Numéro de requête 2007/AR/326

Date
Instance
REC BE
Marque
SUMMERSKIN
Numéro de dépôt
Déposant
N.V. JANSSEN PHARMACEUTICA
Texte

 

Numéro d’arrêt: 2007/AR/326

S.A. JANSSEN PHARMACEUTICA contre L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

Prononcé: 22 avril 2008
Numéro d’arrêt: 2007/AR/326

La COUR D’APPEL DE BRUXELLES, 18e CHAMBRE

Après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant:

dans la cause de:

S.A. JANSSEN PHARMACEUTICA,
dont le siège social est en Belgique, 2340 BEERSE, Turnhoutseweg 30,
inscrite sous le numéro BCE 0403.834.160,
Demanderesse,
Représentée par Me DE HAAN Tanguy et Me PETERS Philippe,
avocats à 1170 BRUXELLES, chaussée de La Hulpe 177 boîte 6,

contre

L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE,
créée en vertu de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle,
dotée de la personnalité juridique,
dont le siège est établi aux PAYS-BAS, 2509 LK La Haye, Bordewijklaan 15, Boîte postale 90404, représentée par le Directeur général de son Office.
Défenderesse,
Représentée par Me DE GRYSE Ludovic, et Me DAUWE Brigitte, avocats à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25,


Quant à la procédure

01. Par l’acte introductif, la cour a été saisie en application de l’article 2.12 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle du 25 février 2005, concernant une décision de radiation d’un enregistrement d’un dépôt , laquelle a été notifiée le 30 novembre 2006 par l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI).

02. La requête a été déposée le 30 janvier 2007 par un acte régulier en la forme au greffe de la cour dans le délai de deux mois prescrit à l’article 2.12.1 CBPI.

03. Les avocats des parties ont été entendus à l’audience publique du 22 février 2008.


Les faits, l’objet de la demande et les points de vue

04. La demanderesse a effectué le 26 janvier 2006 auprès du Bureau Benelux des Marques à l’époque – présentement l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle – le dépôt d’une marque verbale ‘SUMMER SKIN’ pour des produits dans les classes administratives 3 et 5.

Elle a indiqué comme produits à conserver : produits cosmétiques et produits de soins pour la peau ; produits de soins et de nettoyage pour cheveux (C3) et préparations médicinales pour le traitement topique et la protection de la peau et de l’épiderme (C5).

05. Le dépôt porte le numéro 110923 et a été enregistré sans délai le 30 janvier 2006 en application de l’article 6 E de la loi Benelux sur les marques précédemment applicable – présentement article 2.8.2. CBPI – sous le numéro 0790475.

L’article 2.8.2 prévoit la possibilité pour l’Office de décider la radiation d’un tel enregistrement.

07. Par lettre du 14 février 2006, le Bureau Benelux des Marques a informé la demanderesse qu’il avait l’intention de radier l’enregistrement du signe pour le ou les motifs suivants :



‘Le signe SUMMER SKIN est composé exclusivement des noms génériques summer (anglais pour été) et skin (anglais pour peau) et peut servir à désigner l’espèce, la qualité et la destination des produits mentionnés dans les classes 3 et 5 qui se rapportent à une peau en été. Aussi le signe est-il dépourvu de caractère distinctif (voyez l’article 6bis, alinéa 1er, sous b. et c., de la loi uniforme Benelux en annexe).’

Le renvoi à l’article 6bis, alinéa 1er, sous b et c, de la loi uniforme Benelux s’entend des dispositions de l’actuel article 2.11, b et c, de la CBPI.
Il s’agit des cas de défaut de caractère distinctif (2.11.1.b) et de la circonstance que la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci (2.11.1.c).

L’intention de radiation s’assimile dans cette procédure à une ‘décision provisoire de refus’.

07. Le mandataire de la demanderesse a, par lettre du 13 juillet 2006 – et donc dans le délai imparti dans le règlement d’exécution de la loi Benelux sur les marques – présenté des objections circonstanciées contre ce refus provisoire et demandé sa révocation.

