Numéro de requête R98/606

Date
Instance
REC NL
Marque
ONBEGRIJPELIJK LEKKER
Numéro de dépôt
Déposant
Haribo Nederland B.V.
Texte

Numéro de requête: 898/606

 

Haribo Nederland B.V. contre Bureau Benelux des Marques

 

AU NOM DE LA REINE

 

Prononcé: 19 février 2004

Numéro de requête: 898/606

 

La cour d’appel de La Haye, chambre MC 5,

 

a rendu l’ordonnance suivante

 

à la requête de:

 

Haribo Nederland B.V.

dont le siège est à Breda,

requérante,

(dénommée ci-après: Haribo)

avoué: Me P.J.M. von Schmidt auf Altenstadt,

avocat: Me N. Ruyters (Breda),

 

contre

 

le Bureau Benelux des Marques,

dont le siège est à La Haye,

défendeur,

(dénommé ci-après : le Bureau)

avoué: Me C.J.J.C. van Nispen.

 

La suite de la procédure

 

Pour les antécédents de la procédure, la cour se réfère à l’ordonnance interlocutoire du 13 février 2003 rendue dans la présente affaire. Par cette ordonnance, la cour a permis à Haribo de prendre des conclusions. Haribo a ensuite déposé, par conclusions, des pièces assorties d’un commentaire, sur quoi le Bureau a réagi par un mémoire en réponse.

 

Poursuite de l’appréciation de la requête

 

1. La cour se base sur les faits mentionnés au point 2 de l’ordonnance interlocutoire du 13 février 2003.

 

2. Par l’ordonnance précitée du 13 février 2003, la cour a permis à Haribo de prendre des conclusions tendant à prouver que de 1994 à la date du dépôt du signe ‘ONBEGRIJPELIJK LEKKER’, de nombreuses annonces contenant le signe ont été publiées, tout en lui offrant la possibilité de verser au dossier du matériel visuel.

 

3. Haribo a versé au dossier deux cassettes vidéo et quelques pièces écrites (numérotées de 8 à 25). Les cassettes vidéo contiennent chacune (une série) des spots publicitaires à la télévision, datés respectivement de 1994 et 1997.

 

4. Les pièces écrites comportent en premier lieu un certain nombre d’annonces publiées dans des périodiques néerlandais de chaînes de supermarchés et des revues destinées à au secteur des denrées alimentaires, datant de la période antérieure au dépôt qui est pertinente pour l’appréciation (pièces 11, 15, 16, 17, 20, 21, 22, 25). De plus, Haribo a produit des pièces qui portent sur la fréquence et le degré d’efficacité des campagnes médiatiques de Haribo au cours des années 1994, 1995, 1996 et ultérieures (pièces 8, 18, 19, 24). Il s’agit entre autres de plans de marketing pour 1996 et 1997 ainsi que d’évaluations des campagnes publicitaires de 1994, 1995 et 1996, et de relevés attestant le niveau des dépenses publicitaires et la fréquence de diffusion des spots sur les chaînes de télévision et de radio aux Pays-Bas.

 

5. Haribo a illustré le contenu du message présenté dans la campagne publicitaire avec des reproductions des activités promotionnelles dans le pays et des posters publicitaires (billboards (pièces 10, 12, 13)), les textes d’un spot radio (pièce 23) et en remettant les cassettes vidéo déjà citées. Enfin, Haribo a produit une convention du 19 janvier 1994 avec la firme qui, selon ses dires, a imaginé et réalisé la campagne publicitaire sur le thème 'onbegrijpelijk lekker' (pièce 9).

 

6. En ce qui concerne les pièces produites par Haribo pour étayer la consécration par l’usage dont elle se prévaut, le Bureau a soutenu par mémoire en défense que le signe déposé est utilisé en combinaison avec la marque verbale Haribo, que le matériel produit (jusqu’ici) indique beaucoup plus un usage destiné à vanter les produits concernés qu’un usage comme marque et, au surplus, qu’à la date du dépôt, aucun usage pertinent n’était avéré en Belgique ou au Luxembourg. Dans son mémoire en réponse, le Bureau fait savoir que, dans l’exercice de sa mission, il applique, pour la preuve de la consécration par l’usage, un critère sensiblement moins sévère que ne le ferait un juge dans une procédure en nullité, qu’il examine uniquement s’il n’est raisonnablement pas exclu que le juge, après examen des preuves de consécration par l’usage, arrive à la conclusion que le signe a été consacré par l’usage et que, partant de ce point de vue, il conclut que Haribo a établi à suffisance que le signe a été consacré par l’usage en ce qui concerne le territoire néerlandais. La thèse du Bureau se concentre pour le reste sur le fait que la consécration du signe par l’usage n’est pas avérée en dehors du territoire néerlandais.

 

7. La cour fait remarquer que le Bureau devra décider de manière autonome si les conditions de la consécration par l’usage, telles qu’elles résultent entre autres de la jurisprudence (en particulier CJCE 4 mai 1999, NJ 2000, 269 en cause 'Chiemsee'), sont remplies, sans appliquer un seuil inférieur, comme le Bureau le préconise dans son mémoire en réponse. La cour estime dès lors ne pas être liée par la conclusion du Bureau.

