Numéro de requête 97/753

Date
Instance
REC NL
Marque
INTERNET WORLD
Numéro de dépôt
Déposant
Mecklermedia Corporation
Texte

Prononcé : 5 mars 1998
No de la requête.: 97/753

LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,

a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :

la personne morale selon le droit de l'Etat du Delaware (Etats-Unis d'Amérique)
MECKLERMEDIA CORPORATION,
dont le siège est à Westport, Connecticut, Etats-Unis d'Amérique,

requérante,
avoué : Me T. Cohen Jehoram

contre

Le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,

défendeur,
avoué : Me B.T.M. Steins Bisschop

La procédure

Par requête (avec annexes) reçue au greffe de la cour le 6 octobre 1997, la requérante, dénommée ci-après Mecklermedia, a demandé à la cour d'ordonner au Bureau Benelux des Marques l'enregistrement du dépôt 874.472 (INTERNET WORLD) pour tous les produits refusés, du moins pour les produits et services pour lesquels INTERNET WORLD n’est pas purement descriptif.

Par mémoire en défense (avec annexes) reçu au greffe de la cour le 28 octobre 1997, le défendeur, dénommé ci-après le Bureau, a demandé à la cour de rejeter la requête et de condamner Mecklermedia aux dépens.

La procédure orale est intervenue le 19 janvier 1998. Les parties - le Bureau déposant des pièces - ont fait exposer leur point de vue à l'aide de notes de plaidoirie, Mecklermedia par son avoué et le Bureau par Me J.H. Spoor, avocat à Amsterdam.

Examen de la requête

1. La requête a été introduite dans le délai.

2. La requête et les pièces déposées au procès font apparaître ce qui suit :

a. Le 5 juillet 1996, Mecklermedia a déposé auprès du Bureau le signe INTERNET WORLD sous le n° 874.472 comme marque verbale pour les produits et services dans les classes suivantes, telles que modifiées et complétées ultérieurement :

- la classe 9 : publications électroniques, disponibles en ligne, notamment périodiques, revues, suppléments de revue, livres et guides;

- la classe 35 : organisation et tenue d’exhibitions commerciales et d’expositions à des fins publicitaires et commerciales;

- la classe 41 : organisation et tenue de conférences.

b. Par lettre du 16 janvier 1997, le Bureau a notifié à Mecklermedia le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt 874.472. Le Bureau a indiqué les motifs suivants :

« Le signe INTERNET WORLD est composé de internet et de world (monde en anglais) et est exclusivement descriptif pour les produits et services mentionnés dans les classes 9, 35 et 41, relativement au monde d’internet. C’est pourquoi le signe est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l'article 6bis, alinéa premier, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques (...). »

c. Mecklermedia a fait opposition à ce refus provisoire par lettres du 5 mai, du 10 juillet et du 14 juillet 1997.

d. Le Bureau n'y a pas vu motif à revoir sa décision de refus provisoire.

e. Par lettre du 4 août 1997, le Bureau a notifié à Mecklermedia sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du dépôt.

3. Sur pied de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM), Mecklermedia demande à la cour d'ordonner au Bureau l'enregistrement du dépôt pour tous les produits et services refusés, du moins pour les produits et services pour lesquels le signe INTERNET WORLD n’est pas exclusivement descriptif.
Mecklermedia soutient que la combinaison verbale INTERNET WORLD ne peut pas être considérée comme un signe purement descriptif et dépourvu de tout pouvoir distinctif.

4. Le Bureau, qui a basé ses décisions sur l’article 6bis, alinéa premier, sous a, de la LBM, demande à la cour de rejeter la requête.

5. Selon l’article 6bis, alinéa premier, début et sous a, de la LBM, l’enregistrement d’un dépôt doit être refusé si le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris. Cette disposition est libellé comme suit :

Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
1. (...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;

6. Le litige porte sur le point de savoir si la combinaison des vocables « INTERNET WORLD » pour les produits et services pour lesquels le dépôt a été effectué (ou un ou plusieurs de ceux-ci) possède un caractère distinctif.
Mecklermedia affirme dans ce contexte que le signe s’énonce « INTERNET WORLD » sans l’article « the », qu’il a une triple signification et que la combinaison verbale est davantage que la somme des composantes séparées de sorte que le signe possède quelque chose de supplémentaire, ce qui a été reconnu à l’étranger puisque INTERNET WORLD a été enregistré comme marque en France, en Espagne, au Danemark et en Finlande.

