Numéro de requête 2000/AR/762

Date
Instance
REC BE
Marque
300 MILJOEN EURO CONSUMENTEN
Numéro de dépôt
Déposant
I.T.M. Entreprises
Texte
Numéro d’arrêt: 2000/AR/762
 
I.T.M. Entreprises contre LE BUREAU BENELUX DES MARQUES
 
Prononcé: 18 mai 2006
Numéro d’arrêt: 2000/AR/762
 
La cour d’appel de Bruxelles, 9ème chambre,

après en avoir délibéré, prononce l’arrêt suivant:

en cause de:
 
I.T.M. Entreprises, société anonyme de droit français
dont le siège social est établi à 75015 Paris (France), rue Auguste Chabrières, 24,
Requérante,
représentée par Maîtres Fernand de Visscher et Emmanuel Cornu, avocats à 1050 Bruxelles, avocats à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149/20,
plaideurs: Maîtres E. Cornu et O. Klimis,
 
contre:
 
LE BUREAU BENELUX DES MARQUES
(en abrégé BBM),
service commun aux pays du Benelux
dont le siège est établi à 2591 XR La Haye (Pays-Bas), Bordewijklaan, 15,
Partie adverse,
représentée par Maître Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation et Maître Brigitte Dauwe, avocat, dont le cabinet est établi à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts, 47-51,
plaideurs: Maîtres L. De Gryse et C. Eyers.
 
 
I.            DECISION ATTAQUEE
 
Le recours est dirigé contre la décision du Bureau Benelux des marques (en abrégé BBM) du 14 janvier 2000 refusant l’enregistrement de la marque verbale «300 MILJOEN EURO CONSUMENTEN».
 
 
II.            PROCEDURE DEVANT LA COUR
 
Le recours est formé par requête, déposée par ITM au greffe de la cour, le 14 mars 2000.
 
La procédure est contradictoire.
 
Il est fait application de l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire.
 
 
III.        FAITS ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE
 
1.         ITM est une entreprise qui exploite des supermarchés sous l’enseigne Intermaché.

Le 5 août 1998, elle dépose au BBM, sous le n° de dépôt 084516, la marque verbale «300 MILJOEN EURO CONSUMENTENTEN» pour désigner les produits et les services suivants:

- Classe 16: produits de l’imprimerie, revues, catalogues, brochures, journaux, imprimés, magazines, prospectus publicitaires, argus, affiches, affichettes;
- Classe 35: Publicité, diffusion d’annonces publicitaires, location d’espaces publicitaires, régies publicitaires (services d’intermédiaires en placement d’annonces publicitaires); recrutement de sponsors; distribution de prospectus, d’échantillons, d’imprimés; publicité radiophonique, télévisée; relations publiques; organisation d’expositions et d’évènements à buts commerciaux et de publicité; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; conseils, informations et renseignement d’affaires;
- Classe 38: Télécommunications; communications radiophoniques, télévisées, par terminaux d’ordinateur; messagerie électronique; agences de presse et d’information (nouvelles); émissions radiophoniques, télévisées; diffusion de programmes radiophoniques, télévisées.
- Classe 41: Formation; éducation; édition de livres, de revues, de journaux, de magazine; organisation de concours et d’événement en matière d’éducation ou de divertissement; organisation et conduite de collogues, de conférence et de congrès; expositions à buts culturels, à buts d’education civique, expositions à buts d’éducation à la consommation; divertissements radiophoniques, télévisées.
 
Le 13 avril 1999, le BBM notifie au mandataire d’ITM, la société Hanssens, un avis de refus provisoire rédigé en ces termes:
 
Le signe 300 MILJOEN EURO CONSUMENTEN se compose uniquement d’une expression banale et usuelle et est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits et services mentionnés en classes 16, 35, 38 et 41 pour autant qu’ils aient trait aux consommateurs européens (…). La combinaison des éléments n’est pas de nature à conférer au signe un quelconque caractère distinctif.

Par courrier du 11 octobre 1999, la société Hanssens conteste la position prise par le BBM.

le 25 octobre 1999, le BBm déclare maintenir sa décision et notifie, le 14 janvier 2000 un refus définitif.
 
2.         ITM introduit un recours contre cette décision.

Elle demande à la cour d’ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux n° 084516 de la marque verbale 300 MILJOEN EURO CONSUMENTEN pour désigner des produits et des services des classes 16, 35, 38 et 41.

IV.            DISCUSSION

3.         En vertu de l’article 6 bis, 1, de la LUBM, inséré par le Protocole du 2 décembre 1992 (approuvé par la loi du 11 mai 1995):
 
«le Bureau Benelux des Marques refuse de d’enregistrer un dépôt lorsqu’il considère que a) le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris; (…)»;
 
Cette disposition doit être interprétée à la lumière des dispostions de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres de l’Union Européenne sur les marques.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive;
 
«sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés:
a)                 les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b)                 les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c)                 les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;
d)                 les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce».
 
Il suffit que l’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque (CJCE 19 septembre 2002, C-104/00 P, Companyline).
 
