Numéro de requête 97/659

Date
Instance
REC NL
Marque
GEBOORTECENTRUM
Numéro de dépôt
Déposant
Lifetree Holding B.V.
Texte

Prononcé : 8 janvier 1998
No de la requête.: 97/659

LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,

a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :

Lifetree Holding B.V.,
dont le siège est à Amsterdam,

requérante,
avoué : Me E.M. van Hilten-Kostense

contre

Le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,

défendeur,
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen

La procédure

Par requête (avec annexes) reçue au greffe de la cour le 25 août 1997, la requérante, dénommée ci-après Lifetree, a demandé à la cour d'ordonner au Bureau Benelux des Marques, dénommé ci-après le Bureau, l'enregistrement du dépôt de la marque GEBOORTECENTRUM, tel qu'il avait été effectué le 24 mai 1996 sous le numéro 871697, et de condamner le Bureau aux dépens de la procédure.

Par mémoire en défense reçu au greffe de la cour le 1er octobre 1997, le Bureau a demandé à la cour de rejeter la requête de Lifetree, les dépens comme de droit.

La procédure orale est intervenue le 27 novembre 1997. Les avoués des parties ont exposé les points de vue des parties à l'aide de notes de plaidoirie. Les deux parties ont invoqué des documents.

Examen de la requête

1. La requête a été introduite dans le délai.

2. La requête et les pièces jointes à celle-ci font apparaître ce qui suit :

a. Le 24 mai 1996, Lifetree a déposé auprès du Bureau la marque GEBOORTECENTRUM pour des services dans :

la classe 41 : éducation, enseignement; consultance en matière de grossesse, de naissance et de parenté; dispenser des formations et des cours dans le domaine de la grossesse, de la naissance, de l’éducation et de la parenté; publier et éditer des livres, revues, brochures.

la classe 42 : services de gynécologues, obstétriciens et infirmières accoucheuses; services d’un bureau de consultation; services dans le domaine de l’échographie..

[Il appert que des modifications mineures ont été apportées ultérieurement aux services mentionnés dans les différentes classes.]

b. Par lettre du 15 octobre 1996, le Bureau a notifié au mandataire de Lifetree le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt 871697. Le Bureau a indiqué les motifs suivants :

Le signe GEBOORTECENTRUM est composé des noms génériques geboorte (naissance) et centrum (centre) et désigne de manière très évidente les services s’y rapportant dans les classes 41 et 42. C'est pourquoi le signe est exclusivement descriptif et est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l'article 6bis, alinéa premier, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques (...).

c. Au nom de Lifetree, il a été fait opposition à ce refus provisoire par lettre du 6 mars 1997.

d. Le Bureau n'y a pas vu motif à revoir la décision de refus provisoire. Par lettre du 23 juin 1996, le Bureau a notifié au mandataire de Lifetree sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du dépôt.

3. Lifetree a demandé à la cour d'ordonner au Bureau l'enregistrement du dépôt sur pied de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM).
Lifetree soutient que le signe GEBOORTECENTRUM « occupe une position relativement unique et revêt un caractère à ce point individualisé et a en outre été consacré par l’usage dans le pays d’une manière telle qu’il possède un caractère distinctif suffisant pour être reconnu comme marque ».

4. Le Bureau conteste le point de vue de Lifetree.

5.1. La cour partage l’opinion du Bureau qui considère que le signe GEBOORTECENTRUM est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits et services pour lesquels il est déposé.

5.2. A ce propos, la cour fait l’observation préalable suivante. L’article 6bis de la LBM fait état du défaut de « caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris ». Cette disposition est libellée comme suit :

Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
(...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;

La cour part du principe que le renvoi que fait l’article 6bis (et 14 sous A, début et sous 1.a) de la LBM à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris n'est pas limité à la première catégorie citée ("dépourvues de tout caractère distinctif") mais concerne les trois catégories énumérées dans cet article.

5.3. Les services pour lesquels le produit est déposé concernent des services en rapport avec la grossesse, la naissance, les bébés et les petits enfants.

5.4. Le signe GEBOORTECENTRUM est composé des mots “geboorte” (naissance) et “centrum” (magasin) appartenant au langage courant. Le mot “centrum” est la désignation communément admise, entre autres, de l’endroit où des services sont prestés. Il n’est certainement inhabituel - ainsi qu’il ressort du “Retrograde woordenboek van de Nederlandse taal” (Anvers 1969), du Supplément à celui-ci (Louvain 1974), du “Invert Woordenboek van het Nederlands” (Liège 1988) et du rapport de recherche du Bureau concernant GEBOORTECENTRUM versé au dossier - d’accoler au mot “centrum” un substantif comme préfixe. Ce préfixe individualise le mot général “centrum”. Il renvoie habituellement à des produits et services comme en l’espèce. La cour considère qu’à cause du préfixe “geboorte”, le signe GEBOORTECENTRUM sera perçu par le public comme la désignation de l’endroit où entre autres des services en rapport avec la naissance et les jeunes enfants sont prestés. Le signe a d’ailleurs été déposé pour ces services. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une combinaison verbale originale ou d’une dénomination de fantaisie. Bien au contraire. Le signe indique en effet de manière assez directe les services auxquels il se réfère. Dans ces conditions, la cour estime que le signe GEBOORTECENTRUM est composé exclusivement d’une dénomination qui peut servir dans le commerce à désigner la nature, la qualité et la destination des services pour lesquels le signe est déposé. Le signe est dès lors dépourvu de tout caractère distinctif.

