Numéro de requête C.08.0541.F

Date
Instance
REC BE (concl. A-G)
Marque
AQUACLEAN
Numéro de dépôt
Déposant
BLUEPLANET LLC
Texte
1 3 ). Tel est le cas, en particulier, des motifs de refus d’enregistrement énoncés respectivement aux points b), c) et d) de ladite disposition même s’il existe un chevauchement évident de leurs champs d’application respectifs( ).

12. Une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques de produits ou de services, au sens de l’article 3, § 1er, c), de la directive, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 3, § 1er, b)( 5 4 ).

15. L’arrêt attaqué, pour considérer que le signe « Aquaclean » présente un caractère distinctif et n’est pas descriptif, après voir rappelé “qu’un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits (ou services) concernés”, énonce qu’”Aquaclean” « n’[est] pas un signe qui s’impose pour désigner les produits concernés ou leur(s) caractéristique(s) dans les langues du Benelux », que « le public pertinent ne percevra pas le signe comme une manière usuelle de décrire les produits concernés » et que ce signe « n’informe pas directement et immédiatement le consommateur de la qualité ou de la destination des produits concernés ».

Ces énonciations ne permettent pas de conclure à une application, par les juges d’appel, de la règle de la signification potentielle du signe ou de l’indication, dont par ailleurs ils rappellent pertinemment l’existence.

Partant, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision d’ordonner à la demanderesse de procéder à l’enregistrement de la marque « Aquaclean ».

16. Il n’y a pas lieu d’examiner les autres branches du moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

III. - CONCLUSION

17. Cassation de l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit le recours.


L’avocat général


André HENKES

Bruxelles, le 7 septembre 2010.

1 – Cass., 17 avril 2008, RG C.05.0491.N, Pas., 2008, nº 229 et www.cass.be.

2 – CJCE, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland NV, C-363/99, curia.europa.eu, point 67 et arrêts du 8 avril 2003, Linde e.a., C-53/01 à C-55/01, Rec. p. I-3161, point 67.

3 – CJCE, arrêt du 16 septembre 2004, C-329/02, Satellitenfernsehen GmbH contre OHMI, nº 25, curia.europa.eu, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland NV, C-363/99, curia.europa.eu, point 67 et 85 (Si chacun des motifs de refus d’enregistrement mentionnés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive est indépendant des autres et exige un examen séparé, il existe un chevauchement évident des champs d’application respectifs des motifs énoncés aux points b), c) et d) de ladite disposition) ainsi qu’arrêt du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C-517/99, Rec. p. I-6959, points 35 et 36.

4 – CJCE, arrêts du 12 février 2004, Campina Melkunie BV, C-265/00, curia.europa.eu, point 18 et Koninklijke KPN Nederland NV, o.c..

5 – C.J.C.E., arrêts précités du 12 février 2004, Campina Melkunie BV, point 38 et Koninklijke KPN Nederland NV, point 97. Voyez également l’arrêt de la Cour de justice du 23 octobre 2003, OHMI contre Wrigley, C-191/01 P, point 32, relatif à l’application de l’article 7, § 1er, c), du règlement nº 40/94 du conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire.

6 – CJCE, arrêt précité Koninklijke KPN Nederland, points 56 et 57.

1ère ch. – RG C.08.0541.F


ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, anciennement Office Benelux de la Propriété intellectuelle, dont le siège est établi à La Haye (Pays-Bas), Bordewijklaan, 15,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,

contre

BLUEPLANET LLC, société de droit américain constituée selon les lois de l’État du Delaware, dont le siège est établi à Englewood Cliffs (Etats-Unis d’Amérique),
Charlotte Place, 10,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation.

***

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 16 mai 2008 par la cour d’appel de Bruxelles (2006/AR/194).
Rapporteur : Madame le conseiller Sylviane Velu.


***

I. – LES FAITS DE LA CAUSE ET LES ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE

1. Il ressort de l’arrêt attaqué que, par décision du 21 novembre 2005, le Bureau Benelux des Marques, auquel la demanderesse a succédé, a opposé un refus définitif à la demande de la défenderesse tendant à l’enregistrement de la marque verbale « Aquaclean » pour désigner des produits de la classe 1 (mélanges, sous forme liquide ou de poudre sèche, destinés à la biodégradation de déchets organiques) en raison de son caractère descriptif et de son défaut de caractère distinctif.

