Numéro de requête 2002/AR/168

Date
Instance
REC BE
Marque
DIGITAG
Numéro de dépôt
Déposant
Construction Diffusion Vente Internationale S.A.
Texte
R.G. : 2002/AR/168
 
CONSTRUCTION DIFFUSION VENTE INTERNATIONALE contre BBM
 
Prononcé: 25 février 2005
R.G. : 2002/AR/168
 
en cause de
 
CONSTRUCTION DIFFUSION VENTE INTERNATIONALE,
société anonyme de droit français dont le siège social est établi à 93500
Pantin (France), avenue du Général Leclerc, 31,
Requérante,
Représentée par Maitres Femand de Visscher, Emmanuel Comu et Françoise Jacques de Dixmude, avocats à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149/20,
Plaideurs : Maitres E. Cornu et Fr. Jacques de Dixmude,
 
contre
 
BUREAU BENELUX DES MAROUES,
service commun aux pays du Benelux, institué par la Convention Benelux en matière de marques de produits, ayant la personnalité juridique, dont le siège est établi à 2591 XR La Haye (Pays?Bas), Bordewijklaan, 15,
Intimé,
Représenté par Maitre Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation et Brigitte Dauwe, avocat, dont le cabinet est établi à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts, 47?51,
Plaideur : Maitre L. De Gryse.
 
Vu la requête déposée au greffe de la cour le 22 janvier 2002 par laquelle la requérante introduit un recours à l’encontre du refus du
 
La cour d’appel de Bruxelles, après en avoir délibéré, prononce l’arret suivant:
 
Bureau Benelux des Marques (ci-après BBM) de procéder à l'enregistrement de la partie Benelux de 1'enregistrement international n° 725011 de la marque verbale « DIGITAG n pour désigner des produits de la classe 9, décision notifiée le 23 novembre 2001;
Vu les conclusions des parties ;
 
I            Antécédents du litige
 
1.         La requérante a déposé, le 25 juin 1999, la marque verbale « DIGITAG » en France pour des produits relevant de la classe 9 au sens de l'arrangement de Nice concemant la classification des produits et des services aux fins de I'enregistrement des marques, du 15 juin 1957 et qui correspondent à la description suivante : « dispositifs électriques de controle d 'accès et d'identiftcation ».
 
Suivant les explications foumies par la requérante au BBM, ces dispositifs électriques de controle d'accès et d'identifícation font usage, comme moyens d'identification, de cartes magnétiques, cartes à puce et autres dispositifs du méme genre (lettre de son mandataire du 7 février 2001) ;
La classe 9 regroupe les produits suivants
Classe 9:            Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesaue, de mesurage, de signalisation, de contróle (inspection), de secours (sauvetage) et d'enseignement; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, I'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique; appareils pour I'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de I'information et les ordinateurs; extincteurs.
Sur la base de cet enregistrement, la requérante a effectué, le 16 décembre 1999, auprès de DOMPI un dépót international de cette marque en revendiquant la protection du signe sur le territoire du Benelux.
 
2.         Par courrier du 9 janvier 2001, le BBM a informé l’OMPI et la requérante du refus provisoire d'enregistrement au motif que « le signe DIGITAG, composé de l'abréviation usuelle digi (pour digital) et de la dénomination générique tag (anglais pour étiquette, référence), est dépourvu de tout caractère distincitf pour les produits mentionnés en classe 9 pour autant qu’ils aient trait aux étiquettes digitales (voir articIe 6bis, par. 1er, sous a de la Loi Uniforme Benelux sur les rnarques) ».
 
Le BBM qualifiait son refus de « refus total ».
 
3.         Il ressort de la correspondance échangée entre le BBM et le mandataire de la requérante, que la requérante a contesté tant le sens que le BBM attribuait aux éléments qui component le signe que les critères utilisés par celui?ci pour apprécier le caractère distinctif du signe par rapport aux produits pour lesquels était demandé l'enregistrement du signe.
 
