Numéro de requête R99/649

Date
Instance
REC NL
Marque
ACTIVE C
Numéro de dépôt
Déposant
La Roche-Posay Laboratoire Pharmaceutique SA
Texte

Prononcé : 2 mars 2000
No de la requête.: 99/649

LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,

a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :

la société de droit étranger
La Roche-Posay laboratoire pharmaceutique S.A.,

dont le siège est à La Roche-Posay, France,

requérante,
avoué : Me W. Taekema

contre

Le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,

défendeur,
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen

La procédure

Par requête (avec annexes) reçue au greffe de la cour le 15 juillet 1999, la requérante (dénommée ci-après La Roche) a demandé à la cour d'ordonner au Bureau Benelux des marques de procéder à l'enregistrement du dépôt 913.765 (ACTIVE C) pour tous les produits mentionnés dans ce dépôt, du moins pour les produits y cités pour lesquels ACTIVE C ne peut pas être considéré comme un signe dépourvu de tout caractère distinctif. 

Par mémoire en défense reçu au greffe de la cour le 19 novembre 1999, le défendeur (dénommé ci-après le BBM) a demandé à la cour de rejeter la requête et de condamner La Roche aux dépens. 

La procédure orale sur la requête est intervenue le 21 février 2000. Les parties - le BBM produisant des pièces - y ont exposé leurs points de vue à l'aide de notes de plaidoirie, La Roche par Me G.S.P. Vos, avocat à Amsterdam, et le BBM par son avoué. 

Examen de la requête 

1. La requête a été introduite dans le délai. 

2. Les pièces produites au procès font apparaître ce qui suit : 

a. Le 7 avril 1998, La Roche a déposé auprès du BBM le signe ACTIVE C sous le numéro 913.765 comme marque verbale pour les produits dans les classes suivantes : 
classe 3 : parfumerie, eau de toilette; gels, sel de bain et sel de douche; savon de toilette; déodorants compris dans cette classe; produits cosmétiques, à savoir crèmes, lait pour soins de toilette, lotions, gels et poudres pour le visage, le corps et les mains; produits solaires; produits de maquillage; shampooings; gels, sprays, mousses et baumes pour la coiffure et les soins capillaires; laques pour cheveux; produits colorants et décolorants pour les cheveux; produits de permanentes et ondulations; huiles essentielles à usage personnel, dentifrices 
classe 5 : produits de soins pour la peau compris dans cette classe; crèmes cosmétiques dermatologiques.

b. Par lettre du 26 août 1998 au mandataire de La Roche, le BBM a notifié le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt. 
Le Bureau a indiqué les motifs suivants : 
"Le signe ACTIVE C est composé de la qualité active (français/anglais pour actif) et de l’indication courante C (pour vitamine C) et es exclusivement descriptif pour la qualité des produits mentionnés dans les classes 3 et 5 en ce qui concerne la (vitamine) active C. Le signe est dès lors dépourvu de tout pouvoir distinctif au sens de l'article 6bis, par. 1er, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques(...)." 

c. Le mandataire de La Roche a fait opposition à ce refus provisoire par lettre du 15 février 1999. 

d. Le BBM n'y a pas vu motif à revoir sa décision de refus provisoire (lettre du 12 mars 1999). 

e. Par lettre du 19 mai 1999, le Bureau a notifié au mandataire de La Roche sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du dépôt. 

3. Sur le pied de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM), La Roche a demandé à la cour d'ordonner au Bureau de procéder à l'enregistrement du dépôt pour tous les produits précités dans les classes 3 et 5, du moins pour les produits cités dans le dépôt pour lesquels le signe ne peut pas être considéré comme un signe dépourvu de tout caractère distinctif. 
La Roche soutient que le signe ACTIVE C possède un caractère distinctif suffisant en rapport avec les produits pour lesquels le dépôt a été effectué. 

4. Le BBM conteste le point de vue de La Roche et a demandé de rejeter la requête. 

5. En vertu de l'article 6bis, alinéa 1er, début et sous a, de la LBM, l'enregistrement d'un dépôt doit être refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris. 
Cette disposition est libellée comme suit : 
"Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants: 
1. (...) 
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;". 

