Numéro de requête R98/053

Date
Instance
CASS NL (concl. A-G)
Marque
EROTISCH HUISHOUDTEXTIEL
Numéro de dépôt
Déposant
Kees Marinus
Texte
6 ) Dans la mesure qui nous intéresse ici, elle a décidé qu'une
 
3.2       Après que le Hoge Raad a été saisi de l'affaire, la cour de La Haye a rendu une ordonnance le 3 juin 1999.( ) Dans ce contexte, il me semble que la cour n'a pas motivé suffisamment pourquoi elle ordonne l'enregistrement du dépôt Erotisch huishoudtextiel pour – en bref – d'autres produits et services que le textile de ménage érotique. C'est pourquoi je considère que la branche est fondée.
 
 
4.22      La seconde branche manque partiellement en fait. L'épanchement de la cour concernant la prévalence d'un caractère descriptif en raison de l'absence d'une "indication originale, surprenante ou pleine de fantaisie" répond à la défense de Marinus. Ainsi, la cour n'a pas donné de décision propre sur l'admissibilité du dépôt.
 
4.23      La cour a cependant donné en même temps une décision propre, portant qu'une combinaison verbale peut être une marque (et en l'espèce dans les cas cités dans le dispositif) lorsque "une certaine originalité ne peut pas (lui) être déniée". La branche conteste cette décision elle aussi.
 
4.24      La cour considère donc apparemment – son ordonnance n'est guère motivée – que la simple circonstance mentionnée sous 4.23 suffit pour l'enregistrement d'un dépôt. Je n'ai en tout cas pas pu découvrir d'autre motivation.
 
4.25            L'ordonnance de la cour, en la lisant comme indiqué sous 4.24, repose effectivement sur une conception erronée du droit. “Une certaine originalité” à elle seule est insuffisante.( )
 
4.13      La cour a considéré que l' on ne peut pas dénier une certaine originalité à Erotisch huishoudtextiel pour des “produits et services autres que ceux visés ci-dessus”. La cour entend dire ainsi que Erotisch huishoudtextiel a, dans cette mesure, un caractère distinctif. La branche qui pose l'allégation que la cour a négligé de s'exprimer sur le caractère distincif, manque donc en fait. Si votre Cour était d'un autre avis, la question préjudicielle XIIIa dans l'affaire visée sous 3.2 semble être importante.
 
4.14      Si on le veut absolument, on pourrait sans doute défendre la thèse que la cour a aussi voulu dire que le public percevra également Erotisch huishoudtextiel comme marque.( )
 
4.38      Le système de classification vaut système principal aux Pays-Bas ainsi qu'il ressort de l'article 1, alinéa 5, du règlement d'exécution LBM.( 1 )
 
 
4.33      Si votre Cour devait (de toute façon sans doute) poser une ou plusieurs questions préjudicielles, la question évoquée sous 4.31 et 4.32 pourrait être soulevée.
 
4.34      La branche 1 du troisième moyen tend à dire qu'il n'est pas admissible que la cour apporte des ajouts aux classes 17, 18, 21, 24 et 40-42 parce qu'ils ne portent pas sur la nature des produits et services en tant que telle mais sur le défaut d'une qualité pour ces produits et services. La branche estime en tout cas que les ajouts ne sont pas suffisamment clairs parce que la qualité n'est pas objectivable.
 
4.35      Comme le BBM le reconnaît, ce grief équivaut au fond à la première branche du deuxième moyen (voyez le développement ex art. 428 Rv. sous 6). Je me permets de renvoyer aux remarques sous 4.21 à ce propos. Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce que Me Van Nispen expose dans ses explications. Je suis en particulier sensible à ce qui est formulé dans le développement sous 27.
 
4.36      La branche 2 avance que la cour ordonne sur divers points un enregistrement qui est contraire à la classification des produits de l'arrangement de Nice. La branche spécifie ainsi que la cour n'aurait pas suffisamment pris en compte le système de classification:
 