2. L’arrêt attaqué :

- dit le recours recevable et fondé ;

- ordonne à l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle de procéder à l’enregistrement dans le registre des marques Benelux de l’enregistrement international nº 839737 de la marque verbale Aquaclean pour désigner des produits de la classe 1 ;

- condamne l’Office aux dépens et au paiement à la défenderesse d’une indemnité de procédure.

3. Ces décisions reposent notamment sur les motifs suivants :

« 13. Le signe ‘Aquaclean’ déposé comme marque verbale, dont l’enregistrement comme marque a été demandé pour les produits de la classe 1 – ‘mélanges, sous forme liquide ou de poudre sèche, destinés à la biodégradation de déchets organiques’, est composé exclusivement de deux mots. Il est composé des mots ‘aqua’ et ‘clean’. Le premier mot, ‘aqua’, est le mot d’origine latine pour ‘eau’ / ‘water’ ; le deuxième mot, ‘clean’, est le mot d’origine anglaise pour ‘propre’ / ‘zuiver’ ;

14. L’autorité d’enregistrement a refusé ce signe, se basant sur deux motifs absolus de refus, à savoir, d’une part, l’absence de pouvoir distinctif et, d’autre part, le caractère descriptif, notamment la désignation de la qualité et de la destination des produits concernés par le signe. Elle s’est référée à l’article 6bis, § 1er, b) et c), de la loi uniforme Benelux sur les marques, selon lequel l’enregistrement d’une marque est refusé lorsque l’autorité considère que la marque est dépourvue de caractère distinctif et lorsqu’elle considère que
la marque est composée exclusivement de signes pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la qualité et la destination des produits concernés ;

15. Les prescriptions de l’article 6 de ladite loi uniforme correspondent aux dispositions de l’article 2.11 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) ainsi qu’aux dispositions de l’article 3 de la première directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE) ; ils correspondent aux prescriptions de l’article 7 du règlement (CE) nº 4094 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. Ils doivent être interprétés à la lumière de la jurisprudence communautaire européenne sur la portée des dispositions de la première directive et du règlement précités ;

16. L’autorité d’enregistrement doit notamment, lors de son examen d’un signe verbal en vue de l’enregistrement comme marque, tenir compte :

(i) de l’intérêt général sous-jacent à chacun des motifs de refus absolu (C.J.C.E., 18 juin 2002, aff. C-299/99, Koninklijke Philips Electronics NV contre Remington Consumer Products Ltd, nº 35 et 77 ; 6 mai 2003, aff. C-104/01, Libertel Groep BV contre Benelux-Merkenbureau, nº 51 ; 19 avril 2007, aff. C-273/05, OHMI contre Celltech R&D Ltd, nº 74 ;

(ii) de ce que chacun des motifs de refus d’enregistrement est indépendant des autres et exige un examen séparé (C.J.C.E., 16 septembre 2004, aff. C-329/02, Satellitenfernsehen GmbH contre OHMI, nº 25) ;

(iii) de ce qu’elle doit apprécier globalement l’aptitude plus ou moins grande de la marque à identifier les produits (ou services) pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits (ou services) de ceux d’autres entreprises (C.J.C.E., 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co. GmbH. contre Klijsen Handel BV, nº 22) ;

(iv) de toutes les circonstances de fait in concreto par rapport aux produits (C.J.C.E., 12 février 2004, aff. C-363/99, Koninklijke KNP Nederland NV contre Benelux-Merkenbureau, nº 29 à 35 ; 15 février 2007, aff. C-239/05, OHMI contre Celltech R&D Ltd, nº 31) ;

(v) de ce qu’un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits (ou services) concernés (C.J.C.E., 23 octobre 2003, aff. C-191/01, OHMI contre Wm. Wrigley Jr Company, nº 32 ; 12 février 2004, aff. C-265/00, Campina Melkunie BV contre Benelux-Merkenbureau, nº 38) ;

(vi) de la perception immédiate et concrète par le public pertinent lorsque celui-ce est confronté au signe dans son ensemble et notamment du rapport concret et direct entre les produits et le signe verbal que le public pertinent établira immédiatement et sans autre réflexion (C.J.C.E., 12 février 2004, aff. C-363/99, Koninklijke KPN Nederland NV contre Benelux-Merkenbureau, nº 34 ; 6 mai 2003, aff. C-104/01, Libertel Groep BV contre Benelux-Merkenbureau, nº 46 ; 16 septembre 2004, aff. C-329/02, Satellitenfensehen GmbH contre OHMI, nº 24 ;

