Numéro de requête R02/100HR

Date
Instance
CASS NL (concl. A-G)
Marque
DUTCH-ART.NL
Numéro de dépôt
Déposant
Monique Johanna Helena SUTTORP
Texte
Références dans la note 5. 3 [2]
 
) Il relevait le rapport flou entre les considérations de l’arrêt Baby-Dry et l’arrêt Chiemsee (qui n’est pas cité dans l’arrêt Baby-Dry). De plus, le critère ‘écart perceptible’, s’il n’est pas tempéré par l’application de la règle de l’impératif de disponibilité passée sous silence dans l’arrêt [Baby-Dry-, DWFV] serait insuffisant pour garantir que les marques ne seront pas foncièrement descriptives.( ) 
 
3.6.             Dans l’arrêt Bravo ( ) Je reproduis auparavant le texte de l’article 3, paragraphe 1, début et sous a à d, de la directive :
 
'1.            Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés :
a.                 les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b.                 les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c.                 les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci;
d.                 les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;'.
 
Je signale que les motifs de refus énumérés à l’article 3 paragraphe 1 sous a à d de la directive correspondent littéralement aux motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous a à d, du règlement sur la marque communautaire.( ) 
 
4.3.             Vu ce qui précède, la branche avance à bon droit que dans combinaisons de mots (descriptifs), il convient d’apprécier si la combinaison verbale a un caractère distinctif. La branche échoue toutefois à défaut de fondement factuel. En effet, la cour considère au point 4.4 expressément que l’examen porte sur la question de savoir si 'le signe DUTCH-ART.NL, considéré dans son intégralité et dans chacun de ses éléments, est à considérer aux yeux du public concerné comme purement descriptif des (caractéristiques essentielles des) produits et services concernés’. Sous le point 4.5, la cour considère : 'Les mots anglais 'Dutch' et 'art' sont notoirement connus du public dans le sens de (respectivement) `néerlandais(e)' et 'art'. ‘ La circonstance que la cour parle d’art ‘néerlandais’ montre que la cour a rapproché les mots ‘Dutch’ et ‘art’, dans le sens d’art néerlandais. Il ressort enfin du point 4.6 que la cour considéré la partie ‘nl’ aussi bien séparément (comme indication usuelle générale de domaine) que dans la combinaison verbale dutch-art.nl. La décision attaquée n’est ni incompréhensible ni insuffisamment motivée. La branche échoue dès lors.
 
4.4.             La branche 2 du moyen fait grief à la cour d’avoir méconnu au point 4.6 le critère arrêté par la CJCE au point 40 de l’arrêt Baby-Dry. La cour de La Haye considère au point 4.6:
 
'4.6. L'indication '.NL' est généralement employée aux Pays-Bas comme une indication de domaine sur internet. Utilisée comme suffixe, elle n'ajoute ni ne retranche rien au caractère distinctif d'un signe comme en l'espèce dans l'esprit du public Benelux, en comparaison par exemple de la simple adjonction d'un article. Le défaut de caractère distinctif du signe n'est donc pas couvert par l'adjonction de cette indication.'
 
Le motif de l’arrêt Baby-Dry visé par la branche du moyen est cité ci-dessus au paragraphe 4.2
Selon la branche, la cour aurait dû examiner si la combinaison verbale 'DUTCH-ART.NL' s’écarte de la terminologie utilisée dans le langage courant par la catégorie concernée de consommateurs pour désigner les produits et services dans les classes indiquées. Le moyen fait valoir ainsi la règle consacrée dans la deuxième phrase du point 40 de l’arrêt Baby-Dry (‘Tout écart perceptible …').
 
4.5.             Cette branche du moyen manque également en fait. La cour mentionne expressément au point 4.5 le critère visé par la branche à l’égard de la combinaison ‘dutch’ et ‘art’. En décidant ensuite au point 4.6 que le signe ‘NL’ n’ajoute ni l’enlève rien à cette appréciation, la cour a apparemment décidé que cet ajout – assimilé par la cour à un article – ne produit pas non plus un ‘écart perceptible’.
 