a.                  Les "décorations murales" reprises dans les classes 17, 18, 21 et 24 peuvent être mentionnées uniquement en classe 20 (W 0020);
b.                  La "literie" reprise dans les classes 17 et 18 ne peut être mentionnée qu'en classe 24 (B 0134 et B 0135);
c.                  La "lingerie sexy sous-vêtement et survêtement" reprise dans les classes 17 et 18 peut uniquement être mentionnée en classe 25 (K 0258);
d.                  Les "paillassons" repris dans les classes 17 et 18 peuvent uniquement être mentionnés en classe 27 (M 0114);
e.                  Les "voiles" et les "bâches" reprises dans les classes 17 et 18 peuvent uniquement être mentionnées en classe 22 (Z0083 et D0053);
f.                    La notion "exploitation" figurant en classe 41 (sans objet) est trop vague;
g.                  Le service "location" figurant en classe 42 ne peut pas concerner des matériaux de construction et des jeux (ceux-ci peuvent être mentionnés uniquement respectivement en classe 37 (V 0019) et en classe 41 (V 0056);
h.                  Le terme "vente" figurant en classe 41 n'est jamais considéré comme un "service au bénéfice de tiers" (commentaire de la classe 35);
i.                    Le service "faire exposer" figurant en classe 42 doit être classé en classe 35 ou 41 (T 0026 ou T 0027).
 
4.37      La ratification de l'arrangement de Nice sur la classification des produits n'implique pas que les Pays-Bas soient tenus de suivre le système de classification qui y est consigné. D'après l'article 2, la portée de la classification est celle que chaque pays lui reconnaît. La classification ne lie pas les pays en ce qui concerne l'appréciation de la protection de la marque. La classification peut être appliquée comme système principal ou comme système auxiliaire.( ) Il prévoit que lors de l'introduction de la demande d'enregistrement, les produits et services doit être décrits autant que possible en se servant des termes de la liste alphabétique de la classification internationale des produits et services telle que visée dans l'arrangement de Nice du 15 juin 1957. Les produits et services doivent être en tout cas classés conformément aux classes et dans l'ordre de ces classes dans cette classification. Le BBM enregistre le dépôt en mentionnant les numéros des classes du système de classification des produits (article 7, alinéa 1er sous e). La liste et l'enregistrement doivent également satisfaire au système de classification de l'arrangement de Nice au moment du renouvellement de l'enregistrement (art. 9 § 1 sous c et 11 § 1 sous e).
 
4.39      Je dois en venir aux griefs spécifiques de la branche 2 que je parcours en faisant référence aux lettres citées (a-i). Je note que cet exercice relève d'un degré élevé d'abstraction à mon sens vu ce que Marinus – selon sa déclaration à la cour – avait en vue. Voyez le point 2.5. Sa finalité (objets d'art) n'est pas totalement sans intérêt pour la classification. Si l'on mémorise la liste quasi inépuisable (mais en réalité incomplète, évidemment) des produits et services, il apparaît que les objets d'art dépendent du matériau dont ils sont faits, en étant classés dans les classes 6, 14, 19, 20 et 21.
 
4.40      Sous a, on défend l'idée que les décorations murales sont uniquement à leur place en classe 20 et pas dans les classes 17, 18, 21 et 24.
 
4.41      Cette conception est exacte dans la mesure où la liste alphabétique fait référence à la classe 20 pour les décorations murales sous W0020 (p. 315).
 
4.42.1   Au contraire, le fait que la cour a envisagé le caoutchouc, le latex etc. plaide pour la classe 17 alors qu'il n'est pas question en classe.
 
4.42.2   Comme mentionné sous 4.39, les objets d'art sont classés selon le matériau dont ils sont faits. Les créateurs de la liste n'ont apparemment pas pensé à des objets en caoutchouc, gomme, latex etc.
 
4.42.3   Dans le contexte de ce qui précède et parce que la branche n'explique pas pourquoi seule la classe 20 serait appropriée en l'espèce (dans cette mesure, elle n'est pas conforme au prescrit de l'article 426a alinéa 2 Rv.) je tiens la branche pour non fondée dans cette mesure.
 
4.43      Ce qui est dit sous 4.42 vaut pour des raisons correspondantes pour les produits en classe 18.
 
4.44      La branche est certes pertinente dans la mesure où le grief porte sur les décorations murales mentionnées pour la classe 21. Elles ne sont pas à leur place dans la classe ustensiles de cuisine et vaisselle.
 
4.45      La branche n'indique pas pourquoi les décorations murales de textile ne pourraient pas relever de la classe 24 et ce n'est pas non plus évident vu la description de cette classe. La branche ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 426a § 2 du code de procédure civile.
 
4.46      Sous b, il est fait grief à la cour d'avoir méconnu que la literie textile peut être rangée uniquement en classe 24. La branche échoue. La classe 24 porte sur le textile à la lumière du commentaire. La cour n'a pas eu cela en vue dans les classes 17 et 18. N'y change rien – mais il n'en est pas fait grief – que l'on ne comprend pas ce que la cour s'imagine avec le textile de lit fabriqué en caoutchouc, latex ou cuir, pour ne citer que quelques exemples.
 
