Numéro de requête A 98/2

Date
Instance
CJB (concl. A-G)
Marque
BIOMILD
Numéro de dépôt
Déposant
Campina Melkunie B.V.
Texte
www.courbeneluxhof.int
Campina Melkunie
 
contre
 
Benelux-Merkenbureau
 
1.                   Dans la présente affaire, la Cour de Justice Benelux a rendu un arrêt le 26 juin 2000 (Jur. 2000, p. 25). En ce qui concerne les faits, la procédure et les questions posées à la Cour de Justice Benelux par le Hoge Raad der Nederlanden dans son ordonnance du 19 juin 1998 (affaire n° 9090, R97/155), qu’il me soit permis de renvoyer aux attendus 2, 3 et 4 à 10 de cet arrêt.
 
2.                   Par l’arrêt prémentionné, la Cour de Justice Benelux a répondu aux questions Ià V et à la question IX du Hoge Raad.
 
3.                   En ce qui concerne les questions VI à VIII, la Cour de Justice Benelux a considéré que la réponse à ces questions nécessitait l’interprétation des articles 2 et 3, § 1er, de la première Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, J.O.C.E. 1989, L40, p. 1, ci-après : la directive, et qu’il était souhaitable de soumettre ces questions également à la Cour de justice des Communautés européennes.
 
4.                   La Cour de Justice Benelux a demandé à la Cour de justice des Communautés européennes de se prononcer sur les questions suivantes relatives à l’interprétation de la directive :
 
A.         Les articles 2 et 3, paragraphe 1, de la directive doivent-ils être interprétés en ce sens que, pour apprécier si un signe qui est constitué d'un mot nouveau composé de différents éléments possède un caractère distinctif suffisant pour servir de marque pour les produits concernés, il faut partir de l'idée que cette question appelle en principe une réponse affirmative même si chacun de ces éléments est dépourvu en soi de caractère distinctif pour ces produits, et qu'il n'en va autrement qu'en présence de circonstances complémentaires, par exemple si le mot nouveau constitue l'expression manifeste et compréhensible d'emblée pour chacun d'une combinaison de propriétés tenue pur essentielle au plan commercial et qui ne saurait être désignée autrement que par le mot nouveau ?
 
B.                  Si la question A appelle une réponse négative, faut-il considérer qu'un signe qui est constitué d'un mot nouveau, composé de différents éléments, chaque élément étant dépourvu par lui-même de caractère distinctif au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, pour les produits concernés, est lui aussi dépourvu de tout caractère distinctif et qu'il n'en va autrement qu'en présence de circonstances complémentaires qui font que la combinaison des éléments est davantage que la somme des parties, par exemple si le mot nouveau témoigne d'une certaine créativité ?
 
C.         La réponse à la question B est-elle différente lorsqu'il existe des synonymes pour chacun des éléments constitutifs du signe, de sorte que les concurrents du déposant, désireux de montrer au public que leurs produits possèdent eux aussi la combinaison des propriétés désignée par le mot nouveau, peuvent raisonnablement le faire en recourant à ces synonymes ?
 
La Cour de Justice Benelux a sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se sera prononcée.
5.         Par arrêt du 12 février 2004 (affaire C-265/00), la Cour de justice des Communautés européennes a répondu aux questions qui lui étaient soumises. La Cour de justice des Communautés européennes a joint les trois questions et a dit pour droit en réponse à celles-ci :
 
« L'article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments.
Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés
dans la demande d'enregistrement. »
 
6.         Dans son arrêt du même jour dans l’affaire KPN/Bureau Benelux des Marques, affaire C-363/99 (« Postkantoor »), la Cour de justice des Communautés européennes a décidé dans un sens identique, si ce n’est de manière un peu plus circonstanciée.
 
7.         Aussi appartient-il maintenant à la Cour de Justice Benelux de répondre aux questions VI à VIII du Hoge Raad en conformité avec la décision de la Cour de justice des Communautés européennes.
 
