Numéro de requête A 2005/3/11

Date
Instance
CJB
Marque
EXECUTIVE
Numéro de dépôt
Déposant
S.A. D'IETEREN
Texte

Affaire A 2005/3/11

S.A. D'IETEREN tegen BUREAU BENELUX DES MARQUES

La COUR DE JUSTICE BENELUX

Prononcé: 29 juin 2006
Affaire: A 2005/3/11

En cause :

S.A. D'IETEREN

contre

La COUR DE JUSTICE BENELUX a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire A 2005/3.

1. Par arrêt rendu le 9 juin 2005 dans la cause 2002/AR/705 de la société anonyme D’Ieteren (dénommée ci-après : D’Ieteren), dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue du Mail 50, contre le Bureau Benelux des Marques, dont le siège est à La Haye aux Pays-Bas (dénommé ci-après: le BBM), la cour d’appel de Bruxelles a posé une question relative à l’interprétation des articles 6bis et 6ter de la Loi uniforme Benelux sur les Marques (dénommée ci-après: la LBM) à la Cour, conformément à l’article 6 du Traité relatif à l’institution et au statut d’une Cour de Justice Benelux (dénommé ci-après: le Traité).


Quant aux faits

2. L’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles énonce comme suit les faits de la cause:

(a) D’Ieteren a, le 6 novembre 2000, présenté à l’enregistrement auprès du BBM le vocable “EXECUTIVE” comme marque individuelle pour des véhicules, appareils de locomotion par terre, par air ou par eau (produits tels que repris en classe 12).

(b) Le BBM a refusé l’enregistrement du signe comme marque. Le BBM a considéré que le signe est dépourvu de tout caractère distinctif tel que visé à l’article 6bis, alinéa 1er, sous a., de la LBM, dès lors qu’il peut servir à désigner la qualité des produits en cause.

(c) D’Ieteren a introduit devant la Cour d’appel de Bruxelles une requête tendant à obtenir un ordre d’enregistrement du dépôt.

(d) La Cour d’appel de Bruxelles a rendu son arrêt le 9 juin 2005. Elle considère que l’enregistrement de la marque ne pouvait pas être refusé exclusivement sur la base du motif de refus absolu du caractère descriptif de la marque. La cour d'appel s’est demandé si l’enregistrement du signe pouvait être refusé pour d’autres motifs que le caractère purement descriptif du signe, allegué par le BBM.
Dans ce cadre, la cour a envisagé l’éventualité de soulever d’office un autre motif de refus absolu, plus particulièrement parce que le signe est dépourvu du caractère distinctif requis.

3. La Cour d’appel de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour de Justice Benelux se soit prononcée sur la question préjudicielle suivante :

“ Les articles 6bis et 6ter de la loi uniforme doivent-ils s'interpréter en ce sens qu'ils imposent au juge qui constate que la marque ne relève pas du motif de refus allégué par le BBM ni du motif de refus nouveau que celui-ci aurait le cas échéant invoqué dans la procédure sur requête, de vérifier d'office si la marque relève d'un autre motif de refus, afin d'éviter d'être amené à ordonner l'enregistrement d'un signe ne répondant pas aux critères énoncés à l'article 6bis, alinéa 1er, de la LBM, interprété à la lumière de la directive ? ”


Quant à la procédure

4. Conformément à l’article 6, alinéa 5, du Traité, la Cour a fait parvenir aux parties et aux ministres de la Justice de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg une copie certifiée conforme de l’arrêt de la cour d'appel de Bruxelles.

5. Les parties ont eu la possibilité de présenter des observations écrites au sujet de la question posée à la Cour.
Me T. van Innis, avocat au barreau de Bruxelles, a déposé un mémoire pour D’Ieteren.
Me L. De Gryse, avocat à la Cour de cassation, et Me B. Dauwe, avocat au barreau de Bruxelles, ont déposé un mémoire pour le BBM, auquel Me T. van Innis a encore repliqué par le dépôt d'un mémoire en réponse.

6. Monsieur l’avocat général Jean-François Leclercq a donné des conclusions écrites le 24 janvier 2006. Pour D’Ieteren, Me T. van Innis, a répondu par écrit aux conclusions de l’avocat général.


Quant au droit

7. La réponse à la question est donnée selon le texte de la LBM, tel qu'il était en vigueur au moment du dépôt litigieux le 6 novembre 2000, et dès lors avant l’entrée en vigueur au 1er janvier 2004 du Protocole portant modification de la LBM, signé à Bruxelles le 11 décembre 2001.

L'article 6bis de la LBM, dans sa version antérieure à la modification par le Protocole du 11 décembre 2001, est libellé comme suit :

“1. Le Bureau Benelux des Marques refuse d'enregistrer un dépôt lorsqu'il considère que :

a. le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris;

b. le dépôt se rapporte à une marque visée à l'article 4, sous 1, 2 et 7.

2. Le refus d'enregistrer doit concerner le signe constitutif de la marque en son intégralité. Il peut se limiter à un ou à plusieurs des produits auxquels la marque est destinée.