4.47      Selon le c, la “lingerie sexy sous-vêtement et survêtement” ne peut être reprise qu'en classe 25. La branche n'est pas fondée: la classe 25 vise en effet explicitement des pièces de vêtement. Il n'empêche que je ne comprends pas ce que l'on peut viser avec (entre autres) de la lingerie sexy de latex ou pvc, ce que la cour a eu apparemment en vue.
 
4.48      Le grief sous d vise les paillassons qui ne pourraient être à leur place qu'en classe 27. La branche est fondée: la classe 27 vise en effet explicitement les paillassons. Ici aussi se pose le problème signalé sous 4.47.
 
4.49      Le grief e reproche à la cour d'avoir mis les voiles et les bâches dans les classes 17 et 18 au lieu de la seule classe 22. Le grief est fondé, vu la description de la classe 22.
 
4.50      Sous f, il est reproché à la cour que la notion “exploitation” sans autre précision en classe 41 est trop vague. Le grief est fondé. Cela ne demande pas d'autre explication à mon sens.
 
4.51      Je ne comprends pas bien ce qui est formulé sous g. Un ou plusieurs mots ont été omis. Il est exact que les jeux appartiennent à la classe 41 et non à la classe 42. Mais ce grief perd de vue à mon sens que la cour n'a visé des jeux en tant que tels mais leur location. Cette dernière peut parfaitement être classée en classe 42 (classe résiduaire). Il ressort de la liste alphabétique des services qu'il n'y a selon moi aucune systématique parfaitement cohérente pour la catégorie location (voyez p. 375/376).
 
4.52      Il est fait grief sous h que la cour a associé les ventes en classe 42 au service au profit de tiers. Le grief manque en fait car la cour n'a rien envisagé au sujet des ventes au profit de tiers.
 
4.53      Sous i, il est insisté sur le fait que la cour n'aurait pas dû classer faire exposer en classe 42, mais en classe 35 ou 41. Le grief échoue. Le BBM perd de vue que la cour vise le fait de faire exposer. Les classes 35 et 41 portent sur l'organisation d'une exposition (voyez aussi la liste alphabétique des services p. 371/2), même si on peut diverger d'opinion, vu le commentaire de la classe 41.
 
4.54      La branche 3a affirme que la cour aurait dû motiver pourquoi la cour n'a pas apporté les ajouts dans toutes les classes.
 
4.55      Bien que l'on puisse admettre que l'on ne voit effectivement pas pourquoi la cour a procédé comme elle l'a fait, le BBM n'a pas d'intérêt à ce grief tant qu'il n'allègue pas en même temps que la décision de la cour n'est pas correcte. Cette allégation n'est pas incluse dans la branche.
 
4.56      Le BBM n'a pas non plus d'intérêt au grief de la branche 3b à savoir que la cour supprime entièrement la classe 35 parce que l'on obtient dans cette mesure ce que le BBM avait en vue.
 
4.57      La branche 3c estime ne pas comprendre pourquoi la cour emploie des rédactions sans cesse changeantes. J'admets volontiers que ce n'est effectivement pas compréhensible. Le grief ne peut cependant pas entraîner la cassation pour le motif cité sous 4.55.
 
4.58      La branche 3d trouve vague comment on doit comprendre la "lingerie sexy … dans la mesure où elle ne se rapporte pas au textile de ménage à caractère érotique”.
 
4.59      La branche équivaut, en substance, à la première branche du deuxième moyen. Je m'y réfère.
 
Conclusion
 
4.60      J'arrive à la conclusion qu'il est préférable d'attendre jusqu'à ce que la Cour de Justice Benelux réponde à la question préjudicielle visée sous 3.2 et 4.7. Si la Cour de Justice Benelux devait estimer que la cour de La Haye n'avait pas la latitude de donner un ordre d'enregistrement comme elle l'a fait en l'espèce, les autres griefs deviennent sans objet Al.
 
4.61      Il est quand même utile d'examiner ces griefs quant au fond à ce stade parce qu'il peut être utile de poser des questions complémentaires pour le cas où la Cour de Justice Benelux estimerait que la cour de La Haye a bien la compétence visée.
 
Conclusion
 
Je conclus
 
1)                  à la suspension de l'instance dans le sens indiqué sous 4.60;
2)                  à l'examen des griefs dans la mesure où, à la condition mentionnée sous 4.61, ils nécessitent une ou plusieurs questions préjudicielles.
 
Le Procureur général près le
Hoge Raad der Nederlanden,
 
Avocat général
 
* * * * *


(1) Il semble découler de la p. 1 de l'ordonnance attaquée que la cour a vu ces pièces.
 
