Numéro de requête R05/954

Date
Instance
REC NL
Marque
HAPPY VAKANTIES
Numéro de dépôt
Déposant
DTI Dutch Travel International B.V.
Texte

Numéro de requête: R05/954

 

DTI DUTCH TRAVEL INTERNATIONAL B.V. contre BBM

AU NOM DE LA REINE

 

Prononcé : 9 février 2006

Numéro de requête: R05/954

 La cour d'appel de La Haye, chambre MC-5,

 

a rendu l'ordonnance suivante à la requête de:

 DTI DUTCH TRAVEL INTERNATIONAL B.V.,

dont le siège est à Amsterdam

requérante,

dénommée ci-après: DTI,

avoué : Me L.Ph.J. van Utenhove,

avocat Me A.S. Dogan,

 

contre

 le BUREAU BENELUX DES MARQUES,

dont le siège est à La Haye,

défendeur,

dénommé ci-après: le Bureau

mandataires : C.J.P. Janssen et P. Veeze

 La procédure

 

Par requête (avec annexes) parvenue au greffe de la cour le 4 mai 2005, DTI a demandé à la cour d’ordonner au Bureau l’enregistrement comme marque verbale du signe déposé sous le numéro 1 052 730 HAPPY VAKANTIES, avec la date de dépôt comme date d’enregistrement, dépens comme de droit.

 

Le Bureau a, par mémoire en défense (avec annexes) parvenu au greffe de la cour le 13 mai 2005, demandé à la cour de rejeter la requête de DTI, dépens comme de droit.

 

Par la suite, DTI a fait verser quelques pièces au dossier par une lettre du 11 août 2005.

 

La procédure orale sur la requête est intervenue le 15 août 2005. Les parties ont, à cette occasion, fait exposer leurs points de vue, DTI par Me S. Dogan et le Bureau par M. Veeze, tous deux préqualifiés, sur la base de notes de plaidoirie.

 Appréciation de la requête

 

1. Les pièces de la procédure et les allégations des parties font apparaître ce qui suit :

 

a. DTI a déposé le 30 mars 2004 sous le numéro 1052730 le signe HAPPY VAKANTIES comme marque verbale pour les services suivants :

Classe 39 Transport de personnes et de marchandises ; organisation de voyages et visites guidées ; accompagnement de voyageurs ; réservation de voyages ; informations dans le domaine des transports.

Classe 41 Informations dans le domaine du divertissement et des loisirs.

Classe 43 Réservation d’hébergement ; location de lieux d’hébergement temporaires.

 

b. Par lettre du 21 juin 2004, le Bureau a notifié son refus provisoire d’enregistrer le dépôt. Le Bureau a indiqué comme motifs :

« Le signe HAPPY VAKANTIES est composé exclusivement de la qualité Happy (heureux en anglais) et du terme générique vakanties et est dépourvu de caractère distinctif pour les services s’y rapportant mentionnés dans les classes 39, 41 et 43. C’est pourquoi le signe est dépourvu de caractère distinctif (cf. article 6bis, alinéa 1er, sous b. et c, de la loi uniforme Benelux sur les marques, en annexe). (…) »

 

c. Par lettre du 14 décembre 2004, (le mandataire de) DTI s’est opposé au refus provisoire du dépôt au motif que la combinaison verbale déposée possède bien un caractère distinctif suffisant pour les services concernés.

 

d. Le Bureau a fait savoir, par lettre du 3 janvier 2005, qu’il ne voyait dans les objections avancées par DTI aucun motif de revoir son refus provisoire.

 

e. Par lettre du 7 mars 2005, le Bureau a ensuite notifié au mandataire de DTI sa décision portant refus de l’enregistrement du dépôt.

 

2. DTI demande que la cour ordonne l’enregistrement du signe à la date à laquelle il a été déposé. Dans le système de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après : loi Benelux sur les marques ou LBM) en vigueur depuis le 1er janvier 2004, le droit exclusif du titulaire de la marque s’acquiert toutefois au moment de l’enregistrement du signe et non à la date du dépôt. Pour le présent dépôt qui date du 30 mars 2004, l’enregistrement antérieur demandé ne saurait dès lors être accordé.