Elle a également fait valoir que la demande d'enregistrement ne devait pas étre examinée pour des produits correspondant à la description « étiquettes électroniques » ? qu'elle disait ne pas connaitre?, mais bien pour les produits mentionnés dans la demande.
 
S'agissant de ce qu'il entendait par « étiquettes électroniques », le BBM a indiqué ce qui suit : « par cette définition reprise dit Sybex, le Bureau entend une sorte de dispositif glui read I'identification possible. Qu’il s'agisse maintenant d’une carte rnagnétique ou d'un code barres, les deux systèmes sont désignés par le méme mot. Il s'agit donc bien d'un produit existant » (lettre du 23 mars 2001).
 
4.         Par courrier du 23 mars 2001, le BBM a fait savoir qu'il maintenait sa décision de refus provisoire « dans la mesure où le public intéressé ne pourra pas reconnaïtre au signe déposé sa fonction d’identification de l’entreprise productrice, et donc ne le reconnaitra pas comme marque ».
 
Par courrier du 9 juillet 2001, le BBM précisait ce qui suit
« Nous n'avons pu que constater que la marque est composée exclusivement de deux sigrres pouvant servir, dans le comrnerce, à désigner la qualité (digi) et l 'espèce (tag) des produits revendiqués pour la classe 9. Elle ent donc dépourvue de pouvoir distinctif »(souligné par le BBM).
 
Le 23 novembre 2001, le BBM notifia au mandataire de la requérante, dont le siège est en Belgique, sa décision de refus définitif.
 
II            Conclusions des parties
 
5.         La requérante conclut à ce qu’il plaise à la cour:
? à titre principal, ordonner au BBM d'accorder la protection au Benelux à l'enregistrement international n° 725011 de la marque verbale « DIGITAG » pour désigner des dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification en classe 9 ;
? à titre subsidiaire, ordonner au BBM d'accorder la protection au Benelux à l'enregistrement international n° 725011 de la marque verbale « DIGITAG » pour désigner les produits et des services de la classe 9 suivants : « Dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification, à 1'exclusion des étiquettes digitales » ;
? en toute hypothèse, condamner le Bureau Benelux des Marques aux dépens.
 
6.         Le BBM conclut à ce qu'il plaise à la cour
? dire pour droit que le BBM a légalement refusé l'enregistrement de la marque « DIGITAG » pour les produits de la classe 9 ;
? déclarer en conséquence le recours non fondé;
? condamner la requérante aux dépens ;
 
III         En droit
 
A.         Le cadre iuridique
 
7.         L'article 2 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, approchant les législations des Etats membres sur les marques, ci?après « la directive » , intitulé « Signes susceptibles de constituer une marque », dispose « Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d 'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de. personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une eetreprise de ceux d 'autres entreprises. »
L'article 3 de la directive, que énumère les motifs de refus ou de nullité de l'enregistrement, prévoit, en son paragraphe 1:
 
 
“Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'étre déclarés nuls s'ils sont enregistrés:
a)            les signes qui ne peuvent constituer une rnarque ;
b)            les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;
 
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le comrnerce, pour désigner l 'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique où l 'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux?ci ;
 
c)            les rnarques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;
(….)
 
8.         La loi uniforme Benelux sur les marques, ci?après la “LBM”, ? avant sa modification par le protocole du 11 décembre 2001 - dispose, en son article 6 bis, paragraphes 1 à 4
 
« 1. Le Bureau Benelux des marques refuse d'enregistrer un dépót lorsqu'il considère que
a) le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de I'article 1er, notamrnent pour défaut de tout caractère distinctif cornme prévu à
l’article 6 quinquies B, soiis 2, de la convention de Paris ;
b) le dépót se rapporte à une marque visée à l 'article 4, sous 1 et 2.
2. Le refus d 'enregistrer dolt concerner le signe constitutif de la marque en son intégralité. Il peut se limiter à un ou plusieurs des produits auxquels la marque est destinée.
3. Le Bureau Benelux inforrne le déposant sans délai et par écrit de son intention de refuser l 'enregistrement en tout ou en partie, lui en indique les motifs et lui donne la faculté d y répondre dans un délai à fixer par règlement d 'exécution.
4. Si les objections du Bureau Benelux contre I'enregistrement n'ont pas été levées dans un délai imparti, I'enregistrement du dépót est refusé en tont ou en partie. Le Bureau Benelux informe le déposant sans délai et par écrit en indiquant les motifs du refus et en mentionnant la voie de recours contre cette décision, visée à I'article 6 ter. »
 