(2) NJ 1999, 68 DWFV.
(3) BIE 1999, 82,
(4) Voyez pour l'allégation 2) – remarque je fais d'office – la lettre du BBM du 7 janvier 1997, deuxième alinéa.
 
(5) Ce qui importe: Cour de Justice Benelux 5 octobre 1982, NJ 1984, 71 LWH.
(6) Voyez pour un problème analogue concernant les brevets HR 9 février 1996, NJ 1998, 2 DWFV.
 
(7) Cf. Cour de Justice Benelux 16 décembre 1991, NJ 1992, 596 DWFV, avec notamment le point 21 et la note van Gielen sous cour La Haye 3 juillet 1997, IER 1997, 53. Voyez aussi T. Mollet-Viéville, in: Mario Franzosi (red.), European Community Trade mark (1997) p. 188.
(8) Voyez les exemples convaincants à mes yeux dans le développement sous 22 et (sur base des exemples étrangers cités là) C.J.J.C. van Nispen, BIE 1997 p. 363 et suiv.
(9) A noter dans le cadre de la directive citée sous 4.3; voyez le préambule et l'article 3 sous g et l'article 6 quinquies sous B 3e de la convention de Paris.
(10) On ne doit pas accorder, à mon avis, une signification décisive à la formulation littérale en l'espèce parce qu'elle est axée sur une autre question de droit.
 
(11) 29 septembre 1998, NJ 1999, 393 DWFV point. 21.
 
(12) E.A. van Nieuwenhoven Helbach e.a., Nederlands handels- en faillissementsrecht, Industriële eigendom en mededingsrecht (1989) n° 733.
(13) Voyez par exemple E.A. van Nieuwenhoven Helbach e.a., op.cit. n° 734.
 
) on ne pourra certainement pas admettre ipso iure que ces originalités peuvent se transformer en enregistrement d'un dépôt. La branche est dans cette mesure fondée.
 
4.26      La troisième branche est également fondée. En admettant à titre d'hypothèse que la cour est libre d'ordonner de manière autonome un enregistrement, elle devra en tout cas se demander si les conditions prescrites sont remplies. Si le débat entre parties n'apporte pas des éléments suffisants à cette fin, la cour devra soit se contenter d'apprécier la décision contestée du BBM, soit demander des informations complémentaires. Une autre conception impliquerait que l'on effectuerait un enregistrement de dépôt contraire à la législation existante – qui ne doit pas seulement avoir effet aux Pays-Bas – uniquement parce que la cour dispose d'informations insuffisantes. Ce n'est pas conforme aux règles en vigueur en la matière et, indépendamment de cela, on créerait une situation peu ordonnée.
 
4.27      A première vue, l'arrêt dans l'affaire Campina/BBM Benelux mentionné sous 3.1 semble apporter de l'eau au moulin d'une conception différente. En effet, il décide que dans une procédure en vertu de l'article 6ter de la LBM (c'est le cas de la procédure devant la cour de La Haye), le juge doit “prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents qui ont été dûment portés à (sa) connaissance” (point 21). Je comprends cette considération en ce sens qu'il ne peut pas compléter les faits ( 7 8 2 3 ) Je fais remarquer que l'on peut imaginer d'innombrables combinaisons verbales plus ou moins originales pour toutes sortes de produits ou services guère évidents dans ce contexte.(
Numéro de requête R98/053
 
Bureau Benelux des Marques contre Kees Marinus
 
Audience 11 août 2000
Numéro de requête R98/053
 
Hoge Raad der Nederlanden
M. Spier
 
Conclusions M. Spier, après suspension de l'instance par le Hoge Raad en rapport avec des questions posées à la Cour de Justice Benelux, dans la cause
 
Bureau Benelux des Marques
(ci-après: BBM)
 
contre
 
Kees Marinus
(ci-après: Marinus)
 
 
1.         Les faits
 
1.1               Dans son ordonnance attaquée en cassation, la cour de La Haye a constaté les faits suivants (point 2 des motifs).
 
1.2               Le 26 août 1996, Marinus (agissant, je précise, visiblement sous le nom Alleman uitgeverij) a déposé auprès du BBM le signe EROTISCH HUISHOUDTEXTIEL, comme une marque verbale pour les produits et services dans les classes 10, 16 à 22, 24 à 28, et 40 à 42, comme mentionné sur l’annexe jointe au dépôt. Marinus a complété le dépôt par lettre du 23 septembre 1996 avec les services dans la classe 35 (exposer EROTISCH HUISHOUDTEXTIEL à des fins publicitaires et éducatives) et pour les produits dans la classe 37 (location de matériaux de construction).
 
