Numéro de requête C.00.0135.N

Date
Instance
CASS BE
Marque
kleur turkoois
Numéro de dépôt
Déposant
Belgacom n.v.
Texte

BUREAU BENELUX DES MARQUES, administration commune aux pays du Benelux, 
dont le siège social est à 2591 XR La Haye, Pays-Bas, Bordewijklaan 15, 

demandeur en cassation d'un arrêt rendu le 28 septembre 1999 par la cour d'appel de Bruxelles,

représenté par Me Jean-Marie Nelissen Grade, avocat près la Cour de cassation, ayant son cabinet à 1000 Bruxelles, rue de Brederode 13, où il est fait élection de domicile, 

contre

BELGACOM, société anonyme de droit public, 
dont le siège social est à 1030 Schaerbeek, boulevard Albert II 27, inscrite au registre du commerce à Bruxelles sous le n° 587.163, 

défenderesse en cassation,

représentée par Me René Bützler, avocat près la Cour de cassation, ayant ses bureaux à 1083 Ganshoren, avenue de Villegas 33-34, où il est fait élection de domicile. 

LA COUR,

Ouï Monsieur le président Verougstraete en son rapport et sur les conclusions de Monsieur l'avocat général Dubrulle; 

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 28 septembre 1999 par la cour d'appel de Bruxelles; 

Sur le moyen, énoncé comme suit : 

Violation de l'article 149 de la Constitution, des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, des articles 2 et 3, § 1er, sous b, et 6, § 1er, de la Directive du Conseil des Communautés européennes du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (JO, L 40/1, 11 février 1989) (dénommée ci-après : “la directive d'harmonisation”), de l'article 6quinquies de la Convention de Paris du 14 juillet 1967 pour la protection de la propriété industrielle, approuvée par la loi du 26 septembre 1974 (M.B., 29 janvier 1975) (dénommée ci-après “la Convention d'Union de Paris”), des articles 1, alinéa premier, et 6bis, alinéa premier, sous a, et 13A, alinéa 6, de la loi uniforme Benelux sur les marques du 19 mars 1962, figurant en annexe à la Convention Benelux du 19 mars 1962 en matière de marques de produits, approuvée par la loi du 30 juin 1969 (M.B., 14 octobre 1969), telle que modifiée par le Protocole du 10 novembre 1983, approuvé par la loi du 8 août 1986 (M.B., 30 octobre 1986), et par le Protocole du 2 décembre 1992, approuvé par la loi du 11 mai 1995 (M.B., 12 mars 1996) (dénommée ci-après “la loi uniforme Benelux sur les marques”); 

en ce que l'arrêt attaqué du 28 septembre 1999 décide que pour le public concerné, à savoir le public très large qui peut être confronté au signe, la couleur turquoise bien définie, objet du dépôt de la défenderesse, est propre à remplir la fonction essentielle de la marque, du moins que le demandeur n'a pas de juste motif pour refuser l'enregistrement, sur la base des motifs suivants : 

“1. Attendu que l'on ne peut plus contester qu'une couleur simple puisse, dans certaines circonstances, être apte à remplir la fonction essentielle de la marque; 

Attendu que l'article 1er, alinéa 1er, de la LBM n'énumère pas limitativement les signes pouvant servir de marque et n'exclut pas dès lors que même une couleur simple bénéficie, en soi, c'est-à-dire sans délimitation spatiale ou figurée, de la protection comme marque à titre de signe susceptible de représentation graphique; (Cour de Justice Benelux, 9 février 1977, Centrafarm/Beecham, Jur., 1975-1979, 27; Cour de Justice Benelux 9 mars 1977, ADG/Leeferink, Jur. 1975-1979, 48); 

Attendu que la question de savoir si une couleur peut servir de marque a également reçu une réponse affirmative du Conseil CE et de la Commission CE au moment de l'adoption de la directive 89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (déclarations JO OHMI n° 5/96, p. 607, sous 2 (a)) et lors de l'adoption du règlement 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (déclarations JO OHMI n° 5/96, p. 613); 

Qu'il est constant que l'article 4 dudit règlement n'exclut pas la possibilité d'enregistrer une combinaison de couleurs ou une couleur distincte comme marque communautaire, ainsi qu'il a été décidé récemment par la troisième chambre de recours de l'OHMI à Alicante; (troisième chambre de recours de l'OHMI 12 février 1998 en cause R 7/97-3 Orange Personal Communications Services Ltd; 18 décembre 1998 en cause R 122/98-3 Wrigley JR Company; 22 janvier 1999 en cause R 169/1998-3, WM Wrigley JR Company); 

Attendu que [le demandeur] a dès lors eu tort d'induire du seul constat que le signe déposé par [la défenderesse] “est composé uniquement de la couleur turquoise” un argument pour sa thèse que “le signe est dépourvu de tout caractère distinctif”, ainsi qu'il ressort de sa décision de refus provisoire du dépôt; 

2. Attendu que dans le cadre de la question de savoir si un signe peut être enregistré comme marque, il importe uniquement d'examiner si le signe peut servir à distinguer les produits pour lesquels le signe est déposé comme signe distinctif, c'est-à-dire si, toutes les circonstances de la cause étant prises en considération, il possède un caractère tel qu'il est apte à distinguer ces produits de produits similaires et à démontrer suffisamment leur provenance de l'entreprise; 

Qu'il n'est pas permis de poser des exigences plus sévères ; (Cour de Justice Benelux, 16 décembre 1991, Burberrys/Bossi cs, Jur. 1991, p. 16); 

3. Attendu que, ainsi qu'il ressort de l'article 1er , alinéa 1er, de la LBM, telle que cette disposition a été interprétée par la Cour de Justice Benelux, il ne peut être requis que le public concerné soit réellement conscient que le signe a été expressément voulu par l'entreprise comme signe destiné à distinguer les produits pour lesquels le signe est utilisé et à indiquer leur provenance; (Cour de Justice Benelux 23 décembre 1985, Adidas/De Laet, Jur., 1985, 38; 16 décembre 1991, Burberrys/Bossi, Jur. 1991, 16); 

