Numéro de requête 200.005.498/01

Date
Instance
REC NL
Marque
123VIDEO
Numéro de dépôt
Déposant
WEBDETAIL MEDIA B.V.
Texte

Ordonnance


COUR D’APPEL DE LA HAYE

Secteur commerce

Cause numéro : 200.005.498/01

Numéro de requête (ancien) : R08/369

ordonnance de la cinquième chambre civile du 3 mars 2009


en cause de

WEBDETAIL MEDIA B.V.,
dont le siège est à Leek,
requérante,
dénommée ci-après : l’Etat,
avocat traitant: Me M. Ellens à Amsterdam,
avocat au procès : Me R. van Kessel à La Haye


contre


l’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE et son organe l’OFFICE BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
dénommé ci-après: l’Office,
représentants en vertu de l’art. 2.12 alinéa 2 CBPI: MM. C.J.P. Janssen et P. Veeze.


1. L’instance

Par requête parvenue au greffe de la cour le 22 avril 2008, Webdetail a demandé à la cour d’ordonner à l’Office de procéder à l’enregistrement du signe 123VIDEO comme marque verbale pour les services pour lesquels le dépôt a été effectué et de condamner l’Office aux dépens.

Par mémoire en défense parvenu au greffe de la cour le 6 juin 2008, l’Office a demandé de rejeter la requête de Webdetail et de condamner Webdetail aux dépens.

La procédure orale sur la requête a eu lieu le 29 septembre 2008. Les parties ont fait exposer à cette occasion leurs points de vue, Wedetail par Me Ellens et l’Office par monsieur Janssen.

2. Appréciation de l’appel

1. Les pièces de la procédure et les allégations des parties font apparaître ce qui suit :

a. Webdetail a effectué le 27 avril 2007 le dépôt d’une marque Benelux pour la marque verbal 123VIDEO pour les services suivants :
Cl 35 Publicité, gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; services administratifs; sondages d’opinion et réalisation d’enquêtes ; études de marché ; prospection de marché et analyse de marché ; mise à disposition d’espace publicitaire, y compris sur Internet et d’autres réseaux électroniques ; intermédiation pour le placement d’annonces, par voie électronique ou non ; démonstration par voie électroniquede produits et serves, également au profit du « teleshopping » et du « homeshopping ».
Cl. 38 Télécommunications, la mise à disposition de liaisons électroniques de télécommunication ; transmission d’informations par voie électronique, dont des informations commerciales ; la fourniture d’accès à Internet ; services de stations de radio, stations de télévision, stations d’émission ; la diffusion de programmes télévisés, de programmes de radio, films, musique, nouvelles ; la fourniture d’accès à une plateforme en ligne en vue d’envoi de messages, communiqués et « contenus multimédias » parmi les utilisateurs ; la fourniture d’accès à plusieurs utilisateurs à un réseau global d’information pour la diffusion d’informations.
Cl 41 Education, formation, divertissement, activités sportives et culturelles ; lédition et la publication de journaux, revues, livres, brochures et autres périodiques et imprimés, y compris par voie électronique, dont Internet ; services numériques de publication vidéo, audio et multimédias.
Cl 42 Conception et maintenance de sites Internet ; mise à disposition temporaire de logiciels non téléchargeables.

b. Le 24 mai 2007, l’Office a envoyé une décision provisoire de refus au mandataire de Webdetail. Il est mentionné que l’Office a décidé de radier l’enregistrement. Il est énoncé comme motif de refus :
« Le signe 123VIDEO est descriptif. Il est composé de l’indication de qualité courante 1 2 3 (pour très rapide) et du terme générique video. Ceux-ci peuvent servir à désigner l’espèce, la qualité et/ou la destination des services mentionnés dans les classes 35, 38, 41 et 42. La combinaison formée est aussi descriptive. Le signe est en outre dépourvu de caractère distinctif. Nous nous référons à l’article 2.11, alinéa 1er, sous b.et c. CBPI.

c. Par lettre du 23 novembre 2007, le mandataire de Webdetail s’est opposé au refus provisoire. Il a contesté que le signe serait dépourvu de caractère distinctif.

d. Par lettre du 8 février 2008, l’Office a averti le mandataire de Webdetail qu’il ne voyait dans sa lettre aucun motif de revoir la décision relative au refus provisoire.

e. Par lettre du 22 février 2008 au mandataire de Wedetail, l’Office a notifié sa décision définitive portant radiation de l’enregistrement.

2. Pour étayer sa requête, Webdetail soutient dans sa requête que le signe 123VIDEO n’est pas descriptif et possède un caractère distinctif pour les services dans toutes les classes, du moins (ce que comprend la cour) trois, sinon deux, sinon une des classes pour lesquelles il est déposé. Elle affirme que 123 n’est pas descriptif et que la combinaison de 123VIDEO est une tournure surprenante et entraîne une connotation supplémentaire et prime la simple somme des éléments constitutifs.

Le signe 123VIDEO est utilisé par Webdetail pour un site Internet user-generated video (comme le site de YOUTUBE).

3. Lors de la procédure orale, Wedetail a déclaré ne pas invoquer la consécration par l’usage.

4. L’article 2.11. alinéa 1er, CBPI est libellé comme suit :
L'Office refuse d'enregistrer une marque lorsqu'il considère que:
(…)
b. la marque est dépourvue de caractère distinctif’.
c. la marque est composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ;
(…)
Le libellé de l’article 2.11, alinéa 1er, sous b et c, est emprunté à l’article 3 de la directive 89/104/CEE (première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, JOCE 1989 L 40).

5. Entre autres dans ses arrêts du 4 mai 1999, NJ 2000, 269 (en cause Chiemsee) et du 12 février 2004, NJ 2006, 532 (en cause Postkantoor), la CJCE a souligné l’intérêt général à la libre disposition de certains signes.