1.3               Par lettre du 29 novembre 1996, le BBM a notifié à Marinus le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt. Il a indiqué le motif suivant:
 
Le signe EROTISCH HUISHOUDTEXTIEL est exclusivement descriptif pour les produits et services mentionnés dans les classes 10, 16 à 22, 24 à 28, 35, 37 et 40 à 42 dans la mesure où ceux-ci se rapportent à du textile de ménage érotique. C'est pourquoi le signe est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l'article 6bis, alinéa premier, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques (...)”.
 
1.4               Marinus a fait opposition à ce refus provisoire par lettre du 3 décembre 1996: il reproche – ainsi qu'il ressort des pièces – au BBM que "c'est en effet jouissif de dire non à quelque chose de pareil".
 
1.5               Le BBM n'y a pas vu motif à revoir la décision de refus provisoire. Par lettre du 26 juin 1996, il a notifié à Marinus sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du dépôt.
 
2. Déroulement de la procédure
 
2.1       Marinus a demandé à la cour d'ordonner au BBM de procéder à l'enregistrement du dépôt n° 877371 de la marque Erotisch huishoudtextiel. Selon Marinus, la combinaison verbale Erotisch huishoudtextiel n'est pas exclusivement descriptive. Il juge dès lors non fondé le point de vue du BBM pour qui la combinaison verbale est dépourvue de tout caractère distinctif pour les produits et services dans les classes citées dans la lettre du 29 septembre 1996 qui n'est pas annexée à la requête. Cette lettre ne se trouve pas non plus ailleurs dans le dossier.( 9 ) Mais cela ne le dispense pas, à mon sens, de l'obligation de recueillir au besoin tous les faits et circonstances pertinents (s'il en arrive là, ce qui dépend du problème soulevé par le premier moyen).
 
 
4.28      C'est évident aussi parce que le juge, aux termes de ce même arrêt, n'est pas lié par la politique du BBM, mais “au contraire doit exercer son contrôle en respectant les limites tracées par la jurisprudence” (point 33). Le cas échéant, il peut être nécessaire de recueillir à cette fin des éléments complémentaires auprès des parties.
 
4.29.1   Il faut encore faire observer qu'il ne serait pas nécessaire de recueillir des données additionnelles si la LBM donnait aux cours visées à l'article 6ter la possibilité de renvoyer l'affaire au BBM aux fins de réexaminer le dépôt dans le respect de sa décision.
 
4.29.2   La LBM, assez lacunaire (sur ce point), ne donne pas de règles en la matière. Si celles-ci doivent (et peuvent) être créées, la tâche incombe, à mon avis, à la Cour de Justice Benelux (tant que le législateur n'entreprend pas de démarches en ce sens).
 
4.29.3   Le point de droit évoqué ici est étroitement lié à celui qui est soulevé par le premier moyen. Les arguments ne manquent certainement pas pour poser des questions préjudicielles à la Cour de Justice Benelux en cette matière.
 
4.30      Contre la thèse que la cour, avant de statuer en donnant un ordre conditionné d'enregistrement, doit se demander s'il n'y pas d'autres objections – ne ressortant pas du dossier – contre cet enregistrement, on peut évidemment invoquer le système de la LBM. Les conséquences juridiques de l'enregistrement d'un dépôt sont en effet limitées. Voyez entre autres les articles 3, 4 et 14A LBM.
 
4.31      Bien que cette objection ne soit pas sans poids, la signification qu'on lui reconnaît est à mes yeux insuffisante. Déjà parce que l'article 6bis, alinéa 1er, de la LBM oblige le BBM (et donc aussi la cour en appel) à avoir égard aux motifs de refus qui y sont énumérés.
 
4.32      De plus – l'élément pèse lourd pour moi – que la CJCE a considéré dans l'arrêt Canon/MGM:
 
En tout état de cause, il convient, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, de s'assurer que les marques dont l'usage pourrait être contesté avec succès devant les juridictions ne soient pas enregistrées”.( 13 ) Cette affaire concerne le refus du BBM d'enregistrer la marque “Postkantoor”. La cour a posé une série de questions préjudicielles à la Cour de Justice Benelux et à la Cour de justice CE. Etant donné que certaines de ces questions dans l'affaire précitée sont directement pertinentes pour trancher les questions qui sont soumises au Hoge Raad dans la présente affaire, de nouvelles conclusions intermédiaires sont prises aux fins de suspendre l'instance.
 
3.3       Je reconnais que cette affaire va donc durer fort longtemps. Je crains que ce soit inévitable vu que des questions préjudicielles pertinentes pour l'appréciation dans la présente affaire ont été posées dans une autre affaire.
 