Attendu que la circonstance, évoquée par [le demandeur] dans sa lettre du 13 août 1998, que la couleur sera généralement considérée comme un élément décoratif des produits ou services ne fait pas encore obstacle en soi à ce que la couleur soit susceptible de protection comme marque; 

Que, dans le cas d'espèce, il y a lieu d'examiner si le public percevra la couleur, malgré la protection qui lui serait accordée comme marque, comme un élément purement décoratif, dépourvu dès lors de caractère distinctif, ou bien si le public pourra identifier les produits, en raison de leur couleur, comme provenant d'une entreprise, en sorte que la couleur, encore que plutôt perçue comme un élément décoratif, possède un caractère distinctif suffisant pour pouvoir être considérée comme une marque; 

Que, en effet, un signe peut servir de marque lorsqu'il évoque, dans l'esprit du public concerné, l'origine des produits ou services; 

Attendu qu'il convient de rappeler en l'occurrence qu'est sans pertinence en l'espèce la circonstance qu'une couleur simple ne fasse pas connaître, par elle-même, l'entreprise concernée dont proviennent les produits ou services; 

Que, en effet, le prescrit du caractère distinctif ne signifie pas que le public doit être mis en mesure d'identifier l'entreprise dont proviennent les produits et services; 

Qu'il suffit que le signe permette au public d'identifier les produits comme provenant d'une seule entreprise et non de plusieurs entreprises; 

4. Attendu que, comme l'estime [le demandeur] dans sa lettre du 13 août 1998, “une couleur est généralement dépourvue de caractère distinctif”; 

Attendu que [la défenderesse] attaque à bon droit cette conception du [demandeur], qui est retenue comme principe à la base de la décision entreprise, comme étant un parti pris sur l'incapacité d'une couleur à servir de marque qui n'est guère conciliable avec la retenue et la circonspection dont le Bureau doit s'entourer dans sa politique de contrôle, conformément à l'exposé des motifs des gouvernements auquel il est fait référence au point 8 des “Directives concernant les critères de refus des marques pour motifs de nullité absolus”: 

“... la politique de contrôle du BBM (...) devra être une politique de circonspection et de retenue, tenant compte de tous les intérêts de la vie économique et visant uniquement à faire régulariser ou à refuser les dépôts manifestement inadmissibles. Il va sans dire que l'examen restera dans les limites tracées par la jurisprudence établie dans le Benelux, spécialement celle de la Cour de Justice Benelux”; 

Attendu que la conception selon laquelle une couleur est généralement dépourvue de tout caractère distinctif ne trouve aucun appui dans la jurisprudence de la Cour de Justice Benelux qui “rejette tout a priori concernant la capacité de protection des signes”; (Prof. Eeckman, Kleur, Kleurcombinatie of tint als merk, R.W. 1977-1978, p. 1168); 

Que la Cour a bien affirmé qu'il résulte de l'ensemble des règles contenues dans l'article 1er de la LBM - à savoir l'exigence du caractère distinctif posée à l'alinéa 1er et les exceptions prévues à l'alinéa 2 - qu'une couleur simple ne sera pas souvent susceptible de la protection légale mais qu'elle n'a nullement exprimé par là un quelconque préjugé sur le point de savoir si une couleur possède un caractère distinctif au sens de l'alinéa premier; (Cour de Justice Benelux, 9 février 1977, Centrafarm/Beecham, Jur., 1975-1979, 27 (affaire A 76/1) Cour de Justice Benelux, 9 mars 1977, ADG/Leeferink, Jur., 1975-1979, 48 (affaire A 76/2)); 

Que dans les deux décisions prémentionnées, relatives à l'exigence du caractère distinctif, la Cour a rappelé au contraire que la satisfaction de cette exigence par une combinaison de couleurs ou une couleur simple dépendra des circonstances et constitue donc une question de fait; 

Que, dans l'affaire A 76/1, la Cour a dit que pour une combinaison de couleurs ou une couleur simple, l'aptitude à identifier les produits comme provenant d'une entreprise dépendra des circonstances et, en outre : 
- que cette aptitude naîtra d'autant moins facilement que l'utilisation de la combinaison de couleurs est plus usuelle dans la vie courante et que la variété des produits pour lesquels elle doit servir de signe caractéristique est grande; 
- qu'une couleur simple se prêtera plus difficilement à l'identification susvisée; 

Que, dans l'affaire A 76/2, la Cour a ajouté que la réponse à la question de savoir si, dans un cas concret, une couleur peut remplir les fonctions essentielles d'une marque peut différer selon que la couleur est utilisée pour un groupe spécifique de produits ou que cette couleur est utilisée pour distinguer les produits d'une entreprise dont les activités s'étendent à un grand nombre de produits de type différent, sans que, au demeurant, le nombre de classes de produits selon la classification internationale des produits soit d'une importance décisive; 

Que pour interpréter l'article 1er, alinéa 1er, de la LBM, la Cour ne se base ainsi nullement sur le principe qu'une couleur ne satisfera qu'exceptionnellement à la condition du caractère distinctif, pas plus qu'elle n'a établi en règle générale qu'une couleur n'est susceptible d'être protégée comme marque que s'il s'agit d'une couleur socialement inhabituelle pour une catégorie spécifique de produits; 

Que la Cour a donné en termes très nuancés des directives pour l'appréciation du caractère distinctif d'une couleur dans un cas concret, tout en rappelant que le caractère banal d'un signe l'empêche d'être protégé comme marque et que le caractère distinctif d'un signe ne doit pas être examiné en soi, mais en relation avec les produits pour lesquels le signe est utilisé; 

Attendu que pour étayer sa thèse qu'une couleur est généralement dépourvue de caractère distinctif, le [demandeur] se réfère par ailleurs aux décisions récentes de la troisième chambre de recours de l'OHMI, en particulier à la considération que “Les consommateurs n'ont pas pour habitude de présumer de l'origine des produits en se basant sur leur couleur ou la couleur de leur emballage, en l'absence d'un élément graphique ou textuel, parce qu'une couleur en soi n'est pas, en principe, utilisée comme moyen d'identification”, la troisième chambre de recours en déduisant qu'une couleur ne peut pas normalement remplir les fonctions essentielles d'une marque; (troisième chambre de recours OHMI, en cause R 122/98-3, 18 décembre 1998 et cause R 169/1998-3, 22 janvier 1999 (“Consumers are not accustomed to making an assumption about the origin of goods on the basis of their colour or the colour of their packaging, in the absence of a graphic or textual element, because a colour per se is not normally used as a means of identification in practice”)); 