 

3. DTI fonde sa demande d’ordonner l’enregistrement sur le fait que le signe HAPPY VAKANTIES possède (dès le départ) un caractère distinctif pour les services concernés dans la perception du public concerné. Selon DTI, la combinaison verbale constitue un slogan original, facile à retenir, avec une signification autonome, non exclusivement descriptive. Par ailleurs, DTI soutient que le signe a été consacré comme marque par l’usage qui en a été fait auprès du public concerné. Le Bureau a contesté les allégations de DTI de manière motivée.

 

4. Le refus du Bureau d’enregistrer le dépôt est fondé sur l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM. Cette disposition énonce entre autres :

 

« Le Bureau Benelux refuse d’enregistrer une marque lorsqu’il considère que :

 

5. Les points b, c et d de l’article précité correspondent sur le fond à l’article 3, § 1er, sous b, c et d, de la directive européenne 89/104/CEE (première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, JOCE 1989, L 40). La Cour de justice CE a considéré que les motifs de refus énoncés dans cet article sont indépendants les uns des autres et requièrent un examen séparé, malgré le chevauchement manifeste dans le champ d’action respectif des motifs mentionnés respectivement sous b, c et d (CJCE 12 février 2004 en cause POSTKANTOOR, points 67 et suivants, BIE 2005, 106 et IER 2004, 22). Un exemple de ce chevauchement est qu’une marque verbale dont l’enregistrement – pour des produits ou services déterminés – se heurte à l’article 3, §1er, sous c, de la directive 89/104/CEE est nécessairement dépourvue de caractère distinctif pour ces produits ou services au sens de l’article 3, § 1er, sous b, de la directive (CJCE 12 février en cause POSTKANTOOR, point 86, loc.cit.).

 

6. Dans l’arrêt précité, la Cour a interprété le motif de refus prévu à l’article 3, § 1er, sous c, de la directive, dont l’article 6bis, alinéa 1er, sous c, de la LBM est la transposition.

A cet égard, la Cour considère entre autres (points 97 et 104) :

 

« (…) Il n'est d'ailleurs pas nécessaire que les signes ou indications composant la marque visés à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive soient effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l'indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d'enregistrement, en application de ladite disposition si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (…)

 

(…) que l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive doit être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un mot composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu'il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent. Dans ce dernier cas, il y a alors lieu de vérifier si le mot qui a acquis une signification propre n'est pas lui-même descriptif au sens de la même disposition. »

 

7. Ainsi convient-il d’examiner si le signe HAPPY VAKANTIES est, au sens des dispositions prémentionnées, dépourvu de caractère distinctif pour les services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport à ces services et, d’autre part, par rapport à la perception du signe par le public concerné, composé du consommateur moyen de ces services dans les pays du Benelux.

 

8. Le signe HAPPY VAKANTIES est composé des mots ‘Happy’ et ‘vakanties’. ‘Vakanties’ est le pluriel du mot ‘vakantie’. En néerlandais courant, il signifie : période de temps libre accordée annuellement ou voyage de vacances (Van Dale Hedendaags Nederlands 2002). DTI demande d’enregistrer le signe pour – brièvement dit – les services d’une agence de voyage. Pour de tels services, centrés habituellement sur l’offre de voyages de vacances, ‘vakanties’ est à considérer comme descriptif. L’argument contraire de DTI est tenu en échec par le simple fait qu’elle considère que ‘vakanties’ signifie seulement période de temps libre accordée annuellement.

L’adjectif néerlandais courant ‘happy’ signifie heureux ou joyeux (Van Dale Hedendaags Nederlands 2002). Placer ‘happy’ avant ‘vakanties’ fait que le public concerné percevra ‘happy’ comme une caractéristique de ‘vakanties’. ‘Happy’ est alors l’indication de la caractéristique souhaitable pour ce public, à savoir que les vacances constituent une expérience joyeuse ou heureuse. Le Bureau démontre, par les documents qu’il produit, sans être contredit (suffisamment) par DTI, que ‘happy’ est utilisé de cette manière, également en rapport avec les (voyages de) vacances.

Dès lors, tant ‘happy’ que ‘vakanties’ peuvent être une indication de caractéristiques pertinentes des services concernés, de sorte que le signe est composé exclusivement d’indications descriptives aux yeux de la cour.