4.6.             En reprochant de méconnaître le critère de l’arrêt Baby-Dry, la branche du moyen entend au fond critiquer uniquement la méconnaissance du critère de l’art. 3 paragraphe 1 sous c directive = art. 7 paragraphe 1 sous c RMC. Dès lors que nous savons maintenant – ce que l’auteur du moyen ne pouvait pas savoir au moment d’introduire le pourvoi en cassation – que la Cour de justice des CE, dans son interprétation de la même directive = disposition du règlement (après la critique de l’arrêt Baby-Dry, a interprété cette disposition dans son arrêt ultérieur Doublemint comme indiqué ci-dessus dans les présentes conclusions avec comme résultat effectif la non acceptation (sans plus) de cet enregistrement de marque, on peut d’autant moins reprocher à la cour d’appel de La Haye qu’elle a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’art. 3 paragraphe 1 sous C de la directive.
 
4.7.             Bien que la branche ne comporte aucun grief contre la motivation, j’ajoute surabondamment à ce qui précède que des indications telles que ‘NL’ n’étaient sans doute pas encore à ce point répandues dans les premières années d’Internet que l’ajout de celle-ci aurait peut-être permis d’obtenir un caractère distinctif. Dans l’état actuel des choses (déjà à l’époque du dépôt), l’appréciation portée par la cour apparaît tout à fait compréhensible, même s’agissant d’un tel ajout hors du ‘contexte Internet’ proprement dit.
 
4.8.             La branche 3 expose que la cour a négligé d’examiner si la combinaison verbale 'DUTCH.NL' est une combinaison verbale qui, parce qu’elle est plus que la somme des parties descriptives, possède un caractère distinctif. La branche méconnaît le fait que le signe déposé n’est pas la combinaison verbale 'DUTCH.NL' mais 'DUTCH-ART.NL'. La cour était tenue de statuer sur cette dernière combinaison verbale, ce qu’elle a fait. Cette branche échoue aussi pour ce motif.
 
4.9.             Si la formulation de cette branche devait reposer sur une erreur et si l’on a voulu dire que la cour aurait dû examiner à l’égard du signe 'DUTCH-ART.NL' si cette combinaison verbale aurait un caractère distinctif parce qu’elle ‘serait plus que la somme des parties descriptives’, je persiste à penser que la branche échoue et ce pour les mêmes motifs que ceux exposés sous 4.3, 4.5 et 4.6.
 
5.                   Conclusion
 
Je conclus au rejet du pourvoi.
 
Le procureur général près le Raad der Nederlanden,
A-G
 
* * * * *


Références dans la note 5. [12]
17 La cour se réfère au point 22 explicitement aux conclusions de l’AG Ruiz Jarabo Colomer (n° 58 et suiv.) où celui-ci critique le contrôle exercé par la Cour dans l’arrêt Baby-Dry. ) Pour le reste, nous sommes toujours en attente de deux arrêts dans des affaires préjudicielles provenant des Pays-Bas en 1999 resp. 2000 'Biomild' et 'Postkantoor'. J’examinerai ci-après la jurisprudence pertinente à mes yeux de la CJCE pour la présente affaire. Le moyen (qui invoque également la jurisprudence de cette Cour) devra être apprécié dans ce contexte.( [10]
 
13 2 Protocole du 11 décembre 2001, Trb. 2002, 37. [17]
[11]
4 ). Je pense qu’il en sera ainsi quand il s’agit, comme dans la présente affaire, des articles 1 et 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM.
 
3.3.      Dans le domaine visé ici de l’appréciation du caractère distinctif, on est déjà habitué dans le Benelux aux enseignements de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui a rendu des arrêts retentissants en la matière Chiemsee, Baby-Dry, Bravo, Companyline et Philips/Remington ( [18]
Numéro de requête R02/100HR
 
Monique Johanna Helena SUTTORP contre Bureau Benelux des Marques
 
M. D.W.F. Verkade
 
Parquet 21 novembre 2003
 
Conclusions en cause de:
 
Monique Johanna Helena SUTTORP,
faisant commerce sous le nom de DUTCH-ART.NL,
demeurant à Rotterdam
requérante
avocat: Me F.I.S.A.L. van Velsen,
 
contre
 
le Bureau Benelux des Marques,
dont le siège est à La Haye,
défendeur
(dénommé ci-après : le Bureau Benelux des Marques)
avoué: Me C.J.J.C. van Nispen.
 
