Numéro de requête 9099 (R97/164)

Date
Instance
CASS NL (concl. A-G)
Marque
CHIEN PU WAN
Numéro de dépôt
Déposant
INTERNATIONAL SALES PROMOTORS B.V.
Texte
25 )
 
2.9               Le Commentaire commun des gouvernements fait partie du “contexte” de la convention Benelux et de la loi Benelux sur les marques annexée au sens de l’art. 31, alinéas 1 et 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT) ( 27 1 ) en liaison avec l’arrêt ultérieur de la Cour Benelux( 3 8 20 )
 
“Le principe doit être dès lors que le juge qui doit apprécier en vertu des dispositions de l’article 6ter de la LBM s’il y a lieu d’ordonner l’enregistrement d’un dépôt examine souverainement si le dépôt est conforme à l’article 1er de la LBM”.
 
La branche allègue à cette que la cour – de même que le BBM – n’a pas examiné les faits énoncés par ISP sous les n° 7 à 9 de sa requête introductive, sur la base desquels la cour aurait pu et dû décider qu’il n’y avait pas de transformation de la marque déposée en dénomination générique. Il est affirmé qu’avant la procédure orale dans cette affaire, un certificat d’enregistrement de la marque CHIEN PU en République de Chine (Taiwan) a été envoyé à la cour.
 
2.17      J’estime que la thèse défendue par la branche est en soi correcte mais elle ne peut pas entraîner l’annulation de l’ordonnance attaquée parce qu’elle porte sur une situation qui ne se présente pas dans le cas d’espèce. Il est vrai en soi que le juge appelé à se prononcer sur la validité d’un dépôt de marque – en particulier sur la question de savoir si une marque déposée possède un caractère distinctif – doit prendre en considération non seulement le signe tel qu’il a été déposé en relation avec les produits mentionnés, mais doit tenir compte en outre de tous les (autres) faits et circonstances de l’espèce pertinents, dûment portés à sa connaissance.( 7 ) .
(c)                CHIEN PU WAN est un produit chinois à base d'épices que l'on peut obtenir aux Pays-Bas en guise de complément nutritif et sans ordonnance auprès d'une pharmacie, d'une droguerie et d'un magasin diététique.
(d)                BSP a déposé le 6 février 1985, le 8 novembre 1994 et le 23 novembre 1994 auprès du BBM une marque figurative représentant un conditionnement portant les mots CHIEN PU WAN, une marque verbale CHIEN PU WAN et une marque figurative de couleur noire. Ces dépôts ont été enregistrés sous les numéros 408392, 836873 et 558001, et ce pour des produits en classe 5 ( ), le BBM a communiqué au mandataire d’ISP qu'il refusait provisoirement l'enregistrement du dépôt. A cet effet, le BBM – se référant au jugement du tribunal de Breda mentionné sous (h) ci-dessus – a indiqué comme motif que le signe CHIEN PU WAN était exclusivement descriptif pour les produits et services mentionnés dans les classes 5, 16 et 35 dans la mesure où ils se rapportent au produit chinois à base d'épices chien pu wan et qu'il était dépourvu de caractère distinctif au sens de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM.
ISP s'est opposée à ce refus provisoire auprès du BBM ( 24 5 32 12 17 2 ), la Cour de Justice Benelux a décidé, entre autres, que les décisions telle que la présente sont susceptibles d’un pourvoi en cassation en vertu de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM). C’est pourquoi il y a lieu de prendre des conclusions additionnelles dans la présente affaire.
 
1.4               Les faits suivants peuvent être retenus en cassation.
(a)                Fin 1983/début 1984 International Sales Promotors (ci-après: ISP) a été la première à commercialiser aux Pays-Bas des pilules portant l'indication « CHIEN PU WAN ».
(b)                ISP est, en vertu d’une convention avec la société taïwanaise Bae Shian Pharmaceutical Co. Ltd. (ci-après: BSP), fabricante de ces pilules, la représentante exclusive en Europe pour la vente de ces pilules( 30 10 ). Elle estime que ce n’est pas la modification juridique provoquée par le jugement constitutif qui a l’autorité de force jugée, mais le déclaratif sous-jacent. Sous cet angle, l’opposabilité aux tiers de certains jugements constitutifs est ramenée à une exception à la règle principale suivant laquelle l’autorité de chose jugée s’impose uniquement aux parties, à leurs héritiers et ayants cause.
 
