Numéro de requête 2002/AR/957

Date
Instance
REC BE
Marque
THE KITCHEN COMPANY
Numéro de dépôt
Déposant
Management, Training en Consultancy (M-T & C) BVBA
Texte

R.G. n° 2002/AR/957

Arrêt interlocutoire (questions préjudicielles)

La cour d'appel de BRUXELLES, huitième chambre, après en avoir délibéré, prononce l'arrêt suivant:

En cause de:

S.P.R.L. MANAGEMENT, TRAINING EN CONSULTANCY,
en abrégé M-T&C, dont le siège social est établi à 3600 Genk.
Acacialaan 107,
appelante,
représentée par Maître Miet Jane, loco Maître Erik Neuts, avocat à 3960 Bree, Witte Torenwal 17/1/1;

contre

Le BUREAU BENELUX DES MARQUES, en abrégé BBM,
Administration commune aux pays du Benelux,
instituée en vertu de la Convention Benelux en matière de marques de produits,
doté de la personnalité juridique, dont le siège est établi aux Pays-Bas, La Haye.
Bordewijklaan 15,

intimé,
représenté par Maître Ludovic De Gryse,
avocat à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts 47-51;

Quant à la procédure.

01. Par acte introductif d'instance, la cour est saisie en application de l'article 6 ter de la loi uniforme Benelux sur les marques d'une décision portant refus de l'enregistrement d'un dépôt notifiée le 25 février 2002 par le Bureau Benelux des Marques.

02. La requête a été déposée le 24 avril 2002 dans le délai légal et en la forme régulière au greffe de la cour.

03. Les conseils des parties ont été entendus à l'audience du 08 novembre 2004.

Les faits et l'objet de la demande

04. La demanderesse a déposé le 07 avril 2000 le signe verbal 'THE KITCHEN COMPANY’ en vue de son enregistrement comme marque pour les produits dans les classes 11, 20 et 21 et les services dans les classes 37 et 42.

Le dépôt porte le numéro 0961899.

Les produits et services pour lesquels la protection de la marque est demandée ont été indiqués pour chacune des classes visées:

- (11) fours avec pupitres de commande, plaques chauffantes, frigos, fours à micro-onde, chambres froides, congélateurs, chauffe-eau, friteuses électriques, fours, grills encastrés, hottes, éviers de cuisines, robinets;
- (20) mobilier de cuisine en bois et matière synthétique, chaises de cuisine, plans de travail en bois, matière synthétique, granit, pierre naturelle ou pavés;
- (21) ustensiles de cuisine et vaisselle pour le ménage et la cuisine en verre, porcelaine, métaux non précieux,  matière synthétique et en céramique;
- (37) le placement et le montage de meubles et appareils de cuisine, les travaux d'entretien et de réparation;
- (42) les conseils concernant l'utilisation, la nature et l'application d'appareils de cuisine, la planification et les conseils concernant l'installation d'appareils de cuisine et à encastrer, également pendant l'achat de ceux-ci.

05. Par lettre du 24 avril 2001, le Bureau Benelux des Marques – en abrégé le BBM – a communiqué le refus provisoire de l'enregistrement du signe pour le motif suivant: "Le signe ‘THE KITCHEN COMPANY’ est exclusivement descriptif pour l'espèce, la qualité, la provenance géographique ou la destination des produits et services mentionnés dans les classes 11, 20, 21, 31 et 42 en ce qui concerne une entreprise (en anglais: company)  de cuisines (en anglais: Kitchen). C'est pourquoi le signe est dépourvu de caractère distinctif (voyez l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques, en annexe)".

Il s'agit donc du premier motif de refus absolu, le défaut de caractère distinctif au sens de l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.

06. Le mandataire en marques de la demanderesse a formulé six objections circonstanciées contre le refus provisoire – dont quatre ayant une portée sur le fond – dans le délai légal, en se référant entre autres à des arrêts de la Cour de justice CE.