Elle a souligné que le signe ‘summer skin’, compris comme un tout et traduit par ‘peau en été’ ne constitue pas un mot existant.
Elle a précisé que le signe ‘fait bien une allusion à l’application des produits sur la peau’ mais que la combinaison des deux mots ‘ne constitue pas une indication directement compréhensible par laquelle le consommateur est informé sans ambiguïté sur l’espèce, la qualité ou la destination des produits concernés’.
Elle en conclut que le signe possède un caractère distinctif suffisant.
Elle mentionne aussi que le signe a été accepté très récemment comme marque au Royaume Uni.

08. Le 17 août 2006, le BBM a notifié qu’il maintenait le refus provisoire du dépôt.

Il a motivé cette décision comme suit.

Le simple fait qu’un mot n’existe pas en tant que tel n’a pas comme conséquence qu’il a pour autant un caractère distinctif. Il ressort au surplus d’une recherche sur Internet à l’aide de Google que tant ‘summer skin’ que ‘zomerhuid’ (peau en été) sont utilisés comme indication pour ‘une peau en été’.

Se référant au dictionnaire explicatif en ligne ‘Webster’, elle mentionne ‘summer skin’ dans le sens de ‘peau avec laquelle on passe l’été’.

Elle déduit ensuite de cet élément que le signe ‘summer skin’ peut servir pour désigner l’espèce, la qualité ou la destination des produits mentionnés lors du dépôt et se heurte ce faisant au motif de refus absolu tiré de l’article 5bis, alinéa 1er, sous c, LBM.

Elle indique encore qu’il ne découle pas de l’examen du signe déposé selon le droit du Royaume Uni et de l’enregistrement subséquent dans ce pays que le signe doit se voir attribuer également un caractère distinctif selon le droit du Benelux.

09. Le 30 novembre 2006, l’OBPI a notifié à la demanderesse que l’enregistrement était radié étant donné que ses objections n’avaient pas été levées dans le délai imparti.

Bien que l’acte introductif devant la cour désigne uniquement cette lettre du 30 novembre 2006 comme acte attaqué, il ne fait pourtant aucun doute que la décision contenue dans la lettre du 17 août 2006 est également visée.
En effet, la lettre du 30 novembre 2006 ne comporte aucune motivation et se réfère à ‘notre correspondance concernant la décision provisoire de refus du 14 février 2006’.
La lettre du 17 août 2006 mentionne en revanche que le dépôt a été refusé provisoirement.

Les lettres du 30 novembre 2006 et du 17 août 2006 forment dès lors un tout comme décision.

10. La demanderesse demande devant la cour d’ordonner à l’Office de ne pas radier l’enregistrement de la marque verbale SUMMER SKIN.

Elle présente les objections suivantes contre la radiation envisagée.

Selon elle, l’Office n’a pas vérifié lors de l’examen relatif au motif de refus tiré de l’article 2.11.1.c si chacun des vocables de la marque, pris séparément, est descriptif des produits pour lesquels la marque est enregistrée.

Elle indique que le vocable ‘skin’ est descriptif pour certains des produits bénéficiant de la protection de la marque, mais que le vocable ‘summer’ n’est pas du tout descriptif d’une caractéristique quelconque des produits visés.
Elle conteste dans ce contexte que l’on puisse exprimer avec ‘summer’ une qualité comprise en ce sens qu’il s’agirait de produits utilisés pendant l’été.

Elle ajoute à titre subsidiaire que si l’Office devait être suivi dans cette allégation, la combinaison des deux vocables ne constitue néanmoins pas une indication directement compréhensible par laquelle le consommateur moyen est informé sans ambiguïté sur l’espèce, la qualité ou la destination des produits concernés.

Elle relève aussi la pratique décisionnelle de l’Office dont il ressort que les mots ‘summer’ et ‘skin’ ont été acceptés dans nombre d’enregistrements de marques et le mot ‘skin’ en particulier pour des produits en classe 3.

S’agissant du motif de refus tiré de l’article 2.11.1.b, elle allègue qu’un ‘caractère distinctif minimal’ est suffisant.
La combinaison ‘summer skin’ est selon elle fantaisiste et repose sur des mots courts avec des sons qui sonnent bien à l’oreille. Elle lui attribue un caractère évocatif.

La comparaison avec le langage ordinaire ne poserait pas de problèmes parce que le signe ‘summer skin’ n’existe pas en tant que tel. Dans ce contexte, faire un sondage de l’usage de ces termes joins – et a fortiori d’une traduction telle que ‘peau en été’ – à l’aide de Google est tout à fait dénué de pertinence selon la demanderesse et même critiquable.

