Numéro de requête R98/474

Date
Instance
REC NL
Marque
EUROPOLIS
Numéro de dépôt
Déposant
BOVEMIJ VERZEKERINGEN N.V.
Texte

Ordonnance

COUR D’APPEL DE LA HAYE

Secteur commerce

Cause numéro : 105.007.848/1

Numéro de requête (ancien): R98/474

ordonnance de la cinquième chambre civile du 26 mai 2009

en cause de

BOVEMIJ VERZEKERINGEN N.V.,
anciennement dénommée : B.V. Bovemij Holding,
dont le siège est à Nimègue,
requérante,
dénommée ci-après : Bovemij,
avocat : Me L.M. Bruins à La Haye,

contre

l’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE ET SON ORGANE L’OFFICE BENELUX DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE,
anciennement dénommé : le Bureau Benelux des Marques,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
dénommé ci-après: l’Office,
avocat: Me C.J.J.C. van Nispen à La Haye.


La procédure

Par ordonnance du 27 janvier 2005, à laquelle il est fait référence, la cour a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes et à la Cour de Justice Benelux. La cour a sursis à statuer et suspendu la procédure.

Après que la Cour de Justice Benelux ait statué par ses arrêts du 29 juin 2006 et du 28 juin 2007 et la Cour de justice CE par un arrêt du 7 septembre 2006, la procédure orale sur la requête a repris devant cette cour le 10 novembre 2008. Les parties ont fait exposer à cette occasion leurs points de vue, Bovemij par Me E.M. Matser, avocat à Rosmalen, et l’Office par son avocat. Les deux parties ont remis des notes de plaidoirie.

Appréciation de l’appel

1. La cour reprend les considérations qu’elle a émises dans ses ordonnances du 9 décembre 2004 et du 27 janvier 2005.

2. En vertu de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive (89/104/CEE) du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques, JOCE 1989 L 40/1 (ci-après : la directive), une marque n'est pas refusée à l'enregistrement si, avant la date de la demande d'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif.

3. Dans son arrêt du 4 mai 1999, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé ce qui suit (dans les affaires C-108/97 et C-109/97, Windsurfing Chiemsee, NJ 2000, 269, IER 1999, 30) :

« Le caractère distinctif de la marque acquis par l'usage qui en est fait signifie que la marque est apte à identifier le produit pour lequel est demandé l'enregistrement comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises. »

De plus, la Cour de justice a décidé dans l’arrêt précité que les milieux intéressés, du moins une fraction significative des milieux intéressés, doivent pouvoir identifier, grâce au signe, le produit comme provenant d'une entreprise déterminée.

4. Répondant aux questions préjudicielles posées dans cette affaire, la Cour de justice a précisé dans son arrêt du 7 septembre 2006 (affaire C-108/05, Bovemij Verzekeringen N.V., NJ 2007, 238, IER 2006, 92) le territoire à prendre en considération pour l’application de ce critère, si le signe pour lequel l’enregistrement est demandé est dépourvu de caractère distinctif dans une partie seulement du territoire Benelux. La Cour de justice a considéré ce qui suit sur ce point:

 « 23. Par conséquent, il convient de répondre aux deux premières questions que l’article 3, paragraphe 3, de la directive doit être interprété en ce sens que l’enregistrement d’une marque ne saurait être admis sur le fondement de cette disposition que s’il est démontré que cette marque a acquis par l’usage un caractère distinctif dans toute la partie du territoire de l’État membre ou, dans le cas du Benelux, dans toute la partie du territoire de celui-ci dans laquelle il existe un motif de refus. »

et :

« 28. Par conséquent, il convient de répondre à la troisième question que, s’agissant d’une marque consistant en un ou plusieurs mots d’une langue officielle d’un État membre ou du Benelux, si le motif de refus n’existe que dans l’une des zones linguistiques de l’État membre ou, dans le cas du Benelux, dans l’une des zones linguistiques de celui-ci, il doit être établi que la marque a acquis par l’usage un caractère distinctif dans toute cette zone linguistique. Dans la zone linguistique ainsi définie, il y a lieu d’apprécier si les milieux intéressés, ou à tout le moins une fraction significative de ceux-ci, identifient grâce à la marque le produit ou le service en question comme provenant d’une entreprise déterminée. »