3.4       D'une part, parce que votre Cour pourrait estimer qu'il n'est pas nécessaire d'attendre les questions préjudicielles posées par la cour de La Haye et, d'autre part, parce qu'il est sans doute possible de traiter quelques griefs en vue d'accélérer cette affaire, je vais traiter au fond les griefs. Il se pourrait en outre que votre Cour juge à propos de poser des questions préjudicielles complémentaires.
 
4.            Examen des moyens de cassation
 
4.1       Le BBM refuse l'enregistrement d'un dépôt (art. 6bis, alinéa 1er, rapproché de l'article 4 alinéas 1 et 2 LBM):
 
- lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er de la LBM, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris;
- lorsque la marque est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public ou lorsque l'article 6ter de la Convention de Paris prévoit le refus ou la nullité de cette marque;
- lorsque la marque est destinée à des produits pour lesquels l'usage de la marque est de nature à tromper le public.
 
 4.2.1    Selon l'article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris, les marques ne pourront être refusées que si:
 
elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée”.
 
4.2.2     Dans un sens analogue, l'article 15, § 1er, de l'accord ADPIC.
 
4.3       La directive sur les marques – qui est incorporée à la LBM – mentionne à l'article 3 les motifs de refus. Dans la mesure pertinente ici, sont refusés à l'enregistrement pour les motifs suivants:
 
“(…)
b. les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c. les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci.
(…)”
 
4.4       Le premier moyen est pris – en résumé – du fait que la cour a complété à tort la requête d'enregistrement du dépôt. La cour a en effet posé comme condition pour l'enregistrement dans les classes 17, 18, 21, 24, 25 et 40 que l'enregistrement ne peut pas porter sur du “textile de ménage à caractère érotique”; pour la classe 41 qu'il ne peut pas porter sur du “textile de ménage érotique” et pour les services en classe 42 la cour a décidé que les services ne concernent pas des produits “qui se rapportent au textile de ménage à caractère érotique”.
 
4.5.1     Les articles 6bis et 6ter LBM décrivent la procédure suivie lorsque le BBM refuse d'enregistrer le dépôt. Aux termes de l'article 6bis, alinéa 2, le refus doit concerner le signe en son intégralité. Le refus peut être limité à un ou à plusieurs des produits auxquels la marque est destinée. Le BBM informe le déposant en mentionnant les motifs de son intention de refuser et lui permet d'y répondre dans un délai déterminé. Si les objections du BBM ne sont pas levées dans le délai imparti, le BBM refus l'enregistrement en tout ou en partie (alinéas 3 et 4). Le BBM en informe également le déposant.
 
4.5.2     La décision du BBM est susceptible d'un recours auprès de la cour d'appel (i.c. à La Haye); cette cour peut ordonner au BBM de procéder à l'enregistrement (art. 6ter).
 
4.6       Le Moyen I est dirigé contre la décision de la cour d'ordonner au BBM de procéder à l'enregistrement du dépôt tel qu'il a été effectué le 29 mars 1996 et “complété comme indiqué ci-dessus”. La branche 1 tend à dire que la cour ne détenait pas cette compétence; elle pouvait seulement apprécier le bien-fondé de la décision du BBM. Ceci ressort, d'après le développement, entre autres du commentaire français.
 
4.7.1     Les arguments de Me Van Nispen sont assurément solides. Ils ne sont pas entièrement contraignants à mon sens. Dès lors que la cour peut donner une injonction d'enregistrement, il n'est nullement étrange à première vue que la cour ne soit pas compétente à faire moins (ordonner un enregistrement conditionnel). Il ne semble pas nécessaire d'analyser ce point présentement, puisque, comme mentionné sous 3.2, une question à ce sujet a déjà été posée à la Cour de Justice Benelux (question XV). Si le BBM devait éprouver le besoin que votre Cour soumette aussi cette question – afin d'avoir la possibilité de porter ses arguments à la connaissance de la Cour – son avocat peut en faire état dans une éventuelle "lettre Borgers".
 
4.7.2     Pour être complet, notons encore que l'avocat général suppléant Strikwerda expose dans ses conclusions avant l'arrêt Campina visé sous 3.1 qu'en vertu de l'article 6ter, le juge a seulement pour mission de contrôler le bien-fondé de la décision du BBM (point 27).
 
4.8       Les branches 2 et 3 reflètent le point de vue que a) la cour aurait dû permettre auparavant au BBM de s'opposer, le cas échéant, à ce que la cour a l'intention de faire d'office dans le sens indiqué au dispositif. En tout cas, la cour b) aurait dû se demander d'office – et aurait dû s'en rendre compte – si “d'autres objections se présentent”.
 