Enfin, elle objecte que si le signe ne possédait aucun caractère distinctif à l’origine, il l’a acquis par l’usage.
11. L’Office maintient son point de vue que la marque enregistrée provisoirement doit être radiée sur la base des deux motifs de refus qu’il a soulevés.

Il conclut ce faisant au rejet de la demande.

L’Office soutient que la combinaison des deux mots banals ‘skin’ et ‘summer’ peut servir dans le langage courant pour désigner une qualité ou une espèce ou une destination des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Le mot ‘summer’ indique selon elle qu’il s’agit de produits utilisés pendant l’été et le mot ‘skin’ qu’ils sont destinés à un traitement de la peau.

Elle souligne entre autres qu’une entreprise appartenant à la même catégorie que la demanderesse utilise déjà le produit ‘Roc Hydra + Summer Skin’ avec l’explication ‘le nom en dit déjà long’ et la mention que le produit fait en sorte que l’on peut garder toute l’année un beau teint bronzé.
Le public concerné, qui est constitué par le consommateur moyen, établit donc selon elle, sans autre analyse ou réflexion, le lien avec la description de la qualité ou de l’espèce du produit.

S’agissant du caractère distinctif, elle fait valoir que les deux mots descriptifs sont simplement juxtaposés et que leur combinaison ne présente rien de particulier au regard de la simple somme des deux mots.
Ce faisant, il reste, en raison du caractère descriptif du signe, qu’il est dépourvu de tout caractère distinctif.
Si l’on ne devait pas attribuer un caractère descriptif au signe, il n’en reste pas moins, selon l’Office, que les deux mots usuels banals dans une combinaison usuelle d’après la recherche Internet ne produisent pas un caractère distinctif.

Enfin, l’Office fait remarquer concernant sa pratique décisionnelle que chaque dépôt est apprécié en fonction des circonstances concrètes de l’espèce.


Appréciation

12. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice CE (arrêt en cause Koninklijke PTT Nederland ‘Postkantoor’ du 12 février 2004, C-363/99, points 31, 35, 36 et 73, et arrêt en cause MT & C ‘The Kitchen Company’ du 15 février 2007, C-236/05, points 31 à 38), les principes suivants sont applicables en résumé, lorsqu’une autorité de marques procède à l’examen de l’enregistrement d’une marque.

L’examen du caractère distinctif ne saurait être effectué in abstracto mais doit prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents de la demande d’enregistrement.
L’appréciation de ces faits et circonstances pertinents doit s’effectuer au moment où une décision définitive est prise sur la demande.

La vérification doit se faire pour chacun des produits ou services et l’autorité compétente peut, le cas échéant, aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services considérés.

La conclusion doit être mentionnée pour chacun des produits et services indiqués dans la demande d’enregistrement, mais lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale.

13. La juridiction saisie d’un recours contre la décision de l’autorité compétente doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l’exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable.

La Cour de Justice Benelux a interprété les articles 6bis et 6ter de la LBM (actuellement les articles 2.11 et 2.12 de la CBPI) en ce sens que lorsque le juge saisi d’un recours contre la décision de refus du BBM (actuellement OBPI) désapprouve les motifs de refus retenus par le Bureau, il est tenu d’examiner, le cas échéant d’office, si un autre motif de refus absolu ne s’oppose pas à l’enregistrement, les parties devant être entendues à ce sujet (CJB, arrêt du 29 juin 2006, affaire d’Ieteren).

D’autre part, cette Cour a également décidé que lorsque la demande d’enregistrement porte sur plusieurs produits ou services énumérés dans une classe administrative, les cours d’appel peuvent donner un ordre d’enregistrement qui ne porte que sur un ou plusieurs de ces produits ou services, uniquement dans la mesure où le BBM a statué également sur ces produits ou services et qu’il ne s’est pas borné à rendre une décision sur l’ensemble de cette classe (CJB, arrêt du 15 décembre 2003, BBM/Vlaamse Toeristenbond).