Après avoir signalé le 03 décembre 2001 que son objection n'était pas infirmée, le BBM a signifié le 25 février 2002 sa décision définitive de refus définitif de l'enregistrement du signe déposé, qui est à présent entreprise.

07. Devant la cour, la demanderesse avance en substance les objections suivantes contre la décision de refus:

- le signe déposé ne peut pas être considéré comme un mode usuel de désignation des produits et services  revendiqués dans le langage courant ou de présentation des caractéristiques essentielles de ceux-ci;
- la combinaison verbale évoque une dénomination d'entreprise et non les produits et services fournis par l'entreprise;
- le signe dans son intégralité ne peut pas être considéré comme purement descriptif pour l'espèce, la qualité, la provenance géographique ou la destination des produits et services revendiqués;
- les termes dans le signe ne correspondent pas à une terminologie qui est ou serait utilisée dans le langage normal des consommateurs concernés pour désigner les caractéristiques essentielles des produits ou services revendiqués.

Elle relève que le signe 'The Kitchen Company' est en soi insignifiant et qu'il pourrait parfaitement concerner un  restaurant, un traiteur ou une entreprise sous-traitante pour la cuisine et elle s'estime dès lors lésée parce que le BBM a bien enregistré les signes `The Kitchen Factory et 'The Kitchen Industry’.

Selon elle, l'enregistrement du signe comme marque n'empêche pas non plus les concurrents d'indiquer que leurs produits ou services se rapportent à la cuisine.

Enfin, elle soutient que les mots anglais utilisés ne font pas partie du langage courant dans les pays du Benelux,  certainement pas dans le secteur qui a trait à la cuisine, et que le signe ne s'adresse au consommateur moyen et non à un public professionnel.

08. La demanderesse demande ce faisant d'annuler la décision entreprise et d'ordonner au BBM de procéder à l'enregistrement de son dépôt dans les classes 11, 20, 21, 37 et 42.

Elle demande, à titre subsidiaire, d'ordonner au moins l'enregistrement pour les classes dont la cour pense qu'il y a bien un caractère distinctif.

09. Le BBM allègue que conformément à l'interprétation que la Cour de justice CE a donnée de l'article 3, § 1, c) de la directive d'harmonisation, il est tenu de refuser l'enregistrement d'un signe déposé composé de vocables pour défaut de caractère distinctif s'il ne passe pas, en résumé, le contrôle suivant:

(a) le signe doit être apprécié en fonction des produits ou services mentionnés, considérés du point de vue des consommateurs visés par les produits et services;
(b) il y a lieu d'examiner si, dans l'esprit de ce public, il existe un lien suffisamment direct entre le signe et les produits ou services pour voir si le signe permet à ce public d'identifier ces produits ou services au regard de produits et services d'une autre origine;
(c) la signification du signe doit être considérée au regard de l'usage générique, habituel ou généralement courant pour voir s'il peut être perçu dans le langage courant comme un mode normal de désignation des produits ou services ou de présentation des caractéristiques essentiels de ceux-ci;
(d) si le signe comporte des vocables descriptifs, il faut déterminer en outre si les éléments, dépourvus chacun de caractère distinctif en soi, priment comme ensemble la simple somme des parties;
(e) la somme représente globalement plus s'il y a un écart perceptible entre les éléments combinés et la  formulation dans le langage habituel et cette perceptibilité n'est présente que si elle porte sur des éléments importants de la forme ou de la signification du signe.

Le BBM considère que ce contrôle se révèle négatif dans le cas d'espèce.

Il maintient dès lors son point de vue concernant le défaut de caractère distinctif et conclut au rejet de la demande.

Il conclut également que la cour ne peut pas accueillir la demande subsidiaire de la demanderesse visant à faire enregistrer le signe déposé pour les classes pour lesquelles il possède un caractère distinctif aux yeux de la cour, étant donné que la demanderesse ne l'a pas demandé pendant la procédure d'examen devant le BBM.

Pour le même motif, il soutient que la cour ne peut pas examiner présentement si le signe a acquis un caractère distinctif des suites de la consécration par l'usage (article 3, § 3, de la directive d'harmonisation).