B.         A titre liminaire, sur la portée de la décision attaquée (refus total ou refus partiel d'enregistrement)
 
9.         La requérante considère que la décision attaquée est susceptible de deux interprétations en raison du fait que le BBM a indiqué, dans les motifs de sa décision, que le signe DIGITAG était dépourvu de tout caractère distinctif « pour les produits rnentionnés en classe 9 pour autant qu'ils aient trait arrx étiquettes digitales » (souligné par la cour).
 
Suivant une première interprétation, la marque aurait été refusée à l'enregistrement pour les produits indiqués comme suit dans la demande d'enregistrement : `dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification'. Il s'agirait dans ce cas d'un refus total.
 
Suivant une deuxième interprétation, la marque aurait été refusée à l'enregistrement pour les produits suivants : `étiquettes digitales'. De tels produits ne seraient pas visés par la demande d'enregistrement, ou ne constitueraient qu'une sous catégorie de ces produits, créée par le BBM.
 
10.       Le BBM soutient quant à lui que les termes < étiquettes digitales », se rapportent aux produits visés dans la demande et non à d'autres produits de la classe 9.
 
Il expose que par les motifs reproduits plus haut, il s'est borné à indiquer le rapport entre les produits regroupés dans la classe 9 et les produits spécifiques pour lesquels l'enregistrement de la marque était demandé.
 
11.       Dès lors que l'enregistrement de la marque DIGITAG a été demandé au regard des produits spécifiques mentionnés dans la demande, sans exception, et que le refus d'enregistrement a été qualifié de total par le BBM, seule la première interprétation proposée par la requérante s'impose.
 
La marque n'ayant pas été enregistrée, il n'existe en outre aucune insécurité juridique quant à la portée de la décision, ni pour la requérante, ni pour les tiers.
 
Cette conclusion s'impose à supposer méme que les produits pour lesquels l'enregistrement de la marque a été demandé soit ne correspondent pas à ce qu'il y aurait lieu d'entendre par des “étiquettes digitales”, soit ne sont pas susceptibles d'étre désignés tous par ces termes.
 
C.         Sur le recours, en ce qu'il tend en ordre subsidiaire, à entendre ordonner au BBM 'enregistrer la marque DIGITAG pour les produits visés dans la demande « à l'exception des etiquettes digitales ».
 
12.       La requérante a déposé le signe « DIGITAG » au BBM à des fins d'enregistrement pour des « Dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification » , en indiquant qu'il s'agissait de produits repris dans la classe 9. Elle n'a pas envisagé la possibilité d'un enregistrement partiel au BBM et celui?ci a refusé l'enregistrement sans exception.
 
13.       La cour d'appel de Bruxelles ne peut pas connaitre des prétentions qui sortent du cadre de la décision du BBM ou qui ne lui ont pas été soumises (Cour de Justice Benelux, 15 décembre 2003, A 2002/2, Langs Vlaamse Wegen).
Dès lors que le BBM s'est bomé à rendre une décision sur l'ensemble des produits visés par la demande d'enregistrement, la cour n'est pas autorisée à donner un ordre d'enregistrer la marque DIGITAG pour des dispositifs de contróle d'accès et d'identification à l'exception des étiquettes digitales, à supposer méme que le signe DIGITAG ne soit pas descriptif par rapport à tous les produits couverts par les termes « Dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification ».
 