Attendu que la capacité d'un signe à servir de marque ne peut cependant pas être appréciée en fonction de la question de savoir si le signe appartient à une catégorie de signes qui sont souvent utilisés en pratique comme signe de provenance, de sorte que la considération suivant laquelle les couleurs, contrairement à d'autres catégories de signes comme les appellations, dessins, lettres, formes ou signes complexes ne sont pas souvent utilisées en pratique comme moyen d'identification n'est pas pertinente en l'espèce et ne dit rien du caractère distinctif d'une couleur en relation avec des produits ou services déterminés d'une entreprise; 

Attendu que la capacité d'un signe à servir de marque ne peut pas davantage être appréciée en fonction de la question de savoir si le public, en général, est déjà habitué à observer comme des signes de provenance des signes appartenant à la même catégorie que le signe concerné, de sorte que la considération suivant laquelle le public n'a pas pour habitude de présumer de l'origine des produits en se basant sur leur couleur ou la couleur de leur emballage n'a pas le moindre intérêt; 

Que pour apprécier la capacité d'une couleur à servir de signe de provenance, on ne peut pas imposer des exigences plus sévères que celles qui sont admises pour d'autres signes; 

Qu'il ne peut pas être requis en l'espèce de démontrer que l'utilisation de couleurs comme signes de provenance est usuelle dans la pratique ou que le public a déjà eu l'occasion de présumer de l'origine des produits en se basant sur leur couleur en l'absence d'un élément graphique ou textuel; 

5. Attendu que pour apprécier le caractère distinctif d'un signe ab initio, il doit être présumé que la couleur sera utilisée comme une marque autonome par le déposant et non comme un élément purement décoratif ou comme un élément non autonome d'une combinaison; 

Que la constatation suivant laquelle, dans la pratique, une couleur est généralement utilisée en combinaison avec d'autres signes comme un élément graphique ou textuel, qui réalise l'identification des produits comme provenant d'une entreprise, la conséquence étant que la couleur est rarement perçue comme une marque autonome, n'est dès lors pas pertinente; 

Qu'il s'ensuit qu'il convient d'écarter toute conjecture sur le point de savoir si le public reconnaîtra et percevra réellement la couleur comme une marque, qui serait faite en partant de l'hypothèse que la couleur sera utilisée en combinaison avec d'autres signes, de même que toute conclusion concernant l'usage réellement envisagé du signe qui serait tirée de la façon dont il a été utilisé par le déposant à l'époque de la demande; 

Qu'en considérant que le public ne perçoit pas souvent une couleur comme une marque mais identifie un produit ou service à partir du nom ou du logo, le [demandeur] fait à tort des suppositions sur la façon dont le signe sera réellement utilisé et donne ainsi à penser qu'il est d'avis qu'une couleur, en soi, n'est nullement apte à remplir la fonction essentielle d'une marque, en l'absence d'autres signes; 

6. Attendu que [la défenderesse] soutient à bon droit qu'il n'y a aucune raison de considérer qu'une couleur ne serait généralement pas apte à faire office d'indication de provenance des produits et à être perçue et identifiée comme telle par le public; 

Attendu que, comme le montre l'expérience générale, les couleurs, au sens le plus large du mot tel qu'il est compris dans le langage courant, c'est-à-dire sans distinction d'ordre scientifique entre les couleurs primaires, secondaires et tertiaires à l'intérieur du groupe des couleurs chromatiques et comprenant toutes les teintes de ces dernières et tout l'éventail par teinte des nuances avec leur intensité différente, de même que les couleurs achromatiques (blanc, noir et gris), procurent des informations très précises à cause de leur nombre incroyablement grand et permettent ainsi à l'homme d'apercevoir très vite la présence de choses et de distinguer et identifier les choses; 

Que dans la chaîne de traitement de l'information dans le cerveau, la couleur, captant l'attention, produit même l'effet d'un premier signal, suivie par les symboles et les figures et puis par les mots; 

Que, dès lors, la Cour ne peut se rallier à la thèse adoptée par la Cour de La Haye dans son ordonnance du 4 juin 1998 en cause de LIBERTEL (BIE 1998/48) et reprise en l'espèce par le [demandeur], que les couleurs sont affligées d'un “handicap” pour servir de marque car les couleurs sont dépourvues de caractéristiques d'identification supplémentaires et sont à ce titre “trop générales”; 

Que le caractère très simple d'un signe, comme une couleur, ne rend pas ce signe impropre comme marque; 

Que, vu notamment le caractère ouvert de l'énumération des signes à l'article 1er, alinéa 1er, de la LBM, il faut partir par conséquent du principe que les couleurs sont équivalentes à des signes et que la décision sur l'inadmissibilité du dépôt d'une couleur par défaut de caractère distinctif peut uniquement s'appuyer sur l'analyse des circonstances propres à la cause et ne saurait être motivée par un préjugé quelconque concernant l'incapacité des couleurs à servir de marque; 

7. Attendu que la question de l'étendue de la protection de la marque est sans intérêt pour la question de savoir si le signe, ab initio, est de nature à servir de marque; 

Que, dès lors, pour l'admissibilité du dépôt d'une couleur en soi, il est sans pertinence d'examiner si la protection de la marque constituée d'une couleur est limitée à la couleur spécifique dont la reproduction est jointe au formulaire du dépôt ou s'étend au contraire aux teintes voisines et serait utilisée pour faire obstacle à une demande pour des reproductions, illustrations ou marques verbales contenant une couleur identique ou comparable, pour des produits ressemblants; 

Que pour étayer sa décision, le [demandeur] exprime la crainte que l'octroi de la protection de la marque à une couleur simple pourrait permettre à quelques concurrents de “monopoliser ensemble le spectre des couleurs”; 

Que le [demandeur], ainsi, non seulement préjuge de l'étendue de la protection de la marque qui serait accordée à une couleur simple, mais surtout perd de vue que l'exercice des droits liés à la protection de la marque ne peut conduire à des abus de droit, ainsi qu'il ressort de l'article 13, A, 6, de la LBM, et ne peut en particulier avoir pour effet d'éliminer la concurrence; 