Appréciation

10. En sa qualité d'autorité en matière de marques dans le Benelux, le BBM ne doit effectuer son examen du caractère distinctif in abstracto, mais en tenant compte de tous les faits et circonstances pertinents.

Ces faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération jusqu'au moment où une décision  définitive est prise sur la demande.

L'examen doit porter sur chacun des produits ou services et l'autorité en matière de marques peut, le cas échéant,  arriver à des conclusions divergentes pour les produits et services pris en considération.

S'agissant d'une juridiction saisie d'un recours contre une décision prise par une autorité en matière de marques,  elle doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l'exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable (CJCE, 12 février 2004, en cause Postkantoor, C-363/99, points 31, 35, 36 et 73).

11. A l'examen de la décision du BBM, il faut avoir à l'esprit qu'il remplit une mission visant l'intérêt général dont la sauvegarde sous-tend chacun des motifs de refus (CJCE, 18 juin 2002 en cause de Philips, C-299/99, n° 77; CJCE 12 février 2004 en cause de Postkantoor, C-363/99, n° 55).

Le cas échéant, le signe peut dès lors devoir être préservé dans l'intérêt général si son attribution au titulaire d'une marque cause une gêne disproportionnée au détriment de nouveaux opérateurs sur le marché, précisément du fait que le signe est à la disposition de tous. L'impératif de la concurrence libre et loyale restreint dans cette mesure l'octroi de droits de marque sur un signe à un titulaire potentiel.

12. Le motif de refus visé à l'article 6bis, sous 1.a, de la LBM – faisant référence à la Convention de Paris -, qui concerne le défaut de caractère distinctif, correspond au motif prévu à l'article 3, § 1, a), de la directive du Conseil CE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

Il doit dès lors être compris dans la signification qui lui a été donnée en droit communautaire par la Cour de justice.

13. Lors de l'examen du caractère distinctif, le signe dont la protection comme marque est demandée doit être considéré tel qu'il est déposé et en fonction des produits et services pour lesquels l'enregistrement est demandé.

Ceci implique qu'il doit être apprécié en tant que tel dans son intégralité, ce qui ne veut pas dire que les éléments constitutifs éventuels que l'on peut identifier ne peuvent pas former en soi un élément d'appréciation.

S'agissant des signes descriptifs, l'examen de leur signification vaut au surplus dans le langage courant à la lumière de la désignation même des produits et services ou de leurs caractéristiques essentielles.

14. La notion de 'caractère distinctif' doit, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice CE, être comprise en ce sens que la marque doit être apte à permettre d'identifier les produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé comme provenant d'une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d'autres entreprises (CJCE 04 mai 1999, en cause Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49; CJCE 20 juin 1999, en cause Lloyd Shuhfabrik Meyer, C-342/97, point 22; CJCE 18 juin 2002, en cause Philips, C 299/99, point 35; CJCE 08 avril 2003, en cause Linde -Winward/Rado Uhren C-53/01- C-55/01, point 40).

15. Les signes et les indications descriptifs sont donc seulement ceux qui peuvent servir, dans un usage normal  du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l'enregistrement est demandé. (CJCE, 20 septembre 2001, en cause Pronter & Gamble, C-383/99, point 39).

Ils peuvent cependant primer le caractère descriptif ainsi compris s'ils sont présentés ou agencés d'une manière qui distingue l'ensemble notablement des modes usuels de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentielles.

Si la présentation du syntagme s'écarte de manière perceptible du mode habituel de désignation des services et que cet écart concerne un aspect important du signe déposé, cet écart confère un élément additionnel permettant à l'ensemble de s'en distinguer (CJCE, 19 septembre 2002 en cause Companyline C-104/00 P, n° 21 et 23; CJCE 12 février 2004 en cause Campina Melkunie, C-265/00, point 41).