14.       Ainsi que la Cour de Justice des Communautés européennes l'a indiqué, il ne saurait étre admis que, lorsque l'enregistrernent est demandé pour des produits donnés, le BBM puisse n'enregistrer la marque que pour autant que lesdits produits ne présentent pas une caractéristique déterminée. Une telle pratique serait de nature à entrainer une insécurité juridique quant à l'étendue de la protection de la marque (arrét du 12 février 2004, C?363/99, Postkantoor, points 111-117).
Pour la même raison, il ne saurait étre admis que le BBM puisse procéder à un enregistrement partiel d'une marque en formulant, par rapport aux produits visés à l'acte de dépót, des réserves par simple référence aux motifs de refus pris en compte pour justifier un enregistrement partiel, c’est?à?dire sans indiquer, de manière directe, les produits pour lesquels la marque est enregistrée.
Le Bureau n'aurait pu procéder à l'enregistrement de la marque DIGITAG pour des dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification en stipulant, par exemple, que l'enregistrement est accepté à condition que lesdits produits soient dépourvus des caractéristiques prises en considération pour constater que le signe est descriptif à l'égard desdits produits, ou sauf pour les produits qui pourraient étre désignés par les termes « étiquettes digitales » ou qui seraient munis d'une « étiquette digitale ».
 
La cour ne saurait dès lors ordonner un tel enregistrement.
 
D.         Sur le recours en ce qu'il tend, en ordre principal, à entendre ordonner au BBM d'enregistrer la margue DIGITAG pour les produits visés dans la demande d'enregistrement.
Sur les moyens présentés par la requérante, tirés de l'absence de motivation de la décision attaquée
 
15.       La requérante soulève divers moyens de forme qui reposent sur la considération qu'en indiquant que le signe DIGITAG est dépourvu de pouvoir distinctif « pour les produits mentionnés en classe 9 pour autant qu'ils aient trait à des étiquettes digitales », le BBM a:
- soit créé une sous catégorie de produits, correspondant à la description ‘étiquettes digitales', parmi les produits visés au dépót qui sont « des dispositifs électriques de controle d‘accès et d 'identification » ;
? soit visé dans sa motivation des produits pour lesquels l'enregistrement de la marque n'était pas demandé.
 
Elle déduit dans la première hypothèse que le BBM ne pouvait sans se contredire, considérer que le signe était dépourvu de caractère distinctif pour des étiquettes digitales, et refuser l'enregistrement pour l'ensemble des produits visés dans la demande d'enregistrement.
 
Elle ajoute qu'en ce qui concerne les produits visés au dépót, autres que des étiquettes digitales, la décision de refus total n'est pas motivée puisque c'est au regard des seules étiquettes digitales que le BBM a constaté que le signe DIGITAG était dépourvu de pouvoir distinctif.
 
Elle déduit, dans la seconde hypothèse, que le motif invoqué est étranger aux produits mentionnés dans la demande d'enregistrement de sorte que le refus n'est en rien motivé.
 
16.       Les motifs absolus de refus à l'enregistrement d'une marque, que sont l'absence de caractère distinctif et le caractère descriptif du signe, doivent étre appréciés par rapport aux produits ou aux services peur lesquels l'enregistrement est demandé. Toutefois, lorsque l'enregistrement d'une marque est demandé, non au regard d'une classe entière de l'arrangement de Nice, mais au regard seulement d'une catégorie ou d'une sous catégorie de produits ou de services, cette appréciation ne doit pas nécessairement porter sur chaque produit ou service susceptible de relever de la définition des produits concemés, donnée par le déposant.
 
Lorsque, comme en l'espèce, l'enregistrement d'un signe comme marque est demandé sans distinctions pour un type de produits et que le signe est descriptif par rapport à une partie de ces produits, le motif de refus absolu s'applique néanmoins à ce signe pour l'ensemble des produits (Comp, TPI, 7 juin 2001, DKV/OHMI (Eurohealth), T?359/99, Ree., p.II?1645, point 33).
 
Dès lors, à supposer méme que le BBM ait constaté le caractère descriptif du signe DIGITAG non pour l'ensemble des produits relevant des termes « dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification », mais seulement pour certains produits relevant de cette catégorie, il ne saurait étre considéré que le refus d'enregistrement n'est pas motivé par rapport à l'ensemble des produits pour lesquels l'enregistrement est demandé.
 