14. La décision de l’OBPI doit être examinée en ayant à l’esprit que l’exécution de sa mission a pour objet de préserver l’intérêt général qui sous-tend chacun des motifs de refus (CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 77 ; CJCE 08 mai 2001 en cause Libertel, C-104/01, point 51 ; CJCE 12 février 2004 en cause Koninklijke KPN, C-363/99, point 55 ; CJCE 16 septembre 2004 en cause SAT1, point 25 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, point 74).

Un signe peut, le cas échéant, devoir dès lors rester disponible si son attribution à un titulaire de marque causerait une entrave disproportionnée au détriment de nouveaux opérateurs économiques, précisément du fait que le signe compote des éléments distinctifs qui doivent rester à la libre disposition de chacun.

La primauté de la concurrence libre et correcte limite dans cette mesure l’attribution à un titulaire potentiel de droits de marques sur un signe qui seraient exclusifs et indéfiniment renouvelables.

15. Le motif de refus visé à l’article 2.11.1b CBPI qui concerne l’absence de caractère distinctif correspond à celui qui est institué par l’article 3.1. b) de la directive CE du 21 décembre 1988 (89/104/CE) rapprochant les législations des états membres sur les marques.
Le motif de refus absolu mentionné à l’article 2.11.1 c CBPI qui concerne les signes ou dénominations descriptifs correspond à celui qui est institué par l’article 3, 1.c) de la directive précitée.

Ils doivent donc être compris dans le sens qui leur est donné en droit communautaire par la Cour de justice.

16. Selon la jurisprudence constante de la cour, la notion de ‘caractère distinctif’ doit être comprise en ce sens qu’une marque doit être apte à identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d’autres entreprises (CJCE 04 mai 1999 en cause de Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49 ; CJCE 20 juin 1999 en cause Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-242/97, point 22 ; CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 35 ; CJCE 08 avril 2003 en cause Linde & Winward, C-53/01 & C-55/01, point 40 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, C-238/06, point 79).

17. Pour déterminer si un signe est susceptible d’être enregistré comme marque, il convient de se baser sur la perception par le public pertinent.

Un critère pertinent à cet égard est celui de savoir si le consommateur, en fonction de l’expérience positive ou négative qu’il a eue avec les produits, peut distinguer ceux-ci sur base de la marque d’autres produits concurrents pour répéter l’achat ou au contraire l’éviter (cf. TPI CE, arrêt du 12 mars 2008, affaire SAS/OHMI, T-341/06, point 29).

Si les produits ou services sont destinés à tous les consommateurs, il faut admettre que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE 06 mai 2003 en cause Libertel, C-104/01, point 46 ; CJCE 16 septembre 2004, en cause SAT1 SatellitenFernsehen, point 24).

18. La demanderesse a déposé la marque reproduite sous le numéro 04 ‘SUMMER SKIN’ pour des produits dans les deux classes administratives 3 et 5.

Les produits pour lesquels elle souhaite utiliser la marque sont des produits cosmétiques et des produits de soins pour la peau, mais aussi des produits de soins et de nettoyage pour les cheveux et des préparations médicinales pour le traitement de la peau et de l’épiderme.

Il s’agit d’une marque verbale, sans ajout d’un élément figuratif quelconque.

19. Les produits pour lesquels la protection de la marque est demandée sont destinés à tous les consommateurs.

Ce faisant, le public pertinent est constitué dans le cas présent par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé et l’examen du caractère distinctif doit dès lors s’effectuer dans la perspective de ce consommateur moyen.

20. Lors de l'examen du caractère distinctif, le signe pour lequel la protection comme marque est demandé doit être considéré tel qu'il a été déposé et en fonction des produits et services pour lesquels l'enregistrement est demandé.

Ceci requiert qu’il soit examiné comme tel dans son ensemble, ce qui ne veut pas dire que les éléments constitutifs éventuels que l’on peut identifier ne puissent pas former en soi un élément d’appréciation (CJCE 30 juin 2005, affaire Eurocermex, C-286/04, points 22 et 23 ; CJCE 25 octobre 2007, affaire Develey, point 82).

21. Il ne fait aucun doute que le consommateur moyen sur le territoire du Benelux est suffisamment familiarisé avec la langue anglaise pour saisir ces mots après traduction dans leur sens habituel.
Il pourra donc y reconnaître les mots néerlandais ‘zomer’ et ‘huid’ ou les mots français ‘été’ et ‘peau’.