Dans ce dernier arrêt, la cour a considéré :

« 53. (…) que, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, sont refusées à l'enregistrement les marques composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir dans le commerce pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels cet enregistrement est demandé.

54. Ainsi que la Cour l'a déjà jugé (…), l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive poursuit un but d'intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que lesdits signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque.

55. En effet, cet intérêt général implique que tous les signes ou indications pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé soient laissés à la libre disposition de toutes les entreprises afin qu'elles puissent les utiliser en décrivant les mêmes caractéristiques de leurs propres produits. Les marques composées exclusivement de tels signes ou indications ne peuvent donc faire l'objet d'un enregistrement, (…).

57. Il est indifférent qu'existent d'autres signes ou indications plus usuels que ceux composant ladite marque pour désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande d'enregistrement. (…)

97. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire que les signes ou indications composant la marque visés à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive soient effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques


de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l'indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d'enregistrement, en application de ladite disposition si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (…).

98. En règle générale, la simple combinaison d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé reste elle-même descriptive desdites caractéristiques, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive. En effet, le simple fait d'accoler de tels éléments sans y apporter de modification inhabituelle, notamment d'ordre syntaxique ou sémantique, ne peut produire qu'une marque composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner des caractéristiques desdits produits ou services.

99. Toutefois, une telle combinaison peut ne pas être descriptive, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, à condition qu'elle crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion desdits éléments. S'agissant d'une marque verbale, qui est destinée à être entendue autant qu'à être lue, une telle condition devra être satisfaite en ce qui concerne l'impression à la fois auditive et visuelle produite par la marque.

100. Ainsi, une marque constituée d'un mot composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive desdites caractéristiques, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, sauf s'il existe un écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu'il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent. Dans ce dernier cas, il y a alors lieu de vérifier si le mot qui a acquis une signification propre n'est pas lui-même descriptif au sens de la même disposition.

6. Il est généralement admis encore que le caractère distinctif d'une marque doit être apprécié, d'une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement de la marque a été demandé et, d'autre part, par rapport à la perception qu'en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

7. Le signe 123VIDEO est composé des indications 123 et VIDEO. L’indication VIDEO est descriptive pour la prestation de services dans le domaine de (la présentation de) la vidéo. Un-deux-trois est une indication appartenant au langage courant de ce qui est rapide et immédiat. Le consommateur moyen précité percevra 123 comme un synonyme de l’indication un-deux-trois et, ainsi qu’il ressort des exemples cités par l’Office, fait l’objet d’un usage multiple. La rapidité est une caractéristique générale (souhaitée) de la prestation d’un service, en particulier la prestation de services par Internet. La combinaison 123VIDEO ne présente pas un écart perceptible de la somme des éléments 123 et VIDEO. Il ne s’agit pas d’une invention lexicale

ni d’une tournure inhabituelle. Ceci vaut pour l’impression auditive produite par le signe, mais, vu notamment les nombreux exemples donnés par l’Office de combinaisons utilisées de 123 – entre autres dans la branche d’activité de Webdetail – et d’un substantif (comme 123-movie(s), 123moviedownload, 123movietrailers, 123film, 123adultvideo, 123-video), il en va de même pour l’impression visuelle. La cour estime que le public comprendra le signe 123VIDEO comme une description de la prestation rapide de services concernant les vidéos. Le signe est dès lors exclusivement descriptif pour les services concernant les vidéos, services pour lesquels le signe est déposé. Il est ainsi dépourvu de caractère distinctif pour ces services au sens de l’article 2.11, alinéa 1er, sous b et c CBPI.

8. Webdetail invoque vainement d’autres enregistrements de signes analogues. La cour considère que l’Office n’est pas lié par ses propres décisions antérieures ni par les décisions d’autres instances de contrôle. Le caractère distinctif du signe en cause doit être apprécié selon ses mérites propres.

9. La décision de l’Office implique que le signe est descriptif pour tous les services désignés lors du dépôt. Pour le cas où il faudrait lire dans la requête une demande subsidiaire d’enregistrer le signe dans trois, sinon deux, sinon une des classes pour lesquelles il est déposé, la cour ne peut pas statuer sur cette demande. La compétence de la cour est limitée au contrôle du bien-fondé de la décision de l’Office de refuser l’enregistrement tel qu’il a été soumis à l’Office. Cette limitation implique que la cour ne peut pas, ni sur demande du déposant, ni d’office, apporter une modification à la liste des produits et services présentée par le déposant en supprimant certains produits et services de cette liste et qu’elle n’est pas non plus compétente pour ordonner un enregistrement qui renferme, à un autre titre, des restrictions par rapport au dépôt apprécié et ensuite refusé par l’Office.

10. Il suit de ce qui précède que l’Office a décidé à bon droit de radier l’enregistrement. La demande de Webdetail sera rejetée.
Etant partie succombante, Webdetail sera condamnée aux frais de procédure exposés par l’Office. La cour fixera ces frais raisonnablement selon les modalités indiquées ci-après, en prenant en considération le fait que l’Office s’est fait représenter dans cette instance conformément à l’article 2.11., alinéa 2 CBPI.

3. Décision

La cour d’appel:

- rejette la requête de Webdetail;

- condamne Webdetail aux frais de la procédure et fixe ceux-ci pour l’Office jusqu’au prononcé à € 303,-- en provisions et à € 1.341,- à titre d’honoraires du mandataire;

La présente ordonnance a été prononcée par les conseillers A.D. Kiers-Becking, W.A.J. van Lierop et C.J. Verduyn, et a été prononcée à l’audience publique du 3 mars 2009 en présence du greffier.

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