptible d'un pourvoi en cassation si et dans la mesure où les règles nationales concernées de la procédure civile autorisent le pourvoi en cassation contre les décisions rendues sur requête par le juge civil;
 
39. Le BBM, dans les décisions visées à l'article 6bis, alinéa 1er, de la LBM, et ensuite le juge appelé à apprécier, dans le cadre d’une procédure en vertu de l'article 6ter de la LBM, le bien-fondé de la décision prise par le BBM ne doivent pas se baser uniquement sur le signe tel qu'il a été déposé et sur les produits mentionnés à cette occasion, mais doivent aussi prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents qui ont été dûment portés à leur connaissance;
 
40. Dans une procédure fondée sur l'article 6ter de la LBM, le juge ne peut prendre en considération que l'usage qui a été fait du signe déposé jusqu'au moment de la demande d'enregistrement;
 
41. Le fait que selon le Commentaire commun, le BBM ne pourra refuser en vertu de l'article 6bis que "les dépôts manifestement inadmissibles" n'a pas d'incidence sur la réponse aux questions VI, VII et VIII.
 
Par ailleurs, la Cour de Justice Benelux – réservant à statuer plus avant – a demandé sur les questions VI à VIII à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) de se prononcer sur les questions suivantes relatives à l’interprétation de la directive sur les marques :
 
A. Les articles 2 et 3, paragraphe 1er, de la Directive doivent-ils être interprétés en ce sens que pour apprécier si un signe qui est constitué d’un mot nouveau composé de différents éléments possède un caractère distinctif suffisant pour servir de marque pour les produits concernés, il faut partir de l’idée que cette question appelle en principe une réponse affirmative même si chacun de ces éléments est dépourvu en soi de caractère distinctif pour ces produits, et qu’il n’en va autrement qu’en présence de circonstances complémentaires, par exemple si le mot nouveau constitue l’expression manifeste et compréhensible d’emblée pour chacun d’une combinaison de propriétés tenue pour essentielle au plan commercial et qui ne saurait être désignée autrement que par le mot nouveau ?
 
B. Si la question A appelle une réponse négative, faut-il considérer qu’un signe qui est constitué d'un mot nouveau, composé de différents éléments, chaque élément étant dépourvu par lui-même de caractère distinctif au sens de l'article 3, paragraphe 1er, de la Directive, pour les produits concernés, est lui aussi dépourvu de tout caractère distinctif et qu’il n’en va autrement qu’en présence de circonstances complémentaires qui font que la combinaison des éléments est davantage que la somme des parties, par exemple si le mot nouveau témoigne d’une certaine créativité ?
 
C. La réponse à la question B est-elle différente lorsqu’il existe des synonymes pour chacun des éléments constitutifs du signe de sorte que les concurrents du déposant, désireux de montrer au public que leurs produits possèdent eux aussi la combinaison des propriétés désignée par le mot nouveau, peuvent raisonnablement le faire en recourant à ces synonymes ?
 
Par arrêt du 12 février 2004 (C-265/00), la CJCE a répondu aux questions de la Cour de Justice Benelux et a dit pour droit :
 
L'article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments.
 
Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande d'enregistrement.
 
Par arrêt du 1er décembre 2004, la Cour de Justice Benelux a décidé sur les questions VI à VIII posées par le Hoge Raad que dans la mesure où ces questions partent d’une appréciation in abstracto, il n’est pas nécessaire d’y répondre et, pour le surplus, a dit pour droit que l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM doit, en conformité avec l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive et selon les termes de l’arrêt de la CJCE du 12 février 2004, être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments.
 
Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus d'enregistrement, visé en l’espèce, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande d'enregistrement.
 
Le BBM a fait développer son point de vue sur l’affaire par le prof. J.H. Spoor, avocat à Amsterdam. Campina a renoncé à le faire.
 
L’avocat général F.F. Langemeijer conclut au rejet du pourvoi.
 
2. La suite de l’examen de la recevabilité du pourvoi
 
Il résulte de la réponse donnée par la Cour de Justice Benelux à la question I que le droit national de la procédure est déterminant pour répondre à la question de savoir si une décision prise en application de l’article 6ter (ancien) de la LBM par l’une des juridictions visées dans cet article est susceptible d’un pourvoi en cassation. Dès lors que l’article 426, paragraphe 1 (ancien), du code de procédure civile autorise en termes généraux un pourvoi en cassation contre les ordonnances rendues sur requête et que la requête en cassation a été déposée au greffe du Hoge Raad dans le délai prescrit de deux mois à compter de la date de l’ordonnance, le pourvoi de Campina peut être reçu.
 