1.            Introduction
 
1.1.             La présente affaire a pour objet le refus d’enregistrement d’une marque verbale.
 
1.2.             A mon avis, le moyen de cassation ne soulève pas des questions de droit au sens de l’article 81 de la loi sur l’organisation judiciaire. Il n’y a dès lors pas lieu de poser des questions préjudicielles en application de l’article 6, alinéa 3, du Traité relatif à l’institution et au statut d’une Cour de Justice Benelux du 31 mars 1965 respectivement de l’article 234 CE.
 
2.                   Les faits ( 1 [16]
Conclusions Postkantoor, n° 70. 18 Voyez AG Ruiz-Jarabo Colomer, conclusions Companyline, n° 39-41. Spoor voit dans l’arrêt Companyline rendu après l’arrêt Baby-Dry un indice éventuel que la Cour a statué uniquement sur l’art. 7 § 1 sous C RMC dans le premier arrêt cité (J.H. Spoor, BIE 2002, p. 368). Hoorneman pense aussi que la CJCE s’est prononcée uniquement sur le point c. Selon lui, comme le point c peut être considéré comme une spécification du point b (une marque descriptive comme sous-catégorie de la catégorie des marques sans caractère distinctif), une marque qui passe le test du point c sur base du critère ‘écart perceptible’ peut échouer sur le point b (W. Hoorneman, BMM-Bulletin 2003, pp. 7-8). Cette conception se retrouve dans les jugements de certains juges britanniques afin maintenir un seuil élevé pour l’enregistrement des marques descriptives. Voyez C. Loweth, Baby-Dry form a UK perspective, BMM-Bulletin 2003, pp. 2-3 et Hoorneman, op.cit., p. 8. )
Dans ses conclusions avant l’arrêt Companyline, l’AG Ruiz-Jarabo Colomer faisait remarquer qu’un ‘écart perceptible’ n’est pas la même chose qu’un écart ‘minimal’.( )   si la combinaison de deux termes génériques présente une caractéristique additionnelle susceptible de conférer au signe dans son ensemble un caractère distinctif' (point 21). Dans cet arrêt, la Cour a adopté de nouveau une attitude plus réservée à l’égard du juge du fond, quant à l’appréciation (factuelle) du cas d’espèce.   ( CJCE 4 mai 1999 (C-108/97 et C-109/97), Rec. 1999, p. I-2779, NJ 2000, 269 annoté par DWFV, IER 1999, 30 annoté par ChG (Chiemsee); CJCE 20 septembre 2001 (C-383/99P), Rec. 2001, p. I-6251, NJ 2002, 139 annoté DWFV, IER 2001, n° 54, p. 294 annoté SdW, AA 2002, p. 40 et suiv. annoté. ChG (Baby-Dry); CJCE 4 octobre 2001 (C-517/99), Rec. 2001, p. I-6959, NJ 2002, 140 annoté. DWFV (Bravo); CJCE 19 septembre 2002 (C-104/00P), Rec. 2002, p. I-7561, IER 2002, n° 52 annoté ChG, BIE 2003, n° 19, p. 130 annoté Steinhauser (Companyline); CJCE 18 juin 2002 (C-299/99), Rec. 2002, p. I-5475, BMM-bulletin 2002, pp. 188 et suiv., IER 2002, p. 251 annoté FWG (Philips/Remington). [13]
Conclusions du 31 janvier 2002 dans les affaires C-363/99 (Postkantoor), publiées dans le BMM-bulletin, 2003, p. 30 et suiv. et C-265/00 (Biomild). Dans l’affaire Biomild, des questions préjudicielles ressemblantes (identiques selon l’AG) quant au fond avaient été posées, raison pour laquelle il renvoyait aux conclusions Postkantoor prises le même jour). [6]
11 12 ), Biomild et Companyline.( [15]
) qui suivit quelques semaines après l’arrêt Baby-Dry, il s’agissait du motif de refus prévu à l’art. 3, § 1 sous d de la directive, en vertu duquel il faut refuser l’enregistrement de ‘marques composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce'. Dans cette affaire, il s’agissait de la marque déposée Bravo pour du matériel pour écrire. L’autorité allemande des marques avait refusé l’enregistrement parce que ‘Bravo’ serait une simple exclamation d’approbation. La CJCE a décidé en sens opposé. Elle a précisé d’abord qu’une marque peut uniquement être refusée pour ce motif lorsque les signes ou les indications dont cette marque est exclusivement composée sont devenus usuels pour désigner les produits ou les services pour lesquels ladite marque est présentée à l’enregistrement' (point 31). La Cour a considéré ensuite au point 40:
 
‘Toutefois, l'enregistrement d'une marque composée de signes ou d'indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n'est pas exclu, en tant que tel, en raison d'une telle utilisation. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer dans chaque cas si de tels signes ou indications sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services visés par ladite marque.'
 