3. Le Bureau Benelux informe le déposant sans délai et par écrit de son intention de refuser l'enregistrement en tout ou en partie, lui en indique les motifs et lui donne la faculté d'y répondre dans un délai à fixer par règlement d'exécution.

4. Si les objections du Bureau Benelux contre l'enregistrement n'ont pas été levées dans le délai imparti, l'enregistrement du dépôt est refusé en tout ou en partie. Le Bureau Benelux informe le déposant sans délai et par écrit en indiquant les motifs du refus et en mentionnant la voie de recours contre cette décision, visée à l'article 6ter.

5. Le refus d'enregistrer le dépôt pour tous les produits ou pour une partie des produits entraîne la nullité totale ou partielle du dépôt. Cette nullité ne produit pas ses effets avant que ne soit expiré, sans être utilisé, le délai de recours visé à l'article 6ter ou que n'ait été rejetée irrévocablement la demande d'ordonner l'enregistrement.”

Selon l’article 6ter de la LBM, dans sa version antérieure à la modification par le Protocole du 11 décembre 2001, le déposant peut, dans les deux mois qui suivent la communication visée à l'article 6bis, quatrième alinéa, introduire devant la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d'appel de Luxembourg une requête tendant à obtenir un ordre d'enregistrement du dépôt.

8. Les procédures instituées par les articles 6bis et 6ter de la LBM visent un examen quant au fond du signe déposé au regard des critères mentionnés à l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM. Cet examen quant au fond relève de la mission tant du BBM que des juridictions précitées.

La compétence des cours comporte un réexamen de la décision prise par le BBM. La Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg doivent statuer sur le bien-fondé du refus de l’enregistrement par le BBM.

Dans cette appréciation du bien-fondé du refus de l’enregistrement par le BBM, le juge ne peut pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision du BBM ou qui ne lui ont pas été soumises.

9. Le juge ne peut ordonner l’enregistrement du dépôt que s’il conclut à l’absence des motifs de refus prévus à l’article 6bis de la LBM. Le motif de refus absolu que le BBM retient dans sa décision initiale ou fait valoir ultérieurement devant la cour d’appel n’est donc pas le seul motif sur lequel le juge peut faire reposer sa décision.

10. Il s’ensuit que lorsque le BBM a refusé l’enregistrement du signe en raison de son caractère descriptif et que cette décision est contestée, le juge doit apprécier si le BBM a refusé à bon droit d’enregistrer le dépôt et, à cette fin, il doit dans son appréciation tenir compte, d’office, de l'existence éventuelle d'autres motifs de refus absolu. A défaut le juge pourrait être amené à ordonner l’enregistrement d’un signe ne répondant pas aux critères énoncés à l'article 6bis, alinéa premier, de la LBM.
Ce faisant, le juge ne connaît pas d’une prétention qui n’a pas été soumise au BBM ou
qui sort du cadre de la décision du BBM.

11. Lorsque le juge apprécie d'office le signe au regard d'un autre motif de refus absolu que celui retenu initialement par le BBM ou que le BBM a fait valoir ultérieurement devant la cour d'appel, il est tenu de donner à ces parties la possibilité, suivant les dispositions nationales applicables, de s’exprimer sur ce motif de refus absolu.


Quant aux dépens

12. En vertu de l’article 13 du Traité, la Cour doit fixer le montant des frais exposés devant elle, frais qui comprennent les honoraires des conseils des parties pour autant que cela soit conforme à la législation du pays où le procès est pendant.

13. Selon la législation belge, les honoraires des conseils des parties ne sont pas inclus dans les frais qui sont mis à charge de la partie qui succombe.

14. Il n’y a pas de frais exposés devant la Cour.


Dispositif

15. Les articles 6bis et 6ter de la loi uniforme doivent s'interpréter en ce sens que dans une procédure en vertu de l’article 6ter de la LBM, le juge, lorsqu’il constate que le signe ne relève pas du motif de refus allégué initialement par le BBM en raison de son caractère descriptif, doit vérifier, si le signe ne relève pas d’un autre motif de refus absolu, tel que mentionné à l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM, étant entendu qu'il n'en décidera ainsi qu'après avoir donné aux parties la possibilité de s'exprimer, selon les modalités du droit national applicable, sur le motif de refus absolu invoqué d'office.

Ainsi jugé par I. Verougstraete, président, W.J.M. Davids, premier vice-président, J. Jentgen, second vice-président, G.G. van Erp Taalman Kip-Nieuwenkamp, R. Schmit, D.H. Beukenhorst, juges, E. Waûters, Ph. Echement, A. Wantz, juges suppléants,

et prononcé en audience publique à Bruxelles, le 29 juin 2006 par monsieur I. Verougstraete, préqualifié, en présence de messieurs, J.F. Leclercq, avocat général, et C. Dejonge, greffier en chef suppléant.

C. DEJONGE I. VEROUGSTRAETE

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