1.-        Sur le caractère descriptif (article 3, par. 1, sous c)

4.         L’article 3, par. 1 sous c) de la directive poursuit un but d’intérêt général qui exige que les marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir dans le commerce pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utlisées par tous. Cette dispositon empêche, dès lors, que lesdits signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (CJCE 12 février 2004, C-363/99, Postkantoor, point 54).

Par ailleurs, les motifs absolus de refus à l’enregistrement d’une marque doivent être appréciés par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.
 
5.         La marque déposée est constituée des mots 300, MILJOEN, EURO et CONSUMENTEN.

Le public pertinent, à savoir les consommateurs qui f’requentent les supermarchés, en ce compris le public francophone, n’a aucune peine à le comprendre comme étant constitué par la phrase «300 millions d’euro-consommateurs». Ce public est non seulement consommateur des produits vendus dans les supermarchés mais également des outils de communication visés dans les classes 16, 35, 38 et 41.

Contrairement à ce que soutient ITM, la combinaison du terme euro avec celui de consommateur ne constitue pas une invention lexicale. Euro, outre qu’il désigne la monnaie européenne, est un préfixe largement employé dans le langage courant pour désigner une entreprise, une institution, un produit, un service ou une activité en rapport avec l’Europe ou située en Europe (cf. chemise III du dossier du BBM). En outre, le terme euro-consommateur est fréquemment utilisé pour désigner le consommateur européen, comme le sont euro consumer en anglais, Euro konsument en allemand et euro consument en néerlandais (cf. pièces III.5, III.7b et III.8 du dossier du BBM). Le fait que ce terme ne se trouve pas (encore) dans un dictionnaire n’implique pas qu’il faut en déduire qu’il aurait un caractère distinctif (TPI 12 janvier 2000, T-19/99, Companyline).

Chacun des termes de la marque désigne une des caractéristiques des produits et des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, à savoir le marché auquel ceux-ci sont destinés. En effet:

- 300 millions indique le nombre de personnes susceptibles d’être touchées par les revues, cataloques, prospectus et annonces publicitaires en tout genre, communications électroniques, radiodiffusées ou télévisées, programmes de formation, conférences, congrès, etc.;
- euro leur localisation, c’est-à-dire en Europe (et pas le fait qu’ils utlisent l’euro comme monnaie);
- consument leur qualité de consommateurs.
 
Le signe, considéré dans son ensemble, ne s’écarte pas de la perception qui peut être déduite de la somme des termes employés et ne présente aucune caractérique additionnelle susceptible de lui conférer un caractère distinctif.
 
300 MILJOEN EURO CONSUMENTEN désigne donc bien la catégorie de consommateurs à laquelle les produits et services sont destinés.

6.         En son temps, la Cour de Justice Benelux avait considéré qu’un vocable appartenant au langage courant, évoquant la catégorie de consommateurs à laquelle le produit est plus particulièrement destiné, ne pouvait être considéré comme exclusivement descriptif que si ce vocable, toutes circonstances de la cause prises en considération, ne pouvait être entendu autrement que comme l’indication de la destination du produit de telle sorte que les tiers seraient empêchés d’indiquer la même destination de produits identiques ou similaires de la manière usuelle dans le langage courant (CJ Benelux, 19 janvier 1981, A 80/3 Kinder).

Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que le signe ne comporte aucun autre terme qui ne soit pas descriptif.

En outre, dans l’état actuel de la jurisprudence, il importe peu que le signe ait, le cas échéant, plusieurs significations possibles. Un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne un caractéristique des produits ou services concernés (CJCE 23 octobre 2003, C-191/01 P, Doublemint), ce qui est le cas en l’espèce.

Enfin, ITM ne prétend pas que le signe qu’elle a déposé aurait acquis un caractère distinctif suite à l’usage qui en aurait été fait.

Il s’en déduit que la marque proprosée à l’enregistrement sera perçue par le public pertinent comme désignant une caractéristique des produits et services et pas comme distinguant ces produits et services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

Par ailleurs, l’intérêt général commande en priorité que toutes les entreprises puissent librement désigner dans leur communication, et notamment dans leurs brochures publicitaires, l’ensemble des consommateurs de l’Union européenne auxquels elles s’adressent et que l’usage du signe 300 MILJOEN EURO CONSUMENTEN ne soit pas exclusivement réservé à une entreprise.

2.         Sur le caractère distinctif (articles 3, par 1, sous b)

7.         Une marque verbale qui est descriptive des caractériques de produits ou de services au sens de l’article 3, par. 1, sous c) de la directive, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services au sens de la même disposition sous b) de la directive (CJCE, arrêt Postkantoor déjà cité, n° 86).

Le recours n’est dès lors pas fondé.

V.            CONCLUSION

Pour ces motifs, la cour,

1.         Dit le recours recevable mais non fondé.

En déboute ITM.

2.         Met les dépens à charge d’ITM.
Ces dépens s’élèvent à 185,92+52,06+237,98 € pour elle et à 237,98 € pour le BBM.

Ainsi jugé et prononcé en audience civile publique de la neuvième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le 18-05-2006

où étaient présents:

Martine REGOUT, Conseiller, ff. Présidient,
Henry MACKELBERT, Conseiller,
Els HERREGODTS, Conseiller,
Patricia DELGUSTE, Greffier.
 
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