17. Le pouvoir distinctif du signe ‘Aquaclean’, c’est-à-dire son aptitude à distinguer les produits concernés comme provenant de l’entreprise de la [défenderesse] de ceux des entreprises concurrentes, doit être apprécié par rapport à l’impression globale que ce signe fait sur le public pertinent pour ces produits (voir également le nº 27) ;

18. Le signe ‘Aquaclean’ n’étant pas un signe qui s’impose pour désigner les produits concernés ou leur(s) caractéristique(s) dans les langues du Benelux mais bien un signe composé de deux mots de langue étrangère (le latin et l’anglais), il peut en soi susciter auprès du public concerné la perception d’un signe utilisé comme signe distinctif ;

19. Le fait que le signe est la réunion de deux mots dont chacun dans sa signification usuelle présente un caractère banal par rapport aux produits en cause et que le signe pris globalement n’est donc pas le résultat d’une recherche de fantaisie poussée, ne prive pas en soi le signe de toute aptitude à distinguer les produits comme provenant d’une entreprise ;

20. Le signe pourrait dès lors remplir la fonction d’une marque, sous réserve de l’examen de son caractère descriptif ;

21. Bien que la langue officielle ou usuelle du public pertinent, à savoir le consommateur moyen du Benelux normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne soit ni le latin ni l’anglais, mais en supposant raisonnablement que ce public comprenne les éléments composants le signe comme ‘eau’ / ‘water’ et ‘propre’ / ‘zuiver’, qu’il traduirait par ‘eaupropre’ / ‘waterzuiver’, rien ne permet de constater que ce public pertinent percevra le signe qu’il traduirait par ‘eaupropre’ / ’waterzuiver’, comme désignant la qualité ou la destination des produits concernés, à savoir des mélanges, sous forme liquide ou de poudre sèche, destinés à la biodégradation de déchets organiques ;

22. En effet, il y a pour le public pertinent un écart perceptible entre la formulation (‘aquaclean’ ‘eaupropre’ ‘waterzuiver’) et la terminologie (‘aqua’ ‘clean’ ‘eau’ ‘propre’ ‘water’ ‘zuiver’) par rapport aux produits concernés, propre à conférer au signe un caractère distinctif ;

23. L’écart entre la formulation et la terminologie résulte notamment du caractère inhabituel de la structure du signe, qui associe latin et anglais, qui place les composants dans un désordre syntaxique et linguistique (le signe ainsi que sa traduction littérale en néerlandais mettent l’adjectif après le substantif) et qui fait suivre les composants sans espace entre eux ;

24. Le public pertinent ne percevra pas le signe comme une manière usuelle de décrire les produits concernés. Il est donc apte à distinguer les produits du déposant des produits des autres entreprises ;

25. Il n’importe pas, contrairement à ce que prétend [la demanderesse], de se référer à la traduction ‘clean water’ par le déposant sur le certificat d’enregistrement, puisque cette traduction n’est qu’une mention obligatoire selon le formulaire administratif à remplir par le déposant et elle n’a donc rien à voir avec la perception du signe par le public pertinent telle que celle-ci a été décrite ci-dessus. Il en va de même de la description donnée par le déposant sur son site internet, laquelle confirmerait, selon l’autorité d’enregistrement, que le produit ‘Aquaclean’ est constitué à base d’eau, et qu’il a pour destination et pour caractéristique l’assainissement de surfaces d’eau au moyen d’un ensemble de bactéries. Un signe peut être évocateur sans être descriptif ;

26. Le fait que, selon l’autorité d’enregistrement, une recherche sur l’internet avec le moteur ‘Google’ conduirait à la conclusion que le terme ‘aquaclean’ est utilisé ‘par de nombreuses entreprises pour désigner des produits de nettoyage étant composés d’une base aqueuse, ayant pour destination l’assainissement de l’eau, ne change rien au constat dans le cas d’espèce que la perception concrète du public pertinent par rapport aux produits concernés, à savoir des mélanges, sous forme liquide ou de poudre sèche, destinés à la biodégradation de déchets organiques, ne conduit pas à la conclusion que le signe ‘Aquaclean’ désigne une ou plusieurs caractéristiques de ces produits. En effet, l’autorité d’enregistrement part d’une prémisse erronée, à savoir que le public pertinent perçoit le signe comme étant descriptif de la qualité ou de la destination des produits ;

