Numéro de requête R03/591

Date
Instance
REC NL
Marque
GREEN-LINE
Numéro de dépôt
Déposant
J.P. HAVENS GRAANHANDEL N.V.
Texte

Numéro de requête: R03/591

J.P. HAVENS GRAANHANDEL N.V. contre BBM

AU NOM DE LA REINE

 

Prononcé: 6 novembre 2003

Numéro de requête: R03/591

 

LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre MC-5,

 

 

a rendu l’ordonnance suivante à la requête de:

 

J.P. HAVENS GRAANHANDEL N.V.,

 

dont le siège est à Vierlingsbeek, requérante,

Dénommée ci-après: Havens,

avoué: me P.J.M. von Schmidt auf Altenstadt,

 

contre

 

le BUREAU BENELUX DES MARQUES,

 

dont le siège est à La Haye, défendeur,

dénommé ci-après: le BBM, avoué: me C.J.J.C. van Nispen.

 

 

La procédure

 

 

Par requête parvenue au greffe de la cour le 18 juillet 2003, Havens a demandé à la cour d’ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement dans le registre des marques de son dépôt portant le numéro 1 000 503, ce par ordonnance exécutoire par provision, et de condamner le BBM aux dépens de l’instance.

Par mémoire en défense parvenu au greffe de la cour le 2 septembre 2003, le BBM a demandé de rejeter la requête de Havens, dépens comme de droit.

La requête a été examinée à l’audience du 8 septembre 2003. Les parties ont fait exposer leurs points de vue à l’aide de notes de plaidoirie, Havens par Me E.M. Matser, avocat à Nimègue, et le BBM par son avoué.

 

 

Examen de la requête

 

 

1. La requête a été introduite dans le délai.

 

2. Les pièces de la procédure et les allégations des parties font apparaître ce qui suit:

 

a. Havens a déposé le 14 novembre 2001, sous le numéro 1 000 503, le signe GREEN-LINE comme marque verbale pour la classe suivante de produits et services:

`cl. 31 Nourriture, aliments, denrées alimentaires et objets à mâcher comestibles pour animaux.

 

b. Par lettre du 11 juillet 2002, le BBM a fait savoir qu’il refusait provisoirement l’enregistrement du dépôt. Comme motif(s), le BBM a indiqué: "Le signe GREEN-LINE est exclusivement composé de la qualité GREEN (anglais pour vert) et du nom générique LINE (anglais pour ligne) et est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits mentionnés en classe 31 se rapportant à une ligne de produits respectueuse de l’environnement (cf. article 6bis, alinéa premier sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques (..). L’ajout du trait d’union ne supprime pas le défaut de caractère distinctif. "

 

c. Au nom de Havens, réclamation a été introduite contre le refus provisoire de l’enregistrement du dépôt par lettre du 10 janvier 2003.

 

d. Le BBM n’a pas vu dans les objections avancées par Havens un motif de revoir son refus provisoire (lettre du BBM du 7 mars 2003).

 

e. Par lettre du 19 mai 2003, le BBM a notifié à Havens sa décision portant refus définitif de l’enregistrement du dépôt.

 

 

3. Havens a demandé, en vertu de l’article 6ter de la LBM, à la cour d’ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement du signe GREEN-LINE pour les produits susmentionnés en classe 31 pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

Le BBM demande de rejeter la requête.

 

4. Les parties sont en litige sur le point de savoir si le signe GREEN-LINE est à considérer comme exclusivement descriptif pour les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé. La cour émet à cet égard les considérations suivantes.

 

5. Le refus du BBM d’enregistrer le dépôt est fondé sur les dispositions de l’article 6bis, alinéa premier sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après: LBM). Cet article a été introduit pour adapter la législation néerlandaise à la directive européenne 89/104/CE (Première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des états membres sur les marques, JOCE 1989 L 40). L’alinéa de l’article dispose que l’enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er de la LBM, 'notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris’.'