4.9       Il me semble que la première allégation (a) est exacte. Il s'agit en l'espèce d'une compétence du BBM. La cour a une mission de contrôle. Si, sans même consulter le BBM sur la nature de l'enregistrement, la cour se met au travail de manière entièrement autonome, il y a un risque inutile d'erreurs. Inutile parce que celles-ci auraient pu être évitées en donnant auparavant aux parties la possibilité de s'exprimer sur la décision envisagée.
 
4.10      Me Van Nispen a relevé dans ce contexte la jurisprudence concernant les décisions rendues par surprise (développement sous 12). Ces exposés me paraissent corrects.
 
4.11      Bref: en admettant à titre d'hypothèse que la branche 1 échoue, la branche 2 est fondée. Il ne me semble pas nécessaire de soumettre une question sur ce point à la Cour de Justice Benelux. Si votre Cour devait toutefois formuler une ou plusieurs autres questions, une question axée sur le problème évoqué ici pourrait être “ajoutée”.
 
4.12      Le dernier grief reproduit sous 4.8 (b) entend, à ce que je comprends le développement, faire référence aux allégations suivantes avancées par le BBM: 1) Erotisch huishoudtextiel n'a pas de caractère distinctif et 2) ne sera pas perçu comme marque par le public.( 11 4 ) Il me semble toutefois que ce serait interpréter excessivement l'ordonnance de la cour. Celle-ci est tellement lapidaire que ce grief réussit aussi (du moins si votre Cour en arrive là, ce qui dépend de l'appréciation de la branche 1). Le développement sous 17 (qui fait partie du moyen) concerne un grief de motivation qui réussit pour le motif développé.
 
 
4.15      La branche 4 reproche à la cour de ne pas avoir suffisamment donné connaissance de son raisonnement comme si elle avait décidé qu'il n'y a pas d'autres objections. Elle cite dans ce contexte la tromperie du public et le défaut de caractère distinctif.
 
4.16      La branche manque en fait. La cour, certes à tort, n'en est pas venue à traiter cette question.
 
4.17      Le second moyen vise la distinction que la cour fait entre produits et services (en bref) de textile de ménage à caractère érotique et d'autres produits et services. Selon la branche 1, cette distinction ne peut pas être faite parce qu'il ne s'agit pas de produits et services différents. D'après le développement, l'essentiel est qu'il n'est pas possible de faire une distinction entre le textile de ménage avec ou sans caractère érotique. La question de savoir si un produit a un caractère érotique ne peut pas être déterminée par le fabricant mais dépend de la situation concrète.
 
4.18      La seconde branche avance que la condition d'enregistrement est que la marque constitue une marque au sens de l'article 1er de la LBM. Ceci implique notamment qu'elle possède un caractère distinctif au sens de l'article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris (et aussi les articles 2 et 3 de la directive sur les marques). Selon la branche, la cour se sert à tort du critère si le caractère descriptif de la combinaison (ne) prévaut (pas) à ce point pour les produits et services que l'on peut parler dans ce contexte d'une indication originale, surprenante ou pleine de fantaisie.
 
4.19      Le développement écrit expose que les mots Erotisch huishoudtextiel ne seront jamais ressentis par le public comme un signe distinctif parce qu'ils sont de nature trop descriptive. L'enregistrement est tout au plus concevable après une consécration par l'usage, selon développement.
 
4.20      La branche 3 expose que la cour a négligé d'examiner si la combinaison verbale n'est pas composée exclusivement de signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée. La cour se serait bornée à tort à la question de savoir si le signe possède un caractère distinctif (c'est-à-dire un signe qui n'est pas descriptif et qui présente une certaine originalité).
 
4.21      La première branche fait observer à juste titre que le mot “erotisch” est inapproprié pour distinguer des choses les unes des autres parce qu'il s'agit d'une qualification subjective de marchandises ou services. L'article 1er, alinéa 5, du règlement d'exécution de la LBM dispose que les produits et services doivent être décrits avec précision. La nécessité de décrire aussi précisément que possible les produits et services est soulignée dans la doctrine et la jurisprudence (étrangère) citées dans le moyen de cassation (sous 19/20) et le développement (sous 6-9).( 5 ) Ne fut-ce que pour éviter la confusion ( )
 
2.2       Le BBM déclare qu'il a basé le refus sur les “Directives en matière de critères de refus pour motifs absolus” (IER 1996, p. 217). Selon le BBM, le signe Erotisch huishoudtextiel est exclusivement composé des mots néerlandais courants “erotisch” et “huishoudtextiel” dans un ordre qui n'est pas inhabituel. Le signe décrit selon le BBM les produits ou services pour lesquels il est ou sera utilisé. Le BBM estime dès lors que le signe est exclusivement descriptif et est dépourvu de tout caractère distinctif. Soucieux des intérêts des entreprises, le BBM juge inapproprié que les mots “Erotisch Huishoudtextiel” et les signes qui leur correspondent puissent être monopolisés comme marque (mémoire en défense sous 4/5).
 