2.7               Quoi qu’il en soit de cette construction théorique, elle n’a pas à être mise en œuvre dans le cas présent. Parmi les jugements constitutifs qui ont (par leur nature) un effet général, au sens du passage cité sous 2.5, on trouve en effet aussi le jugement qui prononce l’annulation d’un dépôt de marque, assortie d’un ordre d’office de radiation de ce dépôt (art. 14 LBM). Ceci ressort du passage suivant du Commentaire commun des gouvernements( 15 22 ) à l'époque du dépôt et que la marque figurative noire déposée était dépourvue de caractère distinctif à l'égard du produit considéré.
(i)                  Ce jugement n'a pas été frappé d'appel. Dès qu'il est passé en force de chose jugée, le BBM a radié la marque verbale CHIEN PU WAN.( ). Par lettre du 4 février 1997 ( ), non comme une particularité des jugements d’état, mais plutôt comme une conséquence de la circonstance que les jugements constitutifs peuvent avoir un effet général”.
 
 
2.6               Veegens a fait remarquer que cet exposé “n’a pas éclairci toutes les zones d’ombre”. ( ), le BBM a fait savoir à ISP qu'il refusait définitivement l'enregistrement.
 
1.5               En vertu de l'article 6ter de la LBM, ISP a fait appel de ce refus définitif d’enregistrement devant la cour d'appel de La Haye. Par ordonnance du 18 septembre 1997, la cour a rejeté le recours. Elle a notamment motivé comme suit sa décision :
 
“6. Ce que ISP désire en fait, c’est que le Bureau, après avoir procédé d’abord à la radiation de l’enregistrement d’un dépôt déterminé d’une marque verbale - transformée en dénomination générique selon une décision judiciaire passée en force de chose jugée - sur injonction du juge, et être appelé ensuite à statuer dans le cadre d’un examen d’un dépôt identique sur pied de l’article 6bis de la LBM, recherche si le juge a décidé à bon droit qu’il y avait transformation en dénomination générique.
7. La cour estime que permettre au Bureau une telle révision d’une décision judiciaire ne serait pas conforme à la délimitation des tâches et des attributions respectives du Bureau et du juge, telles qu’elles sont prévues dans la Convention Benelux et la LBM. C’est pourquoi le Bureau a eu raison de présumer le bien-fondé de la décision judiciaire.”

1.6               ISP s’est pourvue en cassation contre cette ordonnance dans le délai prescrit.( 29 ).
Par lettre du 1er juillet 1996 ( ), le président a déchargé 3-Maste de l'instance et condamné BSP et ISP aux dépens de l’instance.
(g)                BSP et ISP ont ensuite engagé une action quant au fond contre 3-Maste devant le tribunal de Breda. Elles y ont demandé entre autres au principal de condamner 3-Maste à cesser avec effet immédiat, à compter de la signification du jugement, de mettre sur le marché, de détenir, de vendre et de livrer des pilules sous le nom de CHIEN PU WAN.
3-Maste s'est défendue de manière motivée contre cette demande. Elle a formé en outre une demande reconventionnelle.
(h)                Par jugement du 25 avril 1995 ( )
 
Beukers a établi dans sa dissertation une relation avec l’autorité de force jugée ( 21 ), à lire dans le contexte des conclusions de l’avocat général Strikwerda. Dans ses conclusions du 10 novembre 2000 dans la procédure Libertel (n° 2.35), l’avocat général Langemeijer a relevé toutefois que la cour de La Haye avait déjà posé une question préjudicielle sur ce sujet dans l’affaire Postkantoor à la Cour de Justice Benelux. C’est pourquoi il est préférable d’attendre la décision dans cette affaire avant de statuer sur la condamnation aux dépens.
 
3.         Conclusion
 
Je conclus au rejet du pourvoi en réservant la décision sur les dépens.
 
Le Procureur général près le Hoge Raad der Nederlanden,
 
* * * * *


( 1) NJ 2000, 551.
(2) Prod. 3D(2) annexée à la requête introductive.
(3) Att. 3.2 du jugement du tribunal de Breda – à citer ci-après sous (h).
(4) Voyez la note précédente.
 