 

6. L’article précité de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (ci-après: Convention d’Union) est libellé comme suit, dans ses passages pertinents en l’espèce :

‘B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:

 

7. Pour savoir si le signe litigieux possède un caractère distinctif ou est à considérer comme exclusivement descriptif, il importe de relever ce que la Cour de justice de Luxembourg a considéré au sujet de l’admissibilité du signe 'Doublemint'‘ comme marque communautaire (CJCE 23 octobre 2003 dans l’affaire C-191/01 P). La disposition en cause dans cette affaire, l’article 7, § 1er, du Règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, JOCE 1994, L11, est (quasiment) identique à l’article 3, § 1er, pertinent en l’espèce, de la prédite directive 89/104/CE, qui vise l’harmonisation des législations des états membres de l’UE sur les marques.

 

1. (...)

2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;(...)'.

8. La Cour de justice a notamment considéré ce qui suit (cf. point 32):

 

‘Pour que l'OHMI oppose un refus d'enregistrement sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il n'est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l'indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d'enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés.'

 

9. Le signe dans la présente affaire a été déposé comme marque verbale et combine les mots anglais GREEN et LINE, reliés par un trait d’union. Le mot anglais 'green' peut être utilisé aussi bien comme substantif que comme adjectif. Comme substantif, il a différentes significations. L’adjectif ‘green’ signifie vert. Hormis une couleur, le vert est aussi une indication usuelle pour naturel, écologique, biologique.

Le produit pour lequel le signe GREEN-LINE a été déposé est, brièvement, la nourriture pour animaux. Il ressort de la description des produits de Havens sur son site internet, dont Havens a versé le texte imprimé au dossier, qu’il s’agit de nourriture naturelle et saine pour animaux, qui contient uniquement des matières premières végétales et favorise la croissance équilibrée et naturelle des animaux. La nourriture pour animaux de Havens se distingue en cela de la nourriture pour animaux utilisée dans l’élevage intensif. La marque est donc utilisée pour des produits à considérer comme ‘verts’ dans le sens de naturel, biologique, tandis que ce caractère ‘vert’ ne ressort pas de la mention du produit pour lequel le signe GREEN-LINE est déposé.

 

10. Dans son arrêt du 26 juin 2000, la Cour de Justice Benelux a considéré en réponse aux questions préjudicielles posées par le Hoge Raad que lorsqu'ils apprécient si le signe déposé est dépourvu de tout caractère distinctif ou si elle est exclusivement descriptive, ainsi qu’il est prévu à l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM, correspondant à l'article 3, paragraphe 1er, de la Directive 89/104/CE, le BBM et le juge ne doivent pas uniquement se baser sur le signe tel qu'il a été déposé et sur les produits mentionnés à cette occasion, mais doivent tenir compte aussi de tous les faits et circonstances pertinents qui ont été dûment portés à leur connaissance (CJB 26 juin 2000, NJ 2000, 551, att. 19, 20 et 21, concernant le signe BIOMILD).

 

11. Sur (entre autres) le même sujet, la cour avait déjà, dans son ordonnance du 3 juin 1999 dans l’affaire KPN/BBM concernant le signe POSTKANTOOR (Bijblad bij De Industriële Eigendom 1999, n° 82, p.303), posé des questions d’interprétation de la directive européenne 89/104/CE à (entre autres) la Cour de justice des Communautés européennes. La question suivante est pertinente dans la présente affaire:

IVa Le BBM, qui a été chargé par le Protocole du 2 décembre 1992 portant modification de la LBM (Trb. 1993, 12), d’examiner les dépôts de marques au regard des motifs absolus énumérés à l’article 3, § 1er, combiné à l'article 2 de la directive, doit-il prendre en considération non seulement le signe tel qu’il a été déposé mais aussi tous faits et circonstances pertinents dont il a connaissance, notamment ceux qui lui ont été communiqués par le déposant (par exemple qu’avant le dépôt le déposant utilisait déjà le signe sur une grande échelle comme marque pour les produits concernés ou qu'une étude a montré que le signe n'est pas de nature à induire le public en erreur quant aux produits ou services mentionnés dans le dépôt)?

 

11. Dans ces circonstances, la cour juge opportun de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée. Si des développements susceptibles d’être pertinents pour l’affaire devaient se produire dans l’intervalle, Havens peut demander à la cour de fixer une date pour une nouvelle audience.

 

Décision

 

La cour:

 

Sursoit à statuer.

 

La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Kiers-Becking et Verduyn, et prononcée en audience publique du 6 novembre 2003, en présence du greffier.

 

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