Que l'on n'aperçoit pas, d'autre part, en quoi l'usage d'une couleur bien définie comme marque autonome pourrait éliminer ou limiter la concurrence, à moins que l'on ne ramène le nombre de couleurs disponibles à six à l'instar du [demandeur] et que l'on n'oublie l'existence d'autres signes disponibles; 

Qu'en ce qui concerne le nombre de couleurs disponibles, l'estimation doit se faire d'un point de vue optique et pratique et non en fonction d'une conception scientifique de la notion “couleur”; 

Que, comme le montre l'expérience, le nombre de couleurs que des yeux normaux peuvent percevoir est quasi infini d'un point de vue optique et pratique; 

Qu'à titre d'exemple, on peut noter qu'un scanner ordinaire peut lire et reproduire près de 16 millions de couleurs; 

Que le caractère infini du nombre de couleurs a d'ailleurs été reconnu par la troisième chambre de recours de l'OHMI, en ce que cette chambre constate que le mot “orange” vise un nombre incalculable de teintes et, pour ce motif, a considéré le dépôt comme irrégulier en l'absence d'une représentation graphique de la couleur; (12 février 1998 en cause R 7/97-3, motif 12: This applies especially to colours since an uncountable number of different colour shades, ranging in the specific case from dark to light and from the yellowish to the reddish tones, are conceivable which would all fall under the wide generic terme “orange”); 

8. Attendu que dans le formulaire de dépôt, [la défenderesse] a fourni une représentation graphique de la couleur turquoise qu'elle veut voir protéger comme marque, laquelle permet de distinguer toutes les caractéristiques de la couleur concernée selon sa teinte, son éclat et son intensité; 

Que le caractère distinctif du signe est uniquement requis à l'égard de cette couleur bien définie et ne doit pas être examiné en tenant compte de toutes les couleurs ou teintes possibles qui pourraient tomber sous l'appellation “turquoise”; 

Attendu que rien ne révèle que la couleur déposée comme marque est devenue usuelle dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour les appareils et services de télécommunication et devrait être, à ce titre, considérée comme inadmissible en tant que signe banal dénué de caractère distinctif; 

Que le [demandeur] fait état, dans le domaine des produits et services de télécommunication, de l'usage d'une couleur vert clair déposée comme marque Benelux par la NV Koninklijke PTT Nederland, de la couleur orange par Libertel Groep BV, établies aux Pays-Bas, et de la couleur violette par Belgacom Mobile; 

Que le [demandeur] ne conteste pas que la couleur turquoise n'a pas encore été utilisée dans le domaine des télécommunications, si ce n'est par [la défenderesse] elle-même depuis 1993; 

Que le [demandeur] exige cependant que la couleur soit “socialement inhabituelle” et prétend qu'il appartient à [la défenderesse] de démontrer que tel est le cas en l'espèce; 

Attendu que le [demandeur] déduit le “caractère inhabituel” d'une couleur uniquement du constat que la couleur concernée diffère de la couleur normale du produit et cite comme exemples : 
- le violet pour le fromage qui est jaune ou blanc par nature; 
- le rouge pour le sel de cuisine qui est gris par nature et blanc dans le commerce; 

Attendu que cette approche qui est valable pour des produits ayant une couleur naturelle en raison de leurs propriétés ou de leur composition peut cependant difficilement s'appliquer à des produits ou services “incolores” dont la couleur est déterminée au choix de l'entreprise; 

Que pour des produits ou services “incolores”, on peut difficilement exiger, à défaut de couleur naturelle, que le déposant démontre que la couleur déposée comme marque diffère de la couleur naturelle de ces produits ou services; 

Attendu qu'il suit de ce qui précède que la décision de refus du dépôt pour défaut de caractère distinctif ne peut nullement s'appuyer sur le constat que “[la défenderesse] n'a nullement démontré, et l'on ne voit pas non plus en quoi la couleur turquoise est socialement inhabituelle en rapport avec les appareils et services de télécommunication”; 

Attendu que le constat que le dépôt couvre (encore) un grand nombre de produits et services dans le large domaine des télécommunications (même après la limitation proposée aux classes 9 et 38) ne peut pas davantage justifier un refus; 

Qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice Benelux qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du nombre de classes de produits suivant la classification internationale des produits; 

Que, par ailleurs, la protection comme marque ne peut pas être refusée sur le fondement du seul constat que [la défenderesse] étend son champ d'activité à un grand nombre de produits de type différent et que la couleur turquoise est utilisée pour ce grand nombre de produits et services; 

Que les conditions légales sont identiques aussi bien pour un “groupe spécifique de produits” que pour un plus grand nombre de produits; 

Qu'il revenait au [demandeur] d'indiquer pourquoi, dans ce cas spécifique, ce constat était de nature déterminante pour refuser l'enregistrement; 

Que la Cour constate que le [demandeur] néglige de le faire même dans le cadre de la présente procédure; 

Qu'en l'espèce, les produits et services concernés, avec leurs éléments, pièces et accessoires appartiennent au groupe spécifique des appareils et services de télécommunication et, malgré la longue énumération de produits et services dans les classes indiquées, tirent leur spécificité et leur caractère général de la spécificité de l'activité concernée; 

Attendu que vu la nature des produits et services concernés qui ne tirent ou ne tirent guère leur valeur ou leur attrait de leur aspect ou de leur caractère esthétique éventuel mais bien de leur caractère utilitaire, il ne peut pas être affirmé avec une certitude suffisante que le public concerné percevra la couleur turquoise de [la défenderesse] comme un élément purement décoratif; 

Que, au contraire, il est très plausible que le public soit conscient que la couleur n'a pas été apposée aux fins de décorer les produits concernés mais bien comme signe d'identification de la provenance de l'entreprise, d'autant plus que le signe serait utilisé pour nombre de produits et services très variés qui ont en commun d'être en rapport avec les techniques de télécommunication; 