(5) Prod. 3C(2) annexée à la requête introductive.
(6) Prod. 3F annexée à la requête introductive.
(7) Selon une copie d’un livre de Luc Vangermeersch (p. 411) produite par 3-Maste, portant le titre “De traditionele Chinese fytotherapie volgens CHEN KAI-YAN, les mots “CHIEN”, “PU” et “WAN” sont traduits séparément par “énergique”, “pas” et “pilule” et expriment conjointement “pilules pour marcher à ‘pas de tigre’”. ISP parle à la p. 4 de la réclamation visée sous (1) ci-après de “Steady Gait Pill”/”Stevige Tred Pil”.
(8) La cour a considéré ce fait comme acquis au point 5 de l’ordonnance attaquée.
(9)Voyez l’accusé de réception du BBM produit comme prod. 1 de la requête introductive. Les classes de produits concernées portent entre autres sur divers produits pharmaceutiques et sur des produits fabriqués en papier et en carton. La classe 35 vise entre autres la publicité, les annonces, les réclames et la diffusion de réclames. La description complète des classes précitées se trouve dans l’accusé de réception précité et n° 2a de l’ordonnance attaquée.
(10)  Prod. 2 annexée à la requête introductive.
(11) Prod. 4 annexée à la requête introductive.
 (12) Prod.5(2) annexée à la requête introductive.
(13) La requête en cassation est parvenue au greffe du Hoge Raad le 16 novembre 1997.
 (14) HR 2 décembre 1949, NJ 1950, 20, sur ce point Losbl. Rv (Asser), aant. 6 bij Boek 1, Titel 1, Afd. 4 et Hugenholtz/Heemskerk, 1998, n° 96 (fin).
(15) Losbl. Rv (Asser), aant. 12 bij art. 67 donne comme exemple des jugements qui annulent un acte juridique ou prononcent la résolution d’une convention réciproque.
(16) Travaux parlementaires nouveau droit de la preuve, p. 412-413. Ce passage est également cité par Veegens, Het gezag van gewijsde, 1972, p. 45.
(17) L’art. 1954 Code civil (ancien) contenait une disposition reprise maintenant sous une forme modifiée à l’art. 67 du code de procédure civile sur l’autorité de chose jugée; l’art. 1957 Code civil (ancien) reconnaissait une opposabilité erga omnes aux jugements relatifs à l’état des personnes, rendus contre ceux qui étaient habilités légalement à contredire la demande.
(18) O.c. p. 45.
(19) O.c. p. 46.
(20) Beukers, Eenmaal andermaal?, diss. 1994, p. 67.
(21) Le Commentaire commun des gouvernements relatif à la loi uniforme Benelux sur les marques de produits qui est joint en annexe à la convention Benelux du 19 mars 1962 (art. 1 convention Benelux), a été publié dans Trb. 1962, 58 et repris dans Schuurman & Jordens 47-I, Benelux merkenwetgeving (1996).
(22) Trb. 1962, 58, p. 66; S&J 47-I, p. 195.
 (23)Trb. 1962, 58, p. 44; S&J 47-I, p. 7.
 (24)Convention du 23 mai 1969, Trb. 1972, 51 (anglais et français), 1977, 169 (traduction néerlandaise, insérée de nouveau dans Trb. 1985, 79; rectification dans Trb. 1996, 89). Voyez sur l’application des règles d’interprétation consignées aux articles 31-33 de la convention aux traités de droit privé uniforme e.a. HR 29 juin 1990, NJ 1992, 106; HR 21 février 1997, NJ 1998, 416 et P. de Meij, Interpretatie van verdragen van uniform (vervoer)recht, ETL 1998, p. 607-647 (avec diverses références à la jurisprudence néerlandaise et étrangère). Récemment les règles d’interprétation de la convention de Vienne ont été appliquées par le Hoge Raad dans une affaire fiscale: HR 1 novembre 2000, 35.398, NTFR 2000, 1633.
 (25) Voyez Aust, Modern treaty law and practice (2000), p. 188-191. P. de Meij, loc.cit., p. 611-612; Sinclair, The Vienna Convention on the Law of Treaties, 2e édition (1984), p. 129-130.
 (26)Voyez la note précédente.
 (27) Veegens, o.c. pz. 32-33; Beukers, diss. N° 4.2, Losbl. Rv (Asser), aant. 10 bij art. 67.
 (28) Point 3.3.2 (a) du jugement de Breda.
 (29) Dans ses conclusions en réponse n° 22-23 et dans sa note de plaidoirie p. 2-4.
 (30)Prod. 3C(1) resp. 3E(2) annexées à la requête.
(31)  La branche vise manifestement la dernière phrase de 5.2.6 de l’ordonnance de la cour de La Haye du 3 juillet 1997 (Bio Claire, BIE 1997, 74).
 (32)Rov. 19-21 van BenGH 26 juni 2000, NJ 2000, 551.
 (33)HR 19 juni 1998, NJ 1999, 68.
 (34)BenGH 26 juni 2000, NJ 2000, 551.
) Mais cette règle porte sur le cas normal où le juge n’est pas lié par une sentence judiciaire antérieure qui étend ses effets à la présente appréciation. Comme on l’a vu lors de l’examen des sous-branches 2.2 en 2.3, c’est bien le cas en l’occurrence. La branche ne peut dès lors réussir, dès lors que le grief juridique avancé est dénué de fondement en fait.
 