27. Il s’ensuit que l’intérêt général sous-jacent du motif absolu de refus pour un signe qui n’a pas de pouvoir distinctif, et qui exige que soit garantie au consommateur l’identité d’origine du produit désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance, est respecté dans le cas d’espèce ;

28. Il faut ajouter que l’enregistrement d’un signe en tant que marque n’est pas subordonné au constat d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque ;

29. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits et de les distinguer de ceux d’autres entreprises, ce qui est le cas en l’espèce ;

30. Le signe n’informe pas directement et immédiatement le consommateur de la qualité ou de la destination des produits concernés. La simple évocation éventuelle ‘d’eau propre’ (ou, en néerlandais, de ‘zuiver water’) n’implique pas la désignation des caractéristiques au sens des dispositions légales applicables ;

31. Il résulte de ce qui précède que le signe Aquaclean est distinctif et qu’il n’est pas descriptif ;

32. A l’audience du 25 janvier 2008, les conseils des parties ont demandé une indemnité de procédure de 1.200 euros, soit le montant de base de l’indemnité de procédure pour les actions portant sur des affaires non évaluables en argent, et ceci, conformément à l’article 3 de l’arrêté royal fixant le tarif des indemnités de procédures visées à l’article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d’entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d’avocat ;

33. Cette demande est justifiée, en ce qui concerne la demanderesse ».

II. MOYEN

A) Exposé

4. Le moyen, qui porte cinq branches et est dirigé contre les décisions précitées de l’arrêt attaqué, est pris de la violation des dispositions légales suivantes :

- l’article 149 de la Constitution ;

- les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- les articles 6bis, § 1er, b) et c), 6ter et 8 de la loi uniforme Benelux sur les marques, annexée à la Convention Benelux en matière de marques de produits, signée à Bruxelles le 19 mars 1962, approuvée par la loi du 30 juin 1969, tels qu’ils ont été modifiés par le protocole du 11 décembre 2001, article 1er, F, G, H et I, approuvé par la loi du 24 décembre 2002 ;

- les articles 2.11.1, b) et c), 2.12 et 2.13 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) du 25 février 2005 (C.B.P.I.), entrée en vigueur le 1er septembre 2006, approuvée par la loi du 22 mars 2006 ;

- l’article 3, § 1er, b) et c), de la première directive nº 89/104/CEE du Conseil rapprochant les législations des États membres sur les marques ;

- les articles 10 (ex 5) et 249, alinéa 3 (ex 189, alinéa 3), du Traité du 25 mars 1957 instituant les Communautés européennes, approuvé par la loi du 2 décembre 1957, modifié par le Traité de Maastricht du 7 février 1992, approuvé par la loi du 26 novembre 1992, dans la version consolidée, établie par le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, approuvé par la loi du 10 août 1998, modifié par le Traité de Nice du 26 février 2001, approuvé par la loi du 7 juin 2002.

5. En sa troisième branche le moyen fait valoir que :

“3.1. Lors de l’appréciation des motifs absolus de refus d’enregistrement d’une marque prévus à l’article 6bis, § 1er, b) (défaut de caractère distinctif) et c) (marque descriptive, c’est-à-dire marque composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner (…) des caractéristiques (du produit concerné)), l’arrêt se fonde sur plusieurs critères juridiquement inexacts, ce qui le rend légalement non justifié.

3.2. Ainsi, l’arrêt retient à tort comme critère applicable et condition nécessaire pour conclure à la présence d’un des motifs absolus de refus précités « la perception immédiate et concrète par le public pertinent lorsque celui-ce est confronté au signe dans son ensemble et notamment [le] rapport concret et direct entre les produits et le signe verbal que le public pertinent établira immédiatement et sans autre réflexion »
.

Appliquant ce critère erroné au cas d’espèce, l’arrêt considère que « le signe [litigieux] n’informe pas directement et immédiatement le consommateur de la qualité ou de la destination des produits concernés ».