17.            S'agissant de la seconde hypothèse, c’est à juste titre que la requérante rappelle que I'absence de caractère distinctif et le caractère descriptif d'une marque, motifs absolus de refus, ne peuvent étre appréciés que par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement du signe est demandé.
 
Mais contrairement à ce qu'elle soutient, la question de savoir si le BBM a violé cette règle en motivant son refus total par la considération que le signe DIGITAG est dépourvu de caractère distinctif « pour les produits mentionnés en classe 9 pour autant qu'ils aient trait à des étiquettes digitales », relève de l'appréciation au fond de la décision attaquée, et nullement de l'appréciation du respect par le BBM de l'obligation qui pèse sur lui de motiver sa décision de refus provisoire ou définitif.
 
Il est établi qu'en l'espèce, le BBM a motivé son refus total d'enregistrer la marque en indiquant les objections à l'encontre de l’enregistrement demandé.
 
Sur les moyens présentés par la requérante, liés au bien fondé du motif du refus
 
a.         Les motifs de la décision attaquée
 
18.       Selon le BBM, la marque DIGITAG est composée de deux éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits concemés.
 
La marque serait composée d'un premier élément « DIGI ». Il s'agirait de I'abréviation usuelle du mot digital.
 
S'agissant de ce premier élément, le Bureau a précisé ce qui suit
 
? Cette abréviation est devenue d'un usage tellement courant et banal pour définir la qualité « digitale » des équipements électroniques quélle ná aucun pouvoir distinctif, permettant au public intéressé d’identifier une entreprise quelconque dans cette branche de l'industrie (lettre du 23 mars 2001)
? `Digi’ s’applique à la qualité «digitale» ajourd’hui couramment employée dans ce sens et mème passée dans des noms génériques comme « Digicode »
? L'abréviation « digi » a perdu depuis longtemps sa fonction de suggestion, par l’usage intensif qui en est fait dans le commerce (...)
Pour le Bureau « digi » n’a aucun double sens (lettre du 9 juillet 2001).
 
Le second élément « TAG », serait quant à lui une dénomination générique des produits concemés. Le Bureau a précisé sa position comme suit:
 
?          Le raisonnement du Bureau s'appuie sur la perception du public intéressé par les produits de votre cliente. II tombe sous le sens que le consommateur moyen, intéressé par les dispositifs électriques de contróle d 'accès et d 'identification connalt le sens du mot « tag » dans cette branche, dans laquelle l'anglais devient de jour en jour la langue véhiculaire. Le mot « tag » se traduit en général par « something used for identification », ou « a cardboard, metal, plastic used for identification » (voir Webster). Dans les dispositifs à technologie numérique, il s'entend par « étiquelle, ou référence ».
 
Ceci étant, les cartes magnétiques, ou cartes à puce font usage de cette technologie. Aujourd’hui, la carte magnétique est devenue d'un usage banal pour ouvrir la porte (au sens propre) d'une entreprise. Elle est distribuée notamment dans ce but aux employés qu'elle permet d'ideritifier au moment de leur arrivée sur leur lieu de travail.
 
Elle fonctionne évidemment à l'aide d'un dispositif électrique. Elle porte le nom de « tag » en anglais, langue comprise et parlée par une large part du public au Benelux, particulièrement visé par votre cliente (lettre du 23 mars 2001).
 
?          La dénomination générique « tag » se trouve dans n’ ímporte quel dictionnaire informatique (...) (lettre du 9 juillet 2001).
 