Par ailleurs, la Cour de Justice Benelux a décidé dans son arrêt du 28 juin 2007 (affaire n° A 2005/1, IER 2007, 86) qu’il n’est pas requis que la traduction de ce signe dans les autres langues officielles parlées dans le territoire Benelux soit perçue également comme une marque par le public concerné dans les zones où ces langues sont parlées.

5. A la lumière de ce qui précède, la consécration par l’usage revendiquée par Bovemij ne saurait être admise que si Bovemij peut démontrer que le signe EUROPOLIS, avant la date du dépôt/de la demande d’enregistrement (28 mai 1997), a été consacrée par l’usage dans la partie entière du territoire Benelux où existe un motif de refus, à savoir aux Pays-Bas et dans la partie néerlandophone de la Belgique. S’agissant de la production de nouvelles preuves additionnelles en ce qui concerne un fondement présenté dans la procédure d’enregistrement (consécration par l’usage), la Cour de Justice Benelux a décidé que dans la procédure sur requête prévue à l’article 6ter LBM (présentement : article 2.12 CBPI), de nouveaux éléments de fait peuvent être invoqués (donc des éléments qui n’ont pas été envoyés précédemment à l’Office dans la procédure d’enregistrement/phase de réclamation (voyez CJBen 29 juin 2006, affaire n° A 2005/1).

6. Bovemij affirme que moyennant les pièces envoyés à la cour, elle a démontré que dans la partie néerlandophone du Benelux, soit les Pays-Bas avec une extension vers la zone frontalière en Belgique (voyez le point 4 de la note de plaidoirie de Bovemij du 10 novembre 2008), le signe est perçu par une fraction significative du public concerné comme une marque et a acquis dès lors un caractère distinctif. Il convient dès lors de déterminer si avec l’usage allégué aux Pays-Bas et l’extension vers la zone frontalière en Belgique, il est satisfait à la condition que dans l’ensemble de la zone linguistique néerlandaise du Benelux, les milieux intéressés, du moins une fraction significative de ceux-ci, identifient le produit ou service concerné, grâce à la marque, comme provenant d’une entreprise déterminée.


7. Il résulte des considérations citées de l’arrêt précité de la Cour de justice du 7 septembre 2006 que l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 3, paragraphe 3, de la directive est uniquement admissible s’il est démontré que cette marque, en raison de l’usage qui en a été fait, a acquis un caractère distinctif sur l’ensemble du territoire d’un état membre ou, dans le cas du Benelux, dans l’ensemble de la partie du territoire Benelux où il existe un motif de refus. Bien qu’il ne soit pas exclu que la consécration par l’usage dans une partie (considérable) du territoire Benelux, partie dans laquelle une fraction significative des milieux intéressés se trouve (comme les Pays-Bas), doit pouvoir être jugée suffisante, il n’y a pas lieu de trancher présentement cette question, étant donné que la cour considère que le signe EUROPOLIS n’a acquis aucun caractère distinctif par l’usage dans la partie néerlandophone du territoire Benelux.

8. La cour considère ce qui suit sur ce point. Le signe Europolis (numéro 894315) a été déposé le 28 mai 1997. Dans l’arrêt de la Cour de justice du 4 mai 1999 (Chiemsee), la Cour de justice a considéré que pour l'appréciation du caractère distinctif de la marque (du signe), peuvent également être prises en considération la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de l'usage de cette marque, l'importance des investissements faits par l'entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d'une entreprise déterminée grâce à la marque. Dans son arrêt du 20 décembre 1996 (affaire n° A 95/2, attendu 14, Europabank, NJ 1997, 313), la Cour de Justice Benelux a considéré « (…) que le simple emploi d'un nom commercial par une entreprise prestataire de services pour fournir ou offrir des services ne constitue pas au surplus l’emploi d'une marque de service identique à ce nom commercial ou l’emploi d'un signe ressemblant ; qu'il peut toutefois en être autrement et qu'il y a bien pareil emploi si, en fait, le nom commercial est employé de manière telle que le public perçoit cet emploi comme l'emploi d'un signe servant à distinguer les services offerts ou fournis de ceux d'autrui ; »