16. Dans le cas présent, la demanderesse a pris une combinaison de trois mots anglais comme marque pour les produits et services dans les classes mentionnées – dont la plupart se rapportent à la cuisine – 'The Kitchen Company'.

Ni cette combinaison, ni les éléments qui la composent, n'appartiennent en tant que tels sur le territoire du Benelux, dans une des langues qui y sont parlées de manière prépondérante par les consommateurs locaux, auxquels le signe s'adresse, à la langue courante habituelle pour désigner les produits et services par une caractéristique visée à l'article 3, § 1, c) de la directive CE sur les marques, ni pour en indiquer les caractéristiques essentielles.

17. Il y a pourtant lieu d'admettre que la langue anglaise a suffisamment pénétré dans les communautés linguistiques sur le territoire du Benelux pour que le consommateur à qui le signe déposé s'adresse identifie les mots cités sur le plan auditif, chacun dans leur contexte, comme 'anglais', même si cette langue ne produit pas un langage spécifique dans le domaine des produits et services appartenant aux classes citées.

Aussi ce consommateur moyen comprendra-t-il la combinaison verbale dans sa signification néerlandaise
comme 'l'entreprise de cuisine'.

18. La marque verbale examinée en tant que telle, considérée dans son ensemble, peut servir dans le commerce à désigner les caractéristiques de produits et services, notamment leur espèce et destination.

Tel est manifestement le cas des produits et services dans les classes 11, 20, 37 et 42, qui, par leur espèce et  destination, dénotent indéniablement tous la caractéristique 'cuisine'.

19. Dans ce contexte, il n'est pas pertinent que d'autres produits et services que ceux des classes citées puissent, en fonction de leur espèce ou destination, être désignés par 'entreprise de cuisine' comme par exemple ceux qui font partie de ce qui peut être livré pour être incorporé à la cuisine.
La circonstance que la désignation par la marque d'une espèce de produits et services n'exclut pas que d'autres espèces puissent être désignées par une des caractéristiques n'enlève rien au caractère exclusivement descriptif du signe.
La seule conséquence est qu'ils peuvent tous se heurter à un même motif de refus.

20. Dans le cas présent, le substantif exclusivement descriptif 'kitchen' est entouré des deux mots 'the' et 'company' qui font que l'ensemble peut aussi servir de dénomination d'une entreprise.

Toutefois, ce dernier élément n'est pas pertinent en soi pour neutraliser le caractère descriptif de la marque.

L'objectif poursuivi par le dépôt reste en effet celui de distinguer les produits et services pour lesquels la protection comme marque est demandée comme provenant de l'entreprise de la demanderesse.

21. Les deux mots ajoutés à 'kitchen' ne changent rien au caractère descriptif de la marque dans le cas d'espèce.

Les signes verbaux dans la marque verbale ne sont pas présentés ou agencés d'une manière telle que, réunis, ils offrent un surplus, comparés au seul mot 'kitchen' et, ce faisant, ils ne produisent pas une distinction perceptible à l'égard de l'élément principal de la combinaison verbale.

22. En conclusion, la combinaison verbale est dépourvue de caractère distinctif à l'égard des produits et services dans les classes 11, 20, 37 et 42.

Dans cette mesure, la demande de la demanderesse doit, dès lors, être rejetée.

23. Il a déjà été indiqué au numéro 18 que pour les produits en classe 21 pour lesquels la protection est recherchée, un même examen ne peut pas conduire à la même conclusion que pour les autres produits et services.

En particulier, le caractère exclusivement descriptif de la marque, du point de vue de l'espèce et de la destination des produits, ne peut pas être constaté d'une manière identique.

Parmi les produits énumérés – ustensiles de cuisine et vaisselle pour le ménage et la cuisine en verre, porcelaine, métaux non précieux, matière synthétique et en céramique – le caractère descriptif en fonction de l'espèce et de la destination ne peut être reconnu que pour les ustensiles de cuisine.

Pour les autres produits, la combinaison verbale 'The Kitchen Company' n'évoquera pas la destination des produits dans la perception du consommateur moyen visé sur base d'un réflexe linguistique spontané.