2.18      La branche 5 ne contient pas de grief et ne peut donc affecter ce qui précède.
 
2.19      Le moyen échouant dans son ensemble, il se pose la question de savoir si ISP doit être condamnée aux dépens. J’ai développé ma position à ce sujet dans mes conclusions additionnelles prises aujourd’hui dans l’affaire portant le numéro de requête R 97/154 (Unilever/BBM). En résumé, une réponse affirmative à cette question est probablement renfermée dans l’ordonnance de renvoi du Hoge Raad dans l’affaire Campina ( )
(f)                  BSP et ISP ont intenté contre 3-Maste une action en référé devant le président du tribunal de Breda. Le défaut a été prononcé contre BSP et ISP. Par jugement du 28 octobre 1994 ( 31 ) Il mentionne que l’application pratiquement la plus importante est constituée par les jugements sur la validité des décisions de personnes morales. Il relativise ensuite avec la remarque : “Mais l’argument sous cette forme est-il plus qu’une petitio principii?”. ( 9 14 18 ) – produit également ses effets à l’égard et au bénéfice du BBM en tant que tiers. Ainsi comprise, cette décision me paraît juste. En effet, dans le dispositif de son jugement, le tribunal a dit pour droit non seulement que les dépôts de la marque verbale CHIEN PU WAN sont nuls et a ordonné la radiation de leur enregistrement, mais il a modifié, ce faisant, la situation juridique à l’égard de la marque précitée. En effet, ISP a cessé d’être ayant droit à cette marque à cause de la radiation. Certes, on ne peut pas dire que tous les jugements constitutifs ont effet envers les tiers ( 33 )
 
2.13      La conclusion de ce qui précède est que les sous-branches 2.2 et 2.3 sont sans objet.
 
2.14      La sous-branche 3 fait grief de ce que les points 6 et 7 de l’ordonnance attaquée sont incompréhensibles parce qu’ISP n’a pas demandé au BBM d’examiner si le tribunal de Breda avait de bons motifs de juger qu’il y avait transformation en dénomination générique. ISP demande seulement au BBM de s’acquitter de l’obligation d’examen qui lui incombe, ce qu’il a négligé de faire – aux yeux d’ISP – s’il reprend telle quelle la décision du tribunal de Breda.
 
2.15      Ce grief juridique emballé comme un grief de motivation échoue pour les motifs exposés lors de l’examen des sous-branches 2.2 et 2.3.
 
2.16      La branche 4 tend à démontrer que dans l’ordonnance attaquée, la cour n’a pas agi conformément au critère fixée par la cour elle-même dans une ordonnance antérieure.( ) et non des travaux préparatoires au sens de l’art. 32 CVDT où l’on trouve l’historique de la convention. Le Commentaire commun des gouvernements peut être considéré en effet comme un rapport explicatif qui a été établi en même temps que le texte du traité (ou peu après la conclusion du traité) par les gouvernements de tous les pays parties au traité.( 28 ) que CHIEN PU WAN est une dénomination générique et n’est dès lors pas susceptible d’être déposée comme marque.( 23
Numéro de requête 9099 (R97/164)
 
INTERNATIONAL SALES PROMOTORS B.V. contre BBM
 
Hoge Raad der Nederlanden
 
Prononcé: 22 décembre 2000 – CONCLUSIONS ADDITIONNELLES
Numéro de requête 9099 (R97/164)
 
M. Bakels
 
Parquet, le 22 décembre 2000
 
En cause de
 
INTERNATIONAL SALES PROMOTORS B.V.
 
contre
 
LE BUREAU BENELUX DES MARQUES
 
 
 
1.                   Faits et déroulement de la procédure
 
1.1               La présente affaire porte en substance sur la question de savoir si une décision du juge, passée en force de chose jugée, suivant laquelle une marque verbale enregistrée est devenue un nom générique, implique que le BBM peut se contenter de faire référence à cette décision judiciaire en cas de dépôt renouvelé de ce nom comme marque. Il convient de noter que le BBM n’était pas partie à cette affaire antérieure.
 