Un terme élogieux ne doit donc pas être refusé en vertu de l’article 3 paragraphe 1 sous d aussi longtemps que le terme élogieux n’est pas devenu un nom (générique) usuel. Il faut encore faire observer que la Cour relevait au point 35 un chevauchement entre l’article 3 paragraphe 1 sous d et l’article 3 paragraphe 1 sous c ; dans cette affaire Bravo, la Cour était toutefois appelée à interpréter uniquement l’article 3 paragraphe 1 sous d.
 
3.7.             La doctrine a réservé un accueil mitigé en particulier à l’arrêt Baby-Dry, considéré comme libéral du point de vue du déposant d’une marque. La critique la plus retentissante est venue entre-temps du propre avocat général de la Cour Ruiz-Jarabo Colomer dans ses conclusions dans les affaires Postkantoor ( [3]
[5]
) Dans ses conclusions du 31 janvier 2002 dans l’affaire Postkantoor, il proposait que l’écart soit considéré comme perceptible:
 
'lorsqu'il affecte des éléments importants de la forme du signe ou de sa signification. Quant à la forme, cet écart se présentera chaque fois que, en raison du caractère inhabituel ou fantaisiste de la combinaison, le néologisme prime la somme des termes qui le composent. Quant à la signification, l'écart sera perceptible si ce que le signe composé évoque ne coïncide pas exactement avec la somme des indications apportées par les éléments descriptifs.'( Cf. les points 2 et 3 de l’ordonnance de la cour. [8]
5 14 [9]
Conclusions du 14 mai 2000 avant CJCE 19 septembre 2002, BIE 2003, n° 19, p. 130 annoté Steinhauser (Companyline). ) et le déroulement de la procédure
 
2.1.             Suttorp a effectué le 16 février 2000 auprès du Bureau Benelux des Marques (ci-après : BBM), sous le n° 957.009 le dépôt Benelux du signe 'DUTCH-ART.NL' pour les produits et services mentionnés ci-après dans les classes suivantes:
classe 16: peintures, sérigraphies, linogravures
classe 20: Sculptures en bois, cire, plâtre ou plastique
classe 35: services commerciaux à la vente d'(œuvres d') art figuratif
classe 41: location d'(œuvres d') art figuratif.
 
2.2.             Par lettre du 23 mai 2001, le BBM a refusé provisoirement l’enregistrement du dépôt. Le BBM a indiqué comme motif:
 
'Le signe DUTCH-ART.NL est exclusivement descriptif pour les produits et services mentionnés dans les classes 16, 20, 35 et 41 relativement à l'art néerlandais (anglais: Dutch art). Le signe est dès lors dépourvu de tout caractère distinctif (voyez l'article 6bis, alinéa premier, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (…)). L'adjonction de l'indication Internet du pays .NL (pour: Pays-Bas) ne couvre pas le défaut de caractère distinctif du signe.'
 
2.3.             Après que Suttorp eut avancé des arguments contre le refus provisoire dans des télécopies, le BBM a notifié, par lettre du 18 février 2002, sa décision portant refus définitif de l’enregistrement du dépôt.
 
2.4.             Par requête parvenue au greffe de la cour d’appel de La Haye le 16 avril 2002, la requérante a demandé à la cour d’ordonner en vertu de l’article 6ter de la Loi Benelux sur les marques (LBM) au BBM de procéder à l’enregistrement du dépôt. Le BBM a déposé un mémoire en défense. Les parties ont plaidé la cause oralement, le BBM remettant une note de plaidoirie.
 
2.5.             Par ordonnance du 26 septembre 2002, la cour a rejeté la requête de Suttorp. Dans la mesure qui nous importe en cassation, la cour a considéré à cet effet :
 
'4.1 La question qui divise les parties est celle de savoir si le signe DUTCH-ART.NL est à considérer comme exclusivement descriptif pour les produits et services pour lesquels l'enregistrement a été demandé. La cour émet les considérations suivantes à cet égard.
 
