Numéro de requête R01/555

Date
Instance
REC NL
Marque
IE-MAIL
Numéro de dépôt
Déposant
UNIPAT Beheer B.V.
Texte
Numéro de requête: R01/555
 
AU NOM DE LA REINE
 
UNIPAT Beheer B.V. contre BUREAU BENELUX DES MARQUES
 
Prononcé: 16 décembre 2004
Numéro de requête: 801 /555
 
La cour d'appel de La Haye, chambre MC-5,
 
a rendu l'ordonnance suivante à la requête de:
 
UNIPAT Beheer B.V.,
dont le siège est à La Haye,
requérante, (dénommée ciaprès: Unipat)
avoué: Me A.H. de Bosch Kemper -de Hilster,
 
contre
 
le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
avoué: Me C.J.J.C. van Nispen.
 
La procédure
 
Par requête (avec annexes) parvenue au greffe de la cour le 19 juillet 2001, Unipat a demandé à la cour d'ordonner au Bureau Benelux des Marques d'enregistrer le signe déposé sous le numéro 961593 IE-Mail comme marque verbale.
 
Par mémoire en défense parvenu au greffe de la cour le 21 septembre 2001, le Bureau Benelux des Marques a demandé de rejeter la requête d'Unipat, dépens comme de droit.
 
L'examen de l'affaire a été ensuite suspendu à la demande des parties .
 
Par lettre du 26 m ai 2004, Unipat a fait savoir qu'elle souhaitait poursuivre l'examen de la requête.
 
Par lettre du 19 novembre 2004, le BBM a versé quelques pièces au dossier et Unipat a versé une pièce au dossier par lettre du 26 novembre 2004.
 
La procédure orale concernant la requête a eu lieu le 28 novembre 2004. A cette occasion, Unipat a fait exposer son point de vue par Me De Bosch Kemper - de Hilster, préqualifié, et le Bureau Benelux des Marques par Me Van Nispen, préqualifié, tous deux à l'aide de notes de plaidoirie.
 
Examen de la requête
 
1.         La requête a été introduite dans le délai.
 
2.         Les pièces de la procédure et les déclarations des parties font apparaître ce qui suit:
a. Unipat a déposé le 4 avril 2000, sous le numéro 0961593, le signe IE-MAIL comme marque verbale pour les classes suivantes de produits et services:
 
cI. 16 Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes; produits de l'imprimerie; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); produits précités en rapport avec le droit et en particulier la propriété intellectuelle.
 
cl. 42 services juridiques, y compris les conseils dans le domaine du droit des brevets, des marques, des modèles et du droit d'auteur, dans le domaine des licences; exploitation de droits de brevet .
 
b. Par lettre du 24 août 2000, le Bureau Benelux des Marques a fait savoir qu'il refusait provisoirement d'enregistrer le dépôt. Comme motif(s), le Bureau Benelux des Marques a indiqué:
"Le signe IE-MAIL est composé exclusivement de l'abréviation usuelle IE (voor propriété intellectuelle) et du terme générique mail et est dépourvu de caractère distinctif pour les produits et services mentionnés dans les classes 16 et 42 en rapport avec le mail dans le domaine de la propriété intellectuelle (cf. article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (. . .)). "
c. Par lettre du 22 février 2001, Unipat s'est opposée au refus provisoire de l'enregistrement du dépôt.
 
d. Le Bureau Benelux des Marques n'a pas vu dans les objections avancées par Unipat un motif de revoir son refus provisoire (lettre du 17 avril 2001)
 
e. Unipat a ensuite étayé son point de vue antérieur par lettre du 15 mai 2001 (avec annexes).
 
f. Par lettre du 21 mai 2001, le Bureau Benelux des Marques a notifié à Unipat sa décision portant refus de l'enregistrement du dépôt.
 
g. Par lettre du 13 juillet 2001, le BBM a communiqué que les objections avancées par elle dans sa lettre du 15 mai 2001 devaient être considérées comme tardives et non recevables à cause de leur réception après le délai et a maintenu son refus.
 
3.         Unipat expose – en bref – que le signe IE-MAIL a un caractère distinctif pour les produits et services concernés. Par requête, Unipat a fait valoir que le signe est consacré par l'usage en raison de son usage comme marque. Lors de la procédure orale, Unipat a déclaré ne pas maintenir cette thèse de même que l'invocation du principe d'égalité. Le Bureau Benelux des Marques a contesté de manière motivée les allégations d'Unipat.
 
4.         La cour considère ce qui suit.
Le refus du Bureau Benelux des Marques d'enregistrer le dépôt est fondé sur les dispositions de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après: LBM), dans leur libellé avant la modification en vertu du Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (Trb. 2002, 37). Cette partie de l'article disposait que l'enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er de la LBM, ‘notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.'
 
5.         Ledit article de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle énonce entre autres:
"B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
1. (…)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;"
 
6.         L'actuel article 6bis, alinéa 1er, de la LBM reprend les termes de l'article 3, § 1er, sous a à d, de la première directive (89/104/CEE) du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques (JOCE 1989, L 40/1). Il est admis qu'il n'existe aucune différence matérielle entre la disposition actuelle, d'une part, et la disposition en vigueur jusqu'au 1er janvier 2004. D'après le Commentaire commun des gouvernements annexé audit Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (article F), la modification de l'article 6 bis, alinéa 1er, de la LBM n'entend rien changer au fond.
 