1.2               Pour le déroulement de la procédure jusqu’au 6 novembre 1998, je renvoie à l’ordonnance rendue ce même jour par le Hoge Raad. Conformément à mes conclusions prises le 8 septembre 1998, le Hoge Raad a sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de Justice Benelux se soit prononcée dans l’affaire Campina/BBM sur la question de savoir si la décision du BBM portant refus d’office de l’enregistrement d’un dépôt est susceptible d’un pourvoi en cassation.
 
1.3               Dans son arrêt du 26 juin 2000 dans l’affaire Campina( ) Ces motifs étaient dans le cas présent que même si un droit de marque sur les mots CHIEN PU WAN pour BSP, ce droit s’est éteint du fait que la marque s’est transformée dans ce cas (“est devenue”) une dénomination générique.( 19 4 6 13 )
 
2.8               Le Commentaire commun des gouvernements relatif à la Convention Benelux en matière de marques de produits et de la loi Benelux sur les marques jointe en annexe (art. 1 convention Benelux) a été établi par les gouvernements des pays du Benelux et publié simultanément avec le texte de la convention et de la loi. Dans l’introduction du commentaire y relatif, on note que le commentaire des articles de la convention et de la loi faisant partie du commentaire.
 
“s’étend longuement sur les principes qui constituent la base du droit à la marque, afin de laisser le moins de place possible à l’équivoque, lors du commentaire et de l’interprétation de la loi dans les trois Etats”.( ) C’est important parce que l’art. 31 alinéa 1er, CVDT dispose que les mots utilisés dans une disposition conventionnelle doivent être interprétés de bonne foi, conformément à leur sens ordinaire, dans leur contexte et à la lumière de l’objet et de la finalité du traité. Le juge doit donc avoir égard, dans l’interprétation de la loi Benelux sur marques, au texte de ces dispositions, considérées à la lumière de l’ensemble du texte de la loi, de la convention et du commentaire commun des gouvernements ainsi que de la finalité et de l’objet de la convention.
 
2.10      Eu égard à ce qui précède, il convient, pour l’interprétation de l’art. 14 de la LBM, de tenir compte du passage du Commentaire commun des gouvernements relatif à l’art. 14 LBM qui est cité au n° 2.7. Il faut avoir égard en outre au système de la LBM qui fait de l’enregistrement d’un dépôt la condition de naissance d’un droit à la marque et (partant) frappe ce droit d’extinction par la radiation de cet enregistrement. Il est conforme à ce système qu’une telle radiation produise ses effets à l’égard des tiers, et ce dans l’intérêt de la sécurité juridique, finalité de la mise en place de ce système d’enregistrement.
 
2.11      L’annulation et l’ordre de radiation du dépôt étendent donc leurs effets au BBM et à ISP. Mais cette seule circonstance est-elle décisive pour le cas présent où ISP réclame l’enregistrement d’un nouveau dépôt de la même marque verbale CHIEN PU WAN? Les décisions d’annulation, d’un côté, et de refus d’un nouvel enregistrement, d’un autre côté, ne sont-elles pas de nature trop différente ? La réponse à la première question doit être affirmative à mon sens et négative à la seconde parce que l’effet du jugement de Breda ne se limite pas à son dispositif, mais s’étend aux motifs qui le sous-tendent.( ) Il s’agit d’un ‘agreement/instrument relating to the treaty made by the parties in connexion with the conclusion of the treaty’, qui appartient au contexte du traité en vertu de l’art. 31 alinéa 2 début et sous (a) et (b) WVV.( ).
(e)                Depuis l'été de 1994, 3-Maste Products Promotion (ci-après 3-Maste) commercialise dans le Benelux des pilules sous le nom de CHIEN PU WAN. Ces pilules sont fabriquées par la société taiwanaise Nan-Found Pharmaceutical Co. Ltd.( 26 ):
 