4.2               Le refus du Bureau Benelux des Marques d'enregistrer le dépôt est fondé sur les dispositions de l'article 6bis, alinéa premier, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après: LBM). Cet article a été introduit pour adapter la législation néerlandaise à la directive européenne 89/104/CE (première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, JOCE 1989 L 40). L'alinéa de l'article dispose que l'enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er LBM, 'notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.'
 
4.3               L'article susvisé de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (ci-après: Convention de Paris) énonce entre autres:"B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:1. (...)2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée; (...)"
 
4.4               La cour examinera ci-après si le signe DUTCH-ART. NL, considéré dans son intégralité et en chacun de ses éléments, est à considérer aux yeux du public concerné comme exclusivement descriptif pour les (caractéristiques essentielles des) produits et services concernés. Le signe a été déposé comme marque verbale et combine les mots 'Dutch' et 'art' reliés par un trait d'union avec le suffixe '.NL'.
 
4.5               Les mots anglais 'Dutch' et 'art' sont notoirement connus du public dans le sens de (respectivement) `néerlandais(e)' et 'art'. Cette partie du signe est ainsi descriptive pour les produits et services relativement à l'art néerlandais. Contrairement à ce que soutient Suttorp, il est indifférent qu'il s'agit de termes anglais. Comme le bureau l'expose sans être contredit, l'emploi de l'anglais dans le monde artistique est courant, tandis que les deux vocables peuvent être rangés dans le langage courant aux Pays-Bas. Il n'y a pas non plus de différence significative entre le syntagme et la terminologie usitée dans le langage courant du public concerné pour désigner le produit ou le service ou les caractéristiques essentielles de ceux-ci.
 
4.6.             L'indication '.NL' est généralement employée aux Pays-Bas comme une indication de domaine sur internet. Utilisée comme suffixe, elle n'ajoute ni ne retranche rien au caractère distinctif d'un signe comme en l'espèce dans l'esprit du public Benelux, en comparaison par exemple de la simple adjonction d'un article. Le défaut de caractère distinctif du signe n'est donc pas couvert par l'adjonction de cette indication.
 
5.                  Il n'est plus nécessaire d'aborder les autres moyens de Suttorp. Le signe ainsi considéré est exclusivement descriptif pour les produits et services pour lesquels il est déposé.'
 
2.6.             Par requête déposée le 24 décembre 2002, soit dans le délai prescrit ( Conclusions Companyline, n° 50. )
 
3.9.             Dans l’arrêt Companyline ( Références également dans la note 5. 8 [7]
 
J’attire l’attention sur le site Internet très éclairant du British Patent Office, sur lequel les affaires récemment tranchées et pendantes de la CJCE dans le domainede la propriété intellectuelle sont classées avec des hyperliens vers les conclusions (quand elles sont prises) et les arrêts (rendus) dans les différentes versions linguistiques (quand elles sont disponibles): http://www.patent.gov.uk/about/ippd/ecj/index.htm. 9 ), Suttorp a formé un pourvoi en cassation. Le BBM s’est défendu en cassation.
 
3.                   Observations liminaires
 
3.1.             Le principe légal pour apprécier l’admissibilité de la protection par le droit des marques est que les marques doivent servir à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (art. 1er LBM). Pour être admissible comme marque, le signe doit avoir un caractère distinctif. L’article 6bis de la LBMW dispose que le BBM refuse d’enregistrer un dépôt lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er de la LBM, et notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B sous 2 de la Convention de Paris. Cette dernière disposition est citée par la cour sous le point 4.3 des motifs reproduit ci-dessus.
 