L’arrêt en conclut que « le signe Aquaclean est distinctif et qu’il n’est pas descriptif ».

3.3. L’arrêt exige également à tort comme condition de l’absence de caractère distinctif au sens des dispositions légales précitées le fait que le signe en question ne soit pas « un signe qui s’impose pour désigner les produits concernés ou leur(s) caractéristique(s) » ainsi que le fait que « le public pertinent ne percevra pas le signe comme une manière usuelle de décrire les produits concernés », d’où l’arrêt conclut que le signe litigieux est donc apte à distinguer les produits du déposant des produits des autres entreprises.

3.4. Contrairement aux exigences ainsi imposées par l’arrêt, le refus d’enregistrement pour absence de caractère « distinctif » ou en raison du caractère « descriptif » du signe concerné qui entraîne l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 6bis, b) et c), de la loi uniforme Benelux (tel que modifié par le Protocole du 11 décembre 2001), de l’article 2.11.1, b) et c), de la de la C.B.P.I. et de l’article 3, § 1er, b) et c), de la directive 89/104/CEE sur le rapprochement des législations des États membres sur les marques telle qu’elle a été interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes, n’exige pas que le signe concerné, « s’impose » à la suite d’une perception par le public pertinent « immédiate » et « directe » et « concrète », « sans autre réflexion », comme la description « usuelle » pour décrire ou désigner effectivement les produits concernés ou une ou plusieurs de leurs caractéristiques.

3.5. Il suffit, suivant ces dispositions, telles qu’elles ont été, en ce qui concerne les dispositions précitées de la directive nº 89/104/CEE, interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, que le signe concerné « puisse servir » - les dispositions légales visent les signes « pouvant servir » - à désigner le produit ou une de ces caractéristiques. Il n’est nullement requis que le signe concerné soit « le mode exclusif » de la désignation ou « s’impose » pour désigner le produit ou une de ces caractéristiques. Il n’est pas non plus requis que le signe constitue « la manière usuelle » de décrire les produits concernés, le motif de refus déduit du caractère « usuel » du signe concerné dans le langage courant faisant d’ailleurs l’objet d’une disposition légale spéciale, à savoir l’article 6bis, § 1er, d), de la loi uniforme Benelux (article 2.11.1, d) C.B.P.I.

Aux fins d’apprécier si une marque relève du motif de refus d’enregistrement énoncé aux articles 6bis, c), précité de la loi uniforme Benelux, 2.11.1, c) C.B.P.I. et 3, § 1er, c), de la directive 89/2104/CEE, il est en effet indifférent qu’il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits concernés

3.6. L’arrêt, qui est fondé sur les principes ou critères juridiques précités erronés qu’il applique, méconnaît les règles exactes précitées (nº 3.4 et 3.5), telles qu’elles découlent notamment de la jurisprudence interprétative de la Cour de justice des Communautés européennes et de la jurisprudence de la Cour de cassation.

3.7. En méconnaissant ces règles que la demanderesse avait invoquées en conclusions, l’arrêt viole toutes les dispositions légales précitées (sous le nº 3.4), ainsi que les articles 8 de la loi uniforme Benelux (modifié par Protocole du 11 décembre 2001) et 2.13 C.B.P.I., rendant ces premières dispositions applicables aux dépôts internationaux, et les articles 6ter de la loi uniforme Benelux (modifié par Protocole du 11 décembre 2001) et 2.12 C.B.P.I., obligeant la juridiction d’appel saisie d’un recours contre une décision de refus d’enregistrement, à appliquer les règles précitées.

3.8. Dans la mesure où l’arrêt ne se conforme pas, dans l’interprétation de sa loi nationale, en l’occurrence la loi uniforme Benelux, à la directive nº 89/104/CEE, il viole en outre les dispositions précitées du Traité, qui obligent le juge national à appliquer son droit national, dans la mesure du possible, en conformité avec les dispositions d’une directive européenne telles qu’elles sont interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes.

6. Ainsi, en résumé, le moyen, en cette branche, fait grief à la cour d’appel d’avoir apprécié l’absence de caractère descriptif du signe à l’aune de critères juridiquement inexacts et, plus précisément, de n’avoir pas eu égard, dans son appréciation du caractère descriptif du signe, à la circonstance que celui-ci, s’il n’est pas actuellement descriptif, pourrait peut-être l’être dans d’autres circonstances.