7. Tant le mot anglais « world » que le mot « internet » sont en soi descriptifs tandis que même la combinaison des vocables est dépourvue de caractère distinctif au sens susvisé en tant qu’elle se rapporte à des produits et services concernant (le monde d’)internet.
La cour estime que la combinaison verbale n’a pas non plus de caractère distinctif pour ces produits et services au motif qu’elle aurait différentes significations. Les significations alléguées par Mecklermedia (l’ensemble abstrait des applications internet, le réseau à vocation mondiale que constitue internet et internet comme monde virtuel) sont apparentées les unes aux autres ou sont étroitement liées entre elles. L’abandon de l’article « the », ce qui se rencontre particulièrement en anglais pour les titres de revues etc., n’implique pas davantage que la combinaison verbale recèlerait quelque chose de plus.
La cour prend notamment en considération le fait que l’usage du mot anglais « world » ne confère aucun caractère distinctif à la combinaison verbale étant donné que ce mot tout comme le mot allemand « Welt » par exemple, sont des mots connus dans le Benelux, tandis que le mot « internet » est devenu dans le langage courant une dénomination usuelle dans le domaine de l’informatique dans le Benelux. Il n’appert pas non plus que le public (concerné) percevra que la combinaison verbale remplit la fonction d’une marque pour les produits et services visés.
De plus, l’acceptation du signe INTERNET WORLD comme marque pour ces produits et services empêcherait des tiers de désigner des produits ou services identiques ou similaires avec cette combinaison verbale.
La circonstance que le signe a été enregistré comme marque après examen d’antériorités dans quatre pays n’implique pas forcément que le signe posséderait aussi un caractère distinctif dans le Benelux étant donné que la réponse sur ce point dépend notamment des conceptions y relatives sur le territoire Benelux, sans oublier que toute demande d’enregistrement d’un dépôt doit être appréciée sur ses mérites propres. Il en va de même à l’égard du moyen tiré par le Bureau de l’enregistrement d’autres marques telles que INTERNET WORLD, INTERNET MARKETING LAB et le dépôt antérieur INTERNET WORLD, la cour faisant observer qu’en tout cas l’enregistrement antérieur de INTERNET WORLD a été effectué sous l’empire de la législation antérieure au 1er janvier 1996, à une époque où la compétence de refus telle que visée à l’article 6bis de la LBM n’avait pas encore été conférée au Bureau.

La cour considère cependant que l’on ne saurait dénier un certain caractère distinctif à la combinaison verbale pour d’autres produits et services que ceux se rapportant au monde d’internet ou à internet.

8. Mecklermedia défend en outre le point de vue que le signe INTERNET WORLD, de par son usage intensif depuis 1992, a été consacré par l’usage pour les produits et services pour lesquels il a été déposé, y compris les produits et services se rapportant au monde d’internet, mais que les preuves à l’appui de ce point de vue n’ont pas pu être réunies à temps.

9. Contrairement à ce que pense le Bureau, la requérante est en principe libre de produire, même en cours de procédure sur requête, des pièces à l’appui du moyen tiré de la consécration par l’usage qui a été invoqué dans la réclamation pour lui permettre d’en inférer la consécration du signe concerné par l’usage avant la date du dépôt.

10. Dès lors que, en l’espèce, Mecklermedia n’appuie la prétendue consécration par l’usage sur aucun élément de fait, nonobstant l’occasion qui lui avait été donnée par le Bureau, cette allégation est écartée. L’enregistrement antérieur du signe INTERNET WORLD (en 1995) ne suffit pas à cette fin. En effet, la consécration par l’usage suppose un usage effectif intense et de longue durée du signe dans le Benelux, lequel n’est pas avéré dans le cas d’espèce.

11. Il suit de ce qui précède que la demande principale de Mecklermedia doit être rejetée et que la demande subsidiaire sera accueillie, entraînant la compensation des dépens, dès lors que les deux parties sont partiellement déboutées.

Décision

La cour :

ordonne au Bureau Benelux des Marques de procéder à l’enregistrement du dépôt de la marque verbale INTERNET WORLD, tel qu’il a été effectué le 5 juillet 1996 sous le numéro 874.472 et complété ultérieurement, pour les services dans :
- la classe 35 : organisation et tenue d’exhibitions commerciales et d’expositions à des fins publicitaires et commerciales, pour autant qu’elles ne se rapportent pas au monde d’internet ou à internet;
- la classe 41 : organisation et tenue de conférences, pour autant qu’elles ne se rapportent pas au monde d’internet ou à internet;

rejette pour le surplus la demande de Mecklermedia;

compense les dépens de la procédure en ce sens que chaque partie supportera ses propres dépens.

La présente ordonnance a été rendue par messieurs Fasseur-van Santen, Van den Ende-Wiefkers et van Sandick, et prononcée à l'audience publique du 5 mars 1998 en présence du greffier.

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