Le Bureau a indiqué, en réponse aux critiques soulevées par la requérante en ce qui concerne l'élément TAG, que 'Digitag appliqué sur le produit offert à un public familiarisé avec la technologie digitale (puisqu’il est appelé à recourir audit produit) ne pourra susciter « moins d'un effort d'imagination vraiment exceptionnel chez le consornmateur ?aucune association d 'idées avec le «jour » allemand, le bétail à cornes, ou les graffitis plus ou moins bien inspirés de certains adeptes de la couleur en bombe. II ne peut s'agir que d'un « tag» « digital», sans aucune connotation arbitraire. '
 
Au cours de la procédure administrative, la requérante avait fait valoir que le mot TAG
? avait une signification précise en français, soit suivant le Larousse « Graffiti constitué d'une signature très déformée que des jeunes marginaux tracent sur les murs, sur les voitures de chemin de fer ;
?            signifiait jour en allemand ;
 
Elle avait également fait valoir qu'en anglais, TAG avait plusieurs significations, qu'utilisé dans le sens ou le BBM l’entend, il désigne un marqueur notamment en carton, plastique ou métal, utilisé comme rnoyen d'identification, et donc essentiellement un dispositif attaché à ce qu'il entend identifier et que le consommateur moyen, habitué à utiliser des cartes portant des systèmes électroniques/magnétiques n'a, quelle que soit sa connaissance de l'anglais, aucune raison d'associer ce genre de produit à un « tag», alors que les anglophones eux?mêmes les désignent par « card », ou éventuellement « badge », mais certainement pas « par « tag » qui le ramènerait au rang d'un animal de boucherie portant rivé à l'oreille une étiquette qui, elle se traduit correctement par «tag»».
 
b.         Sur les produits concemés
 
19.       La marque a été refusée pour les produits visés dans l'acte de dépót au motif que le signe était dépourvu de pouvoir distinctif pour les produits mentionnés en classe 9 pour autant qu`íls aient trait aux étiquettes digitales » considérant que la marque était exclusivement composée de signes désignant l'un, I'espèce, l'autre une caractéristique des produits concernés.
 
Il ressort de l'ensemble des motifs avancés par le Bureau au cours de la procédure administrative que celui?ci a pris l'initiative de désigner les produits concemés par les termes « étiquettes digitales», sans établir que ces termes étaient effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives desdits produits ou de leurs caractéristiques, alors que la requérante soulignait qu'elle n'avait pas déposé la marque pour des « étiquettes digitales », produits qu'elle ne connaissait pas.
 
C'est dès lors en s'inspirant de la marque DIGITAG elle?même et de la signification qu'auraient les éléments qui la composent qu'il a désigné les produits concernés par les termes « étiquettes digitales » pour conclure à l'absence de pouvoir distinctif du signe « DIGITAG ».
 
Or la question de savoir si le consommateur moyen perçoit une marque comme étant dépourvue de caractère distinctif à l'égard des produits visés au dépót ou comme étant descriptive de ces produits, doit être appréciée par rapport aux produits mentionnés dans la demande d'enregistrement, en tenant compte des signes usuels pour désigner les mémes produits ou leurs caractéristiques.
 
Certes, un signe verbal doit être refusé à l'enregistrement, non seulement lorsqu'il est effectivement utilisé, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives des produits concemés, mais également si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits concernés (CJCE, arrët du 23 octobre 2003, C?191/01 P, point 32 et arrét du 12 février 2004, C?363/99, point 97). Il ne s'en suit pas que le signe puisse se voir opposer un refus d'enregistrement au regard de produits désignés par l'autorité compétente par des termes qui ne sont pas encore effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, pour désigner lesdits produits. Une telle pratique serait de nature à vider de sa substance l'obligation qui pèse sur l'autorité d'apprécier les motifs de refus de la marque au regard des produits pour lesquels la marque est déposée, lesquels ne peuvent étre déterminés avec certitude qu'en tenant compte des signes verbaux effectivement utilisés pour les désigner. C'est donc en vain que le BBM fait grief à la requérante ? qui conteste avoir déposé le signe pour des « étiquettes digitales » en soulignant ne pas connaitre de tels produits?, de méconnaitre ainsi Ie sens du mot DIGITAG, en particulier le sens de TAG qui en anglais signifierait « étiquette » (conclusions additionnelles, n° 1.3).
 