6. Il convient à présent de déterminer si la combinaison du mot et de la lettre “ACTIVE C” possède un caractère distinctif pour les produits (ou pour l’un ou plusieurs d’entre eux) dans les classes pour lesquels le dépôt a été effectué. 

7. La cour répond négativement à cette question pour les raisons suivantes. 

Le signe ACTIVE C est composé du mot “ACTIVE” et de la lettre “C”. Pour apprécier le caractère distinctif du signe, la cour examinera d’abord les éléments constitutifs du signe. Le terme “active” est aussi bien en français qu’en anglais descriptif pour “actif” ou “opérant”. La Roche n’a pas non plus démenti le caractère descriptif de ce terme. 
La Roche soutient que contrairement à l’opinion du BBM, la lettre C n’est pas une indication courante de la vitamine C, La Roche renvoyant aux autres significations de cette lettre comme carbone, Celsius, le disque dur d’un ordinateur. 
Même s’il fallait accepter comme étant exact le fait que la lettre C a différentes significations, cela ne veut pas dire pour autant que la combinaison mot-lettre a de ce fait un caractère distinctif. Pour apprécier celui-ci, il faut toujours considérer le signe en relation avec les produits pour lesquels il est déposé. Vu ces produits (les “cosmétiques”), le public concerné du Benelux ou une partie de ce dernier ne percevra pas la lettre C et certainement la combinaison mot-lettre C autrement que comme l’indication d’une qualité de ces produits et notamment comme une évocation (directe) de l’élément vitamine C. La cour retient entre autres à cet égard le fait que d’après les pièces produites et les produits exhibés à l’audience, il est fait référence régulièrement aux vitamines comme principe actif de ces produits sur le marché des cosmétiques/produits de toilette. 

Le signe ACTIVE C qui n’a au surplus rien d’extraordinaire est dès lors exclusivement descriptif pour les produits en classes 3 et 5 pour lesquels le dépôt a été effectué et il est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de la Convention de Paris pour ces produits. 

8. La conclusion précitée n’est pas infirmée par le fait que le Commentaire commun des Gouvernements relatif au Protocole du 2 décembre 1992 portant modification de la loi uniforme Benelux sur les marques mentionne que la politique de contrôle du BBM, qui doit encore être arrêtée dans des directives, devra être une politique de circonspection et de retenue, tenant compte de tous les intérêts de la vie économique et visant uniquement à faire régulariser ou à refuser les “dépôts manifestement inadmissibles”. La cour estime que ce passage est manifestement motivé par le souci d’assurer au déposant le bénéfice du doute dans les cas douteux mais qu’il n’a pas de signification autonome pour l’appréciation de la capacité d’un signe à servir de marque sans préjudice des marges d’appréciation consenties au BBM par la première directive du Conseil des CE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, n° 89/104 (JOCE 1989, L40). De plus, on ne peut pas affirmer que le refus litigieux du BBM serait contraire aux directives précitées. 

9. La Roche a encore fait valoir que le BBM a bien enregistré d'autres signes ayant moins de caractère distinctif. La cour considère cependant que chaque cas doit être jugé sur ses propres mérites. Pour la même raison, La Roche invoque vainement les enregistrements de "Active C" dans des registres de marques étrangers. La circonstance qu'un signe a été enregistré dans certains pays en dehors du Benelux n'implique pas forcément en effet que le signe aura également un caractère distinctif dans le Benelux, dès lors que la réponse à cette question dépend notamment des conceptions du public concerné à ce sujet. Il est apparu du reste que l'enregistrement du signe Active C a été refusé entre-temps dans différents pays (Allemagne, Suisse, Espagne et Portugal). 

10. Il suit de ce qui précède que la requête de La Roche doit être rejetée et qu'elle doit être condamnée aux dépens en tant que partie succombante. 

Décision 

La cour : 

rejette la requête de La Roche; 

condamne La Roche aux dépens de la présente procédure et fixe ceux-ci à f 3.875,- jusqu'à ce prononcé pour ce qui concerne le Bureau. 

La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Van Sandick et Van den Ende-Wiefkers, et prononcée à l'audience publique du 2 mars 2000 en présence du greffier.

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