En effet, comme je le préciserai ci-après, il ressort de la jurisprudence européenne relative au droit des marques, qui est également pertinente dans le cadre de l’interprétation du droit Benelux, qu’un signe a une caractère descriptif non seulement lorsque, dans l’esprit du public concerné, il désigne hic et nunc une caractéristique du produit concerné, mais aussi lorsque ce signe pourrait avoir un tel effet (à l’égard, par exemple, d’un autre public).

La question, que le moyen en cette branche me paraît soumettre à la Cour, est de vérifier si les juges d’appel ont, lors de leur propre examen, non seulement examiné le caractère actuellement descriptif du signe, mais aussi son caractère potentiellement descriptif.

7. Le mémoire en réponse ne conteste pas l’existence d’un tel critère juridique. Il soutient par contre qu’il ne résulte nullement de la décision attaquée que les juges d’appel n’auraient pas eu égard à ce critère. Au contraire, l’arrêt constate expressément, au point 16, sub v), qu’un « signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés ».

B) Discussion

8. Sur le droit applicable à la présente espèce, il échoit d’observer que l’arrêt attaqué, du 16 mai 2008, se réfère aux “prescriptions de l’article 6 de ladite loi uniforme (qui) correspondent aux dispositions de l’article 2.11 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) (…) et énonce qu’ “ils doivent être interprétés à la lumière de la jurisprudence communautaire européenne sur la portée des dispositions de la première directive et du règlement précités”.

Le moyen est pris de la violation tant des articles 6bis, § 1er, b) et c), 6ter et 8 de la loi uniforme Benelux sur les marques, annexée à la Convention Benelux en matière de marques de produits, signée à Bruxelles le 19 mars 1962, approuvée par la loi du 30 juin 1969, tels qu’ils ont été modifiés par le protocole du 11 décembre 2001, article 1er, F, G, H et I, approuvé par la loi du 24 décembre 2002 et des articles 2.11.1, b) et c), 2.12 et 2.13 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) du 25 février 2005 (C.B.P.I.), entrée en vigueur le 1er septembre 2006.

Il me paraît suffisant de viser l’article 6bis, § 1er, b) et c), de la loi uniforme Benelux sur les marques, modifié par le protocole du 11 décembre 2001, entré en vigueur le 1er janvier 2004, dès lors que la décision définitive du Bureau Benelux des marques est intervenue le 16 juin 2006, soit donc avant l’entrée en vigueur, le 1er septembre 2006, de l’article 2.11.1, b) et c), de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005.

Au demeurant, les deux textes en cause sont à peu près identiques (le second se borne à mentionner sub c) « la prestation de service » en plus de « la production du produit ») et doivent tous deux être interprétés conformément à l’article 3, § 1er, de la première directive 89/104/CEE. a fait application de cette disposition.

9. Le moyen, en cette branche, est fondé.

8. En vertu de l’article 6bis, § 1er, b) et c), applicable en l’espèce, de la loi uniforme Benelux sur les marques, le Bureau Benelux refuse d’enregistrer une marque lorsqu’il considère que la marque est dépourvue de caractère distinctif ou qu’elle est composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit, ou d’autres caractéristiques de celui-ce.

10. Cette disposition doit être interprétée et appliquée conformément à l’article 3, § 1er, b) et c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil des Communautés européennes du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques( 6 ).

14. L’autorité compétente doit, en vertu de l’article 3, § 1er, c), de la directive, apprécier si une marque dont il est demandé l’enregistrement constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits ou des services concernés ou s’il est raisonnable d’envisager que tel soit le cas dans l’avenir et qu’il est indifférent qu’existent d’autres signes ou indications plus usuels que ceux composant ladite marque pour désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande d’enregistrement, l’article 3, § 1er, c), n’exigeant pas que les signes ou indications qu’il vise soient le mode exclusif de désignation desdites caractéristiques ( ).

11. Il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive que chacun des motifs de refus d’enregistrement mentionnés par cette disposition est indépendant des autres et exige un examen séparé( ).

13. Pour que l’enregistrement d’une marque soit refusé en raison de son caractère descriptif, il n’est pas nécessaire que les signes ou indications composant la marque visés à l’article 3, § 1er, c), de la directive soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés( 2

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