20.       Rien ne permet de constater que les termes « étiquettes digitales » par lesquels le Bureau entend désigner les produits au regard desquels l'enregistrement est demandé, et aucun autre produit de la classe 9, sont connus du public concerné ou communément utilisés dans le commerce pour désigner les produits qui, dans la demande d'enregistrement, sont désignés par les termes « dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identifcation ».
Le Bureau n'a d'ailleurs pas prétendu, lors de l'appréciation des motifs de refus, que le mot « étiquette », ou les mots « étiquettes digitales », ou leur traduction dans une des langues officielles du Benelux, servaient à désigner de tels produits. Le Bureau a seulement précisé ce qu'il entendait lui?même par « étiquette électronique », soit « une sorte de dispositif qui rend l'identification possible » (lettre du 23 mars 2001), en se référant à une explication du mot « tag », reprise du guide Sybex relatif aux termes utilisés en langue anglaise, dans laquelle apparait dans les exemples cités le mot « étiquettes » , sans qu'il puisse en étre déduit qu'il s'agirait d'une traduction du mot tag (pièce III?8 de son dossier : ‘une grande étiquette avec un code barre est la plupart du temps appelée 'label'. Littéralement marquage. Supertag est une forme de codage de produits qui est testé à titre expérimental dans des grandes surfaces etc., et par lequel les étiquettes soit déchiffrées par des ondes radio' (traduction libre).
 
S'agissant des produits visés dans la demande d'enregistrement, il a utilisé des termes tels que `carte magnétique' ou ` carte à puce', mais nullement les termes « étiquettes digitales ».
 
21.       Il résulte de ce qui précède qu'en indiquant que le signe DIGITAG est dépourvu de pouvoir distinctif pour les produits mentionnés en classe 9 «pour autant qu'ils aient trait à des étiquettes digitales », le BBM n'a pas justifié légalement le motif de refus du signe DIGITAG au regard des produits visés dans la demande d'enregistrement.
 
c.         sur le pouvoir distinctif du signe DIGITAG au regard des produits visés dans la demande d'enregistrement.
 
22.       Vu ce qui précède, il appartient à la cour de statuer sur la demande d'enregistrement du signe DIGITAG au regard des produits visés dans cette demande, et de dire si le signe est digne de protection, en prenant en considération la marque telle qu'elle a été déposée et tous les faits et circonstances pertinents dont elle a connaissance.
 
Les procédures visées aux articles 6bis et 6ter de la loi uniforme tendent en effet à un examen de la demande d'enregistrement qui implique une appréciation in concreto du signe au regard des critères énoncés à l'article 6bis, paragraphe 1, de la loi uniforme (CJCE 12 février 2004, C?363/99, op.cit, point 36 et Cass. 13 mai 2004, n° C.00.0472.N).
 
23.            Contrairement à ce que soutient le BBM, il n'est pas établi que le mot « Tag » avait, au moment du dépót, un caractère descriptif des produits en cause.
 
Ce mot a une signification précise en français et en néerlandais, qui est la même.
 
D'après le dictionnaire historique de la langue française (Dictionnaire Robert, tome 3, page 3741), le mot « Tag » est emprunté dans les années 1980 à l'anglo?américain tag qui signifie : « label, étiquette décrivant sommairement un objet (paquet, bagage) et permettant de l'identifier » ou « signature, graphisme sur un badge » , ce dernier sens ayant pris les proportions d'un véritable phénomène culturel lorsqu'est née une nouvelle génération de graffiteurs.
 
En allemand, tag signifie jour.
 
Dans le langage informatique, ce mot est connu par les spécialistes comme étant « une balise formée de caractères spéciaux servant à repérer des parties de texte devant recevoir un traitement particulier » (www.Encyclopédie.linternaute.com/définitions ; www.dictionary.reference.com).
 
Il n'est pas produit d'éléments objectifs permettant de constater que dans les langues du Benelux, le mot tag serait utilisé pour désigner des cartes à pistes magnétiques, des cartes munies d'un code à barre, des cartes à puce, ou des cartes permettant l'échange d'informations à distance, et il ne se rapporte dès lors pas à des dispositifs électriques de contróle d'identification et d'accès. II ne constitue pas aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits concernés.
 