Il faut pourtant noter que le fait qu’une signification de ces mots existe dans une des deux langues parlées de manière prépondérante sur le territoire du Benelux n’a pas nécessairement comme conséquence qu’il évoque un facteur d’identification dans la propre langue du public cible.

En effet, les mots anglais utilisés peuvent être perçus aussi en eux-mêmes ou en raison de leur combinaison comme un moyen d’attirer l’attention, sans déclencher chez le consommateur un réflexe cognitif de traduction et d’identification des mots dans sa propre langue.

22. Les mots ‘summer’ et ‘skin’ sont, pris isolément, à considérer comme neutres ou même banals, mais il en va autrement de leur combinaison, ainsi que le signe est formé.

La combinaison des deux mots n’existe pas en tant que telle dans le langage courant en anglais. Elle n’est pas l’expression d’une notion bien définie.
La notion (traduite par ‘zomerhuid’ – ‘peau d’été’) n’existe d’ailleurs pas non plus dans le langage courant dans les deux langues employées de manière prépondérante dans le Benelux.

Le test Google réalisé par l’Office et qui a donné quelques résultats, ne prouve pas le contraire.
Il faut d’abord faire observer que les résultats de cette recherche indiquent sans doute qu’un terme est déjà en usage mais on ne peut nullement en déduire que l’on puisse attribuer une représentativité quelconque à cet usage pour le vocabulaire du consommateur moyen.
Ensuite, il n’est pas davantage démontré dans le cas présent que cet usage est antérieur à l’usage de la demanderesse.

23. On peut affirmer de manière générale que dans la perception du consommateur visé dans le Benelux, la combinaison verbale ‘summer skin’ n’a pas de portée bassement commerciale, mais témoigne au contraire de fantaisie et évoque quelque peu une ambiance de bien-être. On peut encore la ressentir comme l’expression d’un résultat qui est obtenu si les produits présentés sous le signe sont utilisés.

Il n’en irait d’ailleurs pas autrement si la combinaison verbale était traduite en néerlandais ou en français.

Considéré dans son ensemble, le signe possède ainsi indéniablement un degré d’identification pour les produits pour lesquels il est déposé.
Le consommateur à qui il s’adresse, au cas où il souhaiterait acheter à nouveau les produits à cause de sa satisfaction, aurait clairement la possibilité d’identifier à partir de la marque les produits comme provenant de l’entreprise de la demanderesse.

24. Toutefois, les signes ou indications pouvant servir habituellement, dans le commerce, à désigner les caractéristiques des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé ne peuvent pas être enregistrés en raison de l’intérêt général. Celui-ci requiert que ces signes ou indications puissent être librement utilisés par tous (CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley (Doublemint), C-191/01 P, point 31 ; CJCE 12 janvier 2005 en cause Deutsche SiSi-Werke, C-173/04, point 62 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-276/05, point 75 ; CJCE 10 avril 2008 en cause Adidas, C-102/07, points 22 et 23).

Ainsi, ne sont pas admis à l’enregistrement comme marque les signes ou indications visés à l’article 3.1 c) de la directive marques qui peuvent servir dans le langage courant, du point de vue du consommateur, à désigner l’une des caractéristiques d’un produit ou service tel que celui pour lequel l’enregistrement est demandé (CJCE 12 février 2004 en cause Postkantoor C-363/99, point 57 ; CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley, C-191/01 P, point 32).
Même le développement futur prévisible est pertinent à ce niveau (CJCE 4 mai 1999 en cause Windsurfing Chiemsee, points 31 et 37). Pourtant, il est alors requis qu’il existe des indices actuels sur le marché dont on peut déduire raisonnablement que le langage peut évoluer dans ce sens (TPI CE arrêt 12 mars 2008, en cause SAS/OHMI, point 43).

25. Lorsqu’une marque est constituée d’une combinaison d’éléments, il ne suffit pas que chacun des éléments soit descriptif, mais il faut constater ce caractère pour l’ensemble avant de pouvoir la qualifier comme telle.

Si chacun des éléments est en soi descriptif, la combinaison de ceux-ci l’est aussi en règle générale, mais il n’est pas à exclure que l’impression produite par la combinaison s’écarte de l’impression qui se dégage de la simple réunion des éléments qui la composent.
Dans ce cas, la combinaison n’est pas descriptive au sens de l’article 3.1 c) de la directive.
Si la marque est composée de différents mots ou d’un mot recomposé, l’examen du caractère descriptif ne peut pas rester limité à celui des éléments constitutifs, mais l’ensemble doit être pris en considération (CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, points 77, 78 et 79).


