Numéro de requête C-265/00

Date
Instance
CJUE (concl. A-G)
Marque
BIOMILD
Numéro de dépôt
Déposant
Campina Melkunie B.V.
Texte
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER
présentées le 31 janvier 2002
 
Affaire C-265/00
 
Campina Melkunie BV
 
contre
 
Benelux-Merkenbureau
 
[demande de décision préjudicielle formée par le Benelux-Gerechtshof]
 
«Marques verbales composées - Caractère distinctif - 'Biomild'»
 
1. La présente demande préjudicielle, qui est la première dont vous soyez saisis par la Cour de justice Benelux, a pour objet l'appréciation du caractère distinctif des marques verbales composées. La même demande, présentée sous un angle similaire, fait l'objet entre autres de l'affaire Koninklijke KPN Nederland (C-363/99), relative à une demande préjudicielle soulevée par le Gerechtshof te 's-Gravenhage, la cour d'appel de La Haye.
 
Les faits de la procédure au principal
 
2.  Le 18 mars 1996, Campina Melkunie BV (ci-après «Campina») a demandé au Bureau Benelux des marques (Benelux-Merkenbureau, ci-après le «BBM») l'enregistrement de la marque BIOMILD pour des produits des classes 29, 30 et 32 (aliments et boissons).
 
3. Par lettre du 3 septembre 1996, le BBM a adressé à Campina la communication visée à l'article 6 bis, paragraphe 3, de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après la «LBM»). Campina a contesté les motifs invoqués dans cette communication, mais le BBM l'a informée par lettre du 7 mars 1997 du refus d'enregistrement. Par la suite, Campina a saisi le Gerechtshof te 's-Gravenhage d'un recours fondé sur l'article 6 ter de la LBM, qui a été rejeté.
 
4. «Bio» est un préfixe souvent utilisé pour donner une certaine allure d'authenticité aux produits alimentaires, tandis que «mild» signifie «doux» en néerlandais. «Biomild» est un vocable nouveau, en ce sens qu'il n'existait pas dans la langue néerlandaise avant le dépôt. Il existe aussi, tant pour «bio» que pour «mild», des synonymes auxquels il est raisonnablement possible de recourir pour expliquer au public que le produit correspondant combine les caractéristiques désignées par ces termes.
 
5. Campina a utilisé, dès septembre 1996, la marque BIOMILD à grande échelle et a fait une forte publicité pour les produits offerts avec cette marque, de sorte que, au moment où le BBM a décidé de rejeter l'enregistrement de la marque demandée (7 mars 1997), il y avait lieu de penser que le caractère distinctif de ce signe avait augmenté considérablement ou que, à tout le moins, était apparu grâce à son utilisation généralisée.
 
6. Le Hoge Raad der Nederlanden, qui a été saisi de la procédure au principal au stade de la cassation, a saisi la Cour de justice Benelux de neuf questions préjudicielles.
 
7. La Cour de justice Benelux a estimé que, pour répondre à trois de ces questions, elle avait besoin de l'interprétation des articles 2 et 3, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 73, p. 52, ci-après: la «directive»), car le concept de «tout caractère distinctif» employé dans la LBMcorrespond à celui de «caractère distinctif» de la directive (et au concept correspondant de la convention de Paris).
 
Les questions préjudicielles posées
 
8. Par arrêt du 26 juin 2000, la Cour de justice Benelux a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des Communautés européennes des questions préjudicielles suivantes:
 
«1) Les articles 2 et 3, paragraphe 1er, de la directive doivent-ils être interprétés en ce sens que, pour apprécier si un signe qui est constitué d'un mot nouveau composé de différents éléments possède un caractère distinctif suffisant pour servir de marque pour les produits concernés, il faut partir de l'idée que cette question appelle en principe une réponse affirmative même si chacun de ces éléments est dépourvu en soi de caractère distinctif pour ces produits, et qu'il n'en va autrement qu'en présence de circonstances complémentaires, par exemple si le mot nouveau constitue l'expression manifeste et compréhensible d'emblée pour chacun d'une combinaison de propriétés tenue pour essentielle au plan commercial et qui ne saurait être désignée autrement que par le mot nouveau?
 
2) Si la première question appelle une réponse négative, faut-il considérer qu'un signe qui est constitué d'un mot nouveau, composé de différents éléments, chaque élément étant dépourvu par lui-même de caractère distinctif au sens de l'article 3, paragraphe 1er, de la directive, pour les produits concernés, est lui aussi dépourvu de tout caractère distinctif et qu'il n'en va autrement qu'en présence de circonstances complémentaires qui font que la combinaison des éléments est davantage que la somme des parties, par exemple si le mot nouveau témoigne d'une certaine créativité?
 
3) La réponse à la deuxième question est-elle différente lorsqu'il existe des synonymes pour chacun des éléments constitutifs du signe de sorte que les concurrents du déposant, désireux de montrer au public que leurs produits possèdent eux aussi la combinaison des propriétés désignées par le mot nouveau, peuvent raisonnablement le faire en recourant à ces synonymes?»
 
Analyse des questions préjudicielles
 
9. Comme je l'ai déjà indiqué, les questions posées par la Cour de justice Benelux sont identiques à celles posées par le Gerechtshof te 's-Gravenhage dans l'affaire C-363/99, Koninklijke KPN Nederland, relative à l'enregistrement du signe «Postkantoor».
 
10. C'est pourquoi je me permets de renvoyer aux conclusions que j'ai présentées dans cette affaire à la même date, et en particulier aux points 35 à 48 ainsi que 65 à 76 desdites conclusions.
 
Conclusion
 
11. Je suggère à la Cour de répondre à la demande de décision préjudicielle présentée par la Cour de justice Benelux dans les termes suivants:
 
«1) Dans le cadre de son appréciation de la capacité d'un signe pour constituer une marque, l'autorité compétente doit prendre en compte, conformément à la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, outre le signe tel qu'il a été déposé, tous les faits et circonstances pertinents, parmi lesquels figure l'acquisition éventuelle d'un caractère distinctif par l'usage, ou le risque d'erreur ou de confusion perçu du point de vue d'un consommateur moyen, et ce toujours par rapport aux produits ou services identifiés par le signe.
 
2) Quant aux marques composées de mots, leur éventuel caractère descriptif doit être apprécié non seulement par rapport à chacun des termes considérés séparément, mais également par rapport à l'ensemble qu'ils forment. Tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l'enregistrement et par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles, est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif. À cet égard, un écart sera réputé perceptible lorsqu'il affecte des éléments importants de la forme du signe ou de sa signification.»
 
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