En anglais, le mot ne revêt pas non plus la signification que le BBM lui donne. C'est à juste titre que la requérante souligne qu'en anglais, ce terme n'est pas utilisé pour désigner tout dispositif quelconque pouvant servir à l’identification.
 
La définition du mot tag reprise dans le Webster, dont s'est inspiré le BBM, est « a cardboard plastic or metal marker used flor identification or classification » (souligné par la cour), qui se traduit pas « un marqueur de carton, de plastique, ou en métal utilisé pour l'identification ou la classification ». Le substantif « marker » indique que tag se rapporte à un dispositif attaché matériellement à la chose qu'il sert à identifer, caractéristique que ne revêtent pas les produits concernés, ce qui n'est pas contesté.
 
L'usage du vocable « nametag » par la société française Sogedex (pièce lII, 5 du dossier du BBM) nest à cet égard pas pertinent puisqu'il ressort des éléments produits qu'il est utilisé, dans ce cas, pour des badges d'identification de celui qui le porte.
 
            Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément du dossier que le mot tag serait également utilisé en langue anglaise pour désigner des cartes ou des badges perrnettant l'identification et I'accès. Par ailleurs, la requérante a obtenu au Royaume Uni, l'enregistrement du signe « Digitag » pour les mêmes produits que ceux visés dans la demande d'enregistrement examinée par le BBM, ce qui conforte la position de la requérante selon laquelle le mot « tag » ne fait pas référence à une caractéristique des produits concernés.
 
Dès lors, il importe peu dans la présente affaire que l'anglais soit une langue comprise d'une bonne partie du public concerné.
 
24.       Le BBM n'établit pas non plus que le mot «TAG » puisse, en au moins une de ses significations potentielies dans une des langues officielles du Benelux, être utilisé à des fins descriptives des produits en cause.
 
A défaut d'éléments concrets à ce sujet, cette conclusion ne peut étre tirée du caractère simplement suggestif que le signe revét en langue anglaise.
 
25.       Ainsi que la requérante le soutient, Ie signe DIGITAG constitue un signe digne de protection qui n’est nullement une désignation générique ou habituelle aux fins d'identifier ou de caractériser les produits en cause.
 
Ce signe pris dans son ensemble est doté d'une capacité intrinsèque pour étre appréhendé en tant que signe distinctif de ces produits.
 
Rien ne permet d'établir que pour le public ciblé par Ie BBM, soit le consommateur moyen, utilisateur des produits, il existerait un rapport direct et concret entre le signe et les produits en cause, et que ce signe soit en dépit de l'absence de caractère descriptif d'un des deux éléments qui le composent, susceptible d'étre communément utilisé, dans le commerce, pour la présentation de ces produits.
 
Tout au plus peut il étre soutenu, au regard des éléments auxquels la cour a connaissance, que le signe Digitag évoque, pour la partie du public qui maitrise le langage informatique, un objet contenant des données numériques devant recevoir un traitement particulier. Cette constatation ne suffirait pas pour conclure que cette partie du public confronté au signe, établit un rapport direct et concret entre le signe et les produits en cause.
 
PAR CES MOTIFS,
 
LA COUR,
 
Statuant contradictoirement,
 
Vu 1'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ;
 
Dit l’appel recevable et fondé.
 
Ordonne au BBM d'enregistrer la marque DIGITAG pour les produits suivants de la classe 9 : «Dispositifs électriques de contróle d'accès et d'identification ».
 
Condamne le BBM aux dépens, liquidés en ce qui le conceme à 466,04 euros et en ce qui conceme la requérante à 186 + 54,54 + 466,04 euros.
 
Ainsi jugé et prononcé en audience civile publique de la neuvième chambre de la cour d'appel de Bruxelles, le 25 -02? 2005
 
ou étaient présents
 
Martine REGOUT, Conseiller ff Président,
Christine SCHURMANS, Conseiller,
Henry MACKELBERT, Conseiller,
Patricia DELGUSTE, Greffier,
 
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