Attendu qu'il faut décider dès lors que pour le public concerné, à savoir le public très large qui peut être confronté au signe, la couleur turquoise bien définie objet du dépôt litigieux est propre à remplir la fonction essentielle de la marque, du moins que le [demandeur] n'a pas de juste motif pour refuser l'enregistrement; 

Attendu que la question de savoir si [la défenderesse] peut invoquer la consécration par l'usage ne se pose dès lors plus;” 

alors que, première branche, aux termes de l'article 1er, alinéa premier, de la loi uniforme Benelux sur les marques, sont considérés comme marques individuelles les dénominations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de conditionnement et tous autres signes servant à distinguer les produits d'une entreprise; 

que par l'exigence posée pour la protection légale de la marque à l'article précité, à savoir que les signes doivent “servir à distinguer les produits d'une entreprise”, il faut entendre que le signe possède ou a acquis une individualité telle qu'il est propre à distinguer ce produit de produits similaires et à l'identifier à suffisance comme provenant d'une entreprise déterminée; 

qu'il s'ensuit que pour qu'un signe puisse bénéficier de la protection dévolue à la marque, il est requis en premier lieu que le signe soit propre à distinguer, c'est-à-dire en mesure d'être perçu et identifié comme tel par le public; 

qu'il s'ensuit qu'un signe qui est dépourvu de cette propriété - par exemple parce qu'il sera considéré comme un élément purement décoratif - ne peut pas servir à distinguer le produit d'un produit similaire; qu'il découle des conditions fixées à l'article 1er, alinéa premier, de la loi uniforme Benelux sur les marques, telles qu'elles sont interprétées par la Cour de Justice Benelux, que les couleurs ou combinaisons de couleurs peuvent être en principe aptes à servir de marque et, dès lors, “ne seraient pas toujours exclues de la protection légale”; 

qu'il résulte en outre du même article 1er, alinéa premier que pour être considéré comme marque au sens de cette disposition, il n'est pas seulement requis que le signe soit propre à servir de marque - c'est-à-dire en mesure d'être perçu et identifié comme tel par le public - mais il est également requis que le signe possède un caractère distinctif; 

que cette disposition érige le caractère distinctif du signe en condition constitutive séparée pour qu'il puisse être question d'une marque; 

que les signes sont exclus de la protection légale de la marque lorsque, par défaut de caractère distinctif, ils ne sont pas en mesure de servir dans la vie courante comme marques individuelles; 

qu'un signe possède le caractère distinctif requis par l'article 1er, alinéa premier, précité lorsqu'il “possède ou a acquis une individualité telle qu'il est propre à distinguer ce produit de produits similaires et à l'identifier à suffisance comme provenant d'une entreprise déterminée”; 

qu'il convient d'apprécier cas par cas la question de savoir si une couleur déterminée possède le caractère distinctif requis pour la protection légale; 

qu'il découle de la disposition légale précitée, telle qu'elle est interprétée par la Cour de Justice Benelux, qu'une couleur simple ne sera pas souvent susceptible de la protection légale et n'aura qu'exceptionnellement le pouvoir de distinguer les produits comme provenant d'une entreprise; 

et alors que, les juges d'appel, dans les considérations citées au début du moyen, décident entre autres que le demandeur a eu tort “d'induire du seul constat que le signe déposé par BELGACOM” est composé uniquement de la couleur turquoise” un argument pour sa thèse que “le signe est dépourvu de tout caractère distinctif” (p. 4, n° 1, in fine); que “la conception selon laquelle une couleur est généralement dépourvue de tout caractère distinctif ne trouve aucun appui dans la jurisprudence de la Cour de Justice Benelux” (p. 6, troisième al.); que cette Cour, “pour interpréter l'article 1er, alinéa 1er, de la LBM, (...) ne se base ainsi nullement sur le principe qu'une couleur ne satisfera qu'exceptionnellement à la condition du caractère distinctif” (p. 7, al. 2); que “la défenderesse soutient à bon droit qu'il n'y a aucune raison de considérer qu'une couleur ne serait généralement pas apte à faire office d'indication de provenance des produits et à être perçue et identifiée comme telle par le public” (p. 8 in fine, et haut de la p. 9); 

et décide pour ces motifs qu'elle “ne peut se rallier à la thèse adoptée par la Cour de La Haye (...) que les couleurs sont affligées d'un “handicap” pour servir de marque car les couleurs sont dépourvues de caractéristiques d'identification supplémentaires et sont à ce titre “trop générales”, 

que, ce faisant, l'arrêt confond l'exigence d'aptitude d'un signe à servir de marque et l'exigence de caractère distinctif requise pour la protection légale, dès lors qu'il tranche la question de savoir si la couleur turquoise possède en l'espèce un caractère distinctif sur la base de considérations dérivées du principe - non contesté par le demandeur - qu'une couleur ne peut pas en principe être toujours exclue de la protection légale et est donc en principe propre à servir de marque, 

que, dès lors, l'arrêt viole la règle juridique qu'un signe ne peut bénéficier de la protection légale que s'il sert à distinguer les produits d'une entreprise, telle que cette règle a été interprétée par la Cour de Justice Benelux, dès lors qu'il considère que, pour apprécier si une couleur déterminée est susceptible de la protection légale, il n'est pas permis d'admettre qu'une couleur ne satisfera qu'exceptionnellement à la condition du caractère distinctif (violation des articles 1, alinéa premier, et 6bis, alinéa premier sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques, de l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention d'Union de Paris et des articles 2 et 3, § 1, sous b, de la directive d'harmonisation); 

et alors que l'arrêt attaqué décide par ailleurs que la circonstance que la couleur sera généralement considérée comme un élément décoratif des produits ou services ne fait pas encore obstacle en soi à ce que la couleur soit susceptible de protection comme marque (p. 5, al. 2); et que dans le cas d'espèce, il y a lieu d'examiner si le public percevra la couleur, malgré la protection qui lui serait accordée comme marque, comme un élément purement décoratif, dépourvu dès lors de caractère distinctif, ou bien si le public pourra identifier les produits, en raison de leur couleur, comme provenant d'une entreprise, en sorte que la couleur, encore que plutôt perçue comme un élément décoratif, possède un caractère distinctif suffisant pour pouvoir être considérée comme une marque (p. 5, al. 3); que l'arrêt attaqué admet en l'espèce pour ces motifs “ que vu la nature des produits et services (...), il ne peut pas être affirmé avec une certitude suffisante que le public concerné percevra la couleur turquoise de la défenderesse comme un élément purement décoratif” (p. 12, troisième alinéa avant la fin) et que “au contraire, il est très plausible que le public soit conscient que la couleur n'a pas été apposée aux fins de décorer les produits concernés mais bien comme signe d'identification de la provenance de l'entreprise” (p. 12, avant-dernier al.), 