3.2.             Je fais observer que vu l’harmonisation européenne des législations sur les marques, les articles 2 et 3 de la directive sur les marques 89/104 (ci-après : la directive) et l’interprétation à leur donner sont décisifs et que le texte encore en vigueur (entre autres) des articles 1 et 6bis de la LBM n’est pas en conformité avec ceux-ci. Ce manquement est compensé quelque peu, sans l’être complètement, par le renvoi que fait l’article 6bis à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris, qui est également à l’origine de l’article 3 de la directive. Le problème du texte de la LBM qui est loin de bien concorder parfaitement avec la directive 89/104 trouvera heureusement une solution prochainement. Un nouveau protocole modifiant la LBM entre en vigueur le 1er janvier 2004.( ) On y remédie (entre autres) aux lacunes du Protocole de 1996 qui visait (notamment) à adapter la LBM à la directive 89/104. Le Hoge Raad devra toutefois se montrer attentif dans les années à venir aux questions de droit ratione temporis. L’interprétation conforme à la directive est cependant à considérer comme possible dans de nombreux cas ( )
 
3.8.             Dans l’affaire Baby-Dry, la Cour de justice avait simplement statué (du moins nominatim) sur le motif de refus prévu l’article 7 paragraphe 1 sous c RMC = art. 3 paragraphe 1 sous c Directive (marques descriptives), de sorte que l’on pouvait douter que la décision s’étende aussi au motif de refus prévu à l’article 7 paragraphe 1 sous b RMC = art. 3 paragraphe 1 sous b Directive (défaut de caractère distinctif).( ) rendu le 19 septembre 2002, la Cour a statué sur le critère de l’article 7 paragraphe 1 sous b RMC (= 3 paragraphe 1 sous b Directive). Dans cet arrêt, la Cour a entériné le critère appliqué par le (la quatrième chambre) du TPI-CE, ‘
 
3.10.         Faut-il voir dans l’arrêt Baby-Dry un ‘dérapage’ ? Quoi qu’il en soit, le récent arrêt Doublemint du 23 octobre 2003 montre que la CJCE s’en tient malgré tout (ou est revenue) à la doctrine plus étroite, consacrée dans l’arrêt Chiemsee. L’affaire Doublemint concernait un dépôt de marque communautaire pour (entre autres) des gommes à mâcher. Se référant (e.a.) à l’arrêt Chiemsee, la Cour rappelle que l’article 7 paragraphe 1 sous c RMC (= art. 3 paragraphe 1 sous c Directive) poursuit un but d’intérêt général,
 
'lequel exige que les signes ou indications descriptives des caractéristiques de produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque.' (point 31)
 
La Cour poursuit :
 
'32. Pour (…) un refus d'enregistrement sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il n'est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l'indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d'enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés'.
 
Dans l’arrêt cassé par la Cour, le TPI-CE s’est basé aux yeux de la Cour sur une conception erronée du droit en considérant qu’une dénomination sujette à interprétation variable n’était pas exclusivement descriptive. Alors que la Cour admettait dans l’arrêt Chiemsee l’impératif de disponibilité dans l’optique d’un lien actuel ou ‘raisonnablement prévisible’ entre la dénomination et le produit concerné, la Cour aborde ici un autre aspect, à savoir dans quelle mesure il importe que la signification descriptive soit seulement l’une des nombreuses significations des mots employés. Selon la CJCE, c’est indifférent : il suffit que l’une des significations soit descriptive pour le refus.
 
Consécration par l’usage
 
3.11.         Lorsqu’un signe n’est pas distinctif au départ (éventuellement descriptif), il n’est pas exclu que ce signe, ‘par suite de l’usage qui en a été fait, ait acquis un caractère distinctif avant la date de la demande d’enregistrement’ et puisse être enregistré comme marque en vertu de l’art. 3 paragraphe 3 de la directive. Dans le jargon néerlandais des marques, on parle alors de ‘consécration par l’usage’. Elle doit cependant être revendiquée et le déposant devra pour le moins faire admettre cette ‘consécration par l’usage’. Suttorp ne fait pas grief à la cour d’avoir rejeté à tort cette prétention.
 
4.                  Examen du moyen de cassation
 
4.1.             D’après la branche 1.3 de l’introduction du moyen, celui-ci est dirigé contre les points 4.4-4.6 de l’arrêt attaqué, dans lesquels la cour a examiné si le signe déposé est ou non (exclusivement) descriptif respectivement dépourvu ou non de caractère distinctif.
 