2.3       Dans sa note de plaidoirie (p. 4/5), Me Verkerke relève au nom de Marinus qu'une marque descriptive peut posséder un caractère distinctif si elle ne prive pas les concurrents de la possibilité d'imaginer d'autres signes pour des produits similaires. Selon lui, il s'agit du signe dans son ensemble et non de chaque mot en particulier. Il juge la combinaison “erotisch” et “huishoudtextiel” particulière: ce sont des mots avec une acception opposée de sorte que la combinaison verbale est apte à servir de marque. En outre, Marinus n'a pas l'intention de commercialiser des articles de ménage avec une forme érotique. En ce sens, la marque n'est pas non plus descriptive, selon Me Verkerke.
 
2.4       Le BBM plaide que les mots “erotisch” et “huishoudtextiel” sont des vocables néerlandais usuels. Selon le BBM, on ne saurait défendre que le signe déposé soit monopolisé pour un domaine aussi vaste (lingerie sexy, sacs, décoration murale, literie, paillassons, meubles, ustensiles de ménage, etc.).
 
2.5       A l'audience, Marinus a explicité sa requête comme suit (procès-verbal p. 1):
 
“Je veux mettre sur le marché des objets artistiques en certaines quantités et faire des annonces à leur sujet. Mes objets artistiques peuvent être mis sous le dénominateur commun “erotisch huishoudtextiel”. Comme il n'y a pas de classe “objets artistiques”, j'ai demandé la protection dans toutes les catégories avec lesquelles mes objets artistiques peuvent être associés”.
 
2.6       Au nom du Bureau, Me Van Nispen fait remarquer que les objets d'art ne sont pas du textile de ménage. Si le dépôt avait été effectué pour des objets d'art, le dépôt n'aurait pas été inacceptable à première vue. Il n'est toutefois plus possible de modifier le dépôt, selon Me Van Nispen (procès-verbal p. 1/2).
 
2.7       La cour rappelle que les mots “huishoudtextiel” et “erotisch” sont des mots courants. Ils ont un caractère descriptif. L'acceptation de la marque impliquerait que des produits ou services similaires (comme une jupe en peau de chamois à connotation érotique) ne pourraient plus être mis en vente avec l'indication “erotisch huishoudtextiel” (point 7).
 
2.8       Selon la cour, la requête doit être rejetée dans la mesure où il s'agit de produits de textile de ménage à caractère érotique et de services se rapportant à ces produits. Selon la cour, le caractère descriptif prévaut à ce point que l'on ne peut pas parler d'une indication originale, surprenante ou pleine de fantaisie (points 7 et 8).
 
2.9       La cour décide que la requête – hormis les produits et services susvisés – peut être accueillie dans les termes indiqués au dispositif (point 8). Le dispositif se réfère à l'ajout “tel que décrit ci-dessus”.
 
2.10      Dans son dispositif, la cour ordonne au BBM de procéder à l'enregistrement du dépôt pour la marque verbale Erotisch huishoudtextiel dans toutes les classes indiquées par Marinus, sauf la classe 35. La cour émet pour certaines classes la réserve que l'enregistrement ne peut pas porter sur
- “le textile de ménage à caractère érotique” (classe 17, 18, 21, 24, 25, 40) ou
- “le textile de ménage érotique” (classe 41)
- “les services qui concernent des produits portant sur le textile de ménage à caractère érotique” (classe 42).
 
3.            L'instance en cassation: “affaires connexes”
 
3.1       Le BBM s'est pourvu en cassation dans le délai. Des conclusions intermédiaires ont été prises le 8 décembre 1998 aux fins de suspendre l'instance. Le Hoge Raad a alors suspendu l'instance par ordonnance du 5 février 1999 en attendant la décision de la Cour de Justice Benelux dans l'affaire Campina Melkunie B.V. contre BBM Benelux. La Cour de Justice Benelux a rendu son arrêt le 26 juin 2000. décision rendue en vertu de l'article 6ter de la LBM est susceptible d'un pourvoi en cassation si et dans la mesure où les règles nationales concernées de la procédure civile l'autorisent.( 10 12

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