et que l'arrêt attaqué confond ainsi, une fois de plus, l'aptitude d'un signe à servir de marque et l'exigence du caractère distinctif et que, dès lors, il viole les articles 1, alinéa premier, et 6bis, alinéa premier, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques, l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention d'Union de Paris et les articles 2 et 3, § 1er, sous b, de la directive d'harmonisation, dès lors qu'il considère à tort qu'une couleur mérite en principe d'être protégée comme marque, à moins que la couleur ne soit perçue comme un élément purement décoratif par le public; 

et alors que, deuxième branche, aux termes de l'article 1er, alinéa premier, de la loi uniforme Benelux sur les marques, sont considérés comme marques individuelles les dénominations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de conditionnement et tous autres signes servant à distinguer les produits d'une entreprise; 

qu'il s'ensuit que tous les signes ne sont pas susceptibles de la protection comme marque au sens de l'article 1er, alinéa premier, de la loi uniforme Benelux sur les marques; 

qu'il est plus particulièrement requis que le signe (a) soit propre à faire office de marque et (b) possède un caractère distinctif; 

qu'en ce qui concerne le caractère distinctif d'un signe pour être protégé comme marque au sens de l'article 1er, alinéa premier, de la loi uniforme Benelux sur les marques, il faut tenir compte entre autres, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, de l'intérêt général de sauvegarder des signes déterminés, en particulier en raison de leur capacité non seulement à indiquer la qualité et les autres propriétés des catégories concernées de produits, mais aussi à influencer d'une autre manière la préférence des consommateurs, par exemple en établissant un lien entre les produits et un lieu avec une valeur sentimentale positive; 

qu'il s'ensuit qu'il peut exister un intérêt général de sauvegarde de cette nature à l'égard également d'une couleur de sorte qu'il convient d'examiner lors du dépôt s'il existe un tel intérêt général de sauvegarde à l'égard de la couleur pour les produits ou services concernés; 

que, dès lors, en considérant que “dans le cadre de la question de savoir si un signe peut être enregistré comme marque, il importe uniquement d'examiner si le signe peut servir à distinguer les produits pour lesquels le signe est déposé comme signe distinctif, c'est-à-dire si, toutes les circonstances de la cause étant prises en considération, il possède un caractère tel qu'il est apte à distinguer ces produits de produits similaires et à les identifier à suffisance comme provenant de l'entreprise” et que “il n'est pas permis de poser des exigences plus sévères” (p. 4, n° 2), l'arrêt attaqué viole les articles 1er, alinéa 1er, et 6bis, alinéa premier, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques, l'article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention d'Union de Paris et les articles 2 et 3, § 1er, sous b, de la directive d'harmonisation ; 

et alors que, troisième branche, pour bénéficier de la protection légale comme marque conformément à l'article 1er, alinéa premier, de la loi uniforme Benelux sur les marques, le signe doit posséder une individualité telle qu'il est propre et apte à distinguer le produit ou le service; 

qu'il est requis à cette fin que le signe (a) ait l'aptitude abstraite à pouvoir distinguer et (b) possède un caractère distinctif effectif en rapport avec les produits et services pour lesquels il est déposé; 

que pour le juge appelé à décider si dans un cas déterminé un signe déposé comme marque sert à distinguer les produits d'une entreprise comme prescrit à l'article 1er, alinéa premier, il faut recourir au critère suivant: compte tenu de toutes les circonstances de la cause, le signe dont il est question peut-il être réputé indiquer la provenance du ou des produits pour lesquels il a été déposé comme marque, de telle manière qu'il peut remplir les fonctions essentielles d'une marque individuelle au sens dudit article de la loi; 

que la question de savoir si un signe déposé comme marque sert à distinguer les produits ou services d'une entreprise ne se prête pas à une réponse in abstracto, la réponse dépendant de l'appréciation des particularités du cas d'espèce; 

que l'appréciation du caractère distinctif d'un signe au sens de cet article de la loi doit nécessairement s'effectuer in concreto, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce; 

qu'il s'ensuit que pour apprécier si une couleur déterminée est susceptible d'être protégée comme marque, le juge doit uniquement examiner si la couleur en cause est effectivement apte à distinguer, c'est-à-dire qu'elle possède une individualité telle qu'elle est réellement apte à distinguer les produits et services pour lesquels elle est déposée de produits et services similaires; 

et alors que la cour d'appel, dans les motifs reproduits dans le préambule du moyen, décide entre autres que “que la considération suivant laquelle le public n'a pas pour habitude de présumer de l'origine des produits en se basant sur leur couleur ou la couleur de leur emballage n'a pas le moindre intérêt” (p. 8, al. 1); que “il convient d'écarter toute conjecture sur le point de savoir si le public reconnaîtra et percevra réellement la couleur comme une marque, qui serait faite en partant de l'hypothèse que la couleur sera utilisée en combinaison avec d'autres signes, de même que toute conclusion concernant l'usage réellement envisagé du signe qui serait tirée de la façon dont il a été utilisé par le déposant à l'époque de la demande” (p. 8, al. 6); que “[la défenderesse] soutient à bon droit qu'il n'y a aucune raison de considérer qu'une couleur ne serait généralement pas apte à faire office d'indication de provenance des produits et à être perçue et identifiée comme telle par le public” (p. 8 in fine et p. 9); et que “le caractère très simple d'un signe, comme une couleur, ne rend pas ce signe impropre comme marque” (p. 9, al. 5); 

que la cour d'appel considère donc à l'évidence qu'elle doit uniquement examiner si le signe déposé par la défenderesse est propre à pouvoir servir de marque et non si le signe déposé par la défenderesse est également apte in concreto à distinguer les produits et services pour lesquels le signe est déposé; 