24. Dans le contexte du droit des marques, la désignation de la destination ou de l'espèce des produits ou services par une marque, en tant que critère du caractère descriptif d'un signe, doit être comprise en effet en ce sens que le rapport entre signe et les produits ou services doit être indéniable.

Il ne suffit donc pas qu'il puisse y avoir parfois un lien de destination ou d'espèce entre la marque et les produits et services.

Dans le cas présent, le rapport descriptif en termes d'espèce et de destination n'est pas indéniable pour les autres produits que les ustensiles de cuisine.

25. Le BBM n'a pas formulé d'autre objection si ce n'est le caractère exclusivement descriptif de la marque pour les produits indiqués.

Un autre motif de refus absolu que celui pris du défaut de caractère distinctif n'était pas en cause.

A défaut de caractère descriptif de la marque, le caractère distinctif de la marque pour les produits mentionnés au  numéro 23 est présent.

26. Le BBM objecte que la cour ne peut pas donner suite à la demande subsidiaire de l'appelante tendant à ordonner l'enregistrement pour les produits et services pour lesquels la cour juge présent le caractère distinctif.

Il avance à l'appui de ce point de vue que la demanderesse ne l'a pas demandé au BBM lorsqu'il a exercé son  contrôle préventif sur le dépôt et que la cour ne peut pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision du BBM ou qui ne lui ont pas été soumises (Cour de Justice Benelux, 15 décembre 2003, avec conclusions du premier avocat général J. du Jardin, R.W. 2004-2005,1452).

27. A cet égard, la cour considère que la Cour de justice CE a décidé dans l'arrêt Postkantoor du 12 février 2004 (points 35, 36 et 73, voyez le numéro 10 du présent arrêt), en ce qui concerne la question de savoir à quel stade il convient de prendre en considération les faits et circonstances pertinents, que l'autorité compétente en matière de marques doit les prendre en considération avant de prendre une décision définitive.

La Cour de justice CE a répondu encore aux questions qui lui étaient soumises que s'agissant d'une juridiction saisie d'un recours contre une décision prise sur une demande d'enregistrement d'une marque, elle doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l'exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable.
Sous le point 73 des motifs, la Cour décide que, lorsque l'enregistrement d'une marque est demandé pour divers produits ou services, l'autorité compétente doit vérifier que la marque ne relève d'aucun des motifs de refus d'enregistrement énoncés à l'article 3, paragraphe 1, de la directive à l'égard de chacun de ces produits ou services et peut aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services considérés.

28. Les motifs précités extraits de l'arrêt Postkantoor prescrivent ce faisant que l'autorité en matière de marques doit examiner la demande d'enregistrement pour chacun des produits et services pour lesquels la protection est demandé et qu'elle peut aboutir pour chacun à des conclusions différentes.

Il paraît logique que si l'examen individuel aboutit à des conclusions différentes, l'autorité en matière de marques doit l'exprimer également dans une décision provisoire de refus et, selon la position adoptée par le déposant sur ce point, dans la décision définitive, le cas échéant.

Si l'autorité en matière de marques néglige de le faire, sa décision semble alors non conforme à la mission qui lui est confiée et, par conséquent, n'est pas légalement justifiée.

Il ne peut pas être exclu non plus que les faits et circonstances pertinents changent entre le moment où l'autorité en matière de marques statue et celui où la juridiction statue sur le recours contre cette décision.

29. La cour constate à ce sujet que, dans la version la plus récente (2004) de ses 'Directives en matière de critères de refus des marques pour motifs absolus', le BBM déclare sous la rubrique 15.2):

"(„.) Un refus peut être évité dans certains cas en faisant preuve de circonspection à l'égard du choix des produits et services pour lesquels la protection est demandée. D'autre part, une telle circonspection peut réduire le risque d'opposition. Le BBM fait aussi remarquer qu'il appartient au déposant d'apporter une limitation éventuelle à la liste des produits et services mentionnés lors du dépôt; le BBM ne fera pas, en principe, de propositions à cet égard.”