3. Appréciation du moyen pour le surplus
 
3.1 Les branches 1.a et 1.b du moyen ont déjà été jugées non fondées dans l’ordonnance de renvoi. Le grief de la branche 1.c, à savoir que la décision de la cour, reproduite au point 5.3 de l’ordonnance de renvoi, est inexacte, manque en droit. En effet, le critère appliqué par la cour pour apprécier le caractère distinctif, au sens de l’article 6bis, alinéa 1er, début et sous a (ancien), de la LBM, d’une marque constituée par une combinaison verbale, correspond au critère énoncé dans la réponse de la CJCE à la question qui lui a été posée par la Cour de Justice Benelux au sujet de l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, début et sous c, de la première directive (89/104/CEE) du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques (ci-après : la directive), lequel est à la base de l’article 6bis. Certes, la cour a estimé que la combinaison verbale qui forme la marque BIOMILD n’est pas originale ni une dénomination de fantaisie – ce que l’ordonnance de renvoi résume comme étant : ne témoigne pas d’une créativité quelconque – mais cette considération implique que la cour a estimé qu’il n’y a pas d’écart perceptible entre la combinaison verbale et la simple somme des éléments qui la constituent et que ce néologisme ne crée pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, au sens de l’arrêt de la CJCE. La décision attaquée n’est donc pas incompréhensible.
 
3.2 La branche 1.d fait grief à la cour d’avoir eu tort de ne pas faire intervenir (suffisamment), dans sa décision que les signes BIO, MILD et BIOMILD sont dépourvus de caractère distinctif et/ou exclusivement descriptifs, le fait qu’il existe pour ces signes des synonymes qui sont raisonnablement susceptibles d’être utilisés. Ce grief manque en droit dès lors qu’il résulte de la réponse donnée par la CJCE à la question qui lui est soumise par la Cour de Justice Benelux qu’aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus d'enregistrement, visé à l’article 3, paragraphe 1, début et sous c, de la directive, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services. Le grief est donc sans fondement. Le grief présenté contre la motivation reposant sur la même conception erronée du droit partage ce sort.
 
3.3 La branche 1.e fait grief à la cour d’avoir eu tort de décider, du moins sans motivation suffisante, que l’acceptation du signe BIOMILD comme marque empêcherait des tiers de désigner des produits identiques ou similaires avec cette combinaison verbale. D’après le développement, la branche vise l’utilisation de la combinaison verbale à d’autres fins que la distinction de produits. Ces deux griefs sont à rejeter. Indépendamment du fait que la considération contestée ne supporte pas la décision de la cour, il résulte de l’arrêt de la CJCE qu’une marque doit être refusée à l’enregistrement lorsque la marque déposée est constituée par une combinaison verbale ayant les caractéristiques visées dans le dispositif de cet arrêt, même si le titulaire de la marque, à supposer qu’elle soit enregistrée, ne pourrait pas empêcher l’usage de cette combinaison verbale par des tiers pour désigner des produits identiques ou similaires autrement que comme marque.
 
3.4 La branche 2 est dirigée contre les points 8.5 et 8.6 de l’ordonnance attaquée en faisant grief à la cour d’avoir méconnu, du moins d’avoir motivé insuffisamment sa décision en sens contraire, le fait qu’il y a lieu d’ordonner l’enregistrement en application de l’article 6ter de la LBM si le signe déposé, après le dépôt mais avant l’ordonnance de la cour, du moins avant le dépôt de la requête, du moins avant la décision définitive du Bureau Benelux des Marques sur la demande d’enregistrement, a acquis un caractère distinctif en raison de sa consécration par l’usage. Le grief juridique se heurte à ce que la Cour de Justice Benelux a dit pour droit au point 40 de son arrêt du 26 juin 2000 en réponse à la question V posée par le Hoge Raad dans son ordonnance de renvoi. En effet, il s’ensuit que dans une procédure visée à l’article 6ter de la LBM, le juge ne peut prendre en considération que l'usage qui a été fait du signe déposé jusqu'au moment du dépôt. Le grief contre la motivation ne saurait pas davantage entraîner la cassation, dès lors qu’il est dirigé contre une décision en droit.
 
4. Décision
 
Le Hoge Raad :
 
Rejette le pourvoi ;
 
Condamne Campina aux dépens de l’instance en cassation, en ce compris les frais en rapport avec l’examen de l’affaire devant la Cour de Justice Benelux et devant la Cour de justice des Communautés européennes, fixés jusqu’à ce prononcé pour le BBM à € 271,- en provisions et à € 3.500,- en honoraires.
 
La présente ordonnance a été rendue par le vice-président J.B. Fleers, en qualité de président, et par les conseillers A.M.J. van Buchem-Spapens, P.C. Kop, E.J. Numann et W.A.M. van Schendel, et prononcée à l’audience publique du 27 janvier 2006 par le conseiller E.J. Numann. 

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