qu'en décidant pour ces motifs que le signe déposé par la défenderesse est susceptible d'être protégé comme marque, l'arrêt attaqué méconnaît, dès lors, la notion de “caractère distinctif” telle que visée aux articles 1er, alinéa premier, et 6 bis, alinéa premier, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques, à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention d'Union de Paris et aux articles 2 et 3, § 1er, sous b, de la directive d'harmonisation; 

et alors que, quatrième branche, l'arrêt attaqué décide en outre que “au contraire, il est très plausible que le public soit conscient que la couleur n'a pas été apposée aux fins de décorer les produits concernés mais bien comme signe d'identification de la provenance de l'entreprise” (p. 12, avant-dernier al.) et que “pour le public concerné, à savoir le public très large qui peut être confronté au signe, la couleur turquoise bien définie objet du dépôt litigieux est propre à remplir la fonction essentielle de la marque” (p. 12 in fine); 

que si ces considérations doivent donc être comprises en ce sens que les juges d'appel font ainsi reposer leur décision notamment sur un examen de la manière dont le signe sera utilisé en l'espèce par le déposant et perçu par le public, l'arrêt est entaché par une contradiction; 

que, effectivement, l'arrêt décide d'abord par principe avec les considérations reproduites dans la troisième branche que l'appréciation du caractère distinctif par le Bureau Benelux des Marques doit s'effectuer in abstracto, autrement dit abstraction faite de la manière dont la marque est réellement utilisée par le déposant et perçue par le public (attendus cités, p. 8 et 9); 

que, d'autre part, l'arrêt, pour apprécier le caractère distinctif du signe, semble passer à un examen de la manière dont le signe est utilisé par le déposant et perçu par le public (attendus cités p. 12), ce qui implique une appréciation in concreto, 

que l'arrêt attaqué, en décidant, d'une part, par principe que le caractère distinctif d'une marque doit être apprécié in abstracto et, d'autre part, en basant sa décision sur des considérations qui impliquent une appréciation in concreto, ne satisfait pas, dès lors, pour cause de contradiction dans la motivation, à la condition de forme de l'article 149 de la Constitution; 

et alors que, cinquième branche, la cour d'appel considère entre autres dans les motifs reproduits en préambule du moyen que “pour étayer sa décision, le [demandeur] exprime la crainte que l'octroi de la protection de la marque à une couleur simple pourrait permettre à quelques concurrents de “monopoliser ensemble le spectre des couleurs” (p. 9 in fine et p. 10) et que “le [demandeur], ainsi, non seulement préjuge de l'étendue de la protection de la marque qui serait accordée à une couleur simple, mais surtout perd de vue que l'exercice des droits liés à la protection de la marque ne peut conduire à des abus de droit, ainsi qu'il ressort de l'article 13, A, 6, de la LBM, et ne peut en particulier avoir pour effet d'éliminer la concurrence” (p. 10, al. 2); 

que l'article 13, A, sixième alinéa, de la loi uniforme Benelux sur les marques comporte toutefois une liste limitative des restrictions à l'exercice du droit de marque et ne présente par conséquent pas le moindre rapport avec le caractère distinctif d'un signe; 

que la liste limitative des restrictions à l'exercice du droit de marque, telle que reprise à l'article 13, A, sixième alinéa, de la loi uniforme Benelux sur les marques, ne porte en outre nullement sur les marques exclusivement composées d'une couleur simple, 

que, ce faisant, l'arrêt attaqué confond le mode d'exercice du droit à la marque et le caractère distinctif d'une marque, dès lors qu'il répond à la question de savoir si la couleur turquoise possède en l'espèce un caractère distinctif sur la base de considérations qui ont aux restrictions à l'exercice du droit de marque fixées par la loi et à l'étendue de la protection de la marque; 

que, dès lors, l'arrêt viole la règle juridique qu'un signe ne peut bénéficier de la protection légale de la marque que s'il sert à distinguer les produits d'une entreprise, de même que la disposition de l'article 13, A, sixième alinéa de la loi uniforme Benelux sur les marques (violation des articles 1er, alinéa premier, 6bis, alinéa premier, sous a, et 13, A, sixième alinéa, de la loi uniforme Benelux sur les marques, de l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention d'Union de Paris et des articles 2 et 3, § 1er, sous b, et 6, § 1er, de la directive d'harmonisation); 

et alors que, sixième branche, le demandeur, dans ses conclusions additionnelles du 14 avril 1999, a bien contesté que la couleur turquoise n'a pas encore été utilisée dans le domaine des télécommunications, sauf par la défenderesse elle-même depuis 1993, et ce dans les termes suivants :

“De plus, [la défenderesse] n'a nullement démontré que la couleur turquoise serait socialement inhabituelle en rapport avec les services et appareils de télécommunication. C'est aussi difficile à soutenir dès lors que, entre autres, Siemens, Luxair et une société de télécommunication comme Bell Atlantic utilisent la couleur turquoise comme une “couleur maison” dans leurs messages publicitaires” (conclusions additionnelles du demandeur du 14 avril 1999, page 5) 

que pour étayer ce qui précède, le demandeur a fait expressément référence aux pièces 71 de son dossier de pièces; 

que, en constatant que “le [demandeur] ne conteste pas que la couleur turquoise n'a pas encore été utilisée dans le domaine des télécommunications, si ce n'est par [la défenderesse] elle-même depuis 1993" (page 11), l'arrêt attaqué donne, dès lors, aux conclusions additionnelles du demandeur du 14 avril 1999 une interprétation qui est incompatible avec les termes employés dans celles-ci et méconnaît dès lors leur force probante (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil); 

et alors que, septième branche, le demandeur, dans ses “Conclusions” devant la cour d'appel, avait fait valoir : “On rencontre presque partout l'idée que la protection d'une couleur simple comme marque pourrait faire en sorte qu'une poignée de concurrents monopolisent le spectre des couleurs, ce qui est jugé inopportun. (...) Cette idée (depletion theory) incite cependant à une grande réserve mais la Cour de Justice Benelux n'a pas vu motif en 1977 de refuser a priori la possibilité de protéger une couleur comme marque et le BBM ne le fait pas non plus. (p. 7, n° 17 et p. 8) (soulignement ajouté), 

que l'arrêt attaqué, en considérant que “pour étayer sa décision, le [demandeur] exprime la crainte que l'octroi de la protection de la marque à une couleur simple pourrait permettre à quelques concurrents de “monopoliser ensemble le spectre des couleurs” (p. 7 in fine et p. 8), donne, dès lors, aux “Conclusions” du demandeur une interprétation qui est incompatible avec les termes employés dans celles-ci et méconnaît dès lors leur force probante (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil). 