La pratique ainsi exprimée semble impliquer que le BBM n'exprime pas (toujours) une conclusion éventuellement différente concernant chacun des produits et services.

Dans le cas présent, le BBM n'a pas formulé une conclusion finale pour chacun des produits et services distincts mais a affirmé pour la protection demandée dans son ensemble que le signe déposé est dépourvu de caractère distinctif.

30. Pour la juridiction appelée à statuer sur un recours contre la décision de l'autorité en matière de marques, la conséquence de cette pratique peut être qu'elle ne peut pas prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents selon sa réglementation nationale.

En effet, un fait pertinent lors de l'appréciation du dépôt semble pouvoir être, entre autres, qu'un motif de refus soit absent pour un produit, mais bien présent pour d'autres qui sont mentionnés dans le dépôt.

A défaut de conclusion finale exprimée pour chaque produit ou service isolément, la juridiction ne peut pas exercer sa compétence, si la réglementation nationale prescrit que la juridiction peut se prononcer uniquement sur ce qui a été soumis à l'autorité en matière de marques et ce qui entre dans le cadre de sa décision, mais ce qui est soumis n'est pas interprété comme 'chacun des produits et services en soi' et la décision n'est pas interprétée comme 'une décision sur chacun des produits et services en soi'.

31. De ce fait, avant de statuer plus avant, la cour décide de saisir la Cour de justice CE en application de l'article 234 du traité CE des questions énoncées ci-après.

PAR CES MOTIFS:
LA COUR,

eu égard à l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Statuant contradictoirement,

Reçoit la demande,

Rejette les griefs en tant qu'ils concernent le refus décidé d'enregistrement de la marque verbale 'The Kitchen Company’ pour les produits et services dans les classes 11, 20, 37 et 42;
Sursoit à examiner la demande;

Saisit la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel des questions suivantes relatives à l'interprétation de l'article 3 de la première directive sur les marques du 21 décembre 1988:

1. après l'examen de tous les faits et circonstances pertinents concernant la présence d'un motif de refus absolu, l'autorité en matière de marques doit-elle communiquer, dans sa décision provisoire et sa décision définitive sur le dépôt, sa conclusion pour chacun des produits et services séparément pour lesquels la protection de la marque est demandée?

2. les faits et circonstances pertinents que la juridiction doit prendre en considération en cas de recours contre la décision de l'autorité en matière de marques peuvent-ils varier selon le temps écoulé entre les deux dates auxquelles il est décidé ou cette juridiction est-elle tenue de prendre uniquement en considération les faits et circonstances existant au moment où l'autorité en matière de marques a décidé?

3. l'interprétation donnée par la Cour de justice dans l'arrêt Postkantoor s'oppose-t-elle à ce que la réglementation nationale concernant la compétence de la juridiction soit interprétée en ce sens que cette juridiction est empêchée de prendre en considération des faits et circonstances pertinents modifiés ou de se prononcer sur le caractère distinctif de la marque pour chacun des produits et services en soi?

Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise par le greffier en chef de la cour d'appel de Bruxelles au greffe de la Cour de justice des Communautés européennes à Luxembourg.

Réserve à statuer pour le surplus.

AINSI JUGE PAR:
P. Blondeel Président;
Y. Van der Steen en B. Lybeer conseillers ;

Magistrats de la 8ème CHAMBRE de la cour d'appel de BRUXELLES, qui ont pris part au délibéré  conformément à l'article 778 du Code judiciaire, et, vu l'empêchement légal de monsieur Y. Van der Steen

PRONONCE conformément à l'ordonnance de monsieur le Premier Président du 30 mai 2005 en application de l'article 778 du
Code judiciaire, à l'audience publique de la même chambre le 30 mai 2005

OU ETAIENT PRESENTS
P. Blondeel V Président;
B. Lybeer en C. Van Santvliet Conseillers ;
K. Batselier Greffier adjoint ppal ;

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