8.         La Cour de Justice Benelux a donné aux parties la possibilité de s’exprimer sur les réponses de la Cour de justice des Communautés européennes. Le Bureau Benelux des Marques a fait usage de cette possibilité ; Campina Melkunie n’en a pas fait usage.
 
Examen des questions VI, VII et VIII
 
9.         Les questions VI, VII et VIII concernent au fond l’appréciation du caractère distinctif d’un signe constitué d’un néologisme composé de deux éléments qui sont en soi dépourvus de tout caractère distinctif pour les produits concernés. Les questions reposent sur l’idée que cette appréciation s’effectue « in abstracto ». Dans le cas d’une appréciation « in abstracto » du caractère distinctif, seul est pris en considération le signe tel qu’il a été déposé avec les produits mentionnés à cette occasion ; dans le cas d’une appréciation « in concreto », il convient de prendre en considération, de surcroît, d’autres faits et circonstances connus.
 
10.       Le Hoge Raad avait soulevé cette distinction dans les questions II à IV. Dans son arrêt antérieur dans la présente affaire, la Cour de Justice Benelux a considéré qu’il convenait de répondre « in concreto » à ces questions, étant donné que la question de savoir si une marque est dépourvue de tout caractère distinctif ou – en bref – si elle est exclusivement descriptive ne se prête pas à une réponse in abstracto, celle-ci dépendant de l’appréciation des particularités du cas d’espèce (attendu n° 20).
 
11.       Ceci a été confirmé par la Cour de justice des Communautés européennes.
Dans la prédite affaire « Postkantoor », cette Cour avait été saisie de la question de savoir si l’appréciation devait se faire « in abstracto » ou bien « in concreto ». La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit :
 
« L'article 3 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'une autorité compétente en matière d'enregistrement des marques doit prendre en considération, outre la marque telle qu'elle est déposée, tous les faits et circonstances pertinents. Une telle autorité doit prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents avant d'adopter une décision définitive sur une demande d'enregistrement d'une marque. S'agissant d'une juridiction saisie d'un recours contre une décision prise sur une demande d'enregistrement d'une marque, elle doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l'exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable. »
 
12.       Dans la mesure où les questions VI, VII et VIII reposent sur l’idée que l’appréciation du caractère distinctif suffisant d’un signe pour pouvoir être enregistré comme marque pour les produits concernés s’effectue exclusivement « in abstracto », il n’est donc pas nécessaire d’y répondre (voyez mes conclusions antérieures du 22 octobre 1999 dans la présente affaire, n° 31). Dans la mesure où ces questions portent sur l’appréciation « in abstracto » comme élément de l’appréciation globale (c’est ainsi que je comprends l’attendu n° 26 de l’arrêt antérieur de la Cour de Justice Benelux dans la présente affaire), la réponse de la Cour de justice des Communautés européennes aux questions posées par la Cour de Justice Benelux apporte la solution et cette réponse est suffisante pour l’appréciation des questions VI, VII et VIII posées par le Hoge Raad à la Cour de Justice Benelux.
Voyez aussi la décision libellée en termes identiques de la Cour de justice des Communautés européennes dans l’arrêt précité « Postkantoor » (dispositif sous 5) et l’examen de la question X.c dans mes conclusions additionnelles de ce jour dans l’affaire A 99/1.
 
Conclusion
 
Je conclus à ce que votre Cour réponde aux questions VI, VII et VIII conformément au dispositif de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, tel qu’il est reproduit ci-dessus sous le n° 5.
 
La Haye, le 9 juillet 2004
 
(s.) L. Strikwerda
 
Avocat général
 
* * * * *
Numéro de requête: A 98/2
Campina Melkuni contre BMB
 
COUR DE JUSTICE – BENELUX GERECHTSHOF
Prononcé: 9 juillet 2004
 
Traduction des
 
Conclusions additionnelles de monsieur l’avocat général
L. Strikwerda (pièce A 98/2/17)
 
GREFFE
39, RUE DE LA RÉGENCE
1000 BRUXELLES
TÉL. (0) 2.519.38.61
FAX (0) 2.513.42.06

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