26. Dans le cas présent, il est clair que les deux termes dans la marque, pris isolément, appartiennent aux termes auxquels le consommateur concerné peut attribuer une signification claire dans son langage courant, même si ce sont des mots anglais.

Ils ont aussi un caractère descriptif étant qu’ils peuvent servir, dans le commerce, pour désigner la destination des produits. Ils peuvent indiquer qu’ils servent à la peau, d’une part, et qu’ils sont utilisés l’été ou en vue de l’été, d’autre part.



Les deux termes ont pourtant été réunis dans un contexte qui, dans l’ensemble, ne peut se réduire à leur seule combinaison.
Il a déjà été constaté plus haut que la combinaison des deux termes n’a pas, en tant que telle, une signification déterminée, mais évoque au contraire un résultat désiré après l’usage des produits ou des circonstances agréables.

27. Lorsque des signes ou indications sont agencés d’une matière qui distingue le tout de manière perceptible des modes habituels de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques, ils transcendent le caractère exclusivement descriptif. Leur présentation conjointe, qui ne ressemble pas à un mode courant de désignation des produits, procure un élément additionnel (cf. CJCE 19 septembre 2002, en cause Deutsche Krankenversicherung [Compagnyline], C-104/00 P, points 21 et 23 ; CJCE 12 février 2004 en cause de Campina Melkunie [Biomild], C-265/00, point 41).

28. Il n’y a pas d’indices sur le marché permettant de croire que l’usage dans une des langues du Benelux évoluerait en ce sens que pour les produits pour lesquels la protection est demandée, l’usage produirait dans un proche avenir un néologisme tel que ‘zomerhuid’ (summerskin).

29. On ne peut dès lors pas admettre que la présentation du signe dans son ensemble n’affecterait en rien le caractère exclusivement descriptif des signes verbaux pouvant servir à désigner une caractéristique et une destination des produits pour lesquels il est déposé.

L’enregistrement de la marque ne procure du reste à la demanderesse des droits exclusifs que sur le signe dans son ensemble, mais nullement d’emblée sur tous les éléments constitutifs, considérés séparément.

30. Par conséquent, aucun des motifs de refus absolus prévus à l’article 2.11.1. b et c CBPI ne s’oppose à l’enregistrement du signe.

Il s’ensuit aussi qu’il n’y aucune raison d’examiner le moyen présenté à titre subsidiaire par la demanderesse, tiré de l’article 2.28.2 CBPI.

31. En l’absence d’un motif de refus pertinent, il n’y a aucune raison de radier la marque enregistrée provisoirement.

Il convient, par conséquent, d’accueillir la demande de la demanderesse.

32. En ce qui concerne la fixation de l’indemnité de procédure, les parties ont déclaré à l’audience publique qu’il n’y a pas de raison de majorer ou de réduire le montant de base de l’indemnité de procédure déterminé à l’article 2 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007.

Etant donné que la demande n’est pas évaluable en argent, l’indemnité de procédure est fixée au tarif de base de 1.200 euros.


PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Eu égard à l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,

Statuant contradictoirement,

Reçoit la demande et la déclare fondée,

Annule la décision attaquée par laquelle l’OBPI décide de radier l’enregistrement de la marque déposée par la demanderesse

Ordonne à l’OBPI de maintenir le dépôt enregistré sous le numéro 790475 de la marque ‘SUMMER SKIN’ pour les produits mentionnés dans le dépôt dans les classes 3 et 5.

Condamne la défenderesse OBPI au paiement à la demanderesse de 1.200 euros d’indemnité de procédure.

Condamne la défenderesse OBPI au paiement des autres frais de procédure de la demanderesse, fixés à 186 euros.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de la dix-huitième chambre civile de la cour d’appel de Bruxelles, le 22 AVRIL 2008

Où étaient présents et siégeaient :

Paul BLONDEEL, Président
Christine SCHURMANS, Conseiller
Koenraad MOENS, Conseiller
Linda NAESSENS, Greffier adjoint principal

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