7.         La question est de savoir si le signe est dépourvu de caractère distinctif au sens des dispositions précitées.
L'appréciation du caractère distinctif d'un signe doit s'effectuer, d'une part, au regard des produits ou services pour lesquels il est déposé et, d'autre part, en relation avec la perception du signe par le public concerné. Unipat affirme à l'audience que par le public concerné, il convient d'entendre les sociétés de personnes mentionnées sur la liste d'expédition de son bulletin d'information, ce que conteste le Bureau Benelux des Marques. Dès lors qu'Unipat ne démontre cette définition du public face à la contestation du Bureau Benelux des Marques, la cour part du principe que le public concerné se composera des acquéreurs (potentiels) des produits et services en relation avec le domaine juridique de la propriété intellectuelle.
 
8.         Dans le cas d'un signe composé comme celui-ci, le caractère distinctif, qui exige une appréciation du signe dans sa globalité, ne peut être dissociée de la signification des signes qui le composent. Ce sont en l'espèce les éléments 'IE' et 'mail'.
Les lettres (capitales) accolées l'une à l'autre IE forment - avec ou sans points – une abréviation usuelle dans les milieux concernés pour la notion 'propriété intellectuelle', soit le domaine du droit qui couvre la propriété intellectuelle. La signification de l'élément 'mail' est: envoi postal ou imprimé. Le terme générique 'mail' appartient au langage courant néerlandais, comme en témoignent des noms composés courants tels que fanmail, mailverkeer, directmail et mailboot. Contrairement à ce qu'affirme Unipat, la signification du mot n'est pas limitée à la poste 'électronique'. Pour le public concerné, le signe dans sa globalité a donc la signification immédiate : courrier ou imprimés se rapportant à la propriété intellectuelle.
 
9.         'IE-MAIL' ne prime pas la somme de ses éléments. Contrairement à ce qu'affirme Unipat, la combinaison verbal IE-MAIL sera perçue par le public concerné comme étant exclusivement descriptive pour les produits et services pour lesquels le signe est déposé, dans la mesure où ils se rapportent au courrier ou aux imprimés dans le domaine de la propriété intellectuelle ou de l'envoi de conseils dans ce domaine. Tant 'IE' que 'mail' seront compris par le public concerné comme des indications non équivoques des caractéristiques de tels produits et services. Le mode de juxtaposition des éléments et le signe qui en résulte ne font pas en sorte que le signe prime la signification précitée du signe. Il en va de même pour le trait d'union, l'usage des lettres capitales (IE) et la combinaison d'un mot (emprunté à l') anglais et d'une abréviation néerlandaise.
De plus, le caractère exclusivement descriptif du signe n'est pas influencé par sa prononciation éventuelle comme e-mail (phonétiquement: 'i-mél'), qu'Unipat fait valoir. En effet, un signe est dépourvu de caractère distinctif lorsque – comme en l'espèce – il désigne, dans l'une de ses significations potentielles, les (caractéristiques des) produits ou services concernés (Cour de justice des Communautés européennes 12 février 2004, affaire C363/99, no. 97, concernant 'Postkantoor'). La cour estime que le signe ne crée pas une impression suffisamment éloignée de l'impression produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent. Il n'a été ni allégué ni établi, au surplus que le signe a acquis une signification propre, non descriptive, dans le langage courant. L'arrêt de la Cour de justice du 16 septembre 2004, affaire C-329/02 concernant 'SAT.2', invoqué par Unipat, ne conduit pas à une autre conclusion. La cour n'interprète pas cet arrêt dans le sens où, par rapport aux arrêts antérieurs de la Cour de justice, il consacrerait un critère divergent pour l'appréciation du défaut de caractère distinctif d'un signe au sens des dispositions précitées. (points 4, 5 et 6 des motifs).
 
10.            L'argument d'Unipat tiré de l'usage du signe pour un bulletin d'information envoyé uniquement par courrier 'ordinaire' qui ne concerne que la propriété intellectuelle ne conduit pas non plus à une autre conclusion. Le signe n'est pas moins descriptif au cas où il serait utilisé de la manière décrite par Unipat.
 
11.       La cour considère au surplus qu'Unipat relève vainement les différents enregistrements dans le registre des marques Benelux qui comportent l'élément 'mail'. La cour doit, en effet, apprécier le caractère distinctif de IE-MAIL suivant ses mérites propres sur base des règles applicables .
 
12.       La cour considère qu'elle peut s'abstenir de décider si, comme l'a affirmé Unipat, le Bureau Benelux des Marques aurait dû avoir égard aux arguments avancés dans sa lettre du 15 mai 2001, dès lors qu'ils n'entraînent pas une autre décision.
 
13.       Unipat échoue par conséquent à faire admettre que IE-MAIL possède un caractère distinctif pour les (chacun des) produits et services pour lesquels il a été déposé.
 
14.       En conclusion, la requête d'Unipat sera rejetée. Unipat, étant partie succombante, sera condamnée aux dépens de l'instance, dans la mesure où ils ont été exposés par le Bureau Benelux des Marques.
 
Décision
 
La cour:
 
Rejette la requête d'Unipat;
 
Condamne Unipat aux dépens de la procédure et fixe ceux-ci jusqu'à ce prononcé à € 2.003,55, pour le Bureau Benelux des Marques dont € 215,55 en droit fixe et € 1.788,- en honoraires d'avoué.
 
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Kiers -Becking et Verduyn, et prononcée à l'audience publique du 16 décembre 2004, en présence du greffier.
 
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