 

8. Comme il a été considéré au point 5.2 de l’ordonnance interlocutoire précitée, il reste encore à déterminer si le signe 'ONBEGRIJPELIJK LEKKER', qui est dépourvu dès le départ de tout caractère distinctif, sera perçu, à cause d’un usage intensif et de longue durée comme marque, par le public concerné dans le Benelux ou du moins une fraction considérable de celui-ci, comme un signe qui atteste l’identité du produit comme provenant d’une entreprise déterminée. Seul l’usage du signe avant le 1er juillet 1997 est pertinent pour l’appréciation, étant donné que l’on peut uniquement avoir égard à l’usage du signe jusqu’au moment du dépôt (Cour de Justice Benelux 26 juin 2000, BIE 2001, 24).

 

9. Il ressort du matériel remis par Haribo qu’elle a mené une grande campagne publicitaire aux Pays-Bas. Cela ne suffit pas pour faire admettre la consécration par l’usage. Les plans de marketing et les évaluations montrent seulement que l’objectif de communication retenu est la notoriété de l’appellation Haribo et, pour le reste, que la publicité vise des groupes cibles limités, à savoir les enfants dans certaines catégories d’âge et les jeunes parents. Les pièces produites ne contiennent donc pas d’indications sur le degré d’identification du signe en cause auprès du public. On n’y retrouve rien non plus sur la part de marché du produit vendu sous le signe.

 

10. Le message véhiculé dans la campagne publicitaire, telle qu’il ressort du matériel produit, n’établit pas davantage qu’il a contribué à faire identifier 'onbegrijpelijk lekker' comme une marque. Haribo allègue que 'onbegrijpelijk lekker' apparaît chaque fois à la fin des publicités à la télévision et à la radio. ‘onbegrijpelijk lekker’ ne se rencontre pas du tout dans la série des spots télévisés de 1997. Le matériel restant permet certes de déduire que le signe est utilisé comme phrase finale dans les spots TV et radio, après que les mots ‘onbegrijpelijk’ et ‘haribo’ aient été scandés en alternance (transcription du spot radio et du scénario du spot TV intitulé 'rock&rolP, remis comme pièce 23 et les spots télévisés de 1994). Dans la série de spots télévisés de 1994, le signe est en outre reproduit brièvement à la fin. Lorsque le signe est représenté sur le matériel remis, le texte se trouve sous l’indication 'HARIBO' dans une banderole ou un cartouche, (en général) accompagné d’un point d’exclamation. Les différentes lettres colorées de 'HARIBO' sont plus grandes que celles du texte 'onbegrijpelijk lekker!' écrit dans une seule police de caractères. Considérant les modalités décrites de l’usage écrit et visuel, la cour juge improbable que le public concerné qui entendrait ou verrait (sans cesse) le signe y aurait vu, à l’époque du dépôt, autre chose que le fait de vanter le produit (de Haribo) comme ayant un goût particulièrement délicieux.

 

11. La cour prend en considération la période pendant laquelle le signe a été utilisé, avant son dépôt le 1er juillet 1997. La convention du 19 janvier 1994 (pièce 9) produite par Haribo mentionne le 1er mars 1994 comme date de lancement de cette campagne publicitaire. Même si l’on admet que la campagne publicitaire, comme l’affirme Haribo, a commencé (plus tôt) en 1994, il s’agit d’une période relativement courte.

 

12. Haribo ne réussissant pas à établir la consécration par l’usage en ce qui concerne le territoire néerlandais, la cour n’est pas amenée à décider si la consécration du signe sur le seul territoire néerlandais peut suffire pour l’enregistrement de ce signe.

 

13. La cour estime, tout bien considéré, que le matériel produit par Haribo est insuffisant pour décider que le public concerné dans le Benelux, ou du moins une fraction considérable de celui-ci, identifiera l’indication 'onbegrijpelijk lekker' comme un signe qui atteste l’identité du produit comme provenant d’une entreprise déterminée. Le moyen tiré de la consécration par l’usage est rejeté.

 

14. La cour estime, vu ce qui précède, que le signe déposé est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits pour lesquels il est déposé au sens de l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM

 

15. La conclusion est que le Bureau a refusé à juste titre le signe déposé. La requête de Haribo sera rejetée. Etant partie succombante, Haribo sera condamnée aux dépens de l’instance, dans la mesure où des frais ont été exposés dans le chef du Bureau.

 

Décision

 

La cour:

 

Rejette la requête de Haribo;

 

Condamne Haribo aux frais de la procédure et taxe ceux-ci jusqu’à ce prononcé, pour le Bureau Benelux des Marques, à € 2126,--.

 

La présente ordonnance a été rendue les conseillers Fasseur van Santen, Kiers Becking et Ottevangers et a été prononcée à l’audience publique du 19 février 2004 , en présence du greffier.

 

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