 

9. Le signe dans son ensemble ne s’écarte pas de manière perceptible de la somme des éléments qui le composent. La combinaison verbale ne comporte rien de ‘spécial’ qui lui donnerait le pouvoir distinctif. DTI invoque vainement le fait que le signe combine un mot anglais et un mot néerlandais. DTI passe sous silence que le mot anglais ‘happy’ appartient maintenant à la langue néerlandaise ordinaire. Le signe combine en outre les mots de tous les jours ‘happy’ et ‘vakantie’ d’une manière qui est évidente pour le public concerné, habitué à l’usage de mots (empruntés à l’) anglais. Ce public ne découvrira dès lors rien d’inhabituel dans la combinaison en cause. Bref, le signe constitue une combinaison verbale qui n’est pas inhabituelle pour les services concernés et ne crée pas une impression suffisamment éloignée de la signification de la simple réunion des éléments dont il est composé.

 

10. On ne se trouve pas non plus en présence, comme l’affirme DTI, d’un slogan original, facile à retenir, qui a une signification autonome, non exclusivement descriptive. La signification propre – non descriptive – qui serait autonome par rapport aux éléments n’est pas avérée. Le signe ne forme rien de plus qu’une indication immédiatement compréhensible pour le public Benelux des voyages de vacances qui représentent une expérience agréable. Indépendamment de la question de savoir si le public visé verra dans une telle communication plus qu’un slogan (publicitaire), la cour estime que le signe est dépourvu de caractère distinctif, dès lors qu’il est composé exclusivement d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la qualité des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé. Cette opinion ne sera pas autre si, comme l’avance DTI, le public concerné est composé spécifiquement de personnes qui souhaitent réserver un voyage organisé en Egypte ou en Turquie.

 

11. DTI allègue encore que le signe a été consacré (comme marque) par plus d’un an et demi d’usage sur tous ses moyens de communication. Il appartient à DTI d’étayer ses allégations à l’aide de pièces pertinentes. Les éléments (pertinents) qu’elle a produits comme pièce 8 (deux copies de papier à lettre/télécopie de courrier envoyé en 2004) ne lui permettent pas d’en apporter la preuve, la cour s’abstenant de décider si ces éléments peuvent être pris en considération, dès lors qu’ils n’ont pas été remis au Bureau durant la phase de réclamation (cf. cour La Haye 27 janvier 2005 en cause EUROPOLIS, IER 2005, 38).

 

12. DTI ne peut pas se prévaloir du fait que, comme elle l’affirme, des marques comportant l’élément happy ont été enregistrées. Le caractère distinctif du signe en cause doit être apprécié suivant ses mérites. D’autres enregistrements n’ajoutent ni n’enlèvent rien à ce caractère distinctif.

 

13. Il découle de ce qui précède que l’enregistrement du signe doit être refusé étant donné qu’il est exclusivement descriptif pour les services concernés et – partant – dépourvu de caractère distinctif pour ces services au sens de l’article 6bis, alinéa 1er, sous b et c, de la LBM. Le refus de l’enregistrement du signe est aussi conforme à l'intérêt général qui implique notamment que tous les signes ou indications pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé soient laissés à la libre disposition de toutes les entreprises afin qu'elles puissent les utiliser en décrivant les mêmes caractéristiques de leurs propres produits (CJCE 12 février 2004, en cause POSTKANTOOR, points 55 et 56, loc.cit.).

 

14. En conclusion, la requête de DTI sera rejetée. DTI, étant partie succombante, sera condamnée aux frais de procédure, dans la mesure où ils ont été exposés par le Bureau. La cour déterminera ces frais en équité comme indiqué ci-après, en prenant en considération le fait que le Bureau s’est fait représenter à la présente instance conformément à l’article 6ter, alinéa 2, de la LBM et que, par ailleurs, l’affaire a été traitée en même temps que la requête de DTI portant le numéro R05/954.

 

 

(…)

b. la marque est dépourvue de caractère distinctif ;

c. la marque est composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou d’autres caractéristiques de celui-ci ;

d. la marque est composée exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;

(…) »

Décision 

La cour :

 

Rejette la requête de DTI ;

 

Condamne DTI aux frais de la procédure et fixe ceux-ci jusqu’à ce prononcé à € 739,-- (dont un droit fixe de € 291,--) pour le Bureau.

 

La présente ordonnance a été rendue par les conseillers J.C. Fasseur-van Santen, A.D. Kiers-Becking et S.U. Ottevangers, et a été prononcée à l’audience publique du 9 février 2006, en présence du greffier.

 

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