4.2.             La branche 1.6 (les branches 1.1-1.5 consistent simplement en une introduction) fait grief à la cour, après avoir certes examiné si chacun des éléments du vocable était ou non descriptif ou possédait ou non un caractère distinctif, d’avoir négligé d’examiner si les éléments du vocables, dans leur intégralité (combinés), répondaient aux exigences valables pour une marque. Sur ce fondement, la décision de la cour est erronée en droit, du moins insuffisamment motivée. La branche fait valoir à cette fin l’arrêt Baby-Dry déjà cité de la CJCE du 20 septembre 2000, dans lequel celle-ci considérait relativement au syntagme ‘Baby-Dry’ pour des langes:
 
‘39.Les signes et les indications visés à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont donc seulement ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l'enregistrement est demandé. En outre, une marque qui contiendrait des signes et des indications répondant à cette définition ne devrait être refusée à l'enregistrement qu'à condition qu'elle ne comporte pas d'autres signes ou d'autres indications et, au surplus, que les signes et les indications exclusivement descriptifs qui la composent ne soient pas présentés ou disposés d'une façon qui distingue l'ensemble obtenu des modalités habituelles de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentielles.
 
40.              S'agissant de marques composées de mots, comme celle qui fait l'objet du litige, un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément mais également pour l'ensemble qu'ils composent. Tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l'enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d'être enregistré comme marque.
 
' La Cour a émis une considération analogue dans l’arrêt Companyline (point 21):
 
' il convient de constater, en premier lieu, que, en vérifiant si la combinaison de deux termes génériques présente une caractéristique additionnelle susceptible de conférer au signe dans son ensemble un caractère distinctif, le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit dans son interprétation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.' ( [4]
10 15 Conclusions Postkantoor, n° 68-69. Art. 426 code de procédure civile, tel que libellé depuis le 1er janvier 2002. Références dans la note 5. 6 7 [1]
 
L’un des sujets qui prête à caution est l’emploi du terme ‘dépôt’ en de nombreux endroits de la LBM alors que la directive prescrit ‘enregistrement. Voyez p.ex. la note de J.H. Spoor sous prés. 11 octobre 2002, BIE 2003, n° 25, p. 177 (Boer'n Yoghurt I). [14]
) La CJCE statue sur base de l’article 3 de la directive dans les affaires préjudicielles. Elle statue sur base de l’article 7 RMC dans les affaires de pourvoi contre les arrêts du tribunal de première instance des CE (TPI-CE), après que ce tribunal a statué sur les recours contre les refus d’enregistrement par l’office des marques communautaires, l’OHMI à Alicante.
 
3.4.             L’arrêt Chiemsee de 1999 est le premier arrêt important pour la présente matière. Cette affaire portait sur l’admissibilité du mot 'Chiemsee' en vertu de l’art. 3 § 1 sous c de la directive (refus d’enregistrement de marques descriptives) comme marque pour des vêtements de sport, sachant que le Chiemsee est un lac de Bavière et un site favori pour les sports nautiques.
La Cour de justice a considéré que l’art. 3 § 1 sous c poursuit un but d’intérêt général, à savoir que les indications de provenance – en particulier géographique – soient ‘préservées’, dès lors que ces appellations doivent ‘pouvoir être librement utilisées par tous’ (voyez les points 25-26). La jurisprudence allemande antérieure parlait d’un 'Freihaltebedürfnis', qui a été admis si ce besoin était 'konkret, aktuell oder ernsthaft'. La Cour de justice a retenu un critère plus nuancé : pour un refus fondé sur l’impératif de disponibilité, la Cour juge important d’apprécier si un nom géographique pour lequel l’enregistrement en tant que marque est demandé désigne un lieu qui présente actuellement, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits concernée ou s’il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, un tel lien puisse être établi. Il convient de prendre en compte la connaissance plus ou moins grande que ces milieux intéressés ont d’un tel nom ainsi que des caractéristiques du lieu que celui-ci désigne et de la catégorie de produits concernée (points 31-32).
 
3.5.             Dans deux arrêts ultérieurs, la Cour de justice a semblé suivre un cap beaucoup plus libéral. Dans l’arrêt Baby-Dry (portant sur une marque déposée pour des langes), la Cour a fixé la règle suivante pour l’admissibilité de combinaisons verbales au regard de l’article 3 § 1, sous c, de la directive :   
 
'40.S'agissant de marques composées de mots, comme celle qui fait l'objet du litige, un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément mais également pour l'ensemble qu'ils composent. Tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l'enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d'être enregistré comme marque.' ( 16 Règlement n° 40/94/CE; ci-après : RMC.

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