Sur le premier moyen : 

Attendu qu'aux termes de l'article 1er, alinéa 1er, de la loi uniforme Benelux sur les marques du 19 mars 1962, dénommée ci-après la L.B.M., sont considérés comme marques individuelles les dénominations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de conditionnement et tous autres signes servant à distinguer les produits d'une entreprise; 

Qu'en vertu de cette disposition, ainsi qu'il ressort entre autres de l'arrêt A 90/4 de la Cour de Justice Benelux du 16 décembre 1991, un signe, pour être protégé comme marque, doit être propre à constituer une marque et posséder un caractère distinctif; 

Attendu que la branche reproche à l'arrêt de confondre l'aptitude de la couleur turquoise à servir de signe avec le caractère distinctif nécessaire d'un signe et d'admettre en réalité le caractère distinctif de cette couleur sur le fondement de la circonstance qu'une couleur peut également être propre à faire office de marque; 

Attendu que l'arrêt admet qu'une couleur ou une combinaison de couleur puisse être propre , dans certains circonstances, à constituer une marque et, après avoir rejeté l'apriorisme contre l'usage d'une couleur comme marque, décide, plus particulièrement en son attendu 8, sur le fondement des de la couleur spécifique et des services et produits pour lesquels l'enregistrement du dépôt a été demandé, que la couleur turquoise possède un caractère distinctif suffisant ; que, dès lors, il ne commet pas la confusion qui lui est imputée; 

Attendu, pour le surplus, que la branche se déduit d'une confusion vainement invoquée; 

Que la branche ne saurait être accueillie; 

Sur la deuxième branche : 

Attendu que la branche reproche aux juges d'appel de ne pas avoir examiné, pour apprécier le caractère distinctif, s'il n'existait pas un intérêt général de préservation d'un signe; 

Attendu que l'intérêt de la préservation, ainsi qu'il ressort entre autres de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 mai 1999, C-108/97 et C-109/97, est manifestement étranger à la question de savoir si un signe possède un caractère distinctif suffisant; 

Que la branche ne saurait être accueillie; 

Sur la troisième branche : 

Attendu que, contrairement à ce que soutient la branche, les juges d'appel apprécient in concreto si la couleur turquoise, déposée par la défenderesse, possède un caractère distinctif suffisant; 

Que la branche manque en fait; 

Sur la quatrième branche : 

Attendu que, contrairement à ce qu'affirme la branche, l'arrêt ne décide pas que l'appréciation du caractère distinctif du signe par le Bureau Benelux doit se faire in abstracto, c'est-à-dire indépendamment de la manière dont la marque a été réellement utilisée par le déposant et est perçue par le public ; qu'il entend uniquement indiquer, dans les passages visés dans la branche, qu'il ne peut y avoir de décision préconçue suivant laquelle une couleur ou une nuance ne peut être un signe propre à constituer une marque et qu'il examine ensuite si la couleur turquoise possède en l'espèce un caractère distinctif; 

Que la contradiction relevée n'existe pas; 

Que la branche manque en fait; 

Sur la cinquième branche :

Attendu que la branche reproche à l'arrêt d'avoir décidé de répondre à la question de savoir si la couleur turquoise possède en l'espèce un caractère distinctif sur le fondement de considérations qui ont trait aux limitations imposées par la loi à l'exercice du droit de marque et à l'étendue de la protection de la marque, plus particulièrement l'interdiction de l'abus de droit; 

Attendu que les considérations visées dans la branche n'ont pas été données comme motifs de la décision sur le caractère distinctif de la couleur mais comme motif de la décision, non contestée par le demandeur, dans l'attendu n° 7 suivant laquelle la question de l'étendue de la protection de la marque est sans intérêt pour apprécier l'admissibilité du dépôt d'une couleur; 

Que la branche manque en fait; 

Sur la sixième branche : 

Attendu que l'arrêt ne fonde pas sa décision relative au caractère distinctif de la couleur turquoise sur le point de vue du demandeur concernant l'usage de cette couleur dans les télécommunications; 

Que ne pouvant entraîner la cassation, la branche est, par conséquent, non recevable; 

Sur la septième branche : 

Attendu que le demandeur a soulevé en conclusions :

"On rencontre presque partout l'idée que la protection d'une couleur simple comme marque pourrait faire en sorte qu'une poignée de concurrents monopolisent le spectre des couleurs, ce qui est jugé inopportun. … Cette idée (…) incite cependant à une grande réserve mais la Cour de Justice Benelux n'a pas vu motif en 1977 de refuser a priori la possibilité de protéger une couleur comme marque et le BBM ne le fait pas non plus."; 

Qu'en décidant que le demandeur exprime également cette crainte de la monopolisation, l'arrêt donne une interprétation des conclusions du demandeur qui n'est pas incompatible avec leur libellé; 

Que la branche manque en fait; 

Attendu que vu la réponse aux trois premières branches, il n'y a pas lieu de poser une quelconque question préjudicielle respectivement sur l'interprétation de la directive d'harmonisation à la Cour de justice des Communautés européennes et sur la loi Benelux sur les marques à la Cour de Justice Benelux; 

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi;

Condamne le demandeur aux dépens. 

Les dépens sont taxés à la somme de vingt-trois mille cinq cent francs à l'égard de la partie demanderesse et à la somme de dix mille francs à l'égard de la partie défenderesse. 

Ainsi prononcé, en audience publique du vingt-deux décembre deux mille, par la Cour de cassation, première chambre, séant à Bruxelles, où sont présents Monsieur le président Verougstraete, Monsieur le président de section Boes, Messieurs les conseillers Londers, Stassijns, Velu, Monsieur Dubrulle, avocat général, Monsieur van Geem, greffier.

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