“De même qu’une convention ne lie que les parties, de même la chose jugée ne lie qu’elles. Les tiers peuvent néanmoins ressentir les effets d’une convention conclue par autrui tout comme ils peuvent ressentir les effets d’un jugement rendu entre d’autres personnes. Tel est le cas des jugements relatifs au statut personnel de la partie à la cause ; ce sont les jugements dits constitutifs, créant une situation juridique nouvelle entre ceux dont la relation juridique familiale a été mise en cause par eux. Ces jugements s’imposent aux tiers, du moins dans la mesure où ils ne sont pas lésés dans leurs droits, mais c’est autre chose que la force obligatoire de la chose jugée pour les parties dans une autre instance. En effet, d’autres jugements constitutifs que les jugements d’état peuvent en fait produire leurs effets envers les tiers (…). On ne doit pas considérer la disposition de l’article 1957 comme une exception à l’article 1954 ( ), mais sans la mesure où la nature de la relation juridique en litige le nécessite, il doit être admis que de telles décisions sont bien opposables aux tiers. Ainsi s’exprime aussi l’exposé des motifs de l’article 67 du code de procédure civile 67Rv ( )
(j)                  Le 11 mars 1996, ISP a (de nouveau) déposé auprès du BBM la marque verbale CHIEN PU WAN pour des produits dans les classes 5 et 16 ainsi que pour des services en classe 35 ( ), le tribunal a rejeté les demandes principales et dit pour droit sur reconvention que les dépôts effectués par BSP auprès du BBM de la marque verbale CHIEN PU WAN en date du 8 novembre 1994 sous le numéro 836873 et de la marque figurative noire en date du 23 novembre 1994 sous le numéro 558001 étaient nuls et il a ordonné la radiation de l'enregistrement des dépôts. A cet effet, le tribunal a considéré, en résumé, que la marque verbale CHIEN PU WAN était devenue une dénomination générique ( 16 34 ) Et c’est cette même motivation qui porte – ou qui peut du moins porter – la décision dans la présente affaire, que le BBM a refusé à bon droit l’enregistrement du nouveau dépôt.
 
2.12      A la fin de la sous-branche 2.2, il est encore dit qu’il n’a pas été allégué dans la procédure devant le tribunal de Breda que la marque était devenue une dénomination générique. La portée manifeste de cette remarque est que le tribunal serait sorti des limites du conflit de droit dans sa décision. Mais même s’il en était ainsi, il n’empêche que le tribunal a énoncé dans son jugement la décision susvisée contre laquelle aucun appel n’a été interjeté. C’est pourquoi cette décision (comme il a été dit : tant le dispositif que les motifs sur lesquels il repose) est passée en force de chose jugée et il convient d’en tenir compte dans la présente procédure pour les raisons susmentionnées.  
            Je note à titre superfétatoire que ce grief manque en fait. 3-Maste a, en effet, bel et bien allégué (de manière argumentée) dans la procédure devant le tribunal de Breda ( ) Le BBM a demandé de rejeter le pourvoi dans un mémoire en défense circonstancié. ISP a ensuite fait développer l’affaire par écrit par son avocat.
 
2.                   Examen du moyen de cassation
 
2.1               Le moyen de cassation se compose de quatre branches, dont les deux premières sont subdivisées en sous-branches.
 
2.2               Les sous-branches 1.1-1.4 et 2.1 ne contiennent pas de griefs mais ont un caractère introductif.
 
2.3               Les sous-branches 2.2-2.3 sont dirigées contre les points 6 et 7 de l’ordonnance attaquée et tendent, en substance, à démontrer que la cour a décidé à tort que le BBM pouvait considérer sur la base du jugement passé en force de chose jugée du tribunal de Breda, auquel ISP était partie mais non le BBM, que la marque déposée est devenue une dénomination générique. La cour a méconnu le fait que le jugement du tribunal de Breda n’avait pas l’autorité de chose jugée entre ISP et le BBM.
 
2.4               Avant d’examiner ce grief, il convient de signaler que le jugement du tribunal (a) n’a pas été rendu entre les parties à la cause dans le présent litige et (b) a conduit à l’annulation des dépôts (entre autres) de la marque verbale CHIEN PU WAN et à un ordre de radiation de ceux-ci, alors que la présente procédure porte sur une demande d’enregistrement d’un nouveau dépôt de la même marque verbale.
 
2.5               On doit admettre que la cour, peu importe la motivation retenue à cette fin, a voulu dire que le jugement du tribunal présent un aspect constitutif et, dans cette mesure – le jugement étant passé en force de chose jugée ( ) relatif à l’art. 14 LBM:
 
“Si le juge décide qu’un droit de marque est nul ou éteint, il ordonne d’office la radiation de l’enregistrement. De ce fait, le jugement vaut erga omnes puisque, sans enregistrement, le droit de marque est inexistant ”. ( 11

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