9. Dans le cas d’espèce, Bovemij a produit un grand nombre de pièces dans lesquelles le signe Europolis est employé. Il résulte de ces pièces qu’à l’origine Bovema Verzekeringen N.V. (anciennement dénommée Bovema Holding B.V.)/Bovag a introduit une assurance sous le nom Europolis et qu’en août 1989 Europolis B.V., une filiale de Bovemij, a été créée pour développer le concept Europolis. Depuis la création de Europolis B.V., le signe Europolis apparaît dans les documents le plus souvent en compagnie de l’indication Europolis B.V. (ou une autre désignation de cette entreprise).
Ainsi, on trouve parmi les pièces de nombreuses brochures (pièces 9-14, 16, 20-23, 27, 28 et 30) concernant des assurances sur lesquelles on mentionne à côté du signe Europolis l’indication Europolis B.V., cette dernière indication attestant l’usage du nom commercial. Dans les annonces (pièces 32 et 33), on parle de Europolis B.V. et de « Europolis. De gloednieuwe verzekeringsdochter van Bovemij ». Dans différents articles (pièces 34, 38 et 39), Europolis est employé aussi comme nom commercial (« Europolis, une filiale à part entière de BOVAG » et « zoals Europolis die nu op de markt brengt »). La plupart des brochures – excepté les pièces 23, 24 et 27 – ne font pas apparaître l’année de leur diffusion. De plus, des pages isolées de brochures sont produites, sur lesquelles le signe Europolis apparaît, mais auxquelles on ne peut avoir égard, dès lors qu’elles sont incomplètes.
Ont été encore produits entre autres un contrat de sponsoring avec Ruud de Graaf/Muziek Producties B.V. (pièces 81) dans lequel Bovemij est indiqué comme « Bovemij Holding B.V./Europolis, une lettre et une facture du 17 mai 1994 (pièces 69, 68) adressées à Bovemij/Europolis et une facture (pièce 73) adressée à Europolis.
Bovemij n’a pas démontré – ni moyennant une enquête ni par d’autres moyens – que l’usage du signe Europolis est perçu par une fraction significative du public concerné dans l’ensemble de la zone néerlandophone du Benelux comme signe destiné à distinguer des services comme provenant d’une entreprise déterminée (et donc pas uniquement comme nom commercial).
Les articles et photos concernant quelques événements sponsorisés par Bovemij dans le sport cycliste et le sport automobile ne sont pas en soi suffisants pour admettre la consécration par l’usage. Même l’accroissement du nombre d’assurances vendues dans la période de 1990 à 1997 (en particulier en 1995) n’y contribue pas suffisamment, dès lors qu’il n’est pas établi que ces services ont été offerts en faisant usage d’Europolis comme marque et dès lors que l’on donne une vue insuffisante sur le ou les marchés d’assurance concernés.
Il convient de conclure que Bovemij n’a pas démontré à suffisance la consécration par l’usage qu’elle allègue.

10. Vu ce qui précède, il n’y a pas lieu d’accueillir la requête de Bovemij.

11. Etant partie succombante, Bovemij sera condamnées aux frais de la procédure. 

Décision

La cour d’appel:

- rejette la requête de Bovemij ;

- condamne Bovemij aux frais de la procédure et fixe ceux-ci jusqu’au prononcé à € 2.712,- pour l’Office.

La présente ordonnance a été prononcée par les conseillers J.C. van Fasseur-van Santen, A.D. Kiers-Beeking et C.J. Verduyn, et a été prononcée à l’audience publique du 26 mai 2009 en présence du greffier.

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