6. D’après Lifetree, le signe GEBOORTECENTRUM est consacré par l’usage. Le Bureau conteste cette affirmation.

7.1. La cour fait observer à titre préliminaire que dans la présente procédure, seule peut être retenue la consécration par l’usage survenue avant la date du dépôt. La cour fonde son point de vue sur ce qui suit.

La procédure de recours au juge après le refus de l’enregistrement d’une marque n’est pas fort détaillée à l’article 6ter de la LBM. Le Commentaire commun des Gouvernements est, lui aussi, sommaire. Il mentionne entre autres :

Le nouvel article 6ter prévoit une procédure par requête auprès des trois juridictions d’appel dans le Benelux qui y sont désignées pour permettre au juge de censurer les décisions du BBM refusant l’enregistrement d’une marque.

Vu ce texte, la cour estime qu’elle doit uniquement examiner si le Bureau a refusé à bon droit d’enregistrer la marque.Il convient, à cette fin, d’avoir égard à la situation prévalant au moment du dépôt étant donné que ce moment est déterminant pour le Bureau, compte tenu de la disposition de l’article 6bis. La cour trouve un appui à cette conception dans l’article 3 paragraphe 3 de la Première Directive du Conseil des CE, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, 89/104, qui énonce :

Une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est pas susceptible d’être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les Etats membres peuvent prévoir que la présente disposition s’applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d’enregistrement ou après l’enregistrement.

Il faut constater que dans la LBM le législateur Benelux n’a pas fait usage de la faculté que lui offrait la Directive de prévoir qu’une marque n’est pas refusée à l’enregistrement si la marque a acquis un caractère distinctif après la demande d’enregistrement. Le choix du législateur Benelux de ne pas faire usage de la faculté offerte à l’article 3 paragraphe 3, dernière phrase, de la Directive a l’avantage de ne pas compliquer ni ralentir les procédures telles que la présente par un débat sur les circonstances de fait après le dépôt ou par des demandes tendant à suspendre l’examen de la requête pour créer de nouvelles circonstances de fait. De plus, on évite que les intérêts des tiers puissent être lésés par un enregistrement « rétroagissant » à la date du dépôt. En effet, si l’ordre d’enregistrement était prononcé du fait qu’une marque aurait acquis un caractère distinctif après le dépôt, le droit de marque serait réputé avoir existé à compter de la date de dépôt. La poursuite de l’usage du signe par des tiers, usage ayant commencé après le dépôt de la marque et avant la consécration par l’usage, pourrait sans doute être interdite à la demande du titulaire de la marque.
Il suit de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’enregistrement au motif qu’un signe déposé a acquis un caractère distinctif à cause de la consécration par l’usage après le dépôt.

7.2. La question à trancher est celle de savoir si le signe GEBOORTECENTRUM qui, comme il a été constaté ci-dessus, est dépourvu de tout caractère distinctif pour les services pour lesquels il est déposé, sera, par suite d’un usage de longue durée et intensif, perçu par le public comme un signe qui identifie les services comme provenant d’une seule entreprise déterminée.

7.3. Il se pose cependant une question préalable, qui est celle de savoir si un signe qui est composé exclusivement d’une dénomination pouvant servir dans le commerce à désigner la nature, la qualité et la destination des services pour lesquels le signe est déposé, est susceptible de consécration par l’usage.

7.4. On est tenté de répondre négativement à cette question. Il semble inopportun de telles dénominations puissent être monopolisées. La liberté qu’ont les autres opérateurs commerciaux d’utiliser ce type de dénominations s’en trouverait limitée de manière inacceptable.

7.5. Toutefois, la cour n’a pas à répondre à cette question. Les pièces versées au dossier de la procédure et les allégations de Lifetree ne permettent pas, en effet, de conclure que le signe GEBOORTECENTRUM a fait l’objet d’un usage de longue durée et intensif comme marque dans le Benelux. Ainsi, il n’est pas établi que le signe a fait l’objet d’un usage régulier sous forme de marque verbale dans le Benelux, ni que le signe a été utilisé à une large échelle autrement que comme désignation de l’entreprise à Amsterdam, c’est-à-dire comme nom commercial. Il n’est pas établi que le public perçoit en fait l’usage du nom commercial comme l’usage d’un signe permettant de distinguer les services offerts et accordés de ceux d’autrui. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu, du reste, de déterminer si la consécration par l’usage doit s’opérer dans l’ensemble du Benelux.

7.6. Il faut en conclure que la consécration par l’usage n’est pas établie.

8. Il suit de ce qui précède que la requête de Lifetree doit être rejetée. Etant partie succombante, Lifetree sera condamnée aux dépens de la procédure.

Décision

La cour rejette la requête de Lifetree et condamne Lifetree aux dépens de la présente procédure, taxés à f 2.540,- jusqu'à ce prononcé pour ce qui concerne le Bureau.

La présente ordonnance a été rendue par messieurs Brinkhof, Fasseur-van Santen et Van den Ende-Wiefkers, et prononcée à l'audience publique du